Les régimes de retraite supplémentaire sont mis en place par les entreprises, pour l’ensemble des salariés ou pour une partie d’entre eux. Ils procurent aux intéressés un complément de retraite sous forme de rente, à partir de la cessation d’activité professionnelle, complément qui s’ajoute aux pensions servies par les régimes obligatoires, c’est-à-dire le régime général de la sécurité sociale et les régimes complémentaires obligatoires Arrco et pour les cadres et assimilés cadres, Agirc. A la différence des régimes de base qui fonctionnent selon le principe de la répartition, c’est-à-dire sur la solidarité intergénérationnelle (les cotisations des actifs payent les pensions des retraités actuels), les régimes supplémentaires fonctionnent en capitalisation (par l’accumulation des cotisations, les salariés se constituent une épargne individuelle et financent ainsi leur propre retraite). Les difficultés de financement qui touchent le système de retraite par répartition mettent en évidence l’intérêt pour ne pas dire la nécessité, de se constituer un complément de retraite par des systèmes d’épargne, alimentés au titre de l’activité professionnelle. Si aucune obligation légale n’impose la mise en place de ces régimes, tout est fait pour inciter l’entreprise à proposer un dispositif à ses salariés, ou tout du moins à une partie d’entre eux. Actuellement, seulement 27% des entreprises proposent un régime de retraite supplémentaire(46), mais nul doute que ce chiffre est amené à croître dans les années à venir. Les régimes de retraite supplémentaire sont communément répertoriés en deux catégories : les régimes à cotisations définies (§1) et les régimes à prestation définies (§2). Il existe également les contrats en sursalaires mais leur utilisation est plus marginale, c’est pourquoi ils ne feront pas l’objet de développements.
§1) Les régimes à cotisations définies, dits régimes « article 83 » : les plus répandus
Les régimes à cotisations définies sont les plus répandus dans les entreprises. S’ils peuvent bénéficier à l’ensemble du personnel, la loi réserve la possibilité d’établir des collèges de bénéficiaires, à la différence des dispositifs d’épargne salariale qui sont ouverts à tous les salariés. En pratique, nous constatons que près de 3 bénéficiaires sur 4 sont des cadres. Nous allons observer les modalités de mise en place de ces contrats ainsi que leur financement (A), puis nous nous pencherons sur la nature des droits acquis par les salariés (B).
A/ Mise en place et financement partagé de ces contrats
Les contrats à cotisations définies, plus couramment désignés sous la terminologie contrats « article 83 » par référence à leur régime fiscal, celui de l’article 83 du CGI(47), peuvent être définis comme des contrats d’assurance de groupe conclus entre un employeur et un assureur, auxquels tout ou partie des salariés de l’entreprise contractante sont contraints d’adhérer. Cette adhésion obligatoire est conditionnée par le respect de certaines formalités (1). Les cotisations versées par l’employeur peuvent bénéficier d’un cadre fiscal et social avantageux. Cependant, ce traitement de faveur est réservé aux entreprises qui respectent les règles de financement imposées par le législateur (2).
1. Le principe d’une adhésion obligatoire
A la différence des contrats « article 82 », qui présentent la particularité d’être à adhésion facultative et que certains considèrent comme une simple addition de souscriptions individuelles, les contrats « article 83 » sont à adhésion obligatoire. Pour être réputés obligatoires à l’égard des salariés, le régime collectif doit être mis en place selon l’une des modalités suivantes : convention ou accord collectif, référendum ou bien par décision unilatérale de l’employeur remise à chaque intéressé(48). Le mode de mise en place du régime collectif de retraite supplémentaire va avoir une influence sur le caractère obligatoire de l’adhésion. En effet, le régime mis en place par accord collectif, c’est-à-dire par la matérialisation écrite des négociations menées entre représentants du patronat et des salariés, conclues au niveau interprofessionnel ou au niveau de l’entreprise, va entrainer l’adhésion obligatoire des salariés concernés. De même, le régime mis en place par référendum et ratifié à la majorité des intéressés sera opposable aux salariés entrant dans le champ d’application du projet.
En définitive, seule la décision unilatérale de l’employeur constitue un mode de création du dispositif de retraite supplémentaire, susceptible de déroger au caractère obligatoire de l’adhésion. En effet, une simple décision unilatérale de l’employeur ne peut rendre obligatoire pour les salariés déjà présents dans l’entreprise avant son entrée en vigueur, l’adhésion à un régime de retraite supplémentaire relevant de la loi Evin(49), que si la totalité des cotisations correspondantes est pris en charge par l’entreprise. Le fait que la couverture du conjoint ou de ses ayants droit soit facultative, n’est pas de nature à remettre en cause le caractère obligatoire du régime. Ainsi, s’il est prévu de faire financer le régime, en tout ou partie par les salariés, l’article 11 de la loi Evin applicable aux opérations de retraite, précise que « les salariés dont le contrat de travail est antérieur à l’institution du régime ont la faculté de refuser de cotiser, les retenues opérées étant de nature à diminuer leur rémunération nette ».
En conclusion, l’entreprise peut financer partiellement le régime et rendre obligatoire son adhésion aux salariés concernés, s’il est mis en place par voie d’accord collectif ou par référendum. En revanche, si le régime est mis en place par décision unilatérale, il ne sera obligatoire pour les anciens salariés qu’à la condition qu’il soit entièrement financé par l’employeur. Nous allons étudier plus en détail les modalités de financement des régimes à cotisations définies.
2. Le financement des contrats « article 83 »
Sur le financement des contrats à cotisations définies, nous pouvons faire le parallèle avec l’épargne salariale. Dans les deux cas, le législateur a prévu une participation de l’employeur. Concernant l’épargne salariale, l’entreprise a l’obligation d’accompagner les salariés dans leur effort d’épargne. Cette aide consiste au minimum au financement des frais de fonctionnement du PEE et peut s’étendre à des versements complémentaires. Concernant les régimes à cotisations définies, le législateur a également prévu une participation de l’employeur. En effet, les comptes ouverts au nom des salariés sont financés au moyen de cotisations versées par l’employeur et, éventuellement par le salarié. Si elle n’est pas obligatoire pour mettre en place le régime, la participation de l’employeur est néanmoins requise pour ouvrir droit au régime fiscal prévu par l’article 83 du CGI. Nous détaillerons ultérieurement les avantages sociaux et fiscaux dont bénéficient les cotisations versées par l’employeur mais il nous paraissait utile de rappeler d’ores et déjà, que l’accès à ce régime de faveur est conditionné au respect de ce principe de participation au financement du régime. Cette participation financière de l’employeur peut consister au paiement de la cotisation dans son intégralité ou bien simplement à une fraction de celle-ci, le solde restant à la charge du salarié.
Pour conserver son caractère collectif et donc bénéficier du traitement de faveur prévu par le législateur, le taux de cotisation du régime doit être uniforme pour tout le personnel ou tout du mois pour les catégories bénéficiaires. En effet, le montant des cotisations est déterminé selon un taux défini dans le contrat. Le plus souvent ce taux est fixé en pourcentage de tout ou partie de la rémunération des intéressés, par tranche. En règle générale, on observe que l’entreprise prend au moins la moitié de la cotisation à sa charge. La répartition la plus fréquente pour ce genre de régime prévoit 60% à la charge de l’employeur et 40% à la charge des salariés. La cotisation est le résultat d’un taux appliqué à une assiette. La masse salariale constitue l’assiette la plus couramment utilisée. Il peut s’agir : soit de l’intégralité su salaire, soit d’une ou plusieurs tranches de salaire (tranche A, B ou C). Ces tranches sont déterminées en fonction du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS). La tranche A comprend la part des salaires qui sont inférieurs ou égaux à un plafond annuel, soit 35.352 €, la tranche B correspond aux salaires compris entre 1 et 4 plafonds annuels de la sécurité sociale, et enfin la tranche C correspond aux salaires compris entre 4 et 8 plafonds annuels de la sécurité sociale. Dans la majorité des cas, l’entreprise optera pour une répartition en fonction des tranches de salaires avec par exemple un taux de cotisation égal à 4% pour la tranche A, 6% pour la tranche B et 8% pour la tranche C. Un salarié gagnant 200.000 € par an sera assujetti à un taux de 4% pour 33.352 €, à un taux de 6 % pour les 133.408 € suivants (fraction du salaire comprise entre 1 et 4 PASS) et enfin à un taux de 8% pour la tranche C, c’est-à-dire la fraction de son salaire excédant 4 PASS, soit dans l’exemple cité : 33.240 €.
Nous venons d’étudier la mise en place et le financement des régimes à cotisations définies, attachons nous désormais au régime des droits acquis par les salariés bénéficiaires.
B/ L’acquisition de droits certains pour les salariés
A la différence des régimes de retraite à prestations définies qui permettent aux salariés d’acquérir des droits conditionnels, les régimes à cotisations définies permettent aux salariés d’acquérir des droits certains. Nous allons nous pencher sur la nature de ses droits (1), puis sur les options qui y sont attachées (2).
1. La constitution de droits viagers
Pour le salarié, l’opération de retraite passe par deux phases distinctes : la phase de constitution des droits et la phase de versement des prestations. Dans le cadre des régimes à cotisations définies, le salarié cumule des droits à retraite pendant la phase d’épargne et ces droits lui restent attachés. Lorsque ces conditions sont réunies, les droits acquis permettent de percevoir une prestation sous forme de rente. La sortie en rente est la seule possibilité offerte aux salariés, à la différence d’un produit comme le Perco que nous étudierons ultérieurement et qui permet une sortie en rente ou en capital. Les droits dont bénéficient les salariés peuvent être exprimés de diverses manières.
Ils peuvent être exprimés en euros. C’est le cas des contrats d’épargne bloquée, dont la valeur nette de gestion est exprimée en euros. Ce sont des contrats bloqués pendant une période correspondant pour le salarié, à la durée restant à courir jusqu’à son départ en retraite. Le niveau de la rente ainsi obtenue est fonction, d’une part, de l’importance des sommes épargnées dans le cadre du contrat et, d’autre part, du rendement des placements financiers. Les contrats d’épargne bloquée sont généralement associés à un seul fonds, investi dans l’actif général de l’organisme assureur. Il s’agit donc d’une épargne qui sera convertie en une rente viagère immédiate, au moment de la retraite. Ce n’est qu’à ce moment que le transfert du risque viager s’opère sur l’assureur. Pendant la phase de financement, l’assureur ne prend à sa charge qu’un risque financier, à savoir le taux de rendement qu’il a garanti.
Les droits peuvent également être exprimés en points. Notons que c’est un système qui s’apparente à celui en vigueur dans les régimes Arrco et Agirc. Chaque année, le salarié bénéficiaire acquiert un certain nombre de points de retraite, que l’on obtient en divisant le montant de la cotisation versée par la valeur d’achat ou valeur d’acquisition du point. Ainsi, année après année les points se cumulent. La rente servie au moment du départ en retraite est égale au nombre de points cumulés, multipliés par la valeur du point en vigueur à cette date. Ainsi chaque année, les cotisations seront converties en une promesse de rente viagère différée.
Enfin, les droits peuvent être exprimés en unité de compte (SICAV, OPCVM…). C’est le cas le plus fréquent car aujourd’hui, la plupart des contrats proposés par les assureurs sont libellés en unités de compte. Ce sont des contrats à capital variable gouvernés par le principe suivant : la cotisation permet d’acheter des parts d’actifs mobiliers. L’épargne accumulée et donc la rente, dépendra de la plus ou moins bonne performance des supports financiers. Ces contrats prévoient fréquemment des possibilités d’arbitrage afin de permettre au salarié de changer de support financier en fonction de la situation des marchés et en fonction de l’échéance de la retraite. Ces clauses d’arbitrage permettent souvent à l’assuré de choisir des supports de moins en moins risqués, au fur et à mesure que l’échéance de la retraite approche, afin que l’actif soit à l’abri de l’aléa qui caractérise les supports en actions. Les assureurs et gestionnaires de ces contrats développent de plus en plus des offres de gestion pilotée et profilée, où ils effectuent eux-mêmes les arbitrages en fonction de l’approche de l’échéance retraite (sécurisation progressive des fonds). L’intérêt de ce type d’épargne retraite pour les salariés, particulièrement pour les plus jeunes, est de pouvoir bénéficier du potentiel de hausse des marchés financiers sur une période prolongée.
L’une des particularités des régimes à cotisations définies, et contrairement à ce qui est pratiqué dans les régimes à prestations définies(50), c’est la portabilité des droits(51). Cette possibilité découle directement du caractère certain des droits acquis par le salarié au titre du régime. En effet, alors même que l’épargne est en phase de constitution, le bénéficiaire dispose de droits sur les sommes accumulées. Ainsi, le salarié qui change d’entreprise a deux options : soit conserver son compte retraite, on parlera alors de maintien des droits, soit le transférer son compte individuelle vers le régime à cotisations définies de sa nouvelle entreprise, à condition toutefois que la nouvelle entreprise en propose un, avec un traitement social et fiscal identique.
Nous venons d’étudier la phase de constitution d’épargne des régimes à cotisations définies, arrêtons nous désormais sur la phase de versement des prestations.
2. La phase de versement des droits et les options qui en découlent
Le but des régimes à cotisations définies est de constituer un capital représentatif des droits de chaque salarié, communément appelé « capital constitutif de la rente » par les assureurs.
A compter du départ en retraite du salarié, ce capital va servir à payer les montants réguliers que sont les arrérages de rente. En pratique, cela signifie que pendant le service de rente, le capital diminue du montant des arrérages versés et que dans le même temps, des produits financiers sont dégagés par le placement du capital restant. La détermination de la rente viagère s’opère en appliquant au capital un « taux de conversion », taux qui tient compte de l’espérance de vie estimée pour le salarié au moment de son départ en retraite et du choix du taux d’intérêt technique de la rente.
L’espérance de vie des salariés bénéficiaires est l’un des deux éléments centraux pour calculer le montant de la rente versée par l’assureur. L’espérance de vie après la retraite s’obtiendra grâce à des tables de mortalité qui sont soit homologuées soit établies par l’assureur lui-même sur la base de son expérience du risque (à condition d’être certifiées par un actuaire).
Le taux d’intérêt technique est l’autre élément fondamental du régime de la rente. Il s’agit du taux minimum de rendement que l’assureur est certain de trouver sur le marché financier pour faire face à son engagement. En effet, les sommes épargnées grâce aux régimes à cotisations définies vont être « gonflées » des produits financiers dégagés par leur placement. Cependant la fluctuation des marchés peut engendrer des pertes, c’est pourquoi la loi limite les assureurs dans leurs engagements. Afin d’éviter que les compagnies d’assurance ne fassent aux assurés des promesses inconsidérées de rendement, le Code des assurances(52) règlemente et limite les garanties que peuvent donner les assureurs quant au rendement de l’épargne confiée. L’objectif est de protéger les assurés eux-mêmes en garantissant la solvabilité des assureurs et la pérennité du régime. Le taux maximum actuellement autorisé est égal à 75% du taux moyen des emprunts d’Etat (valeur de référence) calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser, au-delà de huit ans, le plus bas des deux taux suivants : 3,5 % ou 60% du taux moyen des emprunts de l’Etat français.
Généralement, les assureurs proposent plusieurs taux techniques à l’entreprise qui contracte un régime à cotisations définies au bénéfice de ses salariés. C’est au salarié que revient le choix du taux ou même la possibilité d’opter pour un taux nul. L’application d’un taux d’intérêt technique présente un avantage et un inconvénient. L’avantage est que le montant initial de la rente sera plus élevé avec un taux technique que sans taux technique. L’inconvénient qui est la contrepartie de cet avantage, est que l’application d’un taux technique se traduira par un rythme de revalorisation ultérieure moindre. En effet, avec ce système de taux technique, les rendements financiers issus du placement des provisions mathématiques sont en quelque sorte anticipés. Par exemple, si la gestion financière des rentes a généré un rendement de 5% avec un taux technique de 3,5%, les rentes ne pourront plus être revalorisées que d’un taux proche de 1,5% (diminué des frais de gestion). Le choix n’est pas évident à faire, tout dépendra de l’inflation observée au moment du service de la rente et celle-ci ne peut pas être connue des années à l’avance. Notons qu’en période de forte inflation, l’absence d’un taux d’intérêt technique est préjudiciable pour le bénéficiaire.
Au moment de la retraite le bénéficiaire d’un contrat « article 83 » va toucher une rente viagère. Le contrat peut parfois prévoir la réversibilité de cette rente. Ainsi, en cas de décès du salarié bénéficiaire, la rente en partie ou en totalité, sera reversée à une personne désignée par le contrat. Ce bénéficiaire de second rang sera le plus souvent le conjoint ou les enfants de l’assuré. En général les organismes assureurs proposent de choisir un taux de réversion compris entre 50% et 100%, qui correspond à la part de rente qui continuera à être versée à la personne désignée, au décès du salarié bénéficiaire. En compensation, les assureurs serviront au retraité une rente initiale minorée. Il faut préciser que la réversion est également possible lorsque le salarié décède avant la liquidation de ses droits à la retraite. Pour éviter que le salarié n’épargne « à fonds perdus », les assureurs proposent de plus en plus souvent cette possibilité de reverser à un bénéficiaire de second rang l’épargne acquise au jour du décès, à la manière de ce qui se pratique en assurance-vie.
Contrats de retraite supplémentaire les plus répandus, les régimes à cotisations définies possèdent beaucoup d’atouts pour séduire les salariés et les entreprises. Nous étudierons plus en détail les avantages qu’ils confèrent et les objectifs qu’ils poursuivent dans la section 2. Pour bien comprendre comment fonctionne l’épargne retraite collective, il nous faut maintenant étudier les contrats à prestations définies.
§2) Les sulfureux régimes à prestations définies, dits régimes « article 39 »
Les régimes à prestations définies et plus particulièrement le plus connu d’entre eux, la retraite dite « chapeau », ne jouissent pas d’une bonne réputation dans l’opinion publique. Ces régimes de retraite supplémentaire sont le plus souvent réservés aux grands dirigeants et s’inscrivent comme un élément de leur rémunération globale. Par exemple, M. Bouton ancien dirigeant de la Société Générale perçoit une retraite chapeau de 730.000 € annuelle. Pour financer l’avantage octroyé, la Société Générale a du provisionner près de 33 millions d’euros! On comprend mieux pourquoi les régimes de retraite chapeau souffrent d’une réputation aussi sulfureuse. Néanmoins, lorsque l’on observe le niveau moyen des pensions issues de régimes à prestations définies, nous constatons qu’en 2009 la rente viagère s’élevait en moyenne à 4.592 €, ce qui est loin des sommes astronomiques accordées aux grands dirigeants. Il faut bien admettre cependant, que les régimes à prestations définies sont quand même plutôt élitistes, ne bénéficiant qu’à 130.000 salariés là où les régimes à cotisations définies bénéficient à 357.000 salariés, pour un niveau moyen de rente égal à 2.321 €.
Nous observerons qu’il existe différents régimes de retraite à prestations définies, n’ayant pas le même impact sur l’engagement de l’entreprise (A), puis nous verrons qu’à la différence des régimes à cotisations définies, les régimes « article 39 » confèrent des droits conditionnels aux salariés (B).
A/ Les différents régimes de retraite à prestations définies et leur impact sur l’engagement de l’entreprise
Les régimes de retraite à prestations définies garantissent, au moment du départ en retraite, une pension dont le montant est prédéterminé. Cette « prestation définie » peut être formulée de différentes manières, mais le plus souvent exprimée en pourcentage du dernier salaire ou de la moyenne des derniers salaires. Les régimes à prestations définies se répartissent en deux grandes catégories (1). Selon le type de régime mis en place, l’engagement de l’entreprise sera plus ou moins important (2).
1. Les deux grandes catégories de régimes à prestations définies
Il existe d’une part, les régimes « additifs » qui apportent un niveau de retraite qui vient s’ajouter à l’ensemble des prestations versées par le régime général de la sécurité sociale et les régimes complémentaires Arrco et Agirc, voire à la rente versée par un régime à cotisations définies. Ainsi, la prestation va être ici définie en pourcentage du dernier salaire d’activité, indépendamment des autres régimes légaux et complémentaires. Par exemple, la retraite additive sera égale à 0,4 % du salaire par année d’activité au sein de l’entreprise, avec un maximum de 25 ans, soit un complément de retraite maximale de 10 % du dernier salaire.
D’autre part, nous trouvons les régimes « différentiels », également désignés sous la terminologie de retraite « chapeau ». Dans le cadre d’un régime différentiel, l’entreprise garantit un niveau global de retraite, tous régimes confondus. Il s’agit en fait de définir un objectif de taux de remplacement global (x % du dernier salaire). La prestation visera donc à combler la différence entre l’objectif défini et les droits acquis au titre du régime de la sécurité sociale, au titre des régimes complémentaires et éventuellement au titre d’un régime à cotisations définies qui pourrait exister en parallèle. Le montant de la rente servie par le régime différentiel sera donc dépendant des pensions versées par les autres régimes de retraite. Le coût du régime sera lié à l’évolution des régimes obligatoires. Par exemple, l’entreprise peut choisir de mettre en place un régime différentiel, qui garantira un niveau de rente correspondant à un taux de remplacement de 50% du dernier salaire d’activité. Les salariés dont le taux de remplacement sera inférieur à 50% obtiendront du régime différentiel un supplément de retraite, tandis que ceux qui bénéficieront d’un taux de remplacement supérieur ne pourront prétendre à aucune prestation.
Le régime différentiel est plus contraignant à mettre en place car il va être soumis à un fort aléa. A l’inverse, le régime additif présente moins de risque pour l’entreprise qui peut maitriser plus facilement son financement.
2. Un engagement de l’entreprise à géométrie variable selon le type de régime à prestations définies mis en place
Comme nous l’avons vu précédemment dans les régimes à cotisations définies, l’engagement de l’assureur se limite au financement en tout ou partie du système. En aucun cas l’entreprise ne s’engage sur un résultat. Son obligation est limitée au paiement d’une somme d’argent et sa responsabilité n’est pas engagée par la plus ou moins bonne performance des fonds sur lesquels les cotisations sont placées. En somme, le coût de l’avantage est connu mais pas le résultat final, c’est-à-dire le montant de la rente qui sera servie aux bénéficiaires.
En revanche, le raisonnement s’inverse lorsque l’on évoque la nature de l’engagement résultant d’un régime de retraite à prestations définies. L’entreprise a une obligation de résultat puisqu’elle s’engage sur un niveau de retraite prédéterminée ou plus exactement sur un mode de calcul déterminé à l’avance. L’étendue de son engagement va dépendre de la définition de la promesse faite. La formule additive présente moins de risques que la formule différentielle. En effet, dans cette formule, l’engagement de l’entreprise n’est pas lié à l’évolution du montant des pensions versées par les régimes obligatoires, mais dépend de critères identifiés ou identifiables comme l’ancienneté dans l’entreprise ou le niveau du dernier salaire. Ainsi, il sera aisée pour l’entreprise d’évaluer ce que va lui coûter le financement du dispositif.
La formule différentielle est beaucoup plus lourde à mettre en oeuvre et représente un risque plus grand quant à son financement.
Le régime « chapeau » garantit un niveau global de retraite prédéterminé, l’engagement de l’entreprise portant sur la différence entre ce niveau global et l’ensemble des pensions des régimes obligatoires. L’entreprise devra supporter un aléa très important car son obligation finale dépendra non seulement des salaires de fin de carrière, de sa démographie et de l’ancienneté acquise, mais également chose nouvelle, de la performance des autres régimes. L’engagement initial est donc susceptible d’évoluer à la hausse à mesure que le rendement des régimes obligatoires baisse.
Enfin, pour en terminer sur la portée de l’engagement de l’entreprise en matière de régimes à prestations définies, il nous faut préciser que le financement est entièrement à la charge de l’entreprise. Il n’est pas possible de prévoir comme pour les régimes à cotisations définies, un financement partagé entre l’employeur et les salariés. Ce principe de financement intégral est la conséquence directe du caractère conditionnel des droits conférés aux salariés.
B/ La constitution de droits viagers conditionnels
Tout comme les régimes de retraite à cotisations définies, les régimes à prestations définies permettent aux salariés d’acquérir une rente (1) sous réserve de remplir certaines conditions (2).
1. L’acquisition de droits viagers
Les bénéficiaires d’une retraite supplémentaire à prestations définies vont donc toucher une rente viagère qui viendra combler la différence entre le niveau de retraite déterminé par le contrat et le niveau de pension accordé par les régimes obligatoires (régime différentiel), ou qui viendra s’ajouter aux prestations de base (régime additif). A l’instar des régimes à cotisations définies, cette rente est payable au plus tôt à l’âge normal de départ en retraite, c’est-à-dire l’âge à partir duquel le salarié intéressé peut bénéficier de la pension du régime de base. Techniquement, au moment du départ en retraite du salarié bénéficiaire, si la gestion est externalisée, l’organisme assureur prélèvera dans le fonds, le « capital constitutif » de la rente viagère garantie et que l’employeur aura préalablement évaluée. Cette rente sera versée jusqu’au décès du bénéficiaire.
Les droits viagers acquis par le ou les salariés, seront le plus souvent exprimés en pourcentage du dernier salaire (ou d’une tranche de salaire : A, B ou C) et/ou en fonction de l’ancienneté au sein de l’entreprise. Il existe plusieurs combinaisons possibles pour calculer ces droits. Par exemple, l’employeur peut garantir 0,5% du dernier salaire par année d’ancienneté (formule additive classique) ou garantir 0,5% du dernier salaire par année d’ancienneté dans la limite de 20% de ce dernier salaire (formule additive plafonnée) ou bien encore garantir par exemple 60% du dernier salaire (formule différentielle).
La revalorisation des rentes perçues constitue un élément d’appréciation très important de la qualité d’un régime de retraite puisque son objectif initial est bien de procurer un niveau de vie suffisant pour le retraité soumis comme tout le monde à l’inflation des prix. Cette revalorisation des droits doit être prévue dans le cadre du régime. Si l’entreprise gère elle-même les dispositifs, elle pourra décider de revaloriser les pensions en prenant en compte par exemple, l’évolution des salaires ou la revalorisation opérée par les caisses de retraite complémentaire Arrco et Agirc (revalorisation de la valeur du point de retraite). Si la gestion est externalisée, le contrat d’assurance propose le plus souvent un fonds de gestion des rentes distinct du fonds collectif de gestion des cotisations. Ainsi, la rente sera revalorisée de la différence entre le rendement net du fonds de gestion des rentes et le taux technique de rente retenu.
Si le salarié bénéficie d’une revalorisation régulière de sa rente, ses droits sont également réversibles dans la plupart des cas. En effet, les régimes de retraite à prestations définies prévoient généralement qu’en cas de décès du salarié après son départ en retraite, le conjoint survivant pourra prétendre à une pension de réversion, comme dans les régimes de retraite obligatoires. Ce choix est à la discrétion du salarié, qui peut décider d’opter pour une rente non réversible. S’il souhaite que la rente soit réversible, il devra choisir un taux compris entre 50% et 100%. Sa pension s’en trouvera diminuée en proportion. Enfin, dans certains cas les contrats mis en place prévoient une pension de réversion au bénéfice du conjoint en cas de décès du salarié avant son départ en retraite. Dans ce cas peu fréquent, le droit à pension sera subordonné à une condition minimale d’ancienneté dans l’entreprise.
Pour bénéficier de la rente promise par l’entreprise, les salariés devront remplir un certain nombre de conditions que nous allons étudier dans le paragraphe suivant.
2. Des droits conditionnels
Nous l’avons vu, les droits acquis par les salariés dans les régimes de retraite à cotisations définies ont un caractère certain. Sur ce point, les régimes à prestations définies se démarquent en conférant aux salariés des droits conditionnels. Le législateur rappelle ce caractère conditionnel des droits dans la définition qu’il donne des régimes à prestations définies. En effet, la loi(53) dispose que les retraites à prestations définies sont des régimes « conditionnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise et dont le financement par l’employeur n’est pas individualisable par le salarié ».
La première condition imposée par le législateur aux salariés pour être éligible au versement des droits, est une condition de présence. Seuls les salariés présents dans l’entreprise au jour de leur départ en retraite pourront prétendre au bénéfice des prestations. Cette condition de présence dans l’entreprise doit néanmoins figurer expressément dans le règlement mettant en place le contrat collectif, sous peine pour l’entreprise de se voir priver du régime social de faveur prévu par le législateur.
La seconde condition n’est pas d’origine légale mais conventionnelle. Dans la plupart des cas, la prestation promise par l’entreprise est conditionnée à un critère d’ancienneté. Les salariés ne bénéficieront de leurs droits au moment du départ en retraite, que s’ils cumulent un minimum d’années d’ancienneté.
Enfin, il existe une troisième condition qui, à la différence des deux précédentes, ne concerne que les régimes différentiels. En effet, dans ce type de contrat à prestations définies, le droit des salariés dépend de la différence existant entre le taux de retraite garanti et les droits qu’il a acquis au titre des autres régimes de retraite. Or, cette différence peut se révéler inexistante si compte tenu de son historique professionnel au moment de son départ, le salarié atteint le niveau de retraite garanti ou le dépasse. Si c’est le cas, le salarié ne touchera aucune prestation de retraite supplémentaire.
Quelles sont les répercussions pratiques du caractère conditionnel de ces droits ?
Les droits du salarié ne sont que virtuels, c’est pourquoi à la différence de ce qui se pratique avec les régimes à cotisations définies, les salariés ne bénéficient pas de comptes individuels. Ainsi, l’absence de caractère certain des droits rend opposable aux salariés les modifications du régime. Dès lors, une modification du régime consistant en une baisse du niveau des prestations s’applique aux futurs retraités qui liquident leur retraite postérieurement à la date d’entrée en vigueur de cette modification. Un arrêt54 de la cour de cassation a confirmé ce principe d’opposabilité de la modification du régime aux salariés prenant leur retraite postérieurement à l’entrée en vigueur de la modification. Dans cette hypothèse, le salarié toucherait une prestation plus faible mais ne se verrait pas priver de la totalité de ses droits.
En revanche, le caractère conditionnel des droits peut avoir des conséquences encore plus radicales. C’est le cas par exemple lorsque le régime stipule une condition d’ancienneté qui n’est pas remplie au moment du départ en retraite. Cette condition suspensive a pour effet d’entrainer la disparition de tout droit au titre du régime, dans l’hypothèse où le salarié ne remplirait pas la condition d’éligibilité au jour de la rupture de son contrat de travail. L’employeur est tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail de son salarié mais rien n’empêche en théorie un licenciement juste avant le départ en retraite, ou bien la possibilité de mettre le salarié à la retraite avant que la condition d’ancienneté ne soit remplie, privant ainsi le bénéficiaire de la prestation promise. Si l’employeur ne commet pas d’abus de droit, le salarié s’expose au risque de ne rien percevoir au moment de la retraite.
45 A l’exception du cas particulier du PERCO où les droits sont boqués jusqu’à la retraite (sauf cas de déblocages anticipés). Nous étudierons dans la deuxième partie le dernier né des plans d’épargne salariale.
46 D’après une enquête CSA – FFSA en mars 2010.
47 CGI : Code Général des Impôts.
48 CSS Art. L. 911-1.
49 Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989
50 Régimes qui seront étudiés un peu plus loin. Ils font naitre des droits conditionnels pour les bénéficiaires.
51 Possibilité pour un salarié de reverser les droits acquis, dans un régime de retraite supplémentaire similaire chez son nouvel employeur.
52 Art. A. 132-1
53 Art. 115 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, dite loi « Fillon »
54 Cass. soc., 28 mai 2002.