L’assuré peut être l’auteur d’une fausse déclaration intentionnelle du risque, résultant d’un mensonge à l’assureur, témoignant ainsi de sa mauvaise foi. Si cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, l’assuré peut se voir opposer la nullité du contrat d’assurance sur le fondement de l’article L113-8 du Code des assurances et ne sera en conséquence pas garanti.
En revanche, lorsque l’assuré est de bonne foi, c’est-à-dire, lorsqu’il s’agit d’une omission ou d’une erreur involontaire il s’agira d’une fausse déclaration non intentionnelle. C’est également le cas, lorsque l’assureur ne parvient pas à démontrer la mauvaise foi de l’assuré. Il devra donc agir sur le fondement de l’article L113-9 du Code des assurances afin de sanctionner l’assuré par une réduction proportionnelle de l’indemnité qui serait allouée en cas de sinistre garanti.
C’est pourquoi, il convient de différencier les fausses déclarations intentionnelles de celles qui ne le sont pas. Dans cette optique, nous analyserons les éléments permettant de déterminer l’intention dans une fausse déclaration (§1) et le moment d’appréciation de cette fausse déclaration (§2). En effet, selon qu’il s’agisse d’une fausse déclaration intentionnelle ou non, elle ne sera pas sanctionné de la même manière (§3).
§1 : Les éléments déterminant l’intention dans la fausse déclaration
Il semble utile, avant tout, de définir l’intention. Il s’agit de la disposition d’esprit par laquelle on se propose délibérément un but(2). L’intention première de l’assuré dans la fausse déclaration est de tromper volontairement l’assureur. La tromperie de l’assuré résulte de la grossièreté de la fausse déclaration.
Il en est ainsi d’une fausse déclaration à deux reprises de l’assuré (dirigeant de la société) ne pouvant ignorer les éléments demandés par l’assureur caractérisant de ce fait l’intention de l’assuré de tromper l’assureur par une fausse déclaration intentionnelle modifiant l’appréciation du risque par l’assureur(3).
En pratique, la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré a souvent pour motif un enrichissement, c’est-à-dire que l’assuré ment lors des réponses au questionnaire afin que l’assureur apprécie le risque comme moins élevé qu’il ne l’est en réalité, ce qui aura pour conséquence une diminution de la cotisation qu’il devra payer. Il nous semble tout à fait logique que plus un risque est élevé plus il coutera cher.
En application de l’article 2274 du Code civil, « la bonne foi est toujours présumée et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi qui doit le prouver ». Par conséquent la bonne foi de l’assuré est préservée si l’assureur ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel de la déclaration. C’est pourquoi pour prononcer la nullité du contrat sur le fondement de l’article L113-8 du Code des assurances l’assureur doit démontrer trois éléments : une question suffisamment claire et précise posée au souscripteur, l’inexactitude des réponses apportées par l’assuré et que la fausse déclaration a diminué l’opinion de l’assureur sur le risque. Si l’un des éléments n’est pas démontré la nullité du contrat est écartée(4). Il est fréquent que la jurisprudence soit amenée à rappeler que pour prononcer la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle, l’assureur doit démontrer la mauvaise foi de l’assuré et que cette fausse déclaration a diminué l’opinion du risque qu’il se faisait(5). A quelques différences près dans la rédaction des décisions, la position de la deuxième chambre civile est constante, ainsi dans un arrêt du 29 mars 2012 elle fait référence à « la précision des questions posées, la grossièreté de l’inexactitude des réponses et le degré d’instruction du souscripteur »(6).
Le problème de la fausse déclaration intentionnelle se rencontre dans plusieurs domaines, notamment, les assurances de dommages pour lesquelles il est courant d’avoir un mensonge intentionnel du chef d’entreprise, notamment sur le détail des activités de l’entreprise, l’effectif de l’entreprise ou encore l’année de construction d’un immeuble(7). Par ailleurs, les assureurs rencontrent également des problèmes de fausse déclaration intentionnelle dans les branches d’assurances prévoyance et santé. En effet, lors de la souscription de contrats d’assurance, tels que l’assurance homme clé ou encore pour le versement d’indemnités journalières en cas de maladie, il arrive que des chefs d’entreprise, soumis à des questionnaires médicaux, omettent de déclarer des antécédents médicaux, constituant ainsi une fausse déclaration intentionnelle donnant lieu à sanction.
Pour ces mêmes faits, la deuxième chambre civile, a jugé, le 12 avril 2012 que les conditions d’adhésion à l’assurance de groupe étaient suffisamment claires et précises que « même dépourvu de connaissances médicales, l’assuré ne pouvait ignorer l’importance de révéler ces antécédents médicaux récents, répétitifs et invalidants. L’ignorance de ces antécédents médicaux a eu pour conséquence de changer l’objet du risque ». Ainsi la fausse déclaration peut résulter d’une omission et non pas seulement d’une inexactitude. L’omission constituant
« un fait positif, facilitant la preuve de l’élément intentionnel, mais n’empêche pas les juges du fond, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, de considérer qu’une réticence ou omission peut être volontaire »(8).
La jurisprudence de la deuxième chambre considère que l’assuré qui appose sa signature, a approuvé le questionnaire de santé dont les réponses aux questions, sous forme de case « oui » « non », même lorsqu’elles ont été cochées par l’assureur sur les déclarations de l’assuré. Les juges, pour écarter la nullité du contrat, ont retenu que les questions étaient suffisamment précises, que l’assuré exerçant la fonction de courtier, ne pouvait ignorer le sens des questions, et qu’il a commis une fausse déclaration en répondant qu’il n’avait pas fait l’objet d’un arrêt de travail de plus de 21 jours pour raison de santé ces cinq dernières années et ne pas avoir été soigné pour problèmes mentaux. De plus, dans cette espèce, l’assuré exerce la profession de courtier. On peut donc raisonnablement penser que celui-ci connaissait le fonctionnement du questionnaire de risque et sait très bien à quoi il s’expose en ne répondant pas avec exactitude au questionnaire de santé soumis par l’assureur. Par conséquent, il semble normal que les juges tiennent compte du degré de connaissance du souscripteur, ce qui ne serait pas normal c’est d’exiger le même degré d’information de la part d’un souscripteur profane et d’un souscripteur professionnel de l’assurance. Constitue donc une fausse déclaration intentionnelle ayant modifié l’appréciation du risque par l’assureur, sanctionnée par la nullité du contrat(9).
A noter que la deuxième chambre civile a précisé récemment que la fausse déclaration intentionnelle doit être appréciée en considération des arguments de l’assuré. En l’occurrence, l’assureur invoque la nullité du contrat en raison de la non-déclaration par l’assuré de ses antécédents judiciaires. L’assuré faisant valoir qu’il comprenait mal le français et ne le lisait pas. Il ne s’était borné qu’à apposer sa signature là où le courtier le lui avait demandé, qu’il avait approuvé une mention pré-rédigée sans en comprendre la portée, le courtier ne l’ayant pas suffisamment informé sur les conséquences de sa signature, ainsi l’assureur ne peut opposer à l’assuré sa fausse déclaration(10).
Après avoir défini les éléments permettant de déterminer l’existence d’une fausse déclaration intentionnelle, nous allons voir à quel moment la fausse déclaration donnant lieu à sanction doit-elle être appréciée.
§2 : Moment d’appréciation de la fausse déclaration :
La deuxième chambre civile a considéré, en 2012, que la fausse déclaration doit s’apprécier au jour de la conclusion du contrat initial et non au jour de l’avenant, lorsque le contrat a été suspendu et non résilié, suite à une cession du véhicule assuré. Contrat qui a été remis en vigueur, pour le nouveau véhicule, lors de la signature de l’avenant. L’assureur avait refusé de garantir le sinistre au motif que lors de la souscription du contrat initial l’assuré avait omis de déclarer deux sinistres concernant un autre véhicule assuré auprès d’un autre assureur. C’est donc en se plaçant au jour de la souscription du contrat initial qu’il convient d’apprécier la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré donnant lieu à nullité du contrat(11).
C’est également la position qu’elle a retenue dans un arrêt de 2013(12), en jugeant que la fausse déclaration de l’assuré devait s’apprécier au moment de l’extension de garantie du contrat et non au moment de la signature de l’avenant, qui n’est qu’un instrument de preuve et non une condition de validité de la modification dans cette espèce. L’assureur ne pouvait donc pas refuser sa garantie pour fausse déclaration de l’assuré pour un sinistre survenu le lendemain de la prise d’effet de la modification et avant la signature effective de l’avenant. En l’occurrence, l’assuré avait rétablit sa garantie « promenade, trajet, travail » pour son deux-roues, par un appel téléphonique le 20 octobre 2005, il avait été convenu d’une prise d’effet de la modification au 21 octobre 2005 à 0h00. Il est victime d’un accident le 21 octobre 2005 à 1h40 et l’assureur lui refuse sa garantie au motif qu’il avait gardé sous silence ce sinistre lors d’un appel téléphonique le 21 octobre 2005 dans la matinée et également lors de la signature de l’avenant le 31 octobre. Dans cette affaire la Cour de cassation estime que « l’article L113-8 du Code des assurances ne pouvait s’appliquer dès lors que le sinistre était postérieur à la prise d’effet de l’avenant entre les parties ». Il s’agissait non pas d’une question de fausse déclaration intentionnelle mais plutôt d’un problème de non déclaration du sinistre.
En droit de la construction, la troisième chambre civile s’est également prononcée sur le moment de l’appréciation de la fausse déclaration. Dans les arrêts qui suivent, il ne s’agissait que d’une fausse déclaration non intentionnelle. Ainsi, dans l’arrêt du 15 avril 2013(13) l’entrepreneur n’avait pas déclaré un élément nouveau modifiant le risque, l’assureur lui oppose donc la réduction proportionnelle de son indemnité pour fausse déclaration non intentionnelle. La troisième chambre civile, en censurant l’arrêt de la cour d’appel qui viole l’article L113-9, estime que le manquement de l’assuré à l’obligation de déclaration s’apprécie à tout moment et non pas uniquement au moment de l’ouverture du chantier. C’est pourquoi, le constructeur qui ne déclare pas, en cours d’exécution des travaux, l’aggravation des risques, peut se voir opposer la réduction proportionnelle de prime. L’arrêt du 17 avril 2013(14) en profite pour rappeler que cette sanction est bien applicable en responsabilité civile décennale et que le montant de la prime réduite en raison des déclarations inexactes de l’assuré doit être fixé par les juges du fond à défaut d’accord entre les parties.
Après avoir déterminé le moment d’appréciation de la fausse déclaration, il convient d’aborder la question de la sanction de cette fausse déclaration, qui sera différente s’il y a eu ou non intention de l’assuré de tromper l’assureur.
§3 : Sanction : nullité du contrat ou réduction proportionnelle de prime
En cas de non déclaration des activités professionnelles et omission de payer la cotisation par l’assuré, les deux premières chambres civiles ne font pas de la déclaration exacte et complète une condition de la garantie. Dans ce cas, l’assuré sera sanctionné par la réduction proportionnelle de l’indemnité. Alors que, la troisième chambre civile faisait de cette déclaration, exacte et complète, une condition de la garantie, qui à défaut, était sanctionnée par la nullité du contrat. Depuis l’arrêt du 8 février 2012(15) la troisième chambre civile s’aligne enfin sur la position des deux premières chambres.
D’autre part, il semble a priori logique que la connaissance du risque constitue un obstacle à l’application de la sanction pour manquement à l’obligation de déclaration de l’assuré. C’est ce qu’avait déjà retenu la jurisprudence antérieure, mais la deuxième chambre civile vient de préciser que cette position était également étendue au mandataire d’assurance. En l’occurrence, il s’agissait d’un agent général qui avait connaissance du risque alors même que l’assureur n’en avait pas été informé. Elle a jugé que le mandataire d’assurance était assimilable à l’assureur(16).
Il apparait parfois que la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle soit quelque peu sévère au vue des faits de l’espèce. En l’occurrence, il s’agissait dans cet arrêt d’un couple de locataires qui avait souscrit une assurance multirisque habitation, en déclarant être le propriétaire de l’immeuble, alors que ce n’était pas le cas, a été sanctionné par la nullité du contrat(17). Dans la mesure où la fausse déclaration sur la qualité de propriétaire porte atteinte à l’opinion que se faisait l’assureur du risque, non pas sur l’appréciation de l’ampleur ou la probabilité de survenance du risque, mais sur le contenu du contrat, en effet le locataire n’est pas exposés aux mêmes risques que le propriétaire, les garanties qui sont proposées à un locataire sont donc différentes de celles proposées à un propriétaire. Cependant, il n’a pas était réellement démontré la mauvaise foi des souscripteurs lors de la déclaration du risque. En réalité, les souscripteurs allaient être effectivement propriétaires peu de temps après, il pourrait s’agir d’une « anticipation maladroite et non d’une malhonnêteté ». Comme l’indique Maud ASSELAIN dans sa note(18), on aurait pu envisager de régler ce litige sur le terrain de la surassurance, au lieu de la fausse déclaration, sur le fondement de l’article L121-3 alinéa 2 du Code civil qui aurait été sanctionné par la réduction proportionnelle de prime au lieu d’aller jusqu’à la nullité du contrat. Sur le terrain de la surassurance, seule la surassurance frauduleuse des assurés dans le but de s’enrichir indument aurait été sanctionnée par l’annulation du contrat litigieux.
Attention, toutefois, lorsque l’assureur découvre la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, exprime expressément son intention d’invoquer la nullité du contrat, mais indemnise la victime sans préciser « pour le compte de qui il appartiendra » et en ne suivant pas la procédure nécessaire pour invoquer la nullité (l’article R421-5 du Code des assurances) constitue une renonciation à invoquer la nullité du contrat. Pour renoncer, l’assureur doit avoir eu connaissance de l’inexactitude intentionnelle et adopter un comportement manifestant, sans équivoque, sa volonté de renoncer. De sorte que l’assureur qui invoque la nullité et ensuite indemnise la victime fait obstacle à la nullité qu’il avait invoqué(19).
La deuxième chambre civile, de plus en plus intransigeante, oppose la nullité du contrat à l’assuré en raison d’une fausse déclaration intentionnelle, alors même que le risque omis a été sans influence sur le sinistre. En l’espèce, suite à l’effondrement d’un mur de l’immeuble, l’assuré (le syndicat des copropriétaires) demande à son assureur de déclencher la garantie. Celui-ci refuse et invoque la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, lors de la souscription du contrat, notamment sur l’année de construction de l’immeuble. L’assuré n’ignorait pas cette information, il n’a pas contesté ces éléments et reconnait que les informations données étaient fausses. Mais il fait valoir que la fausse déclaration relative à la date de construction du bâtiment n’avait pas d’incidence sur l’opinion du risque par l’assureur. La Cour de cassation a tout de même retenue la nullité du contrat(20).
Aujourd’hui, un nombre important de jurisprudence sont rendue au sujet des déclarations pré-rédigées par l’assureur et beaucoup de questions sont en suspens. Nous tenterons donc d’y voir plus clair dans la suite de ce développement.
2 Définition du Larousse.
3 Cass. Civ. 2e, 24 mai 2012, n°11-20588, non publié au bulletin.
4 Cass. Civ. 2e, 13 janvier 2012, n°11-11114, non publié au bulletin.
5 Cass. Civ. 2e, 9 février 2012, n°11-10091, non publié au bulletin.
6 Cass. Civ. 2e, 29 mars 2012, n°11-14305, non publié au bulletin.
7 Voir infra : Cass. Civ. 2e, 23 mai 2013, n°12-19952, non publié au bulletin.
8 Cass. Civ. 2e , 12 avril 2012, n°11-17234, non publié au bulletin.
9 Cass. Civ. 2e, 29 mars 2012, n°11-14305, non publié au bulletin; note A. PELISSIER, RGDA, n°2012-04, p.1006.
10 Cass. Civ. 2e, 13 juin 2013, n°12-10260, non publié au bulletin.
11 Cass. Civ. 2e, 14 juin 2012, n°11-11344, publié au bulletin; note B. CERVEAU, Gaz. Pal. 1er décembre 2012, n°336, p.21.
12 Cass. Civ. 2e , 7 février 2013, n°11-27188, non publié au bulletin; note A.ASTEGIANO-LA RIZZA, LEDA, 1er avril 2013, n°4, p.2.
13 Cass. Civ. 3e, 15 mai 2013, n°12-14757, publié au bulletin; comm. S.ABRAVANEL-JOLY, LEDA, 4 juillet 2013, n°7, p.2.
14 Cass. Civ. 3e, 17 avril 2013, n°12-14409, publié au bulletin.
15 Cass. Civ. 3e, 8 février 2012, n°10-27250, n°10-31074, non publié au bulletin.
16 Cass. Civ. 2e, 28 juin 2012, n°11-20572, non publié au bulletin.
17 Cass. Civ. 2e, 24 mai 2012, n°11-16412, non publié au bulletin; note M. ASSELAIN, RGDA n°2012-04, p.1014.
18 M. ASSELAIN, RGDA n°2012-04, p.1014
19 Cass. Civ. 2e, 24 mai 2012, n°11-18136, non publié au bulletin.
20 Cass. Civ. 2e, 23 mai 2013, n°12-19952, non publié au bulletin.