Peu avant la seconde moitié du XXe siècle, s’assurer contre sa propre faute inexcusable n’était pas envisageable. L’assurance de la FI de son préposé a dans un premier temps été permise (I), avant d’autoriser celle de sa propre faute (II).
I. L’assurance de la faute inexcusable de son préposé
La loi du 30 octobre 1946(63) et les modifications apportées par celle du 10 septembre 1947(64) rappelaient expressément l’interdiction d’une telle assurance en énonçant que « Il est interdit à l’employeur de se garantir par une assurance contre les conséquences de la faute inexcusable.
L’auteur de la faute inexcusable en est responsable sur son patrimoine personnel ».
L’employeur devait à cette époque assumer toute indemnisation complémentaire qui serait à ce titre due à la victime.
On souhaitait sans doute instaurer une certaine « responsabilisation » de l’employeur et l’inciter à être aussi vigilant que possible, pour éviter la commission de toute faute susceptible de revêtir la dénomination « d’inexcusable ».
Etant donné la définition de la FI donnée à cette époque, l’absence d’assurance était sans grande importance (voir supra).
Le législateur intervient en 1976 pour rappeler cette interdiction légale. Ceci n’a pas été sans susciter quelques interrogations et critiques(65).
Il insère dans le CSS une disposition formulée comme suit : « Il est interdit de se garantir par une assurance contre les conséquences de sa propre faute inexcusable. L’auteur de la faute inexcusable en est responsable sur son patrimoine personnel ».
Simple modification rédactionnelle à la première lecture, mais lourdes conséquences insoupçonnées. Et pour cause : l’interdiction d’assurance était auparavant indépendante de l’identité de l’auteur d’une telle FI.
Employeur ou préposé, même combat : le chef d’entreprise était tenu sur son patrimoine personnel.
Avec la nouvelle formulation, l’employeur ne peut toujours pas s’assurer contre sa propre FI, mais peut le faire pour les fautes commises par les personnes qui lui sont subordonnées. Les critiques n’ont pas tardé à fuser.
Alors que le chef d’entreprise de grande envergure est amené à déléguer beaucoup et donc à se décharger en cas de faute inexcusable commise par les personnes à ses ordres dans l’exécution des missions déléguées, le modeste employeur effectue à l’inverse la plupart des tâches personnellement, et doit donc assumer les conséquences de toutes les fautes qu’il peut éventuellement commettre.
L’évolution de la faute inexcusable n’avait cependant pas encore touché à sa fin.
II. L’assurance de sa propre faute inexcusable
Il fallut attendre 1987(66) pour qu’une loi vienne légaliser l’assurance de l’employeur contre sa propre faute inexcusable.
Effectivement, cette loi rappelle bien que « l’auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci », mais prévoit également que « l’employeur peut s’assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu’il s’est substitué dans la direction de l’entreprise ou de l’établissement ».
La garantie « Faute Inexcusable » a alors commencé à s’imposer doucement, sans pour autant être systématique, encore moins obligatoire.
Assez timidement proposée au départ, les arrêts « amiante » préalablement étudiés ont constitué un véritable « rebond » pour cette garantie.
Auparavant retrouvée dans des garanties plus larges (assurances RC exploitation des entreprises), la jurisprudence de 2002 augmentant considérablement les risques qui pèsent sur les entreprises, les assureurs ont logiquement réagi et ont adopté une position bien différente quant à cette garantie.
63 Loi n°46-2426 sur la prévention et la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, article 65.
64 Loi n°47-1777 du 10 septembre 1947, article 1er portant réforme de l’article 65 de la loi du 30 octobre 1946 précitée.
65 Loi du 6 décembre 1976 n°76-1106, insérant l’article 468 dans le Code de la Sécurité Sociale
66 Loi du 27 janvier 1987 n°87-39