Ces techniques sont avant tout des techniques de prévention, même si elles peuvent
être déclinées différemment, pour servir à la réparation. Cela ressort de l’essence même de la
sûreté qui renvoi à la notion de protection, à se prémunir contre un danger ou une menace.
Les sûretés et mécanismes financiers sont des techniques de garantie financière. Même si elles
n’ont pas tout à fait le même le fonctionnement que l’assurance, elles attestent de la
responsabilité de l’exploitant et de sa capacité à réagir dans l’urgence et ce efficacement,
celui-ci disposant d’un potentiel financier d’intervention en période de crise. Les garanties
financières peuvent prendre de formes diverses et variées (voir Annexe n°2), pour ainsi
englober des techniques, qui ne sont pas tout à fait des procédés courants en assurance,
surtout en assurance du dommage écologique. Nous les analyserons une à une, en montrant
comment elles se déclinent pour s’adapter au monde assurantiel et à la couverture du
dommage écologique.
– Les Hypothèques
Sureté réelle immobilière, l’hypothèque est un droit réel accessoire, grevant un
immeuble et constitué au profit d’un créancier en garantie du paiement d’une dette. Elle peut
être utilisée pour garantir la couverture des obligations résultant de la responsabilité civile de
l’exploitant pour les pollutions résultant de son activité. Ce type de garantie est basé sur les
actifs de l’exploitant. Ces actifs (immobiliers dans notre cas) seront individualisés et gelés,
pour régler le tiers victime de dommage si le débiteur ne s’exécute pas.
La particularité de cette garantie est qu’elle a des conditions de « validité ». Pour
constituer une hypothèque, il faut que le créancier soit connu d’avance (car on constitue une
hypothèque au bénéfice d’une personne précise), ainsi que le plafond de sa créance, pour
qu’on soit certain que cette hypothèque constitue une véritable garantie pour lui en cas
d’inexécution du débiteur. Nous aurons compris l’inconvénient de cette garantie en matière
environnementale où l’évaluation de l’étendue de la pollution et de son coût est difficile à
prévoir à l’avance. Cependant, rien n’empêche que l’on puisse souscrire une hypothèque au
bénéfice d’une personne publique à l’occasion de la délivrance d’un permis d’exploitation
pour couvrir le coût des mesures à entreprendre pour la prévention des atteintes à
l’environnement. La commission européenne est très favorable à ces techniques de garantie
financière en tant qu’alternative à l’assurance et encourage les Etats membres à les développer
davantage(50) (voir Annexe n°3).
– Les Garanties bancaires
Plusieurs types de garanties bancaires sont utilisés dans le domaine environnemental.
Nous en traiterons deux :
Les lettres de crédit. Il s’agit d’un document émis par une banque invitant une autre
banque du même réseau bancaire ou non, à remettre sous certaines conditions et modalités (en
une fois ou en plusieurs traites) une somme d’argent à une personne déterminée ou à son
ordre, d’un montant déterminé dont elle garanti le paiement. L’émission de lettre de crédit se
fait en fonction de la solvabilité de la personne (physique ou morale) pour laquelle elle est
émise. L’institution bancaire demandera en général une garantie du montant de la valeur de
cette lettre de crédit. Cette garantie peut être un nantissement, une hypothèque, un autre
instrument monétaire, etc. La lettre de garantie sera utilisée comme moyen de couverture du
dommage écologique si celui-ci venait à survenir. C’est une véritable garantie financière, dans
la mesure où elle est accordée par des établissements financiers, en général solvables.
L’inconvénient de cette technique est sa difficulté d’obtention en période crise. Aux Etats-
Unis, les lettres de crédit utilisées comme mécanismes de garantie financière dans le cadre de
la réglementation environnementale sont irrévocables(51).
Les accords sous séquestre. Ceci se rapproche de la technique de l’assurance vie. En
effet, l’exploitant effectuera des dépôts de fonds auprès d’une banque ou d’un établissement
financier quelconque. Un contrat est fait en amont entre l’exploitant et l’établissement pour
fixer les conditions dans lesquelles les fonds pourront être débloqués. Le contrat prévoira par
exemple que les fonds ne seront débloqués que pour la mise en oeuvre de mesures de
prévention et de réparation des dommages à l’environnement. La différence avec l’assurance
vie est que si l’exploitant venait à arrêter son activité définitivement, le montant des actifs
séquestrés pourrait lui être reversé en tout ou partie conformément aux stipulations
contractuelles.
– Garanties-cautions
Ce sont des instruments financiers par lesquels les banques, assurances ou autres
institutions financières acceptent de verser une certaine somme d’argent plafonnée, en
réparation du dommage écologique causé par une société responsable de pollution, lorsque
celle-ci ne restaure pas l’environnement pollué ou n’est pas /plus capable de supporter les
frais de restauration. L’établissement-caution dans ce cas, va se substituer à l’exploitant
défaillant. Ces garanties-cautions peuvent être des obligations de performance ou des
obligations de paiement. Dans le premier cas, elles couvriront les frais d’achèvement des
travaux déjà commencés par l’exploitant. Dans le second, elles fourniront les frais nécessaires
pour effectuer la totalité de ceux-ci conformément aux prescriptions de l’accord entre les
parties. Ces garanties peuvent être accordées pour des périodes plus ou moins longues
(comme pour la période postérieure à la fermeture d’un centre d’enfouissement de déchets(52)).
Tous ces sûretés et mécanismes financiers suscités sont appelés à se développer dans
le domaine environnemental en tant qu’alternative à l’assurance. Ils présentent cependant
l’inconvénient d’immobiliser des proportions importantes de l’actif (financier et immobilier)
de l’exploitant, ce qui peut être très handicapant pour les petites et moyennes entreprises
/industries. Aussi, ces techniques sont quasiment toutes encadrées dans les limites financières
spécifiées au moment du contrat. Il y a donc un grand risque d’inadéquation entre la provision
et le coût réel de réparation du dommage. Dans ce cas, la réparation risque fort d’être
partielle. Nous pensons que ces procédés seront plus efficients, s’ils sont utilisés comme
complément de l’assurance. L’efficacité de la réparation du dommage écologique n’en
ressortira que confortée.
Au delà des sûretés et mécanismes financiers, le financement autonome constitue un
autre moyen de couverture du dommage écologique.
50 Rapport de la commission au Conseil, au Parlement Européen, au Comité Economique et Social Européen et
au Comité des régions, au sujet de la directive N° 2004/35/CE, Bruxelles le 12 octobre 2010, COM (2010), 581
final, Point N°4, Voir : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0581:FIN:FR:PD
51 Bio Intelligence Service, “Study on the implementation effectiveness of the environmental liability directive
(ELD) and related financial security issues” Final Report 2009, op cit Annexe2, p 70
52 Bio Intelligence Service, op cit Annexe2, p 71