A l’origine, les salariés victimes d’un accident du travail devaient agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle avec un régime de faute prouvée. Il y avait une sorte de principe d’acceptation des risques auquel le salarié était exposé en contrepartie de son salaire. Devant la difficulté des victimes à obtenir réparation et face à l’impunité des employeurs responsables de préjudices, le législateur est intervenu. La loi du 9 avril 1898 relatif aux accidents du travail prévoit une indemnisation forfaitaire et automatique, sans que le salarié victime n’ait à rechercher la responsabilité de l’employeur. Cependant, si le salarié parvient à démontrer une faute inexcusable de l’employeur, il bénéficiera d’une indemnisation complémentaire.
La faute inexcusable a été définie pour la première fois par la jurisprudence en 1941, elle envisageait quatre conditions cumulatives pour pouvoir caractériser une faute inexcusable : une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou omission volontaire, que l’auteur ait conscience du danger et l’absence de cause justificative. Cette définition a perduré pendant plus de soixante ans. Ce sont les arrêts de la Cour de cassation du 28 février 2002 relatifs à l’amiante qui ont donné une nouvelle définition de la faute inexcusable. Depuis cette date elle est caractérisée dès lors que l’employeur a conscience du danger encouru par le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Définition qui a été étendue aux accidents de travail et maladies professionnelles en avril 2002.
Ainsi, n’a pas été retenue de faute inexcusable à l’encontre de l’employeur pour le suicide d’un salarié après son licenciement, au motif que l’employeur ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel était exposé ce salarié(85).
Désormais, est mis à la charge de l’employeur une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles causées par les produits manipulés par le salarié à l’occasion de son travail.
En outre, la jurisprudence a étendu le champ de la faute inexcusable en considérant qu’une faute qui n’était pas la cause déterminante du dommage, pouvait quand même constituer une faute inexcusable. En effet, la Cour de cassation a jugé que « l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une faute inexcusable (article L452-1 Code de sécurité sociale). Il suffit qu’il y ait un lien de causalité entre la faute de l’employeur et le dommage pour que sa responsabilité soit engagée alors même que d’autres fautes auraient concouru à la réalisation du dommage »(86). De plus, l’article 4-1 du code de procédure pénale dit que la faute pénale non intentionnelle, au sens des dispositions de l’article 121-3 du code pénal, est dissociée de la faute inexcusable au sens des dispositions de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. Ainsi la faute inexcusable de l’employeur doit s’apprécie de façon distincte des éléments constitutifs de l’infraction d’homicide involontaire, de sorte que la juridiction de sécurité sociale n’est pas tenue de surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction répressive se soit prononcée(87). Une fois la faute inexcusable de l’employeur reconnue par la juridiction de sécurité sociale, celui-ci devra en assumer les conséquences pécuniaires, ou du moins son assureur.
85 Cass. civ. 2e, 31 mai 2012, n°11-18164, publié au bulletin.
86 Cass. civ. 2e, 16 février 2012, n°11-12143, publié au bulletin ; obs. H. GROUTEL, RCA, mai 2012, comm. 137, p.58.
87 Cass. civ. 2e, 15 mars 2012, n°10-15503, publié au bulletin ; note H.GROUTEL, RCA, juin 2012, comm.153, p.13.