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Section 2 : Création d’une procédure d’indemnisation spécifique relativement efficace

§1. Des conditions d’accès peu à peu élargies

La loi Kouchner, inspirée par la loi Badinter du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation, a instauré une procédure de règlement amiable des litiges(71) qui permet aux victimes d’accidents médicaux les plus graves de saisir une commission de conciliation et d’indemnisation (CRCI) en vue d’obtenir un avis, au terme duquel l’assureur du responsable ou, en l’absence de responsabilité, l’ONIAM doit faire une offre d’indemnisation.(72)

Dix ans après l’adoption de la loi du 4 mars 2002, le succès de cette procédure est certain(73) puisque le nombre de saisines de CRCI est passé de 1907 en 2003 à 4117 en 2010.(74)

La CRCI ne peut appréhender que les dommages médicaux les plus graves, dont les conséquences médico-légales franchissent les seuils de gravité prévus au Code de la santé publique.(75) Pour les dommages moindres, mais non négligeables, le recours juridictionnel est impératif.

Face à cette réglementation rigoureuse, la loi du 12 mai 2009(76) a réformé le droit des accidents médicaux en élargissant les critères médicaux de recevabilité de saisine des CRCI et de droit à indemnisation des conséquences d’un aléa thérapeutique. Il est désormais tenu compte expressément du retentissement psychologique puisque le nouveau texte fait référence à un « taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieure à 25% ».

Il sera encore tenu compte de l’arrêt temporaire d’activité personnelle et non plus seulement de l’arrêt d’activité professionnelle.

§2. La procédure de règlement amiable mise en place

Le règlement amiable devant les CRCI constitue une voie non contentieuse, non juridictionnelle. Il est de la discrétion des parties d’inscrire ou non la réparation subséquente du dommage médical dans le cadre amiable. En effet, cette procédure facultative laisse subsister les voies juridictionnelles classiques. Il est donc fréquent que la situation soit finalement soumise à l’appréciation du juge ce qui ne permet pas d’atteindre l’objectif de « déjudiciarisation » visé par le législateur.

Le rôle des Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation consiste à examiner les demandes des patients et de les diriger vers la personne responsable pour être indemnisés.

Les CRCI, présidées par un magistrat, sont composées de représentants des usagers, des professionnels de santé, des directeurs d’établissement, de l’ONIAM, des assureurs et de personnes qualifiées dans le domaine de la réparation des préjudices corporels.

La CRCI peut être saisie par toute personne s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, le cas échéant par son représentant légal.(77)Il s’agit de la CRCI dans le ressort de laquelle a été effectué l’acte.

L’intérêt de cette innovation procédurale réside d’abord dans la gratuité de la procédure puisque il n’y pas de frais d’expertise, ni de recours obligatoire à un avocat, ainsi que dans son caractère rapide et simplifié.

Concernant la rapidité de traitement, il a été prévu qu’un délai de 6 mois devait être respecté pour traiter le recours.

Pendant ce délai, la CRCI informe le professionnel ou l’établissement de santé mis en cause. Puis elle procède à la vérification de la réalité de la gravité du préjudice par le biais d’une expertise sur pièces facultative. Si le caractère de gravité n’est pas rempli, la CRCI se déclare incompétente. Dans le cas contraire, elle diligente une expertise obligatoire sur la responsabilité et l’évaluation du préjudice. Une fois que les experts ont rendu leur rapport, les parties et assureurs sont informés de la date à laquelle l’avis de la CRCI sera rendu.

Il est intéressant de noter que pendant l’instruction de la demande et à tout moment, les parties sont informées, à leur demande, de l’état de la procédure. Elles peuvent être entendues sur leur demande ou à la demande de la CRCI et peuvent à chaque fois se faire assister par une personne de leur choix.

L’avis de la CRCI, adopté à la majorité des membres présents, est émis dans un délai de 6 mois à compter de la saisine non seulement à la personne qui a saisi la CRCI mais aussi à l’ONIAM, au professionnel de santé ou à l’établissement mis en cause et à son assureur.

Si le dommage engage une responsabilité, l’assureur qui garantit la responsabilité de la personne ou de l’établissement responsable dispose d’un délai de 4 mois à compter de la réception de l’avis pour adresser une offre d’indemnisation à la victime ou à ses ayants droits. Cette offre doit permettre la réparation intégrale des préjudices subis et doit intervenir dans le mois suivant l’acceptation de la victime. Dans l’hypothèse où l’assureur, ayant transigé avec la victime, estime que le dommage n’engage pas la responsabilité de la personne qu’il assure, il dispose d’une action subrogatoire soit contre le tiers responsable soit contre l’ONIAM lorsque les conditions d’indemnisation par la solidarité nationale sont remplies(78).

Dans le cas où le dommage est indemnisable au titre de la solidarité nationale, l’office adresse à la victime une offre d’indemnisation dans les mêmes conditions que l’assureur (4 mois pour l’offre et un mois pour le versement).

Par conséquent, les apports de la loi du 4 mars 2002 s’inscrivent tous dans le dessein d’une meilleure protection des victimes de dommages causés par des produits de santé. En effet, l’unification du régime de responsabilité civile médicale et en particulier celui de la responsabilité sans faute du fait des produits de santé permet d’offrir à la victime un cadre légal par définition stable. De surcroit, la prise en charge de l’aléa thérapeutique par la solidarité nationale et la mise en place d’une nouvelle procédure de règlement amiable participent à une meilleure protection des victimes.

Toutefois, ces apports ont un goût d’inachevé. En effet, le refus de créer un régime de responsabilité spécifique aux produits de santé apparaît paradoxal au vu du nombre d’affaires tristement célèbres en la matière.

71 Art. L.1142-5 et suivants du C. santé publ.
72 Avis CE, 17 septembre 2012, n° 3602280, RCA oct.2012, alerte 25
73 70% des dossiers sont réglés par voie amiable, Rapport 2010 de l’Observatoire des risques médicaux, www.oniam.fr, p.6
74 Rapport Oniam, www.oniam.fr, p.6
75 Art. D. 1142-1 du C. santé publ.
76 L. n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplication et de clarification du droit et d’allègement des procédures
77 Art. L.1142-7 du C. santé publ.
78 Art. L.1142-14 du C. santé publ.

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