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Section 2 – Certaines dispositions en question pour s’adapter aux différents secteurs

34. La proposition de directive comporte des dispositions qui peuvent être discutable notamment pour ce qui concernerait une interprétation sectorielle qui serait sans doute nécessaire et les risques et incertitudes que peuvent créer les fractionnements de droit.

35. La liberté totale d’apport du titulaire de droit est énoncée par la proposition de directive. Ainsi un membre d’une société est libre de déterminer les apports qu’il veut effectuer auprès de celle-ci et il peut les fractionner. Une société de gestion collective ne peut donc prévoir des apports groupés de droits même quand cela est économiquement nécessaire. L’article 5.2 de la proposition de directive permet le fractionnement des apports de droits à tous les niveaux, sur les droits et sur les territoires de l’Union.

Dans le secteur de la musique, la notion de catégorie de droits est connue, elle a été dégagée par les décisions GEMA 1 et 2(39). Il était reproché à la GEMA(40) (société allemande pour les droits sur la représentation musicale et la reproduction mécanique), d’imposer à ses membres de lui céder par contrat, pour le monde entier et à titre exclusif, tous leurs droits actuels et futurs pour une durée d’au moins six ans, cession qui était reconduite tacitement tous les 6 ans. La Commission européenne a considéré que les statuts de la GEMA empêchaient les membres de céder leurs droits à une autre société de droits d’auteur et cela avait pour but pour la GEMA de vouloir faire de sa position dominante un monopole absolu par le biais de certaines dispositions des contrats de cession.

Les décisions GEMA 1 et 2 imposent donc aux sociétés d’offrir à leurs membres la possibilité d’apporter tout ou partie de leurs droits. Depuis les sociétés de gestion de droits musicaux ont prévu dans leurs statuts la possibilité pour un membre de fractionner ses apports.

36. Ce fractionnement des droits pourra poser des problèmes pour certains secteurs, notamment les sociétés de gestion de droits audiovisuels. La notion de catégorie de droits doit être interprétée par secteur en tenant compte des spécificités et de l’économie de chaque activité pour lesquelles une société se voit confier la gestion des droits.

Dans sa décision du 26 avril 2005(41) le Conseil de la concurrence a constaté que les différences entre le secteur de l’audiovisuel et celui de la musique en France sont trop importantes pour qu’on puisse développer une analyse concurrentielle pertinente par simple analogie. Le Conseil de la concurrence rappel aussi que les auteurs de l’audiovisuel ont besoin de pouvoir apporter l’ensemble de leurs droits à leur société de gestion collective pour lui permettre de négocier aux mieux leur rémunération face à des opérateurs puissants. Il admet l’apport groupé des droits audiovisuels à la SACD, au regard des spécificités du secteur de l’audiovisuel.

37. Le risque d’un trop grand fractionnement des droits et la reconnaissance de la liberté des auteurs de choisir les droits qu’ils placent en gestion collective peut avoir des effets pervers et annuler l’intérêt de la gestion collective. L’intérêt de la gestion collective est notamment la mutualisation de la gestion de certaines exploitations pour lesquelles il serait impossible de délivrer individuellement des autorisations. La gestion individuelle de certains droits peut affaiblir la position des sociétés de gestion collective et rendre plus difficiles les négociations avec les exploitants auxquels elles proposeraient des répertoires incomplets(42).

38. La proposition de directive du 11 juillet 2012 tente ainsi d’unifier les différentes législations européennes concernant la transparence des sociétés de gestion collective. Le texte européen propose des dispositions précises ciblant les carences les plus marquées dans les pays européens. Mais la proposition de directive risque parfois d’être trop précise et contraignante ce qui peut mettre en péril la tentative d’homogénéisation.

39 Pour GEMA 1 : Décision 71/224/CEE de la Commission, 2 juin 1971, relative à une procédure d’application de l’article 86 du traité. Pour GEMA 2 : Décision 72/268/CEE de la Commission, 6 juillet 1972, relative à une procédure d’application de l’article 86 du traité.
40 http://www.gema.de/
41 Conseil de la concurrence, Décision du 26 avril 2005, n°05-D-16, considérant 49.
42 Rapport de Jean MARTIN sur : « la gouvernance et la transparence des sociétés remis le 20 novembre 2012. » Mission relative à la proposition de directive sur la gestion collective du 11 juillet 2012.

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