Il existe un panorama d’assurances de dommages et de personnes dédié à la couverture des risques de l’entreprise. Parmi celui-ci, nous pouvons citer les assurances contre l’incendie, les dégâts des eaux, le vol, le bris de machine, les accidents corporels, la maladie, les risques liés à l’informatique, au transport, à la responsabilité civile de l’entreprise et des mandataires sociaux, etc.
Les risques à traiter, étant déjà étudiés et regroupés en famille, portent sur le patrimoine et l’activité de l’entreprise. Cette dernière cherche donc à se couvrir en priorité contre les conséquences pécuniaires des dommages qu’elle peut subir sur ses propres biens et celles qu’elle peut occasionner aux tiers dans l’exercice de ses activités.
Les risques de l’entreprise identifiés dans la cartographie sont classés en risques stratégiques, financiers, opérationnels, de reporting, de conformité et périls. Il convient de voir dans quels cas ils sont assurables.
Paragraphe 1. Le risque stratégique
Le risque stratégique est classé parmi les risques normaux supposés non assurables dans la mesure où l’entreprise prend une décision dans le but de s’enrichir tout en sachant qu’elle peut s’appauvrir s’il en résulte une perte. Nous mettons un bémol à cette position défendue par maints auteurs sur le management des risques tel que Jacques Charbonnier(13), car une décision stratégique peut contenir des évènements aléatoires susceptibles d’être assurés.
Par exemple, lors de l’assemblée générale ordinaire, le Conseil d’administration décide d’accroître la production de l’entreprise de 10% dans un horizon de deux ans en investissant sur la construction d’une nouvelle unité de production. Cette décision relevant de la stratégie de l’entreprise est exposée à des risques pouvant entraver sa réalisation tels que les dommages survenant durant les travaux de construction. Bien qu’étant un risque normal, ce risque stratégique demeure en partie assurable car il existe des assurances qui couvrent les risques liés aux projets de constructions. La garantie « Tous risques chantier » couvre les dommages survenus durant les travaux ; la clause « Garanties des frais pour heures supplémentaires, travail de nuit, travail pendant les dimanches et les jours fériés, et expédition à grande vitesse » réduit le temps de retard par rapport au délai de l’objectif fixé ; et la garantie « Perte d’exploitation anticipée » pourrait prendre en charge les pertes de marge brute suite à un retard de livraison du projet dû à un dommage couvert. Cette combinaison de garanties parmi d’autres pourrait assurer la réalisation de l’objectif fixé par le Conseil d’administration. Dans ce cas d’espèce, l’assurance a contribué à la couverture du risque stratégique.
Supposons que l’entreprise envisage d’implanter cette unité de production à l’étranger, sans qu’il n’y ait des dommages directs aux biens, la COFACE(14) garantit le remboursement des frais investis dans le cas où le projet n’arriverait pas à terme pour des raisons liées à la politique du pays d’implantation. Cette garantie nous semble être une assurance de risque spéculatif ou de risque stratégique.
Lorsque le risque stratégique découlant d’une décision de gestion porte sur des ressources matérielles ou humaines qui peuvent être couvertes par des produits d’assurance, nous pensons qu’il demeure assurable par ricochet. Cependant, il existe des cas où le risque stratégique devient un risque non assurable. Par exemple, la spéculation sur le marché financier n’est pas couverte par des produits d’assurance.
Paragraphe 2. Le risque financier
L’acquisition d’un immeuble en vue de le louer pour en tirer des gains périodiques constitue un risque financier. D’ailleurs un tel immeuble est appelé « immeuble de placement ». Dans cette opération, l’entreprise espère rentabiliser son investissement dans le temps comme elle peut aussi subir une perte. Ce risque financier peut se réaliser lorsqu’un incendie se déclare dans l’immeuble et le brûle partiellement ou entièrement. Ce placement est anéanti. L’objectif financier est menacé dans la mesure où l’immeuble sinistré serait impropre à sa destination. Pour sauver le placement, il faudra remettre l’immeuble dans la situation dans laquelle il était avant le sinistre mais aussi retrouver les flux financiers périodiques prévus dans le plan de financement. La remise en état de l’immeuble peut être prise en charge par une assurance contre l’incendie et les gains escomptés couverts par la garantie « perte de loyers ». Dans la mesure où le risque financier repose sur une chose assurable, il devient donc assurable.
Si l’immeuble de placement ne trouve pas preneur du fait de la conjoncture économique défavorable, dans ce cas, le risque financier découlant de la moins-value qui pourrait en résulter n’est pas prise en charge par l’assurance. Ce risque n’est pas assurable.
Paragraphe 3. Le risque opérationnel
La grande majorité des auteurs sur le management des risques s’accordent pour limiter le domaine d’intervention du risk manager à la gestion des risques dits « purs » ou « accidentels ». Le risque opérationnel concerne l’activité quotidienne de l’entreprise, il peut occasionner des dommages aux biens de l’entreprise et causer des préjudices aux tiers.
Les risques opérationnels sur les biens meubles et immeubles sont assurables et couverts par des polices d’assurance de type « multirisque » avec les évènements garantis nommés ou bien de type « Tous risques sauf ». Dans le deuxième mode de couverture, seuls les dommages non couverts sont cités pour déterminer l’étendue de la garantie.
Le personnel étant au centre de l’activité de l’entreprise peut être l’auteur des dommages mais aussi victime de la réalisation des risques opérationnels. Les accidents du travail en constituent l’exemple par excellence. Ils entrainent une présomption de responsabilité à l’égard de l’employeur et font, d’ailleurs, l’objet d’une réglementation dans plusieurs pays. En France, ils sont régis par le Code de sécurité sociale. Rappelons que les risques de responsabilité sont des dettes envers des tiers donc des charges sur la trésorerie de l’entreprise. Le traitement du risque opérationnel lié aux accidents du travail est effectué en partie par les Caisses primaires d’assurance maladie et complété par la souscription d’une assurance privée. Les chefs de préjudice sont fixés par le législateur et indemnisés forfaitairement. Toutefois, l’employé victime d’une faute intentionnelle peut exercer une action en responsabilité contre son employeur afin d’obtenir la réparation intégrale des préjudices subis.
La malveillance, la fraude, les escroqueries, les écritures en faux sont autant de risques opérationnels auxquels l’entreprise est exposée du fait de son personnel. Bien que ces risques se réalisent de façon intentionnelle, ils demeurent néanmoins assurables par le biais des polices « Globale de banque » et « Responsabilité civile entreprise ».
L’assurance offre de larges possibilités pour la couverture des risques opérationnels de l’entreprise. L’activité de celle-ci est assurable contre les risques de responsabilité civile délictuelle et contractuelle, mais aussi après la livraison des produits ou des travaux. Même le risque putatif c’est-à-dire celui déjà réalisé avant la souscription du contrat, reste assurable pourvu qu’il soit ignoré par l’entreprise au moment de contracter l’assurance.
Paragraphe 4. Le risque de reporting
La situation financière et les perspectives de l’entreprise sont des informations pertinentes qui motivent les décisions des investisseurs. Pour éviter de fausser le jeu de la concurrence et assurer la confiance sur le marché, la qualité de l’information communiquée par l’entreprise est surveillée par les Autorités de contrôle. C’est ainsi que des responsabilités sont situées. L’élaboration de l’information financière et l’établissement des états financiers sont sous la responsabilité de la Direction générale. Le Conseil d’administration doit, par le biais des comités spécialisés, veiller à ce que celle-ci exécute convenablement sa mission, sans oublier que le Président du Conseil d’administration est responsable de la rédaction du rapport d’audit.
Dans ce système, un risque de reporting peut survenir par exemple dans l’inapplication d’un principe comptable lors de l’établissement des documents de synthèse. Une faute de gestion peut aussi être décelée dans les informations communiquées aux actionnaires ou au public. Ainsi, toute personne lésée, qu’elle soit actionnaire ou un tiers, du fait de la qualité de l’information financière fournie par l’entreprise pourrait intenter une action en responsabilité contre ses mandataires sociaux qui sont exposés sur leurs patrimoines personnels. Pour couvrir ses dirigeants dans l’exercice de leur mission, l’entreprise souscrit une assurance « Responsabilité civile des mandataires sociaux » susceptible de couvrir le risque de reporting.
Paragraphe 5. Le risque de non-conformité
L’entreprise doit respecter l’ensemble des règles de droit commun et celles spécifiques à son secteur d’activité. Le risque de non-conformité se réalise dès lors que celle-ci n’a pas respecté une règle établie. Dans un cadre contractuel, il engage la responsabilité contractuelle de l’entreprise. Une faute de commission qui est une violation d’une règle préétablie conduit à la mise en cause de la responsabilité civile ou pénale de son auteur. Si les risques de non-conformités engageant la responsabilité civile de l’entreprise restent assurables, en revanche ceux pour la responsabilité pénale demeurent non assurable par la loi.
L’entreprise qui ne prend pas les mesures de sécurité et d’hygiène nécessaires à son activité, s’expose à des risques de non-conformité au Code de la sécurité sociale. Si les accidents du travail restent assurés, en revanche, la responsabilité pénale de l’employeur qui pourrait en résulter n’est pas assurable.
Paragraphe 6. Le péril
Ce sont les grands sinistres, exceptionnels de par leur ampleur, qui menacent la pérennité de l’entreprise. Ce sont aussi les effets des vents, les risques technologiques et les catastrophes naturelles. Pour ces risques, une assurance est obligatoire dans toutes les polices couvrant des dommages directs aux biens. A l’échelle de l’entreprise, le péril reste un risque assurable.
13 « Le risk management – Méthodologie et pratiques », Ed. L’Argus de l’assurance, Page 31
14 Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur