La garantie valeur à neuf, permet d’être indemnisé à hauteur de la valeur à neuf d’un bien identique ou équivalent au jour du sinistre. En matière immobilière, l’assureur tiendra compte du montant de la reconstruction au jour du sinistre. La valeur à neuf sera garantie à l’assuré jusqu’à 25% de vétusté. Ainsi, pour un sinistre garanti, tant que la vétusté du bâtiment est inférieure à 25%, il sera indemnisé en valeur à neuf. Son indemnité sera composée en deux parties, une première indemnité correspondant à la valeur d’usage du bâtiment (vétusté déduite) et le complément d’indemnité correspondant à la vétusté qui sera versé à l’assuré après reconstruction effective du bâtiment. En revanche si la vétusté est supérieure à 25%, une partie restera donc à la charge de l’assuré.
En principe, l’assuré sinistré disposera en toute liberté de son indemnité. Tout principe admettant des exceptions, au titre desquels l’assuré aura une obligation d’affectation de l’indemnité (§1) à la reconstruction ou au remplacement effectif du bien. Il percevra alors son indemnité en deux temps, indemnité immédiate correspondant à la vétusté du bien et une indemnité différée après reconstruction. A moins que l’assuré soit dans l’impossibilité de reconstruire le bien indépendamment de sa volonté (§2).
§1 : Affectation de l’indemnité et délai de deux ans
L’obligation d’affecter l’indemnité à la reconstruction du bien est souvent assortie d’un délai de deux ans, permettant ainsi d’éviter que le dommage ne dégénère. Lorsque l’assuré ne reconstruit pas le bien dans ce délai, les dommages s’aggravent, il devra donc en supporter la différence.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 7 février 2012, alors que l’assuré n’avait pas affecté l’indemnité immédiate versée par l’assureur à la reconstruction du bien, a condamné l’assureur à lui verser l’autre partie de l’indemnité immédiate (qui n’avait été versée que partiellement à l’assuré) et l’indemnité différée alors que celle-ci était subordonnée à la réalisation effective des travaux de reconstruction du bien, qui n’ont pas été fait par l’assuré. Il semble donc qu’en cas de non-respect de l’obligation d’affectation de l’indemnité, la sanction serait la non garantie des conséquences juridiques de la non affectation dans les délais, c’est-à-dire, le coût de l’aggravation des dommages, résultant de la faute de l’assuré, causant un préjudice à l’assureur (augmentation du coût de remise en état). Cette solution est quelque peu surprenante, car l’obligation de reconstruire dans le délai de deux ans était stipulée dans la police d’assurance, et malgré la violation de cette disposition, l’assuré bénéficie du versement de l’intégralité de l’indemnité malgré l’absence de reconstruction du bien, seul le coût de l’augmentation de réparation des dommages reste à la charge de l’assuré(65).
Cependant, en cas d’impossibilité absolue de reconstruire, les juges ont permis dans certains cas, que l’indemnisation soit tout de même accordée à l’assuré. Mais ce n’est pas toujours le cas, s’agissant d’une obligation contractuelle de reconstruction incombant à l’assuré qui souhaite que l’assureur lui verse le complément d’indemnité correspondant à la vétusté.
§2 : Indemnisation et impossibilité absolue de reconstruire
Dans un arrêt relatif à l’indemnisation d’un immeuble suite à sa destruction par un incendie, une clause du contrat subordonnait l’indemnisation en valeur à neuf au remplacement effectif du mobilier, sauf impossibilité absolue, dans le délai de deux ans. L’indemnisation en valeur à neuf n’était pas due, l’assuré n’ayant pas satisfait à la condition subordonnant le versement de l’indemnité en valeur à neuf. De plus, le gérant ne démontrant pas une volonté réelle de reprendre son activité, l’indemnisation des pertes d’exploitation n’était pas due(66).
Dans le commentaire de cet arrêt, un auteur met en perspective une question d’interprétation, « la réserve d’impossibilité absolue fait-elle corps avec l’exigence d’un remplacement dans les deux années ? (…) Les juges du fond considèrent que l’impossibilité absolue est indépendante de la célérité dont l’assuré doit faire preuve. L’obligation de remplacement enfermée dans un délai raisonnable permet de caractériser la volonté de l’assuré de se retrouver dans la situation antérieure au sinistre. La réserve d’impossibilité absolue a pour objectif de tenir compte de la disparition de cette option pour une cause indépendante de l’assuré. Elle n’a pas vocation à être enfermée dans un délai. »
En revanche, en cas d’impossibilité absolue de reconstruire, l’indemnité d’assurance est due à l’assuré. En effet, la Cour de cassation a accordée à l’assuré l’indemnisation de ses dommages matériels et sa perte d’exploitation du fait d’une explosion dans le local exploité. Une clause au contrat prévoyant l’indemnisation si la reprise de l’activité était impossible du fait d’un événement indépendant de la volonté de l’assuré et se révélant à lui postérieurement au sinistre, ce qui était le cas en l’occurrence(67). Même solution qui a été admise par la deuxième chambre civile, le 12 avril 2012, pour une impossibilité absolue de reconstruire indépendante de la volonté de l’assuré(68).
65 Cass. Civ. 3e, 7 février 2012, n°10-28750, non publié au bulletin ; note A.PELISSIER, RGDA n°2012-03, p.642.
66 Cass. Civ. 2e, 4 octobre 2012, n°11-14685, non publié au bulletin ; comm. D.KRAJESKI, LEDA, 15 novembre 2012, n°10, p.3.
67 Cass. Civ. 2e, 29 mars 2012, n°11-14828, non publié au bulletin.
68 Cass. Civ. 2e, 12 avril 2012, n°11-18113, non publié au bulletin ; LEDA, juin 2012, n°84, p.2.