Le législateur marocain s’est beaucoup inspiré du régime introduit par la cinquième république. Le régime politique français, introduit par la constitution de 1958, est caractérisé par un parlementarisme à la fois déséquilibré (au profit de l’exécutif) et rationalisé. Ce parlementarisme rationnalisé est caractérisé par l’affaiblissement du pouvoir de contrôle de l’institution parlementaire du à la fois à une certaine éclipse du charisme parlementaire, victime de la rationalisation, et la prééminence du droit et de fait de l’exécutif sur l’échiquier politique(109).
Cette éclipse se manifeste amplement au niveau des liens entre le PLFA et les politiques publiques (§1), des liens incertains entre le PLFA et les programmes stratégiques du gouvernement (§2), ainsi que l’absence de synergie entre le PLFA et le règlement de la loi de finances pénultième (§3).
§1- Absence de lien entre PLFA et politiques publiques :
Parmi les apports de la Constitution de 2011dans son article 13 est que «les pouvoirs publics œuvrent à la création d’instances de concertation, en vue d’associer les différents acteurs sociaux à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques». D’autant plus qu’une séance annuelle est réservée par le Parlement à la discussion et à l’évaluation des politiques publiques (art.101)(110). Dans ce sillage constitutionnel, ces politiques publiques devaient occuper une place centrale dans l’action de l’État, voire constituer le principal moyen d’intervention du gouvernement.
Toutefois, il est manifestement remarqué que l’élaboration des politiques publiques est jusqu’à l’heure actuelle un domaine quasiment non réfléchi, bien qu’il présente une discipline et une pratique incontestablement bénéfiques pour le système de management des finances publiques. De ce fait, comment le parlement peut-il discuter et évaluer des politiques qui n’a pas autorisé ?
Pour permettre au parlement un rôle efficace dans l’évaluation des politiques publiques, il faut assurer une meilleure articulation entre ces dernières et le projet de loi de finances initiale (A), ainsi que la nécessité d’institutionnaliser dans la future LOF le «raisonnement par missions» correspondant aux grandes politiques de l’Etat au lieu du « raisonnement par département dépensier» dans le processus de budgétisation (B).
A- POUR UNE MEILLEURE ARTICULATION ENTRE PLFA ET POLITIQUES PUBLIQUES :
Définies comme étant «un programme d’action gouvernementale dans un secteur de la société ou dans un espace géographique(111)», les politiques publiques doivent constituer le solde de la définition des choix budgétaires de l’État aussi bien sur le plan sectoriel que sur le plan spatial. Toutefois, le mode de budgétisation se voit souvent plus centré sur les programmes et les projets plutôt que basé sur des politiques publiques prédéfinies.
Il arrive souvent que l’inertie ou l’urgence de priorités plus pressantes fassent que les pouvoirs publics tendent à n’envisager des changements aux politiques publiques que lorsque se manifeste une exigence sociale insurgée, alors qu’il ne reste à ce moment ni temps ni argent pour y faire face(112). A ce stade, il est trop tard pour entreprendre des études sur les alternatives stratégiques pour en sélectionner la meilleure et donc répondre intelligemment à une telle exigence.
Par ailleurs, parmi les avantages d’une étude ex ante sur les politiques publiques, qui doivent figurer expressément dans le projet de LFA, c’est qu’elle requiert à priori l’examen des alternatives qui induiraient aux pouvoirs publics les opportunités pour former la future orientation stratégique de l’Etat. Ces alternatives sont parmi les divers moyens par lesquels un objectif peut être atteint, un problème résolu ou une opportunité menée à bien. D’où l’importance d’en proposer une classification adéquate qui permettrait de les traiter à la fois comme des enjeux et des atouts dans les opérations par lesquelles se réalisent les politiques publiques(113).
B- L’APPORT DE LA REFORME DE LA LOF :
Le débat sur la réforme de la loi organique des Finances est plus que jamais au centre des débats parlementaires et institutionnels qui attendent avec impatience la réforme de ce texte. Le débat sur la refonte de la loi organique des Finances ne date pas d’hier. Les parlementaires saisissent chaque occasion pour interpeller le duo du ministère des Finances sur la nécessité de réformer cette loi(114) qui permettra à l’institution législative de mieux jouer son rôle dans la préparation du budget et le contrôle de la mise en œuvre des dispositions de la loi de Finances.
Ainsi, Nizar Baraka ministre des Finances, voit en la refonte de la LOF un grand chantier qui nécessite une approche participative de toutes les parties concernées.
D’après lui, «nous sommes conscients de l’importance que revêt la LOF vis-à-vis de l’application des politiques publiques et sectorielles et de l’atteinte des objectifs escomptés(115)». Chose qui place cette loi en tête des textes qui nécessitent une réforme immédiate. Et ce, conformément au programme du gouvernement et à l’esprit de la Constitution. Le même son de cloche résonne auprès d’Idriss AZAMI ELIDRISSI, ministre chargé du Budget. D’après lui, «dans ce contexte nouveau et particulier, cette réforme permettra de doter le Maroc, à l’instar de beaucoup de pays développés et émergents de par le monde, d’une véritable «constitution financière», laquelle donnera corps et substance aux nouveaux principes fondateurs de la gouvernance des affaires publiques énoncés par la loi fondamentale du Royaume(116)».
Les objectifs de cette réforme sont multiples. D’après AZAMI ELIDRISSI, «il s’agit notamment de la promotion de la démocratie budgétaire, via la prise en compte du nouveau rôle du Parlement consacré par la Constitution, de l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de la dépense publique et de la garantie de la transparence financière de l’Etat. À cela s’ajoutent la responsabilisation accrue des gestionnaires des deniers publics, le droit à l’information et l’implication des citoyens». Pour atteindre tous ces objectifs, il est opportun d’explorer un certain nombre de pistes. Dans cet ordre d’idées, il faudrait adapter la LOF aux nouvelles dispositions constitutionnelles, notamment celles ayant pour buts la coresponsabilité du Parlement et du gouvernement en matière de préservation de l’équilibre des finances de l’Etat, du contrôle parlementaire de l’action du gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques, ainsi que l’introduction explicite de la notion de programmes pluriannuels. Il est indispensable aussi de tenir compte dans le texte de la LOF des autres dimensions plus techniques, revisitées par la réforme constitutionnelle, relatives aux conditions de présentation, de dépôt et de vote du projet de loi de Finances. Cette réforme budgétaire de la LOF ne pourrait se réduire à la refonte d’un texte mais elle doit être la porte d’entrée d’une réforme plus globale, celle de la réforme de l’Etat et de la bonne gouvernance au service du développement économique, social et humain de notre pays.
De surcroît, la future LOF devrait institutionnaliser le «raisonnement par missions» correspondant aux grandes politiques de l’État au lieu du «raisonnement par département dépensier(117)» dans le processus de budgétisation. Il s’agit de recenser ces missions et les décliner en programmes. Chaque mission peut être ministérielle ou interministérielle. La particularité de cette démarche est que le Parlement vote le budget par mission, comme il serait en mesure de procéder à des modifications de la répartition des dépenses, voire à des réaffectations entre les programmes au sein d’une même mission(118).
§2 – Absence de lien entre PLFA et programmes stratégiques du Gouvernement :
La planification ou la programmation stratégique peut être considérée comme un processus formalisé de prise de décision qui élabore une représentation voulue de la situation future de l’Etat et spécifie les modalités de mise en œuvre de cette volonté.
Elle doit être soumise à un paradigme plus ouvert de la rationalité procédurale, fondée sur certaines constantes : l’anticipation, la finalisation et la volonté(119).
Toutefois, Si la planification constitue un acquis constitutionnel qui pourrait fournir un cadre fédérateur à l’action de l’Etat, son processus de formulation souffre encore de beaucoup de zones de vulnérabilité, ce qui exige une meilleure articulation entre les programmes stratégiques du gouvernement et le PLFA (A), ainsi que l’inscription de la loi de finances de l’année dans une démarche pluriannuel (B).
A- ARTICULATION INCERTAINE ENTRE LE PLAN ET LE BUDGET :
Le plan constitue un acquis constitutionnel qui pourrait fournir un cadre fédérateur à l’action des différents acteurs du circuit budgétaire. Son processus de formulation, d’adoption et d’exécution souffre de beaucoup de zones de vulnérabilité.
Ainsi, l’article 75 de la constitution de 2011 stipule que le gouvernement a seul le monopole du pouvoir d’amendement en matière de plan(120). Cet article consacre une contradiction entre, d’une part, la nécessité de donner au législatif la possibilité d’infléchir la planification de l’Etat, et d’autre part, la nécessité pour l’exécutif d’éviter que les plans et les programmes soient dénaturés par les élus de la nation(121) . En plus, le troisième alinéa de cet article stipule que : « Seul le gouvernement est habilité à déposer des projets de loi tendant à modifier le programme ainsi adopté ».
De surcroît, les dispositions(122) de la loi organique des finances qui font référence au plan précisent que « les plans approuvés par le parlement ne peuvent donner lieu à des engagements de l’Etat que dans les limites fixés par la loi de finances et que « les dépenses d’investissements résultant de l’exécution du plan de développement peuvent faire l’objet d’autorisation de programme qui déterminent le coût global et maximum des projets d’investissement retenus». Ce qui résulte de ces dispositions c’est que l’exécution du plan est subordonnée à l’inscription des crédits nécessaires à la loi de finances et qu’il est caractérisé par trois grandes insuffisances, selon le professeur ELARAFI (H.), dont l’articulation incertaine entre le Plan et le budget dans la mesure où le budget et le Plan sont deux actes de prévision différents(123) constitue l’exemple le plus illustrant.
A côté de cela, le plan souffre des avatars méthodologiques dans la démarche de la planification qui expliquent comment la planification a échoué, au Maroc, partout où on l’a essayé : prétentions trop élevées, valables politiquement, mais souvent irrecevables financièrement ; vision statique et monolithique ; raisonnement tant en terme d’agrégats macro financiers qu’en terme d’indicateurs économiques et sociaux ; manquements dans la mesurabilité des objectifs, etc. S’ajoute à ceci, le contraste entre les objectifs planifiés et les actions réalisées(124) car les plans débutent généralement de manière triomphale, mais au bout d’un certain temps, la plupart se diluent ou sont remplacés par d’autres.
Ces insuffisances sont dues à la nature du projet de loi de finances et du plan(125) qui sont deux actes de prévision différents. Le premier est un acte de prévision financière, tandis que le deuxième est un acte de prévision essentiellement socioéconomique ; des différences très nettes qui séparent le budget et le plan, qui sont insurmontables et qui sont susceptibles de rendre leur articulation plus ou moins incertaine(126).
D’abord, le budget et le plan n’ont pas le même contenu dans la mesure où le contenu du plan est plus large car ses objectifs et ses prévisions ne se limitent pas à de simples recettes et dépenses ; il prévoit des indications globales visant à corriger les défauts marginaux du système économique en catalysant les énergies nationales et en harmonisant les projets des agents économiques. Le budget, quant à lui, contient surtout des chiffres. Ensuite, le plan est plus étroit que le budget puisqu’il met principalement l’accent sur les problèmes de l’investissement en négligeant souvent les dépenses de fonctionnement, pourtant le budget doit regrouper l’ensemble des dépenses de l’Etat(127).
En plus, le budget et le plan n’ont pas la même durée. L’un est annuel et l’autre est pluriannuel (triennal, quadriennal ou quinquennal) (128). En outre, le projet de loi de finances et le plan sont élaborés par des autorités distinctes, ce qui ne favorise pas des liens étroits entre les deux documents(129). De surcroît, le budget et le plan n’ont pas la même portée. Le premier étant un acte d’autorisation, il connaît une procédure héritée de la conquête de prérogatives politiques financières. Il est donc impératif que le plan demeure uniquement indicatif ; le gouvernement ne s’engage qu’à faire tout son possible pour réaliser les objectifs tracés.
Ces différences sont, certes, inhérentes à la nature de ces deux actes de prévision. Pourtant, les pouvoirs publics n’ont pas pris effectivement en charge leur liaison de manière à harmoniser la politique budgétaire et la politique économique. Pourtant, toute intégration inefficace entre le plan et le processus budgétaire est une source d’échec de la programmation stratégique globale du gouvernement. Il est donc nécessaire de resserrer les liens qui existent entre le plan et le budget(130) par :
– l’adaptation du budget au rôle économique qu’il doit nécessairement jouer ;
– la construction d’une méthodologie de plan, en étudiant de manière approfondie les problèmes budgétaires de l’ensemble des départements gestionnaires de manière à déterminer avec précision ce qui devait être inscrit au plan, ce qui devait être supporté par l’Etat et ce qui devait être assumé par les autres acteurs;
– la fixation, à partir du plan, des normes budgétaires globales pour maîtriser à moyen terme son comportement budgétaire qui ont pour but d’avertir les hommes politiques, les groupes d’intérêt, départements gestionnaires et autres parties prenantes qu’il y a des limites à la capacité du gouvernement de faire droit à leur exigences;
– adapter le plan aux circonstances et aux besoins propres et à la situation de chaque ministère(131).
B- L’INSCRIPTION DE LA LOI DE FINANCES DANS UNE DEMARCHE PLURIANNUELLE :
L’idée de pluriannualité(132) et de l’exigence d’une visibilité stratégique sur les finances publiques n’est pas une nouveauté dans la Constitution marocaine de 2011.
Formellement, l’articulation entre le plan et le budget est une donnée d’ordre institutionnel dictée d’abord par la Constitution (art 75. 2°al) (133), qui dispose que : «Les dépenses d’investissements résultant des plans de développement ne sont votées qu’une seule fois lors de l’approbation du plan par le Parlement. Elles sont reconduites automatiquement pendant la durée du plan». Ensuite, les dispositions des article 24 et 25 de la loi organique des Finances n°7-98, qui font référence à la notion du plan, précisent que «les plans approuvés par le Parlement ne peuvent donner lieu à des engagements de l’Etat que dans les limites fixées par la loi de Finances de l’année» et que «les dépenses d’investissements résultant de l’exécution du plan de développement peuvent faire l’objet d’autorisation de programme…».
Dans cette optique, le projet de loi de finances doit être circonscrit dans le cadre d’un plan d’orientation du gouvernement que le parlement a déjà approuvé, et les choix budgétaires sectoriels qui le composent ne seraient qu’une fraction annuelle des programmes pluriannuels glissants de chaque ministère dépensier en prenant en compte le facteur de la rareté des ressources publiques(134). L’examen financier du parlement doit s’inscrire dans cette logique pour permettre un suivi minutieux du processus d’exécution du plan et d’en assurer la cohérence. Toutefois, cette articulation peut être biaisée, notamment par deux limites essentielles; l’une institutionnelle et concerne l’examen des autorisations de programme et l’autre est liée aux techniques relatives à la capacité d’appréhender le projet de loi de Finances à travers le plan. C’est la raison pour laquelle il a été préférable de substituer la notion du plan à celle de lois de programmation pluriannuelle dans le texte de la Constitution de 2011comme l’a noté, à juste titre, le professeur ELARAFI (Hassane) (135).
De ce fait, il est souhaitable, afin d’instaurer un dialogue constructif entre les parlementaires et les ministres, que ces derniers ne se contentent pas de fournir aux premiers un ensemble monolithique de priorités accompagné de programmes qui y sont associés, mais d’indiquer les difficultés qu’ils attendent et les autres orientations qui s’offrent à eux. Il est lieu, aussi, de puiser les expériences des pays pionniers dans ce domaine (136) qui ont d’ailleurs essayé d’élaborer des moyens en vue de combiner des ouvertures annuelles de crédits et des mécanismes de contrôle pluriannuel du Parlement.
A titre d’exemple, au Royaume-Uni, les programmes de dépenses détaillés des divers ministères sont publiés dans 18 rapports ministériels et dans un supplément statistique publié au début du printemps(137). Les ministres y indiquent leurs objectifs et indicateurs s’y rapportant. Pour chaque ministère, les estimations indiquent si le montant voté constitue un plafond et définissent l’objet du vote; c’est-à-dire le but auquel seront affectées les dépenses, le montant net de celles-ci et le département responsable. Ces informations sont reproduites dans la loi portant ouverture des crédits.
§3 -synergie ambigüe entre le projet de loi de finances et règlement de loi de finances pénultième :
Pour éviter une trop grande subjectivité dans la gestion des deniers publics, diverses méthodes ont été retenues. Parmi ces méthodes figure la règle de la pénultième année, imaginée par Villèle(138), qui consiste à retenir le montant des recettes du dernier exercice connu au moment de la préparation du Budget. Ce procédé fut corrigé par l’application aux chiffres de la pénultième année de la moyenne des majorations constatées pendant les cinq années précédentes lorsque Léon Say était ministre des Finances en 1882. Actuellement, les recettes sont estimées par voie d’appréciation directe, à partir des derniers résultats connus, y compris ceux de l’exercice en cours et compte tenu des indications données par les services de la prévision.
Cette règle exige une synergie entre le PLFA et la loi de règlement qui est une ancienne pratique qui remonte à 1818(139) en France, connue sous le vocable de « la loi des comptes» dont l’objet est de regrouper dans un même document les résultats d’exécution du budget afin de permettre au parlement de vérifier la conformité des réalisations aux autorisations données. Elle constitue ainsi un privilège constitutionnel dont dispose le législatif pour exercer son contrôle à posteriori sur la gestion budgétaire de l’exécutif(140) car elle permet de contrôler l’exécution de la LFA précédente en constatant les résultats financiers de l’exercice écoulé, tant du point de vue des recettes que des dépenses(141). Ainsi, on peut mesurer la différence entre ce qui avait été prévu et ce qui a été réellement exécuté.
La loi de règlement est en quelque sorte le document budgétaire qui fait le bilan de l’action gouvernementale en ce qui est de l’exécution de la loi de finances. Elle intervient pour constater les réalisations et les défaillances par rapport au budget initial.
C’est ce qui ressort de l’article 47 de la loi organique n°7/98 qui précise : « Une loi dite de règlement constate le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements de dépenses se rapportant à une même année budgétaire et arrête le compte de résultat de l’année ». Ce qui résulte de cet article, c’est que la loi de règlement doit se rapporter à la même année pour produire son effet. Cependant, le dépôt tardif du projet de ladite loi constitue une manifestation flagrante d’absence de lien entre la LFA et son règlement pénultième (A), ce qui exige sa revalorisation pour une meilleure synergie entre le PLFA et le règlement de la pénultième année (B).
A- Le dépôt tardif de la loi de règlement :
Conformément aux spéculations de l’article 76 de la constitution du 1er juillet 2011 qui stipule que : « Le gouvernement soumet annuellement au Parlement une loi de règlement de la loi de finances au cours du deuxième exercice qui suit celui de l’exécution de ladite loi de finances. Cette loi inclut le bilan des budgets d’investissement dont la durée est arrivée à échéance ». Le projet de LR doit être déposé sur le bureau de l’une des deux chambres du parlement, au plus tard, à la fin de la deuxième année budgétaire qui suit celle d’exécution de la loi de finances(142). Ce projet de loi doit être accompagné du rapport de la cour des comptes sur l’exécution de la loi de finances et de la déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et le compte général du royaume(143). Comme les autres lois de finances, la loi de règlement obéit à la même procédure de discussion et de vote(144).
De ce fait, la présentation de la loi de règlement doit laisser, d’une part, s’écouler suffisamment de temps après l’exécution de la loi de finances annuelle pour présenter les comptes en ordre, et d’autre part, il faut la présenter le plus rapidement possible pour que son examen par le parlement présente certain intérêt(145).Toutefois, l’expérience marocaine est caractérisée par des retards excessifs concernant la présentation et le vote
de ladite loi comme le montre le tableau suivant :
TABLEAU(146)2 : DEPOT ET ADOPTION DE LA LOI DE REGLEMENT DE 2004 A 2009.
Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessus on constate que la présentation de la loi de règlement est caractérisée par son dépôt tardif qui dépasse les deux ans puisque celle de 2004 n’a été déposé devant le parlement qu’en 2008 c’est-à-dire deux ans après le délai légal pour n’être adopté qu’en 2009, ce qui représente une année de discussion et de vote.
Un autre trait du vote formel de la loi de règlement est la présentation par le gouvernement de trois projets en même temps, ce qui nous pousse à dire que celui-ci n’accorde pas une grande importance à la présentation de ce texte. Ce qui aggrave encore la situation, c’est le désintérêt des parlementaires en ce qui concerne l’étude, la discussion et le vote de ladite loi puisqu’on constate que ceux-ci ont adopté trois projets de LR la même journée, ce qui pose des interrogations sur la sincérité, l’engagement ainsi que le souci qu’accordent les représentants de la nation pour les deniers des contribuables.
Cependant, malgré ces retards, force est de constater que le gouvernement a déployé de grands efforts pour le respect des délais légaux puisqu’on a passé de cinq ans de retards comme moyenne de présentation du projet de LR, comme a noté cela le professeur ELARAFI, à la fin du vingtième siècle et au début de ce siècle(148) à une année ou deux de retard ces dernières années. Alors que le retard pouvait atteindre 10 pendant les premières législatures(149) .
B- LA REVALORISATION DE LA LOI DE REGLEMENT ET LES IMPERATFIS DE LA SYNERGIE AVEC LE PLFA :
La loi de règlement a retrouvé une relative importance avec les réformes budgétaires engagées par le Maroc depuis 2002 au niveau de la gestion et du contrôle des finances publiques, dont l’une des conséquences les plus importantes consiste en la réduction des délais de présentation du projet de LR. Cette dynamique est amenée à se renforcer davantage avec le projet de refonte de la loi organique relative à la loi de finances en cours de préparation au Royaume qui doit adopter la même situation du législateur français(150) et stipuler expressément que la discussion du projet de loi de finances de l’année (n+1) ne peut avoir lieu qu’après le vote de la loi de règlement de l’année (n-1).
Si l’adoption de la loi de règlement a perdu de son importance historique dans les régimes parlementaires contemporains, un regain d’intérêt semble se dessiner ces dernières années, au moins au niveau du respect de présentation de la loi de règlement, en vue de rénover le contrôle parlementaire à posteriori. Au Maroc, où le pouvoir de contrôle exercé par le parlement en matière financière connaît de sérieuses limitations(151), l’examen et le vote de la loi de règlement peut permettre, dans une certaine mesure, au parlement de retrouver en partie la plénitude de ses attributions de surveillance de l’emploi des deniers publics.
Il faut remarquer aussi que malgré la fixation légale des délais de présentation au parlement du projet de LR, cette disposition n’a pas été respectée que depuis 2008 avec la présentation du projet de loi de règlement relative à l’exercice 2006. Depuis, on assiste à une amélioration substantielle dans la présentation du projet de loi de règlement. Ainsi, les projets relatifs aux exercices 2007 et 2008 ont été présentés au parlement respectivement, en décembre 2009 et mars 2010, soit 09 mois avant le délai légal prévu par la loi organique relative à la loi de finances, ce qui représente un saut qualitatif en soi.
De ce constat, on peut affirmer qu’une meilleure synergie entre le PLFA et le règlement de la loi de finances pénultième pourrait trouver son assise si le projet de LR du dernier budget exécuté (budget n-1) est simultanément présenté avec le projet de loi de finances de l’année à venir (budget n+1)(152), ainsi que dans le profit que pourraient tirer les parlementaires de l’assistance que devra leur fournir la cour des comptes(153) à travers notamment une lecture approfondie de sa déclaration générale de conformité et son rapport sur l’exécution de la loi de finances(154), sachant que les deux documents sont annexés au projet de LR. Cela peut offrir une mine informationnelle(155) importante d’analyse et de synthèse pour permettre aux représentants de la nation de porter un jugement sur le respect des autorisations budgétaires et sur les conditions de la gestion de l’argent du contribuable.
109 KHOUDRY (Driss), “Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc”, op.cit, p.218.
110 Ledit article stipule que : « Le Chef du Gouvernement présente devant le Parlement un bilan d’étape de l’action gouvernementale, à son initiative ou à la demande du tiers des membres de la Chambre des Représentants ou de la majorité des membres de la Chambre des Conseillers. Une séance annuelle est réservée par le Parlement à la discussion et à l’évaluation des politiques publiques ».
111 ELARAFI (Hassane), « la réforme de la loi organique des finance : un pilier de la réforme de l’Etat », LE MATIN, 13-06-2012.
112 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat …», op.cit, p.221.
113 Ibid. p.222.
114 La société civile s’intéresse aussi au sujet. L’exemple qui en témoigne est celui de la fondation Abderrahim BOUABID qui n’a ménagé aucun effort pour confectionner un rapport dédié à la réforme de cette loi fondamentale. Ce dernier contenait des recommandations pouvant contribuer à une gestion optimale du budget de l’Etat.
115 BENCHEKRI (Soumaya), “La loi organique des Finances attise les débats », Le matin, le 03-05-2012.
116 Ibid.
117 ELARAFI (Hassane), « la réforme de la loi organique des finance : un pilier de la réforme de l’Etat », LE MATIN, 13-06-2012.
118 Cf. HARAKAT(Mohamed), « finances publiques à l’épreuve de la transparence », op.cit, pp. 89-90.
119 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat …», op.cit, p.201.
120 Voir sur les pouvoirs du contrôle parlementaire en matière des plans, FIKRI (Abdelkbir), « Le parlement marocain et les finances de … », op.cit, p102 et s ; DELVOLVE (P.) et LESGUILLON (H.), « Le contrôle parlementaire sur la politique économique et budgétaire », op.cit, p. 19 et s.
121 ZEMRANI (Bensalah Anas), « Les finances de l’Etat au Maroc… », op.cit, p.105.
122 L’article 25 du dahir n°1-100-195 du 19 avril 2000 portant promulgation de la loi organiques des finances 1 n°4-00 modifiant et complétant la loi organique n°7-98 relative à la loi des finances.
123 Le premier est un acte de prévision financière, tandis que le second est un acte de prévision essentiellement socio-économique. En effet, des différences très nettes séparent le budget et le Plan, apparemment insurmontables, et qui sont susceptibles de rendre leur articulation plus ou moins incertaine.
124 ELARAFI (Hassane), « la réforme de la loi organique des finance : un pilier de la réforme de l’Etat », LE
MATIN, 13-06-2012.
125 Cf. HARAKAT(Mohamed), « finances publiques à l’épreuve de la transparence… », op.cit.p.29 et s.
126 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat …», op.cit, p.207.
127 Ibid. p.208.
128 Dans ce sens, certains auteurs, tel que LALUMIERE(P.), ont souhaité l’élaboration d’un budget quinquennal à l’instar du plan. Seulement que cette option soulève un certain nombre de problèmes dont celui de l’adaptation du budget à une conjoncture turbulente. D’autres apports ont jugé plutôt de rapprocher le budget du plan en précisant un plan réajustable chaque année (Tel est notamment l’idée défendue par le conseil économique et social français). Une troisième solution a été proposée par d’autres auteurs qui n’ont pas opté pour un budget quinquennal, ni un plan révisable chaque année, mais un budget valable pour deux ans et un plan pour lequel le point serait fait également pour deux ans. Il y aurait ainsi une sorte d’alternance : une année, le parlement voterait le budget ; l’année suivante, il voterait le budget.
129 L’élaboration du premier se caractérise par la prééminence des autorités budgétaires, tandis que l’élaboration du second est pratiquement partagée entre différents acteurs et semble moins contraignante.
130 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat …», op.cit, p. 209.
131 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat …», op.cit, p. 211.
132 ELARAFI (Hassane), « gouvernance des finances publiques : approche constitutionnelle », LE MATIN, 2011.
133 Il s’agit de la constitution de 1996 dans la nouvelle constitution c’est l’article 75.
134 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat …», op.cit, p. 317.
135 CF. ELARAFI (Hassane), « gouvernance des finances publiques : approche constitutionnelle », le MATIN, 2011.
136 ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat …», op.cit, pp.318-319.
137 Ibid.
138 Joseph de Villèle né le 14 avril 1773 à Toulouse et mort le 13 mars 1854 dans la même ville est un homme politique français qui exerça entre autres les fonctions de Premier ministre entre 1821 et 1828.
139 FLIZOT (Stéphanie), « les relations entre les institutions supérieures de contrôle financier et les pouvoirs publics dans les pays de l’union européenne », L.G.D.J, Paris, 2003, pp.222-223.
140 ELARAFI (Hassane), « Gestion des finances de l’Etat… », op.cit, p.81.
141 Cf. CAMBY (Jean-Pierre), « la réforme du budget de l’Etat. La loi organique… », op.cit, p. 245 et s.
142 Deuxième alinéa de l’article 47 de la loi organique 1998.
143 Dans ce sens, le troisième alinéa de l’article 47 de la loi organique des finances dispose que : « Il est accompagné d’un rapport de la Cour des comptes sur l’exécution de la loi de finances et de la déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et le compte général du Royaume ».
144 OUJMAA (Saïd),” le contrôle des finances publiques …», op.cit, p.38.
145 ELARAFI (H.), « gestion des finances de l’Etat… », op.cit, p.551.
146 Documents de la chambre des représentants et de la chambre des conseillers.
– Bilan législatif de la huitième législature, sur www.parlement.ma et www.conseiller.ma.
147 www.mcrp.gov.ma.
148 Cf. ELARAFI( Hassane), « gestion des finances de l’Etat… », op.cit, pp.551-552.
149 Cf. FIKRI (Abdelkbir), « le parlement marocain et les finances…. », op.cit, p. 128 et s.
150 Dans ce sens, l’article 41 de la loi organique relative aux lois de finances, en France, de 2011 stipule que: « le projet de loi de finances de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi de règlement afférent à l’année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances ».
151 Infra, deuxième partie, chapitre premier.
152 CHABIH (Jilali), « les finances de l’Etat au Maroc », op.cit, p 329.
153 Infra, chapitre II, section, II, paragraphe3.
154 FLIZOT (Stéphanie), « les relations entre les institutions supérieures de contrôle financier et les pouvoirs publics dans les pays de l’union européenne », op.cit, p.225 et s.
155 ELARAFI (Hassane), « Gestion des finances de l’Etat… », op.cit, p.552.
Page suivante : Chapitre II: Redynamisation du débat budgétaire :