Le régime français de l’indemnisation des catastrophes naturelles montre des signes de faiblesses, de manière plus visible depuis ces dix dernières années et notamment la sécheresse et la canicule de l’été 2003. Le « régime s’essouffle » selon Olivier Odibert-Troin, député du Var, département impacté par des phénomènes d’inondations répétées. Le 4 avril 2013, l’Association interprofessionnelle de l’Assurance en Méditerranée s’est réunie et a évoqué la nécessité d’une prochaine réforme du système tel qu’il existe depuis 30 ans et ce, malgré quelques adaptations, déjà apportées. Ce n’est pas son principe qui est remis en cause par l’expérience, mais son mode de financement et certains principes directeurs qui ne correspondent plus à la réalité des risques climatiques actuels.
En effet, le système rencontre quelques écueils qui tendent à prouver le besoin impératif de modification du système que ce soit sur le plan de son financement (A) que sur son fonctionnement à proprement parlé (B).
A- Les limites du régime : un mode financement à revoir
Le fondement du système reste la solidarité nationale même si cette dernière est conférée en première ligne aux assureurs et aux réassureurs. L’Etat intervient sur deux plans : dans un premier temps, par le truchement de ses organes, il a arrêté la politique publique encadrant la gestion de ce risque climatique ; puis une fois le risque survenu, il fixe l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ; il détermine l’indemnisation. Il intervient par la suite en accordant sa garantie via la CCR.
Si le régime n’est clairement pas déficitaire, il ne semblerait pas en capacité d’indemniser les conséquences d’un événement d’ampleur inégalée. Le système ne semble pas armé pour faire face à une catastrophe de type « big one ». Par exemple, si une crue centennale parisienne devait survenir dans les mêmes conditions que celle de 1910, le coût estimé serait de nature à épuiser en majeure partie les réserves de la CCR, soit un coût estimé à 9 milliards d’euros selon la FFSA.(129)
La pérennité du régime est remis en cause par le changement climatique, de l’an 2000 à 2010, la somme des indemnisations cumulées et versées au titre du régime se sont élevées à plus de 13 milliards d’euros. Il ne faut pas négliger l’accroissement des conséquences financières des sinistres. Le montant des sinistres a évolué de 5,3% par an entre 1989 et 2003, alors que sur la même période les primes n’ont augmenté que de 4.1%. En effet, la tendance s’accélère, entre 1995 et 2006, ce sont 8,3 milliards d’euros qui ont été versé au titre du régime CatNat, la FFSA estime à 60 milliards d’euros le coût de ce type de sinistres sur les vingt prochaines années. Le régime, tel que conçu en 1982 n’est par conséquent plus adapté, sa viabilité s’est constitué sur la survenance d’évènements imprévisibles de faible occurrence. Or, avec les évolutions progressives, des risques plus fréquents et dont la prévision est potentiellement modélisable sont entrés dans le champ de la garantie et sont venues grever les réserves du fonds.
Un tiers du montant de l’indemnisation du régime est dédié au règlement de catastrophes issues de phénomènes de sécheresses ou de subsidence. Les réserves du dispositif diminuent en conséquence du fait de l’indemnisation de ce risque spécifique. A ce titre, le rapport de la mission d’enquête sur le régime d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles(130) du 14 juin 2005, met en exergue que ce phénomène est généralement exclu des régimes étrangers portant sur l’indemnisation des CatNat faisant partie de l’étude. Même si le rapport reste favorable au maintien de la sécheresse dans le régime actuel, il est recommandé que les sinistres qui en sont issus disposent d’un système d’indemnisation aménagé. La subsidence doit être objectivée, et son indemnisation devrait exclure les dommages qui n’atteignent pas la structure même des bâtiments avec l’application de franchises spécifiques. Le régime des CatNat ne serait pas appliqué aux ouvrages de construction n’ayant pas respecté l’article L.112-20 du code de la construction et de l’habitation. D’ailleurs, le régime ne serait applicable aux ouvrages de construction entrant dans le champ d’application de la responsabilité décennale.(131) Le développement des plans de prévention et de mesures incitatives visant à soumettre l’indemnisation au respect de la politique de prévention serait, pour la mission, un axe de réduction du poids et de l’impact de la subsidence dans le régime CatNat.
B- Les limites de fonctionnement
Le régime et son financement reposent légalement sur une mutualisation inadaptée. Le fondement du système se base sur une taxation uniforme des primes des contrats d’assurances de choses(132), le taux est fixe et non indexé en fonction de l’exposition au risque que représente le bien assuré. La taxe est, pour le moment, seulement modulée en rapport avec le type de bien assuré – véhicule terrestre à moteur ou tout autre bien meuble ou immeuble. La FFSA estime que s’il fallait moduler la surprime en fonction de la vulnérabilité et de l’exposition au risque intuitu personae du souscripteur, alors 90% des foyers ne seraient quasiment pas impactés, et les 10% restants devraient régler des primes économiquement insupportables.
Le ministère de l’Environnement mentionnait, en 2004, que le système de « tarification uniforme, en dépit de la modulation des franchises eu égard au nombre d’événements récurrents et à l’existence ou non d’un plan de prévention des risques conduit à indemniser d’autant plus les individus que leur niveau de risque est élevé. » Faisant suite à un projet avorté de réforme législative en 2007,(133)et à la tempête Xynthia du 28 février 2010, une consultation nationale a été lancée et son rapport en date du 13 juillet souligne que la modulation de la surprime serait basée sur un taux applicable, dont le minimum et le maximum serait fixé par l’Etat. L’assureur fixerait son taux dans cette fourchette en s’appuyant sur son évaluation du risque. Les particuliers et les PME seraient dispensés de la modulation, le taux de surprime les concernant resterait fixe, ce qui n’implique aucun effet vertueux auprès des particuliers, qui semblent quelque peu déresponsabilisés quant aux efforts de prévention à mettre en place.
Les collectivités territoriales et les entreprises, disposant de valeurs à assurer d’un montant minimal estimé à 50 millions, seraient seules assujetties à cette modulation de surprime sur des modèles inédits. Les Grands Risques (134)seraient soumis à une modulation de la surprime sur un principe de gré à gré dans le respect de leur exposition aux risques et de leurs relations avec l’assureur. Cela se situe dans un contexte plus général d’exclusion des Grands Risques du régime général des contrats d’assurance(135). Les collectivités territoriales seraient également assujetties à la modulation de surprime, en fonction de la réalisation de mesures de prévention. Le rôle de l’Etat est, par ailleurs, critiqué, la surprime ne devrait être considérée comme une recette fiscale, les revenus de la surprime devraient, en vertu de la solidarité nationale être réintégrés au sein du dispositif.
La modulation des primes ne devrait pas être le seul corollaire du mouvement réformateur du régime. En effet, comme le souligne Stéphane Penet, directeur des assurances de biens et responsabilité de la FFSA, « une augmentation de 30 euros par an ne fera aucune différence ». Ces modifications du mode de financement du régime doivent s’accompagner d’autres mesures et notamment d’un conditionnement aux résultats de la prévention des risques. (Section 2)
129 Source : synthèse de l’étude relative à l’impact du changement climatique et de l’aménagement du territoire sur la survenance d’événements naturels en France – Avril 2009.
130 Mission demandée par le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable à l’Inspection générale du développement et des Ponts et Chaussées portant référence d’Affairen°2004-0304-01 du Conseil général des Ponts et Chaussées.
131 Article 1792 du code civil
132 L.125-1 du Code des Assurances
133 Reprendre le numéro
134 R.321-1 du code des assurances
135 Intervention de Luc Mayaux aux journéesde l’AMRAE en 2012, Atelier « Faut-il sortir les grands risques du code des Assurances »