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Section 1 : Les industriels et l’assurance face au changement climatique

ADIAL

En matière industrielle et commerciale, les assureurs doivent innover et proposer des solutions afin que les activités économiques soient le moins possible perturbées par les conséquences des risques environnementaux, ce qui est concrétisé par une offre de produits d’assurance indiciels (A) et une meilleure couverture de la chaine d’approvisionnement, éclatée géographiquement en raison de la mondialisation galopante.(B)

A- Les initiatives et contributions des industriels : les dérivées climatiques indicielles

Le succès des dérivés climatiques auprès des assureurs ne doit pas faire ombrage à leur diversification récente. La clientèle de ces produits financiers indiciels évolue et se compose depuis quelques années d’acteurs privés et plus spécifiquement d’entreprises dont l’activité et par conséquent la rentabilité est liée, voire dépendante du climat.

Grâce à leur retour d’expérience fondée sur leurs propres transferts alternatifs des risques, les assureurs et courtiers d’assurance proposent désormais de nouveaux produits spécifiquement créés pour les entreprises dites météo-sensibles.

Afin de diminuer l’impact du climat et la volatilité de la rentabilité des activités de ce type d’entreprise, les conséquences climatiques doivent devenir une variable minimale pour le calcul de la performance. Elle sera lissée par l’intervention des dérivés climatiques proposés par les assureurs.

Le recours aux dérivés climatiques par les entreprises industrielles et commerciales est encore confidentiel en France. Ces contrats, spécialement élaborés donnent permettent à l’entreprise de déterminer en amont de la conclusion du contrat, un seuil, fonction d’un indicateur climatique variable. Si le seuil est atteint, alors l’indemnisation est versée. Certaines entreprises, et en premier lieu les entreprises du secteur énergétiques sont très sensibles aux aléas climatiques, sans que pour autant, la manifestation de ces derniers soit d’ampleur catastrophique. Comme il a été présenté dans la première partie, les événements climatiques de faible intensité tel que les épisodes de pluies ou caniculaires vont avoir des périodes de retour beaucoup plus fréquentes qu’auparavant en raison du changement climatique. Ces événements, restent forts de conséquences pour les entreprises qui dépendent du climat et leur rentabilité peut s’en trouver altérée. Une centrale d’énergie renouvelable basée sur des panneaux photovoltaïques aura des résultats altérés si les épisodes de pluie se prolongent. La performance énergétique à laquelle s’était engagée l’entreprise ENR ne sera pas atteinte et cette dernière se verra appliquer des pénalités pour défaut de performance. Les assureurs voient ces dérivés comme un axe d’opportunité important de l’assurance.

Leurs cibles principales sont les entreprises énergétiques dont les activités se concentrent sur un type de produit et dans une zone géographique donnée. Le découpage en zones géographiques permet de déterminer les indices climatiques pertinents en vue de l’élaboration d’un sous-jacent adapté au produit dérivé. La création de produits est inhérente à cet indice météorologique qui peut de facto être très différent d’un produit à l’autre. Il existe l’indice MetNext, filiale de Météofrance ou le nombre d’heures d’ensoleillement quotidien. Les producteurs énergétiques peuvent voir leurs recettes diminuer si les températures hivernales sont supérieures à leurs prévisions. La demande en énergie est moins importante que celle produite en prévision de l’hiver. Aussi, la volatilité de la température peut affecter la rentabilité de ce type d’entreprises. Les contrats de dérivés climatiques permettent ainsi de plafonner les pertes occasionnées par une volatilité des températures, imprévisible sur le long terme. Elles engendrent des gains puisque même dans l’hypothèse de températures plus basses que les prévisions, l’entreprise tirera une rentabilité, non pas en limitant les pertes par la souscription d’une police d’assurance indicielle, mais en fournissant plus d’énergie. Le dérivé climatique peut être considéré comme une sureté, qui sera déclenchée au bénéfice de l’entreprise lorsque le climat peut engendrer des pertes financières.

Les courtiers, sont proactifs dans le domaine, AON offre des solutions spécialement conçues pour les panneaux photovoltaïques et leur performance énergétique idoine, ce contrat permet le rembourser la perte de revenus résultant du manque d’ensoleillement.

Les grands producteurs énergétiques représentent la majeure partie de la clientèle, dans ce domaine ERDF, qui gère le réseau public de distribution d’électricité français, s’est couvert contre le risque de tempête en France en 2011, à hauteur de 150 millions d’euros, par le biais de l’émission de Catbonds appelé Pylon II Ltd par l’intermédiaire de Natixis. Dans le secteur particulier des énergies renouvelables, les contrats de dérivés climatiques ont accompagné le développement de l’implantation de cette industrie nouvelle : dès 2004 Munich Ré lançait son produit de transfert alternatif : Renewable Energies. Du côté d’Allianz, on estime que « 35 à 40% des comptes de son portefeuille grands compte pourrait être concerné par ce type de produits. »(272)

De nouveaux secteurs d’activités dépendant du climat s’intéressent au sujet. Dans un premier temps, l’agriculture hautement dépendante de climat, est en recherche de couvertures indicielles, au niveau international. Zenkyoren, la fédération nationale d’assurance des coopératives agricoles Japonaise recherchait déjà en 2003 des capacités de couvertures contingentes contre les risques de typhon post tremblement de terre, capacités rares au Japon. Swiss Ré a alors placé pour Znekyoren le Catbond phoenix pour un montant de 470 Millions de dollars. Ces produits ont changé, les Catbonds étaient la seule alternative, il y a quelques années, désormais en réponse, se trouvent des produits plus localisés, le Liberty syndicate propose des activités de réassurance climatique très populaires en Asie, l’entreprise intervient auprès d’un assureur Indien agriculture Insurance Company of India qui distribue des couvertures climatiques auprès de deux millions de paysans locaux. Les agriculteurs situés au Brésil et l’Argentine sont très intéressés par la transposition du principe mais les indices ne sauraient être les mêmes. D’autre part, le secteur de la grande distribution se montre intéressé dans le développement de produits adapté aux effets des températures basses sur la fréquentation des magasins et leurs chiffres d’affaires. La grande distribution avait été sévèrement frappée par la vague de froid de l’hiver 2010 qui avait fait chuter les ventes et bénéfices. Les parcs d’attractions et de loisirs, se trouvant également géo-sensibles ont entrepris une démarche de réflexion similaire.

Ce système alternatif de transfert des risques trouve ses limites. Le secteur énergétique a mis en place un système de vente et d’achat d’énergie au niveau international par le biais des marchés boursiers spécialisé dans les matières premiers. En cas de températures trop douces, les entreprises du secteur énergétique peuvent vendre le surplus produit sur ces marchés. Les prix pratiques sont hautement volatils, mais ce système a le mérite de limiter les pertes.
Cela limite d’autant l’intérêt des dérivés climatiques qui voient leur utilité prendre les caractères de la marginalité. Les volumes d’échanges sur les marchés des dérivées climatiques à destination des entreprises du secteur privé est pour ces raisons assez limité et peu de liquidités sont disponibles.

D’autres initiatives de partenariat entre assureurs et entreprise sont à souligner.

B- La maîtrise de la « supply chain »

Un des risques les moins bien maîtrisés dans le domaine industriel est celui de la continuité de la chaine logistique d’approvisionnement. L’effet papillon est aussi vrai pour le monde industriel, une catastrophe naturelle à l’autre bout du globe peut produire des conséquences désastreuses sur la chaine d’approvisionnement et ces incidences sont internationales. En 2011, les inondations en Thaïlande ont fait ont conduit à l’arrêt de 14 000 usines de production de biens informatiques et c’est par conséquent toute l’économie du secteur qui a été bouleversée : les expéditions de disques durs au quatrième trimestre vont diminuer à 125 millions d’unités, en baisse de 27,7 % par rapport aux 173 millions expédiés au troisième trimestre273. Le Tsunami survenu la même année au Japon a eu un impact sur le monde de l’industrie automobile en raison de la place importante des fournisseurs japonais dans le secteur.

Certaines ruptures d’approvisionnement peuvent mettre à l’arrêt des usines entières et en mars 2011, ce sont 5 000 ouvriers des usines PSA sont au chômage technique : une pièce indispensable à la production d’un moteur provient de manière exclusive d’une usine située à proximité du lieu de survenance du sinistre. « Ses conséquences ont été évaluées par la direction financière du groupe à 147 millions d’euros », témoigne Pierre-Olivier Salmon, porte-parole de la direction du groupe.

Selon une étude réalisée par FM Global(274) si une catastrophe naturelle identique à celle de Fukushima était survenue en Chine, l’impact aurait été massif pour toutes les chaînes d’approvisionnement et donc sans précédent sur l’économie mondiale. L’étude démontre que 86 % des entreprises interrogées dépendent de la Chine pour l’approvisionnement de leurs lignes de production clés. La géographie de la Chine, fait d’elle un pays exposé aux risques d’ampleur catastrophique et d’origine naturelle que ce soit des inondations ou des séismes par exemple.

Contrairement au Japon, la Chine n’est pas aussi bien préparée face aux catastrophes naturelles, leur survenance n’en sera que plus massive et pleines de conséquences financières dramatiques. De manière plus générale, il est constaté que « L’accroissement des catastrophes climatiques et la concentration de l’industrie se sont traduits par une augmentation des sinistres par leurs effets directs ou indirects, une catastrophe locale peut avoir aujourd’hui un retentissement mondial avec de graves conséquences économiques pour les industriels. Les assureurs ont couvert ce risque, en proposant des garanties carence de fournisseurs ou clients (Contingency Business Interruption), mais cette réponse ne peut être complète en terme de couverture ou de risques. Les standards d’assurance diffèrent selon les pays et l’exposition aux risques.

Par exemple il est très difficile d’obtenir une garantie tremblement de terre au Japon, et elle sera limitée à de faibles capitaux.», selon Dominique Brossais(275). De son côté, l’AMRAE estime que le risque de catastrophe naturelle comme l’une des préoccupations majeures des risk-managers, pour ses effets sur une chaîne d’approvisionnement en flux tendu et sur les garanties des compagnies d’assurance. Les incidences de ces sinistres très onéreux seront une augmentation de primes. Les capacités sont toujours présentes mais en vertu de l’accroissement du nombre de sinistres, les assureurs et surtout les réassureurs augmentent les coûts de transfert mais surtout on constate un risque de cumul au niveau de la garantie de pertes d’exploitation. La multiplication des sinistres d’ayant pour origine un agent naturel absorbent des capacités en raison de l’accroissement de l’intervention des assureurs par le truchement de la garantie de perte d’exploitation déclenchée catastrophe après catastrophe.

Cette dimension doit être intégrée au risk-management car la même étude démontre que la valorisation boursière des sociétés ayant subi des ruptures de chaîne d’approvisionnement diminuent en moyenne de 40 %, il est regrettable de voir que fiabilité de la chaîne d’approvisionnement continue d’être sous-estimée selon FM Global. Les risk-managers analysent leurs garanties contractuelles dans leurs polices afin de déterminer l’existence de trous ou de cumul sur toute la chaine d’approvisionnement, c’est ce que la profession appelle la gestion globale ou la vision 360°, les risques ne doivent pas être étudiés en silo.

Les assureurs tentent de devenir un partenaire non seulement de long terme mais unique sur toute la spply chain. Il existe au sein des assureurs une réelle volonté de couvrir toutes les étapes de la supply chain. Tokyo Marine, pour illustration, tente de maximiser sa position d’assureur de la chaine entière de production auprès de métiers de la logistique et du transport. D’autres acteurs, comme FM Global ou MARSH MC LENNAN(276) proposent des services de conseils à leurs assurés afin de les accompagner dans la mise en place d’une réflexion 360° sur l’exposition aux risques majeurs de leur chaine d’approvisionnement afin de procéder en amont à des modifications opérationnelles sur leurs business units. Les initiatives privées entre les assureurs et les industriels adoptent une posture de réflexion empirique post catastrophe soit par le biais d’achats de nouveaux types de contrat d’assurance, soit par l’analyse purement objective et globale des risques liée à la délocalisation de la production industrielle. A une échelle plus locale, une solution d’assurance émerge afin épauler les populations des pays en voie de développement, souvent les plus exposés aux risques de survenance d’un sinistre d’ampleur catastrophique lié à un agent naturel. (Section 2)

272 Thierry Van Santen Directeur Général d’ Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS) France
273 Les inondations en Thaïlande perturbent le secteur informatique – économie – thailande-fr
274 http://www.fmglobal.com/assets/pdf/SupplyChain_RiskStudy.pdf
275 Dominique Brosset est directeur général de Naudet DB&A, experts en assurance spécialisés en sinistres industriels
276 http://www.mmc.com/

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