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Section 1 : Les conditions d’existence d’une stipulation pour autrui

La stipulation pour autrui est envisagée à l’article 1121 du Code civil. Cet article
dispose « On peut pareillement stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la condition
d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que l’on fait à un autre.
Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en
profiter ».

La stipulation pour autrui peut être définie comme un contrat par lequel une personne,
appelée stipulant, obtient d’une autre personne, le promettant, qu’elle exécute une prestation
au profit d’une troisième appelée le tiers bénéficiaire(18). En vertu de la stipulation pour autrui,
le stipulant va faire prendre par le promettant un engagement à l’égard d’un tiers(19).
La stipulation pour autrui est un acte neutre au sens où, si l’on s’en tient à ses éléments
intrinsèques, on ne sait pas s’il s’agit d’un acte à titre gratuit ou d’un acte à titre onéreux.
C’est un acte qui, en lui-même, n’indique pas sa cause. Cette opération, lorsqu’elle est
stipulée à titre gratuit, permet de réaliser une libéralité sans qu’aucune dissimulation de l’acte
réel ne soit nécessaire.

Une stipulation pour autrui est un acte impliquant la présence de trois intervenants et
donc une triple relation. Une relation entre le stipulant et le promettant, une relation entre le
promettant et le bénéficiaire et enfin une relation entre le stipulant et le bénéficiaire.

Nous commencerons par examiner la relation qui lie le stipulant et le promettant. Il faut tout
d’abord noter qu’une stipulation pour autrui est nécessairement contenue dans un contrat
principal, un contrat de base conclu entre le stipulant et le promettant. Ce contrat de base est
par exemple un contrat d’assurance vie(20) souscrit entre le stipulant/souscripteur et le
promettant/assureur.

Par ailleurs, l’article 1121 du Code civil exige qu’une stipulation pour
autrui soit la condition d’une stipulation que l’on fait pour soit même. La stipulation pour
autrui doit donc nécessairement se rattacher à un autre contrat de base, sans lequel une
stipulation pour autrui ne peut exister. En effet, l’existence d’une stipulation pour autrui
dépend de l’existence d’un contrat de base auquel elle est accolée et dans lequel elle est
comprise. Une stipulation pour autrui, bien que ce soit une convention, ne peut donc pas
exister seule, indépendamment de ce contrat de base. C’est une convention accessoire.

Mais, cette stipulation pour autrui reste un acte distinct du contrat de base et dont elle ne doit donc
pas obligatoirement respecter le formalisme. Cependant, le stipulant et le promettant doivent
avoir consenti à cette opération et de ce fait. La stipulation pour autrui doit révéler la double
intention des parties à savoir l’intention du stipulant de stipuler pour autrui et l’intention du
promettant de s’engager à réaliser une prestation envers autrui. Le stipulant doit avoir la
volonté de faire naître un droit dans le patrimoine d’un tiers. Selon l’article 1122 du Code
civil, l’intention de stipuler pour autrui doit être établie de manière certaine(21).

Bien qu’une formule expresse ne soit pas exigée pour établir l’intention de stipuler, il faut que cette
intention puisse se déduire sans équivoque du contrat souscrit et que la volonté de stipuler
existe bien. L’interprétation de cette volonté doit pouvoir se déduire des termes du contrat.

Une stipulation pour autrui est valable dès lors qu’un contrat a été souscrit préalablement
entre le stipulant et le promettant. On considère que tel est le cas dès lors que le stipulant
fournit une prestation ou un bien au promettant.

Une stipulation implique ensuite une relation entre le promettant et le tiers
bénéficiaire. Le tiers bénéficiaire d’une stipulation pour autrui doit avoir été désigné
préalablement par le stipulant et ce par l’intermédiaire un acte unilatéral. C’est le stipulant qui
choisit la personne qui sera bénéficiaire de la stipulation pour autrui. L’élément essentiel
réside dans le fait que le bénéficiaire doit avoir la capacité de recevoir à titre gratuit.

Il n’est pas nécessaire que le bénéficiaire soit désigné au jour de la souscription du contrat mais il doit
l’être obligatoirement et, au plus tard, au moment où la stipulation pour autrui produit ses
effets. Une stipulation pour autrui doit donc être faite au profit d’une personne déterminée. La
stipulation pour autrui, conclue entre le stipulant et le promettant, fait donc naitre, dans le
patrimoine du bénéficiaire, un droit direct contre le promettant. Ce droit du bénéficiaire contre
le promettant tire sa source du contrat de base souscrit entre le stipulant et le promettant et
constitue un droit de créance(22).

Enfin, la stipulation pour autrui fait naitre une relation entre le stipulant et le tiers
bénéficiaire. En vertu d’une stipulation pour autrui, le stipulant ne s’oblige pas envers le
bénéficiaire sauf clause contraire(23). La stipulation pour autrui « n’implique donc pas que le
stipulant s’engage à l’égard du promettant à réaliser l’opération stipulée au bénéfice du
tiers »(24).

Au regard de la nature même du contrat, la stipulation pour autrui peut servir à
réaliser une donation c’est-à-dire à attribuer un avantage au bénéficiaire ou à éteindre une
dette du stipulant. La relation entre le stipulant et le bénéficiaire, peut, entre autre, être
constitutive d’une libéralité indirecte lorsque le stipulant ne reçoit aucune contrepartie de la
part du bénéficiaire. L’acte conclu entre le stipulant et le bénéficiaire est alors un acte à titre
gratuit. La nature de l’acte dépend de la volonté du stipulant et du bénéficiaire.

18 Lexique des termes juridiques, Raymond Guillien et Jean Vincent, Dalloz, 15ème édition, 2005
19 Cf Schéma Le fonctionnement de la stipulation pour autrui – Annexe 4
20 Un contrat d’assurance vie souscrit à titre gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire avec dénouement en cas de
décès du souscripteur.
21 L’article 1122 du Code civil dispose « On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause,
à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ».
22 Cass Civ 1ère, 8 décembre 1987 : cependant, aujourd’hui, la Cour de cassation admet que la « stipulation pour
autrui n’exclut pas, dans le cas d’acceptation par le bénéficiaire, qu’il soit tenu de certaines obligations ».
23 Cass Req 6 juin 1888 « le stipulant oblige le promettant envers le bénéficiaire sans s’obliger personnellement
envers celui-ci, à moins d’une clause spéciale inscrite en l’acte et dérogeant à cette règle générale ».
24 Cass com, 25 mars 1969

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