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Section 1 : Les correctifs apportés aux mécanismes depuis 2003

Depuis 2003, différentes mesures législatives sont venues modifier les régimes du PERCO et celui du PERE. Plutôt que d’évoquer dans l’ordre chronologique les différentes lois qui sont venues renforcer les dispositifs, nous avons privilégié une approche différente. Nous observerons que l’évolution des dispositifs s’est faite tantôt par l’introduction de mesures contraignantes (§1), tantôt par un assouplissement de certaines règles et de nouvelles possibilités d’alimentation (§2).

§1) L’instauration de plus de contraintes dans le fonctionnement des dispositifs

Tous les nouveaux produits d’épargne retraite créés en 2003, qu’ils soient collectifs (Perco et Pere) ou individuel (Perp), ont un fonctionnement peu contraignant dans la mesure où ils sont largement facultatifs, tout du moins en ce qui concerne leur mise en place. Conscient des limites du volontariat, les lois qui ont succédées à celle de 2003, notamment la dernière réforme des retraites, ont essayé d’instaurer un peu plus de contrainte, de manière à « forcer » l’instauration de ces régimes dans l’entreprise (A). La loi organise également une orientation de l’épargne du salarié vers le Perco (B).

A/ De nouvelles obligations pour l’entreprise dans la mise place de ces dispositifs

La loi du 9 novembre 2010(65) a édicté une obligation générale de négociation dans l’entreprise d’un dispositif d’épargne retraite (1). La loi impose également une contrainte plus spécifique de mise en place d’un régime de retraite collectif, dans la continuité de mesures précédentes (2).

1. Une obligation à caractère général de négocier un dispositif d’épargne retraite

Le bilan de l’épargne retraite est variable selon la taille de l’entreprise. Il apparait que les grandes entreprises se sont penchées très tôt sur cette problématique et sont nombreuses à proposer un dispositif à leurs salariés. Selon une enquête réalisée début 2010 par l’institut d’étude CSA, 19 % des entreprises de 10 salariés et plus proposaient un régime à cotisations définies à leurs salariés, ce taux atteignant 38 % dans les sociétés de 200 salariés et plus. Autre chiffre qui illustre bien cette différence d’équipement en dispositifs d’épargne retraite, selon la taille de l’entreprise, seulement 4 % des TPE – PME proposent un Perco à leurs salariés(66), soit plus de trois fois moins que les grandes entreprises. Enfin, pour en terminer avec les statistiques sur l’épargne retraite, 27 % des entreprises interrogées par l’institut d’étude CSA, étaient équipées en 2010 d’un dispositif de retraite supplémentaire quel qu’il soit, soit le même taux qu’en 2004 !

Cette évolution peu rapide de la diffusion des mécanismes de retraite supplémentaire dans les entreprises, s’explique en grande partie par le taux d’équipement très faible des petites et moyennes entreprises, alors même qu’elles emploient aujourd’hui plus de 75 % de la population active. Combattre l’inégalité dans l’accès à l’épargne retraite est l’un des grands objectifs que se sont fixés les gouvernements successifs, depuis 2003.
Le législateur de 2010, à travers la loi du 9 novembre portant réforme des retraites, a édicté un principe de négociation de branche pour la mise en place de certains dispositifs d’épargne retraite. C’est l’article 32 quater de la loi, ajouté par l’assemblée nationale, qui en donne la substance. Ce texte assigne aux partenaires sociaux l’objectif d’engager au plus tard le 31 décembre 2012, des négociations de branche en vue de la mise en place de Perco, de Pere auxquels l’affiliation est obligatoire ou bien de groupement d’épargne populaire. A défaut d’initiative patronale à cette date, la négociation s’engagera dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale représentative. Selon nous, cette initiative va dans le bon sens dans la mesure où le caractère facultatif des dispositifs mis en place en 2003 a montré ces limites. Cette contrainte devrait permettre d’accélérer l’équipement des entreprises en produits retraite, notamment les TPE – PME. En effet, la négociation à l’échelle de la branche d’activité, épargnera aux petites entreprises de mener elles-mêmes des discussions avec les partenaires sociaux, ce qui n’est pas toujours simple pour des structures qui ne pratiquent pas ou peu la négociation collective. Par ailleurs le développement de Peri ou de Percoi va permettre de mutualiser les coûts inhérents à la rédaction et à la mise en place des accords collectifs.

Enfin, dernier point à souligner, la loi de 2010 portant réforme des retraites a permis l’assouplissement d’une règle qui avait été mise en place par le législateur de 2003. La mise en place d’un Perco était conditionnée jusqu’en 2010 à la mise en place préalable d’un PEE ou d’un PEI au sein de l’entreprise. Hors, quand nous savons que seulement 23 % des TPE – PME proposent ce dispositif à leur personnel, il n’apparait pas étonnant de voir les difficultés rencontrées dans la diffusion du Perco au sein des petites structures. La loi de 2010 a assouplie cette obligation de mise en place préalable d’un PEE ou PEI, en ne l’appliquant plus aux entreprises ayant adhérées à un Percoi.
Toujours en relation à la diffusion de l’épargne retraite, la loi de 2010 instaure une obligation plus spécifique, qui suit la même logique qu’une mesure prise en 2006.

2. De nouvelles contraintes pour les entreprises déjà équipées d’un « article 39 » ou d’un PEE/PEI

Autre inégalité combattu par le législateur de 2010, après celle de l’accès à un dispositif d’épargne retraite entre petites et grandes entreprises, est celle de l’accès entre les différentes catégories de salariés au sein d’une même entreprise. En effet, nous avons déjà vu que les contrats à prestations définies ne bénéficient que peu souvent à l’ensemble du personnel et encore plus rarement uniquement aux salariés non cadres. Dans la pratique, ce type de dispositif plus risqué et plus coûteux pour l’entreprise, est généralement un avantage réservé aux collaborateurs de premier plan, à savoir les cadres et les cadres dirigeants.

Dans son article 32 quinquies, la réforme des retraites de 2010 a mis en place une nouvelle obligation pour les entreprises qui proposaient ce type de régime supplémentaire à une catégorie de leurs salariés. En effet, le paragraphe 1 de cet article, subordonne désormais la mise en place de ces régimes « chapeau », s’ils sont réservés à certaines personnes au sein de l’entreprise, à l’ouverture pour l’ensemble des salariés d’un dispositif d’épargne retraite (Perco, Pere ou régime classique à cotisations définies).

S’agissant des entreprises qui disposaient déjà d’un régime « article 39 », celles-ci devront se conformer à la nouvelle obligation avant le 31 décembre 2012, à l’exception de celle n’enregistrant plus de nouvelles adhésions.

Nous comprenons que cette nouvelle obligation vise à éviter la situation dans laquelle seul le chef d’entreprise dispose d’un complément de retraite (article 39), alors même que ses salariés n’ont accès à aucun dispositif. Il est vrai que ce schéma se retrouve assez fréquemment notamment dans les petites structures. Cependant, plusieurs raisons nous permettent de douter de l’efficacité de cette mesure. D’une part, la mise en place d’un dispositif d’épargne retraite ouvert à tous les salariés de l’entreprise, risque fort d’aboutir à la création d’un Perco minimum, c’est-à-dire sans abondement et donc avec un intérêt beaucoup plus limité pour les salariés. D’autre part, de nouvelles réglementations sont venues modifiées le régime fiscal des régimes à prestations définies. Sans entrer dans les détails de ces mesures, la fiscalité a été fortement alourdie tant pour les bénéficiaires que pour les entreprises qui financent ces régimes. Le risque de cette nouvelle taxation est de rendre improductive l’obligation faite aux entreprises d’offrir à tout leur personnel d’un dispositif d’épargne retraite. Certains employeurs devraient ainsi renoncer à mettre en place un contrat à prestations définies et l’objectif de diffusion de l’épargne retraite dans les entreprises ne sera pas atteint.

La loi de 2010 portant réforme des retraites, a donc contraint les entreprises proposant un régime à prestations définies à une catégorie de leurs salariés, à proposer à tous un régime collectif d’épargne retraite. Ce n’est pas la premières fois que le législateur oblige les entreprises à proposer un produit retraite à leurs employés.

En effet, la loi « pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié » du 30 décembre 2006, avait déjà prévu l’obligation pour les entreprises proposant un PEE depuis plus de cinq ans, d’ouvrir une négociation en vue de la mise en place d’un Perco, d’un Pere ou tout autre régime de retraite à affiliation obligatoire pour les salariés. La loi du 3 décembre 2008 « en faveur des revenus du travail » a abaissé le délai de cinq ans à trois ans. Depuis 2008, les entreprises qui sont équipées d’un PEE ou PEI depuis plus de trois ans, doivent obligatoirement entamer une négociation en vue de mettre en place un dispositif de retraite. Notons tout de même le degré franchit dans la contrainte de « mise en place », par la loi du 9 novembre 2010. Celle-ci oblige les entreprises qui financent un régime à prestations définies à fournir à tous leurs salariés un dispositif d’épargne retraite, alors que les lois de 2006 et 2008 n’obligeaient les employeurs qu’à négocier leur mise en place, laquelle pouvait ne jamais aboutir.
Les nouvelles obligations de mise en place d’un régime collectif de retraite supplémentaire que nous venons d’étudier, concernent les entreprises. Afin de favoriser la constitution d’une épargne en vue de la retraite, les législateurs de 2008 et de 2010 ont également prévus de nouvelles contraintes pour les salariés.

B/ De nouvelles mesures en faveur du Perco laissant moins de liberté aux salariés

A la différence de leurs employeurs, les salariés ne sont pas exposés à proprement parler à de nouvelles obligations, mais plutôt à de nouvelles contraintes relatives à l’adhésion au Perco (1) et à l’orientation de la participation en direction de ce dispositif (2).

1. La possibilité d’une adhésion par défaut des salariés

Comme le PEE ou le PEI, le Perco est accessible à tous les salariés de l’entreprise sous réserve de remplir la condition d’ancienneté si celle-ci est présente. Cependant, si l’accès au Perco résulte en principe d’une adhésion volontaire, le règlement du plan peut prévoir depuis la loi du 3 décembre 2008, l’adhésion par défaut des salariés de l’entreprise. Lors de la mise en place du Perco, l’employeur peut donc contraindre ses salariés à adhérer au plan, sauf avis contraire de ces derniers. L’entreprise qui opte pour l’adhésion obligatoire devra en informer chaque salarié, suivant les modalités prévues par le règlement du plan. Le salarié disposera de 15 jours à compter de cette communication pour renoncer de manière expresse à cette adhésion(67).

Nous pouvons nous interroger sur l’efficacité d’une telle mesure qui, selon nous, n’atteint pas véritablement l’objectif que s’est fixé le législateur, à savoir que tous les salariés de l’entreprise bénéficient du Perco. Cette mesure illustre bien le rapprochement opéré entre épargne salariale et régimes de retraite supplémentaire, que nous avons étudié dans le chapitre précédent. En effet, à l’image de ce qui se pratique dans les contrats à prestations définies et dans les contrats à cotisations définies lorsque l’employeur finance entièrement le régime, le législateur tend à faire du Perco un support d’épargne salariale à adhésion obligatoire. Cependant, d’une part, il semblerait que les refus d’adhésion des salariés soient plutôt rares, l’employeur assurant le plus souvent les frais de fonctionnement, de telle sorte qu’en l’absence d’obligation de versement le refus d’adhésion du salarié ne se justifie pas. D’autre part, il nous semble qu’il aurait été plus judicieux de rendre l’adhésion complètement obligatoire sans laisser la possibilité au salarié d’exprimer son refus. Enfin, bien que nous en doutions, si cette mesure tend à augmenter le nombre de bénéficiaires du Perco, elle n’accroit en rien les sommes épargnées sur ce dispositif, puisqu’aucun texte n’oblige le salarié ou l’entreprise à alimenter le plan.
C’est peut être pour cette dernière raison que le législateur de 2010 a instauré ce que nous pourrions appeler un « fléchage » de la participation, en faveur du Perco.

2. Le « fléchage » de la participation vers le Perco

L’un des axes d’amélioration du Perco est l’alimentation du dispositif. Nous y reviendrons un peu plus loin dans notre paragraphe consacré aux nouvelles sources d’approvisionnement du dispositif, introduites depuis 2003. Mais avant, évoquons la nouvelle affectation de la participation prévue par la loi de 2010.
La problématique que rencontre le législateur est la suivante : comment faire en sorte que le salarié qui dispose d’un Perco épargne sur ce support ?
Nous l’avons vu, le Perco dispose de plusieurs qualités, notamment celles d’offrir un nouvel horizon d’épargne aux salariés et de bénéficier s’ils le désirent à chacun d’entre eux. Cependant, le dispositif tel qu’il a été conçu présente selon nous, un certain nombre de lacunes. La plus frappante d’entre elles est certainement sa trop grande ressemblance avec le PEE, à qui il emprunte sa fiscalité et ses sources d’alimentation. Dans ces circonstances, nous sommes en droit de nous demander quel intérêt aurait le salarié à épargner sur un plan qui ne lui offre pas d’attrait supplémentaire, voir même qui présente l’inconvénient de bloquer ses droits jusqu’à l’âge de la retraite.

Pour remédier à la relative faiblesse des versements effectués sur le Perco, le législateur de 2010 a introduit un « fléchage » de la participation vers ce dispositif. Dans un premier temps, le législateur a commencé par instaurer l’obligation d’envisager dans l’accord de participation l’affectation des sommes à un PEE/PEI ou à un Perco, lorsque ces plans existent au sein de l’entreprise. Dans un second temps, le législateur a édicté un autre principe qui va plus loin et qui tend à orienter de manière automatique 50 % de la réserve spéciale de participation vers un Perco, lorsque celui-ci existe et à défaut d’avis contraire du salarié. Ce dernier peut toujours opter pour la perception immédiate de la participation ou bien choisir de la verser sur un autre plan, mais s’il ne se prononce pas, la participation sera affectée automatiquement pour moitié à son Perco.

Selon nouveau, ce « fléchage » est une mesure qui va dans le bon sens. Cependant, nous aurions pu aller plus loin en rendant par exemple obligatoire, la création d’un Perco dans les entreprises pratiquant la participation. Nous aurions pu également imaginer un fléchage de 100 % de la participation vers le Perco ou bien encore une mesure identique concernant l’intéressement. Ceci étant, cette dernière possibilité pose plus de problème au regard de l’historique des dispositifs d’épargne salariale. En effet, si la participation, dans sa conception première, avait vocation à être indisponible, ce n’était pas le cas de la prime d’intéressement qui avait vocation à être perçue directement.

Dans ce premier paragraphe, nous nous sommes attachés à analyser et parfois à critiquer les mesures législatives entrevues depuis 2003 et visant à améliorer l’épargne retraite. Ces différentes

lois ont ajoutées des contraintes et des obligations de manière à favoriser, pour ne pas dire « forcer », le développement de l’épargne retraite.
Dans le second paragraphe nous allons observer les assouplissements des régimes du Perco et des contrats à cotisations définies, ainsi que les nouvelles possibilités offertes aux salariés et aux entreprises dans leur utilisation.

§2) Une simplification du fonctionnement des dispositifs, associée à de nouvelles possibilités d’alimentation pour le Perco

Dans sa version initiale, le Perco était difficile à mettre en oeuvre, notamment pour les petites structures. Pour remédier à ce problème, la loi du 3 décembre 2008 est venue simplifier son régime. S’agissant du Pere, la diffusion de ce produit était freinée par sa trop grande complexité de gestion et par des règles prudentielles très strictes. Le législateur de 2010 a modifié le fonctionnement des contrats à cotisations définies, de telle sorte que le Pere semble désormais voué à l’abandon (A).

Concernant le Perco, il semblerait que les pouvoirs publics souhaitent en faire le produit « phare » de l’épargne retraite collective. En effet, afin de faire grimper les encours sur ce support, de nouvelles possibilités d’alimentation ont été mises en place (B).

A/ Une simplification des régimes favorable au développement de l’épargne retraite

Nous allons observer comment la loi du 3 décembre 2008 « en faveur des revenus du travail » a aligné les modalités de mise en place du Perco sur celles du PEE, ceci afin de faciliter sa mise en oeuvre dans les entreprises (1), puis nous verrons que la réforme des retraites de 2010 a pris ses distances avec le Pere en étendant à tous les contrats « article 83 » la possibilité pour les salariés d’y effectuer des versements volontaires (2).

1. L’alignement des conditions de mise en place du Perco sur celles du PEE

Initialement, l’instauration d’un Perco supposait obligatoirement la conclusion d’un accord collectif, c’est-à-dire négocié entre, d’une part, l’employeur et, d’autre part, les organisations syndicales représentatives, et soumis aux conditions de validité des accords collectifs d’entreprises, conformément aux dispositions de l’article L. 2232-12 du Code du travail. Ainsi, les entreprises dépourvues de représentants syndicaux, ne pouvaient mettre en place un Perco et ne pouvaient accéder au dispositif qu’à l’échelle interprofessionnelle, en adhérent à un Percoi. Cette rigidité de la loi de 2003 empêchait le développement du Perco et se révélait être en contradiction avec l’objectif poursuivi, à savoir la diffusion massive de ce produit d’épargne ouvert à tous les salariés de l’entreprise. L’article 16 de la loi du 3 décembre 2008 a mis fin à cette « anomalie », en autorisant la mise en place d’un Perco selon les mêmes modalités qu’un PEE, c’est-à-dire y compris par décision unilatérale de l’employeur.

Cependant, de la même manière que pour le PEE, le législateur conserve le principe d’une mise en place du dispositif par la conclusion d’un accord collectif. En effet, lorsque l’entreprise comporte au moins un délégué syndical ou est dotée d’un comité d’entreprise, le Perco doit être négocié dans les conditions prévues à l’article L. 3322-6 du Code du travail, c’est-à-dire selon l’une des modalités suivantes : par accord collectif de travail, par accord entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives, par accord conclu au sein du comité d’entreprise ou bien à la suite de la ratification à la majorité des deux tiers du personnel. Ainsi, la négociation collective demeure le principe et, la possibilité de mettre en oeuvre le Perco par décision unilatérale représente l’exception. Elle n’est possible qu’en l’absence de délégué syndical et de comité d’entreprise, et lorsque la négociation visant à le mettre en place a échoué(68). Si au terme de la négociation, aucun accord n’a été conclu, un procès-verbal de désaccord est établi dans lequel seront consignées les propositions respectives des parties et les mesures que l’employeur entend prendre unilatéralement.

Cette nouvelle possibilité de mise en place par décision unilatérale a eu les effets escomptés. En effet, après un démarrage en douceur, le Perco enregistre depuis cette date une progression constante, en particulier dans les TPE-PME.

Outre la simplification des modalités de mise en place du Perco, le législateur, cette fois ci en 2010, a également opéré une profonde mutation des régimes à cotisations définies, en les rendant éligibles aux versements volontaires des salariés.

2. L’extension des versements volontaires à tous les contrats « article 83 »

Nous l’avons vu dans le chapitre précédent, la loi du 21 août 2003 a crée un contrat sui generis de retraite supplémentaire, que la pratique a désigné par la suite sous la terminologie de « Plan d’Epargne Retraite Entreprise ». Le Pere n’était pas un dispositif à part entière mais plutôt une alternative à un régime à cotisations définies de type « classique », qui avait ajouté un cadre fiscal de déductibilité de versements individuels aux contrats auxquels l’affiliation est obligatoire, et qui respectait une partie de la réglementation du Perp. L’intérêt de cette formule était d’ouvrir la possibilité d’effectuer des versements volontaires sur un contrat à cotisations définies, qui jusque là n’était financé que par des cotisations obligatoires. Le second intérêt consistait à cumuler la fiscalité du financement des régimes d’entreprise à cotisations définies à celle individuelle du Perp. En effet, la réglementation fiscale a donné la possibilité à chaque membre d’un foyer fiscal de déduire de ses revenus imposables un montant limité de cotisations personnelles destinées à constituer une rente de retraite.

Malgré cette nouvelle possibilité de versements volontaires fiscalement intéressants, les Pere et les Peri n’ont jamais rencontré le succès attendu, la faute à des modalités de gestion et à des règles prudentielles décourageantes.

C’est dans ce contexte d’échec du dispositif qu’est intervenu le législateur de 2010. La loi a ainsi autorisé les salariés à effectuer des versements volontaires sur un contrat à cotisations définies « classique ». Ces versements sont déductibles de leur revenu net imposable dans les mêmes limites que pour le Pere, à savoir 10 % des revenus professionnels plafonnés à 8 PASS. Notons que les versements obligatoires (part patronale et salariale) tout comme l’abondement sur un Perco ou encore les versements facultatifs sur un Perp, viennent en déductions de ce plafond global de 10%.
Aujourd’hui, depuis la loi du 9 novembre 2010, rien ne s’oppose à la continuité des Pere/Peri ni même à leur mise en place. Cependant, du fait de la banalisation du cadre juridique pour la déductibilité fiscale des versements individuels aux contrats de retraite à cotisations définies à adhésion obligatoire, et du fait des contraintes que les Pere doivent respecter, de tels plans semblent vouer à disparaitre.

Cette initiative du législateur est louable et participe à la démarche globale d’une promotion de l’épargne retraite dans les entreprises. Cependant, les contrats « article 83 » étant dix fois plus nombreux que les Pere/Peri et, si les versements facultatifs des salariés augmentent en proportion, le manque à gagner pour l’Etat consécutif aux déductions fiscales accordées, risque d’être compliqué à compenser. Peut être aurait-il été préférable comme le suggérait la commission parlementaire chargée d’examiner le texte de loi, d’inscrire cette disposition dans le cadre d’un projet de loi de finances, ne serait-ce que pour en évaluer son coût.

En parallèle à la simplification des contrats à cotisations définies et à celle des modalités de mise en place du Perco, il semblerait que le législateur ait pour ambition de faire du plan d’épargne pour la retraite collectif, la « tête de gondole » des produits d’épargne accessibles aux salariés. En témoigne, l’élargissement des sources d’approvisionnement du plan.

B/ De nouvelles sources d’approvisionnement pour le Perco

Nous venons d’étudier précédemment les mesures législatives qui ont contribué depuis 2003 à simplifier l’accès aux dispositifs, en particulier celui du Perco. Ces assouplissements ont eu pour conséquence d’augmenter le taux d’équipement des entreprises. Cependant, ces mesures ne suffisent pas à atteindre l’objectif fixé, celui de voir les salariés utiliser ces supports pour se constituer un complément de retraite. Autrement dit, ce n’est pas parce que les entreprises proposent des dispositifs que les salariés les alimentent. Le Perco proposait à sa création, des sources d’approvisionnement quasiment identiques à celles du PEE. Afin de mieux distinguer les deux mécanismes et de favoriser l’épargne à horizon retraite, le législateur a introduit deux nouvelles

sources d’alimentation. Il s’agit d’une part, de la possibilité pour l’employeur d’effectuer un versement initial sur le Perco (1), et d’autre part, d’une « passerelle » entre épargne temps et épargne retraite (2).

1. La possibilité d’un abondement initial sur le PERCO

Afin d’encourager les salariés à adhérer à un Perco, et à susciter chez eux un intérêt pour l’utilisation de ce dispositif, la loi du 3 décembre 2008 a crée un mécanisme de versement original qui prévoit la possibilité pour l’employeur, si le règlement du Perco le prévoit, d’effectuer un versement initial dans ce plan, même en l’absence de contribution du salarié. Cette nouvelle source d’approvisionnement se situe en amont de l’utilisation du plan, à la différence d’un abondement classique qui fait suite à un versement préalable du salarié. En ce sens, nous pourrions analyser cette nouvelle modalité de versement comme un « amorçage » du dispositif.

L’article D. 3334-3-2 du Code de travail précise les modalités et le régime de ce versement initial. D’après les dispositions de cet article, l’abondement initial doit bénéficier à l’ensemble des adhérents satisfaisant à la condition d’ancienneté énoncée, le cas échéant, par le règlement du Perco. Son montant annuel ne peut en aucun cas excéder 1 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 353€ par adhérent en 2011, mais peut être modulé selon les principes stipulés dans le règlement du plan. Le Code du travail précise également que le versement initial est pris en compte pour apprécier le respect du plafond de 16 % du PASS et le plafond d’abondement prévu par le plan. Enfin, notons que cet abondement est soumis au même régime social et fiscal que l’abondement traditionnel de l’entreprise, et qu’il ne s’applique qu’aux Perco mis en place après la publication de la loi du 3 décembre 2008.
Pour plusieurs raisons, il nous est permis de douter de l’impact de cette nouvelle forme d’abondement. En premier lieu, le législateur ouvre simplement la possibilité pour l’entreprise de pratiquer cet abondement « d’amorçage ». Hors, d’après une enquête menée par le club de l’épargne salariale en 2010, auprès de 102 entreprises du secteur public et privé, seulement deux entreprises sur dix pratiquaient le versement initial. Peut être aurait-il été plus efficace de contraindre les entreprises à effectuer ce premier versement, tout du moins celles justifiant de résultats positifs. En second lieu, le refus d’adhésion des salariés n’est pas si fréquent dans la mesure où l’employeur prend généralement en charge les frais de fonctionnement du plan. Enfin, une troisième raison nous laisse sceptique quant à l’efficacité de cette mesure. Le fait de mettre en oeuvre un versement initial, même s’il est vrai que cela contribue à enclencher le processus d’alimentation du Perco, n’incitera pas forcément le salarié à effectuer par la suite, des versements personnels sur son plan.

L’abondement initial n’est pas l’unique mode d’approvisionnement du Perco créé depuis 2003. En effet, la loi « en faveur des revenus du travail » a établie en 2008 une « passerelle » entre épargne temps et épargne retraite. Le législateur de 2010 a étendu les possibilités de transfert de l’épargne temps vers l’épargne retraite.

2. La « passerelle » épargne temps/épargne retraite

Certaines entreprises proposent à leurs salariés un compte épargne (CET), dispositif leur offrant la possibilité d’épargner des temps de repos (congés, jours de repos…) et des sommes d’argent (primes conventionnelles, 13ème mois…), en vue d’une utilisation ultérieure. Les droits épargnés sur le CET peuvent être utilisés par le salarié sous forme monétaire ou pour compenser en tout ou partie une période de congés sans solde (congés parental, congés sabbatique…), un passage à temps partiel, ou bien encore une période de formation en dehors du temps de travail. La réglementation sur les congés annuels n’autorisant pas de différer sur le long terme des droits qui n’auraient pas été utilisés, le CET peut permettre de stocker ces jours de congés non pris ou de les monétiser, afin que ceux-ci ne soient pas perdus pour le salarié.

Depuis la loi du 20 août 2008 « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail », dans la limite de 10 jours par an et pas salarié, les droits CET, non issus d’un abondement en temps ou en argent, peuvent s’ils sont placés dans un Perco, bénéficier d’un régime fiscal et social favorable. Cette disposition a introduit une petite flexibilité pour l’employeur, en permettant notamment de récupérer du temps de travail sans cotisation patronale. En effet, si le salarié transfère par exemple un jour de repos non pris de son CET vers son perco, il sera exonéré de cotisations sociales (dans la limite du plafond de 16 % du PASS). Ainsi, l’employeur profite d’un jour travaillé supplémentaire de son employé, sans avoir à verser les cotisations sociales correspondantes. Pour le salarié, ce transfert permet une monétisation de ses droits, qui fructifieront avec le temps. Avant la loi de 2008, seul le transfert de droits CET issus d’un abondement en temps ou en argent bénéficiaient des exonérations de charges sociales. La loi facilite ainsi le transfert des jours de repos non pris du CET vers le Perco dans des conditions fiscales et sociales avantageuses, dans la mesure où avant elle ce transfert devait supporter les prélèvements obligatoires (comme tous les versements volontaires du salariés qui ne sont pas issus d’un dispositif d’épargne salariale).

La loi sur les retraites du 9 novembre 2010 a complété ce dispositif en prévoyant que, même en l’absence de CET, les salariés peuvent aussi affecter des jours de repos (congés payés, RTT…) au Perco sans supporter de charges sociales, dans la limite de cinq jours par an. Par ailleurs, la loi a portée à 20, le nombre de jours exonérés de cotisations sociales et utilisés à partir d’un compte épargne-temps pour abonder un Perco (ou un régime de retraite supplémentaire).
Dans tous les cas, il appartient au salarié de prendre l’initiative d’affecter des jours de repos sur le Perco, ce choix ne pouvant en aucun cas correspondre à une mise en oeuvre collective. Enfin, notons que le montant des droits inscrits à un compte épargne-temps et qui sont utilisés pour alimenter un Perco, n’est pas pris en compte pour l’appréciation du plafond du quart de la rémunération annuelle qu’un salarié peut affecter à un plan d’épargne.

Malgré un démarrage « poussif » du Pere et du Perco, les mesures récentes devraient améliorer la dynamique de ces produits. Plus généralement, l’épargne retraite d’entreprise a nettement progressé ces dernières années. Les cotisations sur les régimes supplémentaires ont été multipliées par trois ces 10 dernières années, tandis que les dispositifs créés en 2003 semblent promis à un bel avenir. Le Perco a beaucoup progressé depuis 2008, en parti grâce aux efforts consentis pour faciliter sa mise en place dans les entreprises. Cependant, il ne faut pas se gargariser de ces résultats encourageants car les encours du Perco représentent toujours une goutte d’eau (4 milliards) dans l’océan de l’épargne salariale (90 milliards). Plus inquiétant, certaines études récentes montrent que si sa progression dans les entreprises reste forte, l’encours moyen quant à lui, stagne. Le club de l’épargne salariale, dans une étude publiée fin 2010, a déclaré que seulement 38 % des entreprises interrogées avaient mis en place un Perco. Ce chiffre rapporté à l’ensemble des entreprises françaises pourrait être satisfaisant, mais il s’avère en réalité plutôt inquiétant dans la mesure où l’enquête a été réalisée auprès de grandes entreprises. Le taux d’équipement des PME en Perco serait, selon cette même source, plutôt de l’ordre de 4 %.

Dès lors et malgré un bilan de l’épargne retraite globalement positif, nous pouvons nous interroger sur les pistes qu’il reste à exploiter pour poursuivre son développement.

65 Loi n° 2010 – 1330, du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
66 Etude FFSA/GEMA, mai 2010.
67 C. trav., art. D. 3334-3-1
68 C. trav., art. L. 3334-2.

Section 2 : Les pistes à exploiter pour améliorer l’épargne retraite d’entreprise

De nombreuses mesures ont favorisé ces dernières années l’essor de l’épargne longue durée. Malgré cela, des efforts restent à fournir pour encourager les entreprises à s’équiper et les français à épargner en vue de leur retraite. Selon nous, les efforts des pouvoirs publics et des acteurs de l’assurance doivent se concentrer sur le segment collectif de l’épargne retraite. L’encouragement de l’épargne individuelle n’est pas blâmable en soit, mais elle offre moins de sécurité qu’un système d’épargne retraite qui s’inscrirait dans un cadre collectif. En effet, dans une démarche individuelle, l’épargnant est livré à lui-même et peut s’exposer plus facilement à des mauvais choix de placements, alors que dans un cadre collectif il est plus aisé d’organiser un système d’information sur les placements et de mettre en oeuvre une surveillance des fonds d’investissements. De plus, l’entreprise peut, à travers l’abondement ou les cotisations patronales, offrir aux salariés qui n’ont pas le réflexe d’épargner individuellement, la possibilité de se constituer un complément de retraite minimum.

Sans remettre en cause le principe de la répartition, il parait crucial pour les années à venir, d’offrir une place plus importante au système capitalistique, dans le financement des pensions.
Pour que l’épargne retraite devienne véritablement le troisième pilier de notre système de retraite, les efforts devront se concentrer sur la lisibilité de l’offre et sur la diffusion des nouveaux régimes, notamment au sein des PME (§1). Des efforts dans l’articulation et la cohérence des règles semblent également nécessaires (§2).

§1) Des efforts à fournir dans la communication et la promotion des dispositifs

Le développement de l’épargne retraite dans l’entreprise passe par une meilleure lisibilité des dispositifs et une sensibilisation des salariés à la problématique des retraites (A). Les pouvoirs publics et les acteurs du monde de l’assurance doivent promouvoir les dispositifs auprès des entreprises, notamment auprès des PME (B).

A/ L’amélioration de la lisibilité des régimes : un enjeu pour l’avenir de l’épargne retraite

Le développement de l’épargne retraite est clairement freiné par le manque de clarté des dispositifs et la multiplicité des solutions qui s’offrent aux salariés pour préparer leur retraite. Pour remédier à cela, un processus de réflexion sur l’amélioration de l’offre retraite doit être ouvert (1). La sensibilisation des salariés aux enjeux de la retraite est également une piste à exploiter (2).

1. Simplifier la lecture de l’offre retraite

Perco, contrats à cotisations définies, contrats à prestations définies, Perp…sont autant de solutions qui existent pour préparer sa retraite. Dans cet enchevêtrement de produits, il est difficile pour les salariés de s’y retrouver. Même les observateurs les plus avertis s’accordent à dire que l’offre retraite est trop compliquée et qu’elle manque de lisibilité.
Afin de permettre à la large majorité des épargnants potentiels, de mieux comprendre les enjeux que représente la préparation de leur retraite, il parait nécessaire au préalable de simplifier l’offre actuelle.

Cette clarification passe tout d’abord par un travail au niveau juridique. En effet, lorsque l’on se penche attentivement sur les dispositions relatives à l’épargne retraite, nous pouvons constater qu’elles son dispersées dans pas moins de 5 codes.

Le code général des impôts regroupent les dispositions fiscales, mais aussi la définition de certains régimes (« article 39 », « article 83 »…). Le code des assurances énumèrent les règles applicables aux contrats souscrits auprès des entreprises d’assurance, tandis que le code de la mutualité en fait de même lorsque l’organisme assureur est une mutuelle. Le code de la sécurité sociale contient également des dispositions s’agissant des régimes gérés par les institutions de prévoyance. Enfin, le code du travail contient aussi des règles relatives à l’épargne retraite. Le droit social régit le Perco, dont certaines règles de fonctionnement ne sont même pas définies de manière autonome, mais par référence à celles applicables au PEE.

Cette situation crée un évident manque de lisibilité, en plus d’être par ailleurs, une source potentielle de contentieux. Pour lever toute ambigüité sur le régime juridique applicable, il serait sans doute opportun de créer un code de l’épargne retraite, afin de regrouper l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires applicables.

L’amélioration de la lisibilité de l’offre retraite, passe peut être également par une simplification des dispositifs voir par l’abandon de certains d’entre eux. Au niveau des régimes d’entreprise, objets de notre étude, la dernière réforme des retraites qui a étendue à l’ensemble des contrats « article 83 » la possibilité d’effectuer des versements volontaires en plus des cotisations obligatoires, semble participer à cette logique de simplification. Ainsi, le Pere et ses règles de gestion contraignantes devraient disparaitre.

Dans le même esprit, le Perco et les contrats à cotisations définies participent d’une logique similaire : permettre aux salariés de se constituer, avec l’aide de leur entreprise, une retraite supplémentaire individualisée. Depuis, l’extension de la faculté d’effectuer des versements volontaires à l’ensemble des « article 83 », la ressemblance entre les deux mécanismes est encore plus frappante. Dès lors, nous pouvons souscrire à l’interrogation de certains qui se demandent s’il ne serait pas plus cohérent que le législateur supprime les contrats à cotisations définies. Cependant, les deux systèmes ne semblent pas incompatibles dans la mesure où ils ont des qualités et des défauts différents. L’alimentation du Perco est purement facultative car son adhésion n’est pas obligatoire. A l’inverse, les contrats « article 83 » obligent les salariés à adhérer et assurent une cotisation minimale à travers la contribution patronale. Au final, même si le débat mérite d’être lancé, il n’apparait pas forcément pertinent de faire disparaitre l’un des deux dispositifs. Peut-être verra-t-on s’opérer de nouveaux rapprochements, comme la possibilité d’une sortie en capital dans les « article 83 » ou bien des avantages fiscaux pour les versements volontaires sur le Perco.

La clarification juridique des produits d’épargne retraite est une étape importante mais pour être suivie d’effet, elle doit impérativement s’accompagner d’une sensibilisation des salariés à la problématique des retraites.

2. Des efforts de communication indispensables

Les français ont intérêt à anticiper leurs besoins financiers à long terme et de se constituer des compléments de retraite pour soutenir leurs besoins en fin d’activité professionnelle, dans un contexte de baisse des taux de remplacement des régimes obligatoires. Suite aux différentes réformes des retraites, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) prévoit une chute importante du rapport entre pensions des régimes obligatoires et le dernier salaire. La chute du taux de remplacement entre un actif qui aurait pris sa retraite en 2003, et celui qui la prendra en 2050 est de l’ordre de 10 points. De plus, toujours selon le COR, les déficits des régimes de base et complémentaires, devraient également s’aggraver de manière significative au cours de cette même période. Sans prétendre être une solution miracle, le développement de l’épargne longue peut en partie compenser la baisse attendue des taux de remplacement.

Quelles sont les moyens que nous pouvons employer pour faire prendre conscience aux français des enjeux futurs ?

Plusieurs réponses peuvent être apportées. D’une part, l’essor des contrats dépendra des politiques de communication qui seront conduites pour sensibiliser l’opinion à la diminution des taux de remplacement, et à l’opportunité de choisir un véhicule d’épargne dédié à l’épargne retraite. Les pouvoirs publics ont une responsabilité évidente dans ce travail et il faudra qu’ils réfléchissent à l’opportunité de lancer des campagnes de communication ciblées sur l’épargne retraite, en utilisant les médias de masse (télé, radio…). Nous pourrions imaginer également, comme le proposait le sénat dans un rapport rendue 2006, de renforcer l’impact d’une campagne de communication par une labellisation de produits estampillés « retraite ». La communication doit être renforcée notamment auprès des plus jeunes car le législateur a clairement montré sa volonté de faire du Perco le produit vedette de l’épargne retraite d’entreprise. Hors, comme tous les régimes à cotisations définies, son efficacité est d’autant plus grande que la durée de placement est longue. Il faut donc inciter les salariés à épargner le plus tôt possible.

Les entreprises ont également un rôle à jouer dans la sensibilisation des salariés, et doivent constituer un relai des politiques. A ce sujet, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a rédigé un rapport intéressant début 2009, dans lequel elle évoque la pédagogie qui devrait être appliquée dans les entreprises pour mieux faire connaitre les dispositifs d’épargne salariale. L’AMF propose par exemple, de simplifier le livret d’épargne salariale remis aux salariés, de faire des notices des FCPE un document d’informations clés pour l’investisseur ou encore de développer des services de conseil et de formation à disposition des salariés. L’objectif de ces mesures est de démystifier aux yeux du grand public la complexité de l’épargne retraite. La question du financement de ces initiatives demeure entière (salariés, entreprises, les deux ?) mais les propositions ont au moins le mérite d’aller dans le sens d’une meilleure communication auprès des salariés.

Enfin, parmi les solutions proposées pour renforcer l’attractivité des produits d’épargne retraite, la mise en place d’un relevé de situation individuelle qui serait envoyé tous les ans au salarié de moins de 35 ans et qui lui permettrait d’obtenir un état estimatif de sa future retraite complémentaire. Cette mesure favoriserait à n’en pas douter la prise de conscience de l’intérêt de compléter sa pension de base.

Si des mesures doivent être prises pour communiquer efficacement auprès des salariés, il faut également insuffler la culture de l’épargne retraite au sein des entreprises. En effet, l’efficacité et l’attrait de l’épargne retraite pour les salariés sera renforcée par la possible portabilité de leurs droits. Pour cela, il faut qu’un maximum d’entreprises soient équipées d’un dispositif.

B/ Des efforts à poursuivre pour promouvoir l’épargne retraite dans l’entreprise

Nous l’avons évoqué dans le chapitre précédent, des correctifs sont venus améliorer l’accès aux dispositifs et notamment à celui du Perco. Le dernier né des plans d’épargne salariale peut être mis en place depuis 2008, par décision unilatérale du chef d’entreprise, en cas d’échec des négociations collectives. Cette mesure destinée à favoriser la diffusion du plan dans les PME a été bénéfique. Néanmoins, les petites et moyennes restent encore largement sous-équipées en régimes de retraite supplémentaire. Les assureurs, attirés par ce marché potentiel commencent à comprendre l’intérêt de simplifier les formalités de mise en place qui souvent sont à l’origine de la réticence des chefs d’entreprise. Par exemple, Axa propose un contrat « Génération » qui s’adresse spécifiquement aux petites entreprises, dans lequel l’accent est mis sur la simplification, via des accords prérédigés et des livrets d’information tout prêts pour les salariés.

La stratégie à adopter pour étendre les dispositifs d’épargne retraite aux PME fait débat. Certains spécialistes militent en faveur d’un durcissement de certaines règles, afin de « forcer » les petites structures à s’équiper (1). D’autres en revanche, plaident pour davantage de souplesse (2).

1. La diffusion de l’épargne retraite par la contrainte

Les grands groupes sont en pointe en matière d’épargne salariale et d’épargne retraite. En permanence soucieux d’optimiser leur politique sociale, ils n’hésitent pas à proposer un large panel de régimes à leurs employés.

La mise en place de mécanismes d’épargne retraite n’est en revanche pas une priorité pour les petites sociétés. Même si beaucoup de chefs d’entreprise reconnaissent leur intérêt pour ces dispositifs, ils n’ont souvent ni le temps à consacrer, ni les compétences techniques pour se pencher sur la question.
Certains observateurs sont partisans de contraindre les entreprises à s’équiper. La dernière réforme des retraites a en partie suivie cette voie, en contraignant les entreprises qui proposaient un régime à prestations définies à mettre en place un régime à cotisations définies ou un Perco pour l’ensemble du personnel. Cette mesure vise particulièrement les petites entreprises qui ne disposent pour l’heure d’aucun régime à destination des salariés, mais dans lesquelles le chef d’entreprise bénéficie d’un « article 39 ». En effet, les grandes entreprises qui proposent une retraite chapeau à leurs cadres dirigeants sont généralement déjà pourvues d’un dispositif plus largement ouvert au reste de leur personnel.

Cette mesure aura sans doute pour conséquence, et c’est heureux, le développement général de l’épargne retraite. Mais, comme le souligne Hubert Clerbois, consultant chez EPS Partenaires, il est possible que cela aboutisse à la mise en place d’un Perco minimum, c’est à dire sans abondement incitatif. Dès lors, quel intérêt aurait le salarié à bloquer son épargne sur ce plan, tout en sachant qu’il peut obtenir les mêmes résultats avec un PEE, sans pour autant subir les contraintes de la durée de blocage ? La contrainte d’équipement n’assure pas pour autant l’augmentation des encours de l’épargne retraite.

Michel le Boëdec, président de l’Association française professionnelle pour l’épargne retraite, pense à l’inverse qu’il faut que les dispositifs d’épargne retraite collective deviennent obligatoires dans les TPE et les PME, sous peine qu’ils ne soient jamais mis en place et qu’une frange importante de la population n’y ait jamais accès. Parmi les arguments invoqués par Monsieur le Boëdec, on retrouve l’inégalité de traitement entre les salariés des grands groupes et ceux des petites structures. Selon lui, les premiers ont non seulement un accès privilégié aux avantages retraite, mais en plus ils disposent souvent d’une rémunération supérieure. Le système actuel amplifierait les inégalités entre salariés. De ce constat, il serait plus juste de contraindre les petites entreprises à s’équiper, de manière à ce que tous les salariés puissent se constituer un complément de retraite.

Ces arguments en faveur du passage en force du Perco dans les TPE/PME ne nous semblent pas être la réponse adéquate pour promouvoir le système. Ces mécanismes pour être efficaces ont besoin de susciter un attrait, de devenir un outil d’optimisation de la politique sociale. Les chefs d’entreprise à qui on forcerait la main risqueraient de ne pas se monter généreux en terme de contribution à l’effort d’épargne de leurs salariés.
Même si la progression des dispositifs est plus lente, l’assouplissement des règles de mise en place nous semble être la solution la plus efficace.

2. Des règles encore plus souples pour favoriser l’épargne retraite

Nous l’avons vu, la loi du 3 décembre 2008 a aligné les modalités de mise en place du Perco sur celles applicables au PEE et ce, afin de faciliter sa mise en oeuvre dans le petites entreprises.

De même, le rapprochement entre PEE et Perco est facilité par l’obligation qui est faite aux entreprises proposant un PEE à leurs salariés depuis au moins 3 ans, de négocier l’ouverture d’un Perco, d’un Pere ou d’un contrat à cotisations définies.

Le Perco peut donc depuis 2008, être instauré par décision unilatérale du chef d’entreprise, dans l’hypothèse où les négociations collectives n’auraient pas abouties à un accord. Dès lors, il reste selon nous une anomalie à corriger pour obtenir un système tout à fait cohérent.

En effet, l’intéressement ne peut pas être mis en place de la même manière que le PEE ou le Perco. C’est d’autant plus surprenant, que l’intéressement de par la souplesse de ses modes de calcul et de sa répartition, contribue à en faire un puissant outil de cohésion et de mobilisation des salariés. Il apparait comme le mécanisme de base de l’épargne salariale, parfaitement adapté aux petites entreprises. Pour le moment l’intéressement peut être mise en place selon 4 modalités. Il peut bien sur être conclu dans le cadre d’un accord collectif de travail, soit au niveau de la branche, soit au niveau de l’entreprise. Hors, il est très délicat de négocier un accord au niveau de la branche car il est difficile pour les partenaires sociaux de définir l’ensemble des critères, formules de calcul et mécanismes de répartition, susceptibles de s’adapter à toutes les entreprises de la branche concernée. Au niveau de l’entreprise, la conclusion pose souvent problème aux petites structures car cela nécessite la présence d’une organisation syndicale, une délégation du personnel ou encore la présence d’un comité d’entreprise. Toutes ces contraintes freinent la diffusion de l’intéressement dans les PME. La ratification de l’accord d’intéressement par les 2/3 du personnel de l’entreprise, est la seule modalité qui soit adaptée aux PME.

Pour faciliter la diffusion de l’intéressement, première et parfois unique source d’alimentation d’un plan d’épargne entreprise ou d’un Perco, l’AMF propose que l’on autorise sa mise en place par simple accord avec les délégués du personnel, voire par décision unilatérale du chef d’entreprise.
Selon nous cette proposition relève du bon sens. Il apparait illogique que le législateur facilite l’instauration des plans d’épargne par décision unilatérale en cas d’échec des négociations collectives, alors que dans le même temps, l’intéressement qui doit venir alimenter ces plans, est plus contraignant à mettre en oeuvre.

Pour développer l’intérêt des entreprises intermédiaires qui n’auraient pas encore mis en place le Perco, nous pourrions proposer d’autoriser l’investissement via ce plan, en tout ou partie, dans des titres des entreprises adhérentes à ces plans. Schématiquement, cela reviendrait à autoriser l’actionnariat salarié via le Perco. Pour ne pas compromettre la sécurité de l’épargne investie dans ces plans, cette possibilité ne pourrait cependant qu’être limitée à un faible pourcentage de celle-ci.

Un travail important reste à fournir dans les domaines de la communication, de la pédagogie ou encore de la diffusion des produits d’épargne retraite.
Pour que ce travail de communication porte ses fruits et incite les salariés à épargner pour leur retraite, encore faut-il que les dispositifs soient cohérents entre eux.

Pour ce faire, les règles d’abondement doivent être améliorées afin d’inciter à l’épargne longue. La fiscalité sans cesse changeante, devra également être harmonisée.

§2) Les règles d’abondement et la fiscalité des produits : des enjeux pour le développement futur de l’épargne retraite

S’agissant des dispositifs d’épargne salariale, les versements complémentaires de l’employeur concourent à l’attractivité du dispositif. Plusieurs pistes sont à travailler pour adapter l’abondement à l’objectif retraite voulu par le législateur (A).
Au niveau des règles fiscales, il existe encore beaucoup d’incohérences entre celles applicables au Perco et celles qui régissent les régimes de retraite supplémentaire. La rigueur budgétaire consécutive à la crise économique qui sévit depuis 2008, n’autorise plus de nouveaux allègements sociaux et fiscaux. Dans les années à venir, l’enjeu sera de construire une fiscalité plus en phase avec la durée d’épargne (B).

A/ Le renforcement des règles d’abondement

Sur la base des paramètres actuels du régime par répartition, les jeunes actifs vont supporter la plus forte baisse de taux de remplacement. Les inciter à s’engager le plus tôt possible dans une démarche d’épargne de long terme est donc un enjeu majeur. Dans le même sens, les faibles revenus devront être encouragés. Pour réaliser cet objectif, l’abondement « d’amorçage » créé en 2008 pourrait être réexploité (1).
Une autre proposition pour favoriser l’épargne retraite, serait de lier le montant de l’abondement à la durée d’épargne (2).

1. La réexploitation de l’abondement « d’amorçage »

Depuis 2008, l’entreprise si elle le souhaite, peut mettre en place un mécanisme original pour favoriser l’adhésion au Perco, et susciter chez ses salariés l’intérêt pour ce dispositif. Si le règlement du Perco le prévoit, les entreprises peuvent effectuer un versement initial dans ce plan, même en l’absence de contribution préalable du salarié. Ce versement initial doit bénéficier à l’ensemble des adhérents et ne peut excéder 1 % du PSS, soit 353 € annuel.

D’après les premiers retours, ce versement initial d’amorçage n’a pas rencontré le succès escompté. Quelles sont les solutions pour relancer ce concept ?
Dans un communiqué publié en 2010, l’association française de la gestion financière (AFG), propose le versement par l’Etat d’un abondement directement sur le plan d’épargne retraite (Perco ou contrat à cotisations définies) des jeunes salariés, de manière à amorcer la démarche d’épargne à long terme. Cet abondement pourrait être baptisé selon l’AFG : « prime pour la retraite des jeunes ». L’association détaille sa proposition, ajoutant que l’abondement ne dépasserait pas 300 € par an. L’AFG émet également l’idée d’un abondement d’Etat qui ferait suite aux versements des jeunes salariés et qui serait proportionnel à ceux-ci, toujours dans la limite de 300 €.

Michel le Boëdec, dans une interview paru dans la revue « L’argus de l’Assurance » le 22 octobre 2010, milite quant à lui pour la création d’une prime incitant les faibles revenus à se constituer une épargne retraite. Le président de l’association française professionnelle pour l’épargne retraite, développe son idée en insistant sur le fait qu’il est très compliqué de demander à une personne qui gagne le Smic de mettre ne serait-ce que 30 € par mois pour se constituer une épargne en prévision de sa retraite. La prime pour l’épargne retraite que Monsieur le Boëdec propose de mettre en place s’inspire de la prime « Riester » en vigueur en Allemagne. En 2001, le gouvernement du Chancelier Gerhard Schroeder a créé une subvention de 154 € par an pour le souscripteur d’un contrat individuel d’épargne retraite et 185 € supplémentaire par enfant. La seule condition pour bénéficier de la subvention est de verser au moins 4 % de son salaire brut annuel sur le plan d’épargne retraite. Monsieur le Boëdec souhaiterait qu’en dessous d’un certain niveau de revenus, l’Etat français abonde l’argent placé de manière individuelle sur un support d’épargne retraite, quel qu’il soit.

Nous pourrions également imaginer rendre l’abondement initial obligatoire pour toutes les entreprises proposant un Perco. Cependant, il faut être très prudent avec ce genre de mesure contraignante, car elle risquerait d’avoir un effet dissuasif pour les entreprises qui envisageraient d’ouvrir un Perco.
Ces idées sont intéressantes, mais elles ne règlent pas le problème du financement de ces mesures. Avec la crise, la situation financière des Etats en général, et de la France en particulier, ne permet pas pour l’heure, de mettre en place ce genre d’incitation.
Une autre idée concernant l’abondement, serait de contraindre l’entreprise de moduler ses versements complémentaires selon le plan utilisé par le salarié pour accueillir son argent.

2. Des versements complémentaires proportionnels à la durée d’épargne

Nous l’avons souligné précédemment, le Perco et le PEE ont un régime fiscal identique. La seule différence notable entre les deux dispositifs réside dans les plafonds de versements complémentaires. Pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales, les versements complémentaires de l’employeur ne doivent pas excéder 8 % du PASS sur le PEE et 16 % du PASS sur le Perco. Les enveloppes fiscales du Perco et du PEE sont distinctes, c’est-à-dire que les plafonds se cumulent. Cependant, la fraction d’abondement sur le Perco qui serait comprise entre 8 % et 16 % du PASS, serait soumise à une contribution de 8,2 % ce qui restreint l’avantage social concédé.

Ce plafond de 16 % du PASS doit théoriquement inciter les entreprises à effectuer des versements complémentaires plus importants sur le Perco. Hors, nous constatons qu’en pratique, les abondements des employeurs sur ce plan restent minoritaires par rapport aux versements des salariés.
Pour ne pas figer le plafond des versements complémentaires, le législateur avait eu la bonne idée en 2006 de ne plus exprimer cette limite en valeur absolue, mais de l’indexer sur le plafond de la sécurité sociale. Cette mesure visant à faire progresser le plafond d’années en années devait permettre aux entreprises de pouvoir verser de plus en plus chaque année. Le problème, c’est que très peu d’entreprises pratiquent des abondements qui atteignent le plafond fixé (5.656 € en 2011).

De ce constat, il faut s’interroger sur les mesures qui pourraient être prises pour stimuler les versements complémentaires sur le Perco. En premier lieu, nous pourrions supprimer la contribution de 8,2 % qui s’applique sur la fraction d’abondement dépassant 8% du PASS et qui constitue un frein pour l’entreprise.
Ensuite, il faut réfléchir à la mise en place d’une règle contraignant l’employeur à majorer son abondement sur le Perco par rapport à celui effectué sur le PEE. Pour ne pas décourager l’entreprise qui souhaite soutenir ses salariés dans leur effort d’épargne, nous pourrions imaginer une ventilation des avantages sociaux selon le plan abondé. Les exonérations seraient complètes pour un abondement au Perco alors qu’elles ne seraient que partielles pour un abondement sur le PEE.

Il serait également possible d’obliger les entreprises qui pratiquent l’abondement de prévoir des versements complémentaires plus élevés sur le Perco que sur le PEE, sans prévoir d’incitation particulière. Si par exemple, une société abonde les sommes déposées sur le PEE à 100%, il pourrait être opportun de l’obliger à abonder à 200 % ou 300 % les montants épargnés par l’employé sur le Perco. Il faut néanmoins rester prudent avec ce type de solution radicale et ne pas « sacrifier » l’épargne courte au profit de l’épargne retraite, chacune ayant son rôle à jouer.
D’autres pistes pourraient être envisagées pour améliorer l’alimentation des dispositifs de retraite supplémentaire. Nous pourrions par exemple permettre l’abondement des contrats à cotisations définies ou du Pere, des sommes issues de la participation et de l’intéressement, en particulier dans l’hypothèse où l’entreprise n’a pas mis en place de Perco.

L’abondement des plans d’épargne retraite est l’un des axes d’amélioration possibles des régimes existants. En complément des mesures attendues pour favoriser l’approvisionnement des plans, les spécialistes de l’épargne retraite appellent également à des changements en matière de fiscalité.

B/ Une refonte indispensable de la fiscalité des produits d’épargne retraite

Malgré un contexte économique difficile et un pouvoir d’achat en baisse, le niveau du taux d’épargne des français est stable. Le taux d’épargne brute des ménages n’a pas varié depuis une quinzaine d’années. Il était en 2008 de 15,1%, un taux comparable à celui de nos voisins européens. Nous pouvons déduire de ce constat, que les mesures visant à développer l’épargne longue ne peuvent raisonnablement s’appuyer sur une augmentation significative du taux d’épargne. Dès lors, l’objectif est de modifier la structure de cette épargne en faveur de l’épargne retraite. Pour ce faire, la fiscalité doit inciter les français à privilégier les produits d’épargne longue ainsi que la détention d’actions (1).

Les dispositifs d’épargne retraite proposent tous une sortie en rente viagère et seul le Perco propose une alternative à la rente viagère, avec une possibilité de sortie en capital. La fiscalité de la rente viagère, moins avantageuse que celle du capital doit être modifiée (2).

1. La mise en place d’une fiscalité plus cohérente avec la durée d’épargne

L’un des enjeux majeurs pour favoriser l’épargne retraite, est de moduler la fiscalité de façon à favoriser l’épargne longue, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Dans un article paru le 19 novembre 2010 dans la revue « l’Argus de l’Assurance », Paul-Henri de la Porte du Theil, président de l’AFG préconise d’appliquer une fiscalité inversement proportionnelle à la durée de détention du produit. Il propose par exemple, de moduler le forfait social selon la durée de blocage de l’épargne. Le forfait social qui s’élève à 6 % lors du déblocage du Perco au moment de la retraite, pourrait être fixé à 8 % lors du déblocage au bout de cinq ans, de l’intéressement et/ou de la participation. Dans la même veine, nous pourrions le porter à 10 % si le salarié décide de toucher immédiatement sa participation, comme la loi l’y autorise depuis 2009.

L’idée véhiculée par le président de l’AFG est de mieux répartir la fiscalité en fonction de la durée d’épargne. Cela pourrait être une solution intéressante car elle n’induirait aucune dépense supplémentaire pour l’Etat. Il suffirait simplement de réorienter les avantages sociaux et fiscaux vers les produits retraite au détriment de l’épargne à court terme. Le développement de l’épargne retraite passe par une différenciation en termes d’avantages fiscaux entre un produit comme le Perco et un produit comme le PEE, sans quoi les salariés ne privilégieront jamais les supports à long terme.
De manière plus générale, la fiscalité doit permettre de renforcer massivement la détention d’actifs dynamiques (actions ou produits investis en actions) dans le cadre de placement à horizon long. En effet, on constate trop souvent que les épargnants privilégient les placements sécurisés et utilisent des produits d’épargne liquide (livrets A, Codevi…) comme support d’épargne à long terme. Pourtant, l’allongement des durées de placement permet d’augmenter la part relative des actifs à plus fort potentiel de performance, notamment des actions d’entreprises.

Si les transferts d’épargne vers des supports moins flexibles et à détention plus longue sont limités actuellement, c’est en partie parce que la fiscalité des produis d’épargne favorise les véhicules liquides et sans risques comme les livrets et n’incite pas à l’exposition des actifs au rendement et au risque plus élevés. Il ne s’agit pas de suggérer ici une nouvelle règle fiscale pour tel ou tel placement. La multiplication de règles fiscales pour l’épargne n’est pas une solution, car elle rend moins lisible un message simple : l’incitation fiscale doit être proportionnelle à la durée de détention des produits et au risque pris par l’épargnant. Jusqu’à présent, on peut en effet estimer que nombre de placements longs supportent une double contrainte : ils ne sont pas aussi flexibles ou aussi sécurisés que les livrets réglementés et ils n’en ont pas non plus les avantages fiscaux. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les ménages placent une part aussi importante de leur épargne dans des supports moins dynamiques.

Par ailleurs, il est important que la fiscalité prenne en considération la durée totale de l’épargne, tant la période d’accumulation que celle des versements possibles, notamment en rente. La taxation relative des rentes viagères et des versements en capital est un point crucial de toute mesure concernant la modification de la fiscalité de l’épargne.

2. Un rééquilibrage nécessaire de la fiscalité des rentes viagères par rapport à celle du capital

La fiscalité des dispositifs d’épargne retraite soulèvent plusieurs problèmes.

Tout d’abord, il existe des incohérences entre les différents régimes. A titre d’exemple, le Pere et le Perco, tous deux issus de la réforme de 2003, sont des produits de retraite complémentaire dont les sorties en rente viagère ne sont pas soumises aux mêmes régimes de prélèvements. En effet, la rente issue d’un Pere (c’est aussi valable pour les contrats à cotisations définies « classique ») est considérée comme acquise à titre gratuit et soumise à l’impôt sur le revenu après abattement de 10%. En revanche, la rente viagère issue d’un Perco est considérée comme acquise à titre onéreux et soumise à l’impôt sur le revenu après un abattement (de 30 % à 70 %) dépendant de l’âge de son bénéficiaire.

Il est difficilement compréhensible que le Perco et les contrats à cotisations définies possèdent des régimes fiscaux aussi différents. Avec ce système le Perco est beaucoup plus avantageux, ce qui n’est pas cohérent avec la volonté affichée du législateur, de faire cohabiter les deux dispositifs.
D’un côté nous avons le Pere et depuis 2010, l’ensemble des contrats à cotisations définies, qui n’autorisent qu’une sortie en rente viagère, taxée selon le régime des pensions acquises à titre onéreux, c’est-à-dire après abattement de 10 % (plafonné à 3.660 € par foyer fiscal). De l’autre côté, nous retrouvons le Perco qui offre le choix entre une sortie en capital exonéré d’impôt sur le revenu (le capital du Perco ne supporte que les prélèvements sociaux sur les plus-values) et une sortie en rente viagère soumise à l’impôt sur le revenu mais après un abattement qui peut atteindre jusqu’à 70%. Certes, les versements facultatifs versés sur un régime à cotisations définies, bénéficient de déductions fiscales, ce qui n’est pas le cas des versements volontaires sur le Perco, non issus de l’intéressement ou de la participation. Cependant, nous pouvons quand même nous interroger sur la différence entre ces régimes, le Perco semblant aujourd’hui nettement plus avantageux que les contrats « article 83 ».

Dès lors, il faudrait s’interroger sur une remise à plat des règles fiscales, de manière à obtenir un ensemble plus cohérent. Comme le rappelle Patrice Bonin, vice président de la commission plénière des assurances de personnes à la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), il faut inciter à la sortie en rente, qui est « le salaire du retraité », alors qu’aujourd’hui le système favorise plutôt une sortie en capital.

Avant de conclure ce paragraphe, nous ne pouvions pas faire l’économie d’un bref développement sur les récentes mesures impactant la fiscalité des contrats « article 39 ». La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 a instaurée une nouvelle taxe pouvant aller jusqu’à 14 % sur les retraites « chapeau », qui pour la première fois met à contribution les retraités. Si on additionne cette nouvelle taxe avec la CSG/CRDS et la cotisation maladie, le retraité devra supporter sur cette rente « chapeau » pas moins de 22 % de prélèvements obligatoires, avant même l’impôt sur le revenu. Cette taxe supplémentaire sur les retraites chapeau ne semble pas forcément justifiée dans la mesure où la rente moyenne de ces dispositifs est estimée à 323 € par mois. Les régimes « article 39 » ne profitent pas qu’aux grands dirigeants et constituent souvent l’unique moyen pour les salariés n’ayant pas eu une carrière linéaire de combler une très forte baisse de niveau de vie au moment de la retraite. Les régimes à prestations définies jouent donc un rôle à part dans le paysage de l’épargne retraite à la différence des contras à cotisations définies et du Perco qui participent à une logique similaire. Si les pouvoirs publics décident de « sacrifier » la retraite chapeau, ce qui serait préjudiciable, il serait alors astucieux de relever les plafonds de versements du Perco de manière à ce que les hauts revenus qui ont besoin de cotiser fortement pour se préparer un complément de retraite, puissent épargner plus tout en bénéficiant d’avantages fiscaux.

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