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Section 2 : Adhésion obligatoire à une assurance de groupe souscrite dans le cadre de la loi Evin

La Loi Evin prévoit des règles très spécifiques en matière d‟assurance de groupe à adhésion obligatoire, admettant de ce fait l‟assurabilité d‟un risque déjà potentiellement réalisé mais ignoré (§1). Cette loi est de ce point de vue critiquable puisqu‟elle va jusqu‟à admettre l‟absence de nécessité d‟aléa (§2).

§. 1 Assurabilité du risque putatif et fonctionnement de la loi Evin

La Loi du 31 décembre 1989 élargit le champ de l‟aléa en obligeant l‟entreprise d‟assurance à prendre en charge, sauf fausse déclaration, les suites d‟états pathologiques survenus antérieurement à l‟adhésion ou à la souscription du contrat.

La loi Evin, dite Loi de prévoyance s‟applique à la fois aux assureurs, aux mutuelles du Code de la mutualité ainsi qu‟aux institutions de prévoyance. Elle s‟applique aux opérations individuelles et collectives. Le risque chômage n‟est pas couvert par cette loi, au même titre que le risque dépendant de la vie humaine. Son champ d‟application couvre donc le risque décès, le risque intégrité physique et incapacité de travail.

Légalement, un assureur ne peu refuser un adhérent. Il existe en effet un refus du droit à sélection des risques pour les assurances à adhésions obligatoires. L‟assureur ne peut donc pas refuser un adhérent mais il lui est possible de refuser un groupe.

La loi Evin va encore plus loin puisque l‟assureur ne peut pas exclure les états pathologiques existants avant l‟adhésion. En effet, l‟article 2 de la Loi Prévoyance précise que dans les contrats d‟assurance collective des salariés à adhésion obligatoire, l‟assureur doit prendre en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat. Ce terme « état pathologique » est différent de celui de « maladie ». La « maladie » étant l‟affection déclarée, contrairement à l‟ « état pathologique » qui est l‟état préalable au développement de l‟affection. Il existe une chronologie entre ces deux événements. L‟état pathologique est antérieur à la maladie. Dès lors, eu égard à la rédaction du texte, l‟assureur serait en droit d‟exclure la maladie antérieure à la conclusion du contrat. Cependant, la jurisprudence tend à assimiler état pathologique et maladie. Cette distinction n‟a donc pas lieu d‟être.

La Cour de cassation a affirmé que les dispositions de l‟article 2 de la Loi Evin interdisent à l‟assureur d‟opérer une sélection médicale en refusant d‟assurer une personne du groupe ou de prendre en charge des risques dont la réalisation trouve son origine dans l‟état de santé antérieur du salarié(73). En présence du silence gardé par un employeur au sujet de l‟état de santé d‟un employé, l‟assureur ne peut soulever que la prise en charge de telles suite à un état pathologique préexistant est subordonné à son information sur l‟état de santé de tous les membres du groupe. Cela parait curieux puisque grâce à ces informations, l‟assureur aurait pu choisir d‟adopter une tarification collective en fonction des risques déclarés ou encore refuser purement et simplement d‟assurer ce groupe. Les conséquences de cette disposition sont donc particulièrement sévères.

Si elle est constatée avant tout sinistre, l’assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l’assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l’assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne court plus.

Dans le cas où la constatation n’a lieu qu’après un sinistre, l’indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés. »

S‟il veut s‟exonérer, l‟assureur doit mentionner dans le contrat ou dans le certificat d‟adhésion les maladies dont les suites ne seront pas prises en charge(74). Il existe une autre possibilité pour l‟assureur de ne pas avoir à supporter la couverture du risque, il s‟agit de la sanction existant en cas de fausse déclaration intentionnelle. En cas de fausse déclaration non intentionnelle la règle proportionnelle de prime de l‟article L. 113-9 du Code des assurances(75) s‟appliquera.

L‟article 7-1 de la Loi Evin prévoit un maintien de la garantie « décès » pour les adhérents en état d‟incapacité de travail ou d‟invalidité antérieure, uniquement lorsque l‟adhérent est dans cet état au moment où il est décédé. Il s‟agit donc moins de régler un problème de risque composite que de prévoir une prolongation de la garantie dans une situation déterminée. De même, l‟article 3 de cette même Loi impose sous certaines conditions la reprise par un contrat de groupe des suites d‟états pathologiques antérieurs à l‟adhésion sans distinguer selon qu‟ils sont ou non connus à la date de celle-ci.

§. 2 Une loi critiquable du point de vue de l‟absence de nécessité d‟aléa

Cette théorie édictée par l‟article 2 de la Loi Evin remet en cause la présence d‟un aléa au sein du contrat. Cette disposition a été fortement critiquée par deux auteurs(76). Cette règle semble en effet écarter le principe même de l‟aléa en validant la garantie de maladies connues au moment de la souscription du contrat d‟assurance.

En effet, le contrat d‟assurance est par essence aléatoire. Le versement des prestations par l‟assureur est subordonné à la réalisation d‟un événement incertain dont les parties ignorent à l‟avance si, au terme du contrat, elles en tireront une perte ou un bénéfice(77). L‟assuré doit donc courir le risque de payer des primes sans jamais obtenir de contrepartie. Dès lors, l‟assurance encourt la nullité si l‟aléa fait défaut, faute d‟équivalence entre les obligations de l‟assuré et de l‟assureur.

Dans le cadre de la Loi Evin, les maladies connues au moment de la souscription du contrat sont garanties. Cette disposition va bien au-delà de la simple assurabilité du risque putatif qui requiert l‟ignorance des parties quant à la survenance du risque avant la souscription du contrat d‟assurance. Si le risque apparu avant la conclusion du contrat est connu, il ne peut plus y avoir d‟aléa. Les obligations ne sont plus équivalentes, l‟assureur se devant obligatoirement de verser sa prestation.

L‟aléa disparait, individuellement tout au moins. En revanche, il existe au niveau du groupe, c‟est donc un aléa global qu‟il convient d‟apprécier, au niveau du contrat collectif et non individuellement. Cela revient à consacrer la théorie du risque « techniquement assurable », déjà évoqué afin de justifier l‟assurabilité du risque putatif. C‟est donc dans cette même logique que le législateur a promulgué la loi Evin.

73 Cass. 1ère civ. 7 juillet 1998, no 96-13.843.
74 Cass. 1ère civ. 23 juin 1993 RGAT 1993 n°4 p. 859, commentaire Y. Lambert-Faivre.
75 « L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance.
76 Y. LAMBERT-FAIVRE et L. LEVENEUR, Droit des assurances, 12e édition, Coll. Précis Dalloz.
77 Concernant cette affirmation, voir le débat à ce sujet au sein de l’introduction.

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