La première section présente les résultats de l’analyse des rentabilités financières et économiques des fonctions de production et de commercialisation de la filière anacarde. Elle est aussi consacrée à la mesure des transferts et à l’analyse de la sensibilité des rentabilités et des transferts.
Paragraphe 1 : Mesure de la rentabilité financière, de la rentabilité économique et des transferts de la fonction de production de la filière anacarde
Ce paragraphe expose les facteurs de production, les contraintes liées à la production, l’évolution des prix de vente bord-champ, le compte d’exploitation et la Matrice d’Analyse des Politiques (MAP) de la production d’anacarde.
1. Facteurs de production :
Il s’agit de :
1. Propriété foncière et acquisition :
Dans la commune de Savalou, la grande partie des terres appartient aux collectivités familiales. Elles sont transmises aux seuls membres de la même collectivité et ce de génération en génération. La figure n°4 montre les différents modes d’accès à la terre et leur proportion dans la commune.
L’examen de cette figure révèle que 82,15% des terres sont acquises par les enquêtes à travers un héritage. Aussi, ces terres sont-elles héritées avec des plantations de tecks ou de palmiers et en grande partie d’anacardiers.
Dans la commune, comme au Bénin, les terres sont généralement héritées par la descendance masculine et les femmes veuves. Ce qui explique pourquoi 94,05% et 2,38% des producteurs d’anacarde soient respectivement des hommes ou des veuves.
Ce résultat conforte la position de AÏNA (1996) qui dans une étude de la rentabilité de la production des noix de cajou au niveau paysan a trouvé que deux des quatre objectifs définis par le paysan concernant l’anacardier sont : l’anacardier comme affirmation du statut foncier et l’anacardier comme mode de transferts du capital à la descendance.
De plus, ASSOGBA (2011), dans une étude sur la production et la commercialisation de l’arachide dans la commune de Savalou révèle que 80% des enquêtés ont hérité de l’espace occupé pour cette culture.
Par ailleurs, 8,33% des terres ont été acquises par les enquêtés sur don d’une tierce personne ou d’un autre membre de la même collectivité.
De même, 7,14% et 2,38% des enquêtés ont acquis l’espace utilisé pour la culture de noix de cajou respectivement par achat et par prêt.
La taille de ces proportions peut être justifiée par le fait que dans les zones rurales et particulièrement dans la zone d’étude, on ne vend pas la terre et on ne pratique pas le métayage, ni le fermage pour les cultures pérennes (ayant un cycle de vie végétatif très long allant jusqu’à 30ans dans le cas de l’anacardier). Ainsi donc, si autre fois les terres étaient octroyées aux demandeurs, aujourd’hui avec la forte pression démographique et les héritages successifs au sein des collectivités familiales la proportion d’achat augmente au détriment de celle du don de terres. Car certains membres de Collectivité préfèrent vendre leur terre au plus offrants que de la léguer à leur descendance.
2- Main d’œuvre agricole :
A Savalou, la production de l’anacarde dans son état actuel n’utilise pas une forte main d’œuvre. Chose qui devrait changer si les producteurs pratiquaient toutes les opérations de l’itinéraire agronomique de production de l’anacarde. En effet, les seules opérations pratiquées par les producteurs sont l’entretien (1er et 2ème fauchages) et la récolte.
Le tableau n°14 révèle que l’opération d’entretien nécessite en moyenne 4,71 (+/- 2,89) ouvriers agricoles. Tandis que l’activité de récolte utilise en moyenne 10,41 (+/- 7,06) ouvriers agricoles. Ces moyennes sont composées de la main d’œuvre familiale, de la main d’œuvre salariée et de l’entraide. Les deux premières étant les plus dominantes et l’entraide très peu observée. Cependant, il est de constat dans la commune de Savalou que l’opération d’entretien est menée principalement par la main d’œuvre masculine contrairement à celle de la récolte qui mobilise en grande partie la main d’œuvre féminine et juvénile.
Par ailleurs, 73,80% des producteurs utilisent la main d’œuvre familiale pour la récolte et 8,33% d’entre eux utilise le même type de main d’œuvre pour l’entretien. Ainsi donc, les trois types de mains d’œuvre sont utilisés dans la commune de Savalou. La main d’œuvre familiale est utilisée pour l’opération la moins contraignante (la récolte) et la main d’œuvre salariée sollicitée pour l’opération la plus difficile (l’entretien). Néanmoins, une minorité de producteurs utilisent alternativement à l’entretien, le labour des plantations et la majorité d’entre eux rémunère les ouvriers agricoles utilisés dans le cadre de l’opération de récolte par le partage de la récolte chaque ouvrier prenant les 1/3 ou les ¼ ou les 1/5 de sa récolte journalière, proportion variant selon les arrondissements de la commune.
Tableau n°14 : Répartition de la main d’œuvre par opération et par type
Source : enquête de terrain, Avril 2012
3- Capital financier :
Dans la commune de Savalou, la principale source de financement des opérations de production de l’anacarde reste le financement sur fonds propres. En effet, les résultats de l’enquête de terrain présentés dans le tableau n°16 indiquent que 65, 48% des producteurs financent eux-mêmes les activités de production. Aussi, seulement 5,95% des producteurs ont fait recourt aux institutions de micro finance (CLCAM et PROMIC) pour les mêmes opérations. Cependant, 2,38% des producteurs ont décidé involontairement ou volontairement selon les contraintes (manque de financement ou faible rendement) de ne pas investir dans leur champ d’anacardiers.
Les producteurs justifient leur désintéressement au financement par les institutions de Micro Finance (IMF) par les conditions d’octroi de crédits ( délai de remboursement et garantie) qu’ils trouvent très contraignantes en générale et plus particulièrement la quasi inexistence de crédits pour le financement de certaines cultures dont l’anacarde. Et pour certains responsables d’IMF, même si l’objectif premier des IMF est d’offrir des services financiers de proximité aux populations à la base, notamment à la population rurale, il n’en demeure pas moins qu’elles doivent après tout assurer leur viabilité à travers un meilleur processus de récupération des fonds qu’elles auraient octroyés.
Cet état de chose pousse de plus en plus de producteurs vers un mode de financement informel voire même d’usure.
En effet, 26,19% des producteurs font recourt à “l’avance sur achat ” qui est un emprunt contracté auprès d’un commerçant ou d’un particulier en guise de préfinancement et remboursable en produit bruit lors de la récolte à un taux d’intérêt de 100%. Selon ACLASSATO (2006), malgré que le taux d’intérêt au niveau des IMF soit de 26%, nettement inférieur à celui de système informel (100%), les producteurs préfèrent ce dernier. D’après lui, le taux d’intérêt de 27% est déjà le seuil de l’usure et même suicidaire.
D’un autre point de vue, AMOUSSOUGA (2002) évoquera comme raison principale à ce désintéressement, l’asymétrie d’informations entre les parties en présence (les producteurs et les IMF).
Au total, dans la commune de Savalou, il se pose un réel problème de financement des activités agricoles en générale et plus particulièrement de la culture de l’anacarde. Les IMF sont loin de satisfaire leur objectif premier dans ce secteur. La raison la plus plausible à cela est l’asymétrie d’informations puisque tous les producteurs ont émis la volonté de rompre ce système de financement de l’avance sur l’achat qui n’est rien d’autre que de l’usure.
Tableau n°15 : Mode de financement des activités de production.
Source : Enquête de terrain, Avril 2012
2. Contraintes, évolution du prix de vente et compte d’exploitation :
Cette partie est consacrée aux différentes contraintes liées à la production de l’anacarde, à l’évolution des prix de vente bord-champ tout le long de l’année 2011 et au compte d’exploitation des producteurs.
1. Contraintes liées à la production de l’anacarde :
Les producteurs d’anacarde de la commune de Savalou font face à certaines contraintes impactant la production. Elles sont résumées dans le tableau n°16.
En effet, pour la majorité (70,24%) des producteurs enquêtés, le financement des activités de production et particulièrement les opérations d’entretien des plantations demeure l’une des plus grandes difficultés. Face à cette contrainte et en absence de crédits appropriés, les producteurs se tournent vers des usuriers qui leurs font des avances sur achat à des taux d’intérêt de 100%.
L’autre difficulté majeure, selon 65,40% des enquêtés est l’inexistence de formations et d’encadrements des producteurs sur l’itinéraire agronomique de production à suivre pour l’anacarde. Selon ces producteurs, les seules cultures qui intéressent les agents du CeCPA sont le Coton et certaines cultures vivrières comme : le maïs, l’arachide, le Soja, le Riz, etc. De plus, l’UCPA à cause de sa mauvaise organisation, de la gestion opaque de ses responsables, du manque de confiance des producteurs et surtout du manque de communication entre responsables et producteurs connaît une très faible adhésion (24,10 % des producteurs enquêtés) ce qui ne favorise pas une synergie des producteurs sur la résolution des problèmes ou difficultés de la production de l’anacarde.
En outre, les maladies liées aux insectes (les fourmis rouges, les pucerons, les coléoptères foreurs des branches, etc.) préoccupent 40,48 % des producteurs enquêtés. A cela, s’ajoutent d’autres contraintes telles que : les feux de brousse, la faible productivité des plantations, l’inexistence d’intrants et de produits phytosanitaires, la rareté de la main d’œuvre, le vol des noix de cajou, le faible prix de vente des noix de cajou et les aléas climatiques. Ces derniers ne sont pas une priorité pour les producteurs (3,57% seulement) car les conditions climatiques et pédologiques de la commune sont favorables à la culture de l’anacarde. Par ailleurs, il découle des données et statistiques d’autres contraintes que les producteurs n’ont pas soulignées. Il s’agit du vieillissement poussé des plantations et de la forte densité des plantations (plus de 100 arbres à l’hectare).
Tableau n°16 : Répartition des producteurs selon les contraintes de la production.
Source : Enquête de terrain, Avril 2012
2- Evolution du prix de vente bord-champ de l’anacarde en 2011 :
En 2011, le prix du kilogramme de noix de cajou sur le terrain a été largement influencé par certains paramètres nationaux et internationaux.
En effet, au Bénin, la campagne de commercialisation des noix de cajou a été officiellement ouverte au cours du mois de mars sur la base d’un prix plancher fixé à 200FCFA/kg.
Figure n°5 : Evolution du prix de vente bord-champ de l’anacarde en 2011
Source : Enquête de terrain, Avril 2012
Cependant, après analyse de la figure n°5, il est de constat que la campagne de commercialisation dans la commune de Savalou avait débuté le 15 Janvier à 150F CFA et le prix du kilogramme de noix de cajou en mars avait déjà atteint le double du prix plancher.
Cet écart entre les décisions gouvernementales et la pratique sur le terrain est justifié par le fait que les stratégies de commercialisation de l’anacarde dépendent de la capacité financière des producteurs. Ainsi, la commercialisation commence souvent par le remboursement des “avances sur achat ” reçu chez les commerçants ou particuliers pour l’entretien des plantations à un prix allant de 100F à 150F CFA le kilogramme. Aussi, l’information commence par circuler lançant ainsi le début de la commercialisation et le prix de départ. Mais généralement et le reste du temps, les producteurs vendent une partie de leur production au fur et à mesure que des besoins urgents de liquidité surviennent et ce jusqu’à la période de stabilité des prix où ils vendent le reste de leur stock.
D’un autre côté, dans la commune de Savalou, le prix de vente bord champ du Kg de noix de cajou a évolué de 150FCFA à 500FCFA avec au moins deux (02) augmentations brusques par mois à raison de 50FCFA par augmentation. En outre, la période allant de mi-mars à fin avril a connu une stabilité du prix de vente à 400FCFA/Kg. Ce prix correspond d’ailleurs au prix moyen de vente des stocks de noix d’anacarde par les producteurs. Par ailleurs, selon les producteurs, le prix de vente des stocks (400FCFA/Kg) et le prix maximum de 500FCFA/Kg, de 2011, sont des prix records atteints grâce à la concurrence déloyale entre les différents acteurs de la commercialisation, à la bonne circulation de l’information sur les prix et au repli des exportateurs étrangers (indiens, pakistanais, etc.) de la Côte d’Ivoire vers le Bénin suite à l’instabilité politique du pays.
3- Compte d’exploitation de la production de l’anacarde :
Pour mieux appréhender les différents coûts consentis dans la production de l’anacarde et apporter des données chiffrées sur la rentabilité de ce maillon de la filière anacarde, un compte d’exploitation a été conçu sur la base des informations collectées auprès des producteurs de la commune de Savalou. Il est présenté dans le tableau n°17 ci-dessous :
Tableau n°17 : compte d’exploitation de la production d’anacarde
Source : Calculs réalisés sur la base des données, enquête de terrain Avril 2012
Il ressort de ce compte d’exploitation que les producteurs d’anacarde supportent comme charges de production 75.381,37FCFA/ha et par an. Ces charges sont exclusivement liées à la main d’œuvre. Aussi, la production, génère-t- elle dans l’année, par ménage une valeur Ajoutée de 67.589,43FCFA/ha.
Au total, la production de l’anacarde dans la commune de Savalou dégage une marge nette positive de 64.622,13FCFA/ha par an pour chaque producteur. D’un autre côté, elle crée chaque année des emplois saisonniers à environ 20 personnes par hectare et constitue une activité rentable pour les producteurs.
C- Matrice d’Analyse des Politiques (MAP) :
La MAP de la production de l’anacarde (tableau n°18) permet d’analyser les rentabilités financière et économique, et les transferts nets et d’approfondir les conclusions issues du compte d’exploitation de la production de l’anacarde.
Tableau n°18 : Indicateurs d’analyse de la MAP pour le système de production de l’anacarde
Source : Résultats des analyses, Juillet 2012
1. Rentabilité financière du système de production :
L’analyse du tableau n°18 montre que la fonction de production de la filière anacarde a une rentabilité financière positive. Avec une rentabilité financière égale à 34.622,13FCFA /ha, la production de l’anacarde est une activité rentable pour les producteurs de la commune de Savalou. Aussi, le Ratio Coût Bénéfice Financier (0,75) est –il supérieur à 1. Et donc, les recettes tirées de l’activité de production de l’anacarde sont largement au dessus des dépenses consenties. Les producteurs peuvent utiliser efficacement leurs ressources dans cette activité. Ainsi, ces chiffres indiquent que toute intention d’investissement dans le système de la production de l’anacarde dans la commune de Savalou doit être encouragée.
2. Rentabilité économique du système de production :
La deuxième ligne de la MAP indique une rentabilité économique positive égale à 65.511,149 FCFA/ha. La production de l’anacarde est bénéfique à la communauté et donc à la commune de Savalou. On peut aussi remarquer que le CRI est inférieur à 1 (0,535
3. Evaluation des mesures de politiques économiques :
Les politiques commerciales et fiscales peuvent impacter la rentabilité de la production de l’anacarde. Aussi, plusieurs indicateurs permettent de savoir si les producteurs bénéficient ou non d’incitation à produire ou des mesures de politiques économiques. Dans cette analyse, deux indicateurs sont utilisés à savoir : les transferts nets et le CPE.
La dernière ligne de la MAP, indique que la production dispose d’un CPE égal à 0,9936. Le Coefficient de Protection Effective étant inférieur à 1 alors les producteurs sont taxés et ils ne bénéficient d’aucune incitation à produire. De même, le système de production présente un transfert net négatif. Ainsi donc, les producteurs sont défavorisés et subissent une taxe implicite de 30.889,02FCFA/ha.
Ce pendant, le CPE (0,9936) tend sensiblement vers1. Ce qui veut dire qu’avec le temps, on entrerait dans une situation de production neutre où les producteurs ne seraient ni favorisés ni défavorisés ce qui traduirait un équilibre de la compétitive des échanges de facteurs de production de l’anacarde entre le marché national et le marché international.
Paragraphe 2 : Mesure de la rentabilité financière, de la rentabilité économique et des Transferts de la commercialisation de l’anacarde
Ce paragraphe présente les contraintes liées à la commercialisation, à la formation des prix et le compte d’exploitation de la commercialisation. Il comporte également la MAP de la commercialisation et l’évaluation des rentabilités financière et économique et des transferts.
1. Contraintes liées à la commercialisation de l’anacarde :
Les différents acteurs de la commercialisation de l’anacarde (collecteurs, courtiers, grossistes) de la commune de Savalou font face à diverses difficultés. Ces difficultés sont consignées dans le tableau n°19 ci-dessous :
Tableau n°19 : Contraintes liées à la commercialisation de l’anacarde dans la zone d’étude
Source : Enquête de terrain, Avril 2012
Le tableau n°19 indique que la majorité (66,67%) des acteurs de la commercialisation de l’anacarde enquêtés sont contraints dans leur activité par : la fixation des prix de vente (grossistes-exportateurs) par les exportateurs et le non respect des engagements pris par les collecteurs. En effet, les exportateurs s’arrogent le droit de fixer le prix de vente des noix de cajou pour avoir préfinancé les grossistes ce qui impacte le prix maximum de vente bord-champ des noix de cajou auprès des producteurs.
De même, certains collecteurs prennent l’argent chez les grossistes mais n’arrivent pas à livrer les quantités prévues et utilisent les fonds de la collecte pour d’autres activités personnelles ce qui crée des impayés.
D’un autre côté, l’insuffisance de moyens de transport et le non remboursement de ” l’avance sur achat ” prise par les producteurs préoccupent respectivement 55,56% et 44,44% des acteurs de la commercialisation de l’anacarde enquêtés. Les autres contraintes, non moins importantes, sont : la recherche de financement pour l’achat de l’anacarde, le retard dans le financement de la collecte, l’insuffisance de magasins de stockage, les tracasseries routières, les mauvaises conditions de collecte, la concurrence déloyale, la fluctuation anarchique des prix et l’insuffisance de matériels (bascules, sacs de jute, etc.). Mais au-delà de toutes ces contraintes et après réflexion, il ressort que le plus grand problème de cette fonction de la filière anacarde est la mauvaise organisation du circuit de commercialisation.
B- Formation des prix et compte d’exploitation de la commercialisation de l’anacarde :
Au Bénin, s’il est de constat que le gouvernement fixe un prix plancher de vente bord-champ de l’anacarde, il s’avère aussi que l’exportation de l’anacarde ne connaît aucune intervention gouvernementale pour la formation des prix de vente. En effet, bien que l’Etat béninois fixe chaque année la période d’exportation, généralement comprise entre le 15 mars et le 15 Octobre de chaque année (JITAP, 2003), le prix à l’exportation de l’anacarde aux dires des acteurs de la commercialisation, notamment des grossistes, suit deux scénarios différents dépendant chacun du mode de financement de l’activité des grossistes.
Ainsi, dans un premier scénario, les grossistes sur la base de la confiance et du nombre d’années d’expérience dans la commercialisation de l’anacarde, reçoivent un préfinancement auprès des exportateurs (partenaires indo-pakistanais, opérateurs économiques béninois, etc.). Ces derniers imposent alors une quantité et un prix d’achat des stocks aux grossistes qu’ils ont préfinancés.
En ce qui concerne le second scénario, les grossistes s’autofinancent et vendent leurs stocks aux exportateurs les plus offrants avec possibilité de négocier le prix de vente de l’anacarde à Cotonou. Mais dans l’un ou l’autre des cas, les prix de vente de l’anacarde aux exportateurs à Cotonou évoluent de façon croissante du début de la campagne d’exportation Jusqu’à la fin de la dite campagne.
Par ailleurs, environ 95 % des acteurs de la commercialisation de l’anacarde enquêtés dans la commune de Savalou se retrouvent dans le premier scénario basé sur le préfinancement des grossistes et vendent leurs stocks aux exportateurs à des prix impactant sensiblement les prix d’achat bord-champ. Aussi, pour mieux apprécier les coûts de la commercialisation de l’anacarde et la richesse qu’elle dégage, un compte d’exploitation de ce maillon de la filière anacarde a été élaboré et présenté dans le tableau n°20.
Tableau n°20 : Compte d’exploitation de la commercialisation de l’anacarde
Source : Calculs faits à partir des données d’enquête, Avril 2012
Ce tableau indique que pour un prix d’achat moyen de 400FCFA/kg, soit 400.000FCFA/t (compris entre 150FCFA/kg et 500FCFA/kg) les grossistes ont vendu leurs stocks aux exportateurs à un prix de vente moyen de 574,5FCFA/kg au port de Cotonou soit 574.500FCFA/tonne (évoluant de 250FCFA/kg à 700FCFA /kg). Cependant, pour un coût de revient moyen de 451.111,29FCFA la tonne, les grossistes de la commune de Savalou bénéficient d’une valeur ajoutée de 123.388,71FCFA /tonne. Ce profit est souvent amplifié par la quantité très importante des stocks (en moyenne 1000tonnes chez les grands grossistes).
Ainsi donc, la commercialisation a fourni une marge nette positive de 118.031,71FCFA/tonne par grossiste. De même, elle crée de la valeur ajoutée pour la communauté, occupe et rémunère une partie de la population : des autres acteurs de la commercialisation (collecteurs, coutiers) jusqu’aux ouvriers saisonniers (chargeurs, couturiers, transporteurs, etc.).
C- Matrice d’Analyse des politiques de la commercialisation :
Le tableau n°21 présente les indicateurs d’analyse de la MAP pour la fonction de la commercialisation de la filière anacarde dans la commune de Savalou.
Tableau n°21 : MAP de la commercialisation de l’anacarde
Source : Résultats de l’analyse, Juillet 2012
1. Rentabilité financière de la commercialisation :
La fonction de commercialisation de la filière anacarde est rentable aux commerçants (grossistes) de la commune de Savalou. En effet, la rentabilité financière de la commercialisation de l’anacarde est positive. Elle dégage une rentabilité financière égale à 118.031,71FCFA /t. Cette valeur est largement au-dessus de la valeur de 26.000F CFA /tonne trouvée par ADEGBOLA et al (2006) dans la zone 5 (regroupant quelques communes des collines et la commune de Bassila) lors d’une étude de la compétitivité de la filière anacarde au Bénin : une analyse des effets aux prix de référence. Cet écart s’explique par le fait qu’en cinq (05) ans, les prix de vente à l’exportation de l’anacarde ce sont largement améliorés de même que sa rentabilité financière qui a quadruplé en cinq (05) ans. Par ailleurs, la valeur 0,793 prise par le ratio Coût Bénéfice Financier étant inférieure à 1 vient conforter la rentabilité financière de la commercialisation prouvant ainsi que toute décision d’investissement dans le secteur de la commercialisation de l’anacarde est à encourager.
En outre, le profit financier étant supérieur au profit économique, alors la communauté (la nation) transfère des revenus aux commerçants. Ainsi, les marges touchées par les commerçants sont au-dessus de la « simple » rémunération des services apportés par ceux-ci à la communauté (la nation).
2. Rentabilité économique de la commercialisation :
En se référant aux résultats du tableau n°21, il s’avère que le secteur de la commercialisation de l’anacarde est économiquement rentable. Car ce secteur dégage une rentabilité économique positive égale à 74.657,71FCFA/tonne d’anacarde commercialisée par les grossistes de la commune. De plus, avec un CRI
3. Evaluation des mesures de politiques économiques :
Les mesures de politique économique favorables au secteur de la commercialisation de l’anacarde se reflètent à travers les transferts nets et le CPE positifs obtenus dans la MAP.
En effet, avec des transferts nets de 43.380F CFA /tonne, les commerçants de gros profitent d’une subvention implicite. Cette mesure de politique économique se confirme par un CPE légèrement supérieur à 1. Le CPE = 1,0987 serait le résultat d’une protection conjointe sur le prix de vente à l’exportation des noix de cajou et sur les intrants échangeables (les pesons, les bascules, les sacs de jute, etc.).
Cela signifie également que les grossistes gagnent plus de revenu qu’ils ne gagneraient sans distorsion de prix. Cette situation explique en partie les gains réalisés par les gros commerçants au dépend de la communauté. La protection implicite proviendrait de la qualité meilleure des noix de cajou béninoises qui profitent des meilleurs prix à l’exportation dans toute la sous région et même en Afrique. Elle proviendrait également du mode de financement des activités de commercialisation de l’anacarde à savoir : le préfinancement par les exportateurs. Ces derniers fournissent certains intrants échangeables tels que les bascules, les pesons et les sacs aux grossistes qui maintiennent certaines consommations intermédiaires constantes en les rémunérant sous forme de commission.
Paragraphe 3 : Analyse des sensibilités suite aux variations de rendement et des prix. (Simulation)
Plusieurs mesures ou actions peuvent influencer les valeurs actuelles des indicateurs des MAP de la production et de la commercialisation de l’anacarde et donc des rentabilités. Parmi ces actions nous pouvons citer : la variation des coûts (Consommations Intermédiaires) de production et de commercialisation de l’anacarde, la variation des rendements de la production, la variation du prix de vente bord-champ et la variation du prix de vente aux exportateurs, etc.
Dans cette partie de l’analyse, trois mesures sont utilisées pour l’analyse des sensibilités. Il s’agit de la variation des rendements à la production, de la variation du prix de vente bord-champ, de la variation du prix de vente aux exportateurs. Car la mesure visant à faire varier les coûts de production ou de commercialisation de l’anacarde n’est pas favorable unanimement à tous les acteurs de la filière anacarde. Aux producteurs ou commerçants grossistes, une augmentation des coûts n’est pas envisageable et au reste des acteurs (les ouvriers, les transporteurs, les collecteurs, les courtiers, etc.) une diminution des revenus n’est non plus favorables.
A- Effet d’une variation du rendement de l’anacarde :
L’utilisation d’engrais, le traitement des plantations contre les insectes et maladies, le respect des itinéraires agronomiques de production de l’anacarde, le rajeunissement des plantations d’anacardiers et l’amélioration des variétés existantes sont des actions qui permettraient aux producteurs d’augmenter leur rendement ou le diminuer dans le cas inverse. Aussi, l’amélioration des rendements, même si elle n’a aucune influence directe sur les indicateurs de la MAP de la commercialisation, elle a un impact sur ceux de la MAP de la production.
Les résultats de la simulation de variations sur le rendement sont présentés dans le tableau n°22(voir annexe 6).
L’état actuel de la production de l’anacarde pourrait entraîner aussi bien une diminution de rendement qu’une augmentation (respect de l’itinéraire agronomique et utilisation d’engrais) comme précédemment indiquer.
Ainsi, le tableau n°22 présente les variations du rendement à l’hectare, toutes choses étant égales par ailleurs, dans les proportions suivantes (simulation) : -45,82%, -24,21%, 0% et 5% de même que leurs effets sur les indicateurs de la MAP de production de l’anacarde. Les trois premiers taux de variations indiquent respectivement les points morts ou seuils de la rentabilité économique (-45,82%), de la rentabilité financière (-24,22%) et la situation actuelle (0%) de la production de l’anacarde. Mais comment les indicateurs sont-ils impactés ? Et quelles en sont les conséquences pour les producteurs et le reste de la communauté ?
1. Pour toute diminution des rendements en dessous de 193,649kg/ha
(-45,82%), la production de l’anacarde n’est plus rentable pour la communauté (rentabilité économique < 0), les ressources générées ne couvriront plus les facteurs domestiques (CRI > 1) et les producteurs d’anacarde assument une perte supérieure ou égale à 30.889,02FCFA par hectare. Dans cette situation, la main d’œuvre et la redevance de la terre ne sont plus payées et les ouvriers pourront se retrouver au chômage (RCBE >1,415). Aussi, les producteurs continuent par être taxés (transferts nets = -30.889,02F CFA /ha) et ne profitent d’aucune incitation à produire l’anacarde.
2. Pour une diminution des rendements en dessous de 270,87kg/ha
(-24,21%), la production des noix de cajou ne profite pas aux producteurs (rentabilité financière < 0) quand bien même l’activité de production de l’anacarde soit économiquement rentable (rentabilité économique égale à 30.889,02FCFA/ha). Ainsi, la communauté vie au dépend des producteurs d’anacarde et ceux-ci ont intérêt à vendre ou acheter aux prix économiques d’autant plus qu’ils sont taxés et ne profitent d’aucune incitation à produire comme dans la situation réelle (transferts nets égales à -30889,02F CFA/ha et CPE = 0,991).
3. Pour un taux de variation du rendement de 0%, nous nous retrouvons dans la situation actuelle (situation réelle) de la production d’anacarde et les indicateurs se comportent comme expliquer dans les parties précédentes de l’analyse.
4. Pour un taux d’augmentation du rendement de l’anacarde de 5% (375,30kg/ha), la rentabilité financière s’améliore de 20,65% tandis que la rentabilité économique s’apprécie de 10,91% par rapport à la situation actuelle (situation réelle) de la production de l’anacarde. Cependant, les producteurs sont toujours implicitement taxés (transferts nets = -30.889,02FCFA/ha) et ne bénéficient d’aucune incitation à produire (CPE=0,99).
Au total, toutes mesures d’augmentation du rendement à l’hectare, les paramètres de prix et de coûts restants inchangés, par rapport à la situation actuelle est bénéfique aux producteurs et à la communauté (commune de Savalou). Car ces mesures font décroitre le Ratio Coût Bénéfice Financier (RCBF) et les Coûts en Ressources Intérieures (CRI) tout en augmentant les rentabilités. Par ailleurs, les transferts nets et le Coefficient de Protection Effective restent constants, chose qui pourrait changer avec un accroissement ou une utilisation des facteurs échangeables tels que : les engrais chimiques, les produits phytosanitaires pour le traitement, le matériel agricole, etc.
B- Effet d’une variation du prix de vente bord-champ :
Cette partie est consacrée aux effets des variations du prix de vente bord-champ de l’anacarde sur les indicateurs de politiques des producteurs et des commerçants.
En effet, les producteurs peuvent agir sur ces indicateurs en augmentant le prix de vente bord-champ de même que les acteurs de la commercialisation en le diminuant.
A cet effet, des réductions du prix de vente bord-champ de l’anacarde dans les mêmes proportions que précédemment avec le rendement induisent les mêmes effets sur les indicateurs de la MAP de production de l’anacarde. Ainsi les prix de vente aux producteurs de 216,71FCFA/kg (-45,82%) et de 303,135FCFA/kg (-24,22%) sont respectivement les seuils de rentabilité économique et de rentabilité financière en dessous desquels la production d’anacarde n’est plus rentable. Les autres indicateurs prenant les mêmes valeurs que précédemment avec les variations du rendement.
Ces diminutions ne profitant seulement qu’aux commerçants (diminution des coûts d’achat) alors la suite de cette analyse va s’appesantir sur les revenus perçus par les commerçants de gros de l’anacarde.
Le tableau n°23(voir Annexe 7) présente différentes situations de stimulation du prix de vente bord-champ de l’anacarde avec des taux de 0% ; 18,66% et 29,508%.
De ces simulations, il ressort que pour des augmentations du prix de vente bord-champ de l’anacarde dépassant 474,651 et 518,032FCFA/kg (sans augmentation préalable du prix de vente aux exportateurs ou diminution des autres coûts de commercialisation), la commercialisation n’est plus profitable respectivement à la communauté (rentabilité économique < o et CRI >1) et aux commerçants (rentabilité financière < o et RCBF > 1). Par ailleurs, quelque soit le taux de variation du prix bord-champ le secteur de commercialisation reste implicitement subventionné du même montant de 43.380 FCFA/tonne avec un CPE constant de 1, 0987, le RCBF et le CRI qui croissent montrant une incapacité croissante des commerçants à couvrir les coûts des facteurs non échangeables (collecte primaire, rapprochement, magasin, ouvriers, etc.) Malgré l’incitation à continuer cette activité.
C- Effet des variations du prix de vente aux exportateurs :
Excepté des causes exogènes, une augmentation du prix de vente aux exportateurs ne pourrait provenir volontairement du grossiste vu le mode de financement (préfinancement par les exportateurs) et la stratégie de formation du prix de vente (décision unilatérale de l’exportateur) qui favorisent la situation inverse : la diminution du prix de vente.
A cet effet, le tableau n°24 (voir Annexe 8) s’est plus accentué sur les situations les plus critiques de réduction du prix de vente aux exportateurs. Notons que ces variations du prix de vente n’ont aucune influence directe sur les revenus des producteurs d’anacarde.
De ce tableau, il ressort que, les autres paramètres restant constants (prix de vente bord-champ et autres coûts de la commercialisation), les grossistes assument des pertes pour des prix de vente aux exportateurs en dessous de 456.480F CFA/tonne et devront aux autres acteurs du secteur plus de 43.380F CFA/tonne quand bien même ils bénéficieraient d’une incitation à continuer par mener leur activité (CPE= 1,127) et une subvention indirecte de 43.380F CFA/t.
De même, les autres acteurs du secteur n’auront aucun profit si les grossistes vendent leur stock en dessous de 499.848FCFA/tonne. Ces derniers seront les seuls à profiter d’une telle situation. Au demeurant d’une augmentation du prix de vente de 5% soit vendre leur stock à 603.225F CFA/tonne pour augmenter leurs rentabilités financière de 24,336% et économique de 38,478%, les grossistes peuvent se contenter de la situation actuelle qui est rentable pour tout le monde. Par ailleurs, le RCBF, le CRI et le CPE décroissent au fur et à mesure que les rentabilités augmentent. Les grossistes sont alors de moins en moins inciter ou encourager à mener leur activité de commercialisation de l’anacarde parce qu’ils deviennent de plus en plus capables de couvrir tous les coûts de la commercialisation des noix de cajou.
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