Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

Section 2: Insuffisance des solutions traditionnelles proposées par l’assurance.

ADIAL

L’assurance a un rôle important en matière de risque climatique. En France, l’Etat a imposé un régime légal obligeant les assureurs de couvrir certains risques climatiques selon certaines conditions. (§1) L’idée était de partager la charge du sinistre entre l’Etat et le marché de l’assurance. Or, l’assurance connait, comme les entreprises, des difficultés du fait du coût exorbitant des catastrophes climatiques. (§2)

§1. Les régimes assurantiels du risque climatique

Le risque climatique, qui regroupe toutes les catastrophes atmosphériques, n’a pas fait l’objet d’un régime assurantiel homogène. Certains de ces événements sont garantis à travers le régime de catastrophes naturelles, comme l’inondation, la tempête, la grêle et d’autres font l’objet d’un régime distinct. (A) De plus, il faut souligner qu’un contrat d’assurance ne peut exister que si le risque est incertain, aléatoire. Or, cette année un assureur a remis en cause ce
caractère. (B)

A/ Présentation du régime

Le régime d’assurance des événements naturels est marqué par une date précise, le 13 juillet 1982. C’est à cette date que la France s’est dotée d’un véritable régime de catastrophe naturelle. Avant cette date, les événements extrêmes n’étaient pas traités de la même façon ; certains étaient exclus de tout contrat d’assurance, comme les inondations, et d’autres étaient inclus comme la tempête et la grêle. Trois causes peuvent expliquer cette absence(52) :
– L’insuffisance de statistiques pour ce type de phénomène.
– Des assureurs non désireux de supporter un risque dont l’événement pourrait sinistrer un grand nombre d’assurés.
– Enfin, seules les personnes exposées contractaient une assurance, ne permettant ainsi pas à l’assureur d’effectuer une bonne mutualisation des risques.

La population victime de ce risque se trouve alors démunie, et se tourne vers le pouvoir public qui prend en charge une partie des dommages. C’est ainsi, que dans les années soixante-dix, différentes réflexions sur la mise en place d’une couverture prennent naissance. Pour autant, il faut attendre deux inondations importantes dans la vallée de la Saône et du Rhône, en 1981, pour que soit enfin mise en place une protection. C’est ainsi que la loi du 13 Juillet 1982 crée un régime d’assurance pour les catastrophes naturelles. Ce dernier est caractérisé par la mixité de son système, faisant à la fois appel à l’Etat et aux assureurs. Ce système est marqué par la solidarité.

L’Etat impose aux assureurs de mettre en place systématiquement une extension de garantie catastrophes naturelles dans les contrats d’assurance de dommages aux biens. Il impose un niveau de franchise et la tarification par un arrêté. Ainsi actuellement, la tarification s’élève à 12% des primes ou cotisations afférentes aux contrats de base, et en matière de véhicule terrestre à moteur, elle s’élève à 6%.

Pour pouvoir fonctionner, il faut deux conditions. D’une part, il faut que la catastrophe naturelle soit constatée par un arrêté ministériel et d’autre part que les biens sinistrés soient garantis dans le contrat de base d’assurance de dommages. Ainsi, il peut s’agir de biens meubles ou immeubles qui sont assurés par un contrat incendie, vol, dégâts des eaux… dans tous les cas la garantie des catastrophes naturelles suit les conditions du contrat de base, excepté la tarification et la franchise qui sont imposées par les pouvoirs publics.

Concernant les événements couverts, le législateur ne voulait pas borner la loi à des événements énumérés ou exclus. Il fait alors référence à la notion de « dommages non assurables ». Ainsi peuvent être garanties par exemple, les sécheresses, les inondations et /ou coulées de boue, qui sont la conséquence d’une pluie ou orage important.

Enfin, il faut que le dommage soit direct, c’est-à-dire qu’il doit exclusivement résulter de l’action de l’agent naturel ayant une intensité anormale. Concernant l’indemnisation, elle est limitée au montant indiqué dans le contrat de base. Pour les entreprises, les pertes d’exploitations causées par un dommage matériel garanties dans le contrat de base, ouvrent droit à la garantie catastrophes naturelles si l’assuré est couvert par ce risque. Ce régime qui impose la présence de la garantie dans les contrats de dommages permet aux assureurs d’effectuer une bonne mutualisation, car la garantie est souscrite par un ensemble de personnes qui peuvent être plus ou moins exposées à ce risque. La loi de 1982 a été étendue aux quatre départements d’outre-mer, à savoir, la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane ainsi qu’aux deux collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte.(53)Ce mouvement d’extension a également concernée les îles Wallis-et-Futuna(54).

Enfin, la couverture du régime des catastrophes naturelles a été étendue, pour l’outre mer, aux effets du vent provoqué par un événement cyclonique dont la vitesse du vent a étend ou dépassé 145 km/h en moyenne sur dix minutes ou 215km/h en rafales(55). Pour autant la distinction entre le régime légal et la garantie tempêtes, ouragans et cyclones est maintenue pour les sinistres survenant en métropole et de moindres importances. En effet, à coté de ce système emprunt de solidarité, une autre garantie existe, c’est la garantie tempête.(56) Elle est distincte de la couverture de catastrophes naturelles, notamment en matière de tarification. Il revient aux compagnies d’assurance de fixer le niveau de prime. Elle est intégrée dans les contrats de dommages d’incendie. Elle couvre les dommages résultant de l’effet de vent causé par les tempêtes, ouragans et cyclones. Pour bénéficier de cette garantie, l’assuré doit prouver que le vent avait une intensité anormale au moment du sinistre. Ainsi, « la plupart du temps, les assureurs demandent une attestation de la station météorologique la plus proche, indiquant que la vent soufflait à plus de 100km à l’heure, ou bien exigent que le vent ait endommagé un certain nombre de bâtiments de bonne construction ou d’arbres dans un rayon de 5km autour du bien assuré. »(57). Il faut faire la distinction entre cette garantie dont la présence est obligatoire dans les contrats de dommage d’incendie et les garanties contractuelles, couvrant les risques assurables comme la grêle, le poids de la neige, le gel, qui elles sont facultatives.

Le régime légal des catastrophes naturelles et la garantie tempête permettent à l’Etat et aux assureurs de faire face aux coûts des sinistres dus par les événements climatiques, en répartissant la charge entre eux. Pour autant, il faut souligner que le régime des catastrophes naturelles connait des limites c’est pourquoi depuis quelques années des propositions de réforme voit le jour(58). Enfin, concernant le monde agricole, un autre régime spécifique a été mis en place en 1946. Les agriculteurs qui ont subi un sinistre climatique, comme la grêle ou la sécheresse sont alors indemnisés pour une partie par l’Etat à travers la Caisse Centrale de Garantie des Calamités agricoles. Les dommages matériels causés par les calamités sont « des dommages non assurables d’importance exceptionnelle dus à des variations anormales d’intensité d’un agent naturel, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l’agriculture n’ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants »(59).

Il faut que les dommages soit non assurables, imprévisibles, exceptionnelles et spécifiquement agricole. Il doit être causé par l’action de l’agent naturel ayant une intensité anormale (inondations, sécheresses, vents,..). Pour être indemnisé, il faut qu’un arrêté soit conjointement établi par le ministre de l’Agriculture et du ministre de l’Économie et des Finances, pris sur proposition du préfet après consultation de la Commission nationale des calamités agricoles. Les sinistrés ont alors dix jours qui suivent la publication au journal officiel de l’arrêté, pour adresser une lettre recommandée au maire de la Commune et constituer un dossier dans le mois qui suit. Puis ces demandes sont adressées à la direction départementale de l’agriculture et le préfet doit établir un rapport adressé à la Commission nationale des calamités agricole. C’est elle qui va donner un avis sur le montant de l’indemnité à verser en fonction de la nature du sinistre et de sa gravité. Pour autant, dans tous les cas, le Fonds ne peut dépasser 75% du dommage(60). Les exploitants reçoivent également des indemnités de l’Union Européenne, dès lors qu’il verse un certain montant de prime.

Pour autant, son fonctionnement connait des limites en matière d’indemnisation. Par exemple, en 2003 la canicule a causé près de trois milliards de pertes et seul 180 millions d’euros ont été versés aux agriculteurs. Du fait du coût des sinistres et de leurs intensités, ce régime va également être modifié(61).

Les exploitants agricoles peuvent également être protégés par deux autres types de contrat : le contrat grêle sur récolte et tempête sur récolte. Le premier contrat a pour objet de couvrir les dommages causés aux récoltes « par l’action mécanique du choc des grêlons » et le deuxième a pour but de protéger des cultures fragiles comme le tournesol, maïs ou colza, contre l’action mécanique d’un vent violent lors d’une tempête, d’un ouragan ou d’un cyclone, dont la vitesse est supérieure à 100 km/h dans un rayon de 5 km autour du risque assuré.

La police tempête prend en charge les pertes de quantité causées par la pliure ou la cassure des tiges, par le déracinement et/ou par l’égrenage, tandis que l’assurance grêle sur récoltes prend en charge la baisse du rendement espéré de la récolte. Les diminutions de qualité sont en principe exclues de l’indemnisation. Elles peuvent cependant être garanties moyennant une surprime pour certaines cultures, comme les fruits, betteraves sucrières, cultures maraîchères ou florales.

Ces polices ne sont pas automatiquement souscrites par les exploitants et leurs durées sont différentes. En effet, l’assurance tempête sur récoltes est souscrite pour une année ferme et expire le 31 décembre de l’exercice de souscription ; elle est non renouvelable par tacite reconduction. Alors que le contrat grêle est un contrat de longue durée souscrit habituellement pour dix ans. Ainsi le risque climatique fait l’objet de différentes garanties avec une intervention plus ou moins importante de l’Etat. Ces systèmes permettent aux assureurs de couvrir l’ensemble du territoire Français, leur permettant ainsi de mettre fin au risque d’anti sélection.

Pour autant, ces différents régimes ne permettent pas de couvrir correctement le risque climatique dont le coût, supporté par les assureurs, devient exorbitant. De plus, au regard de l’actualité le caractère aléatoire de certains risques climatiques a été remis en cause.

B/ Un alea remis en cause ?

Aléa vient du latin alea, qui signifie jeu de dés. En matière de prévention des risques naturels, « l’aléa est la probabilité que survienne un événement naturel. » (62). Ce caractère aléatoire est important en matière de contrat d’assurance. Selon l’article 1694 du code civil « Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain. Tels sont : Le contrat d’assurance » A contrario si un risque comme le risque climatique n’est plus considéré comme
aléatoire, du fait des modélisateurs et des techniques de prévisions météorologiques, le risque sera plus couvert par l’assurance. Ce sujet de savoir si un risque climatique est devenu certain et non aléatoire a été soulevé cette année.

En effet, la sécheresse qui a impacté, la France, pendant plus de deux mois a causé des conséquences non négligeables aux exploitants agricoles. Ces derniers ont pu être indemnisés par leurs assurances. Or, face à ce phénomène l’assureur, Groupama, a décidé d’arrêter, le 15 Avril, toutes les souscriptions concernant ce risque. Il se justifie en soulevant que le risque de sécheresse est devenu certain. Une prise de décision qui a posé des difficultés car Groupama a le quasi-monopole de la souscription des risques climatiques dans le domaine de l’agriculture française. Cette solution prise par l’assureur est injustifiée, car ce risque est toujours aléatoire, la sécheresse a duré deux mois et le mois de juillet a été le plus frais de ces trente dernières décennies(63).

Le débat sur l’existence du caractère certain d’un risque climatique ne peut aujourd’hui être justifié, même si il y a eu des avances notables en matière de prévisions ou de modulations. Cet aléa existe bel et bien car les modélisateurs ne sont pas fiables à cent pour cent, tout comme les prévisions météorologiques. Les modélisateurs jouent un rôle important. Ils permettent d’établir différents scenarios sur l’impact d’un phénomène climatique par des calculs de probabilités. Il en résulte une distribution de sinistres, permettant aux assureurs, réassureurs et investisseurs d’évaluer des éventuelles pertes et de fixer la tarification. Ainsi, cet outil permet « une meilleure connaissance générale du risque mais n’a pas vocation à en
réduire la nature extrêmement aléatoire »(64). Ces modélisateurs sur lesquels les assureurs et réassureurs se basent pour gérer ce risque, ne correspondent pas suffisamment à la réalité. Différents sinistres n’ont pas été prévus comme la tempête Lothar ou le cyclone Katerina. De plus, les résultats livrés par les différents modèles divergent fortement. La prudence est alors de rigueur.

Par conséquence, au moment de la souscription, aucune des parties ne peut prétendre être en possession de données permettent de déterminer que dans l’année assurée, tel événement climatique va se réaliser. L’assurance des risques climatiques joue un rôle primordial face à ce risque. En l’absence de ces couvertures, les sinistrés seraient démunis et l’Etat devrait dépenser des millions d’euros. Or, face au changement climatique et à l’augmentation de l’intensité et de la gravité de ces phénomènes, l’assurance connait également des limites.

§2. « L’assurance », un outil dépassé

Le secteur de l’assurance est vulnérable face aux risques climatiques pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est impossible aux assureurs de connaitre par avance le nombre de risques climatiques qui vont se réaliser durant l’année en cours. Comme il a été précédemment vu, les prévisions météorologiques ne sont fiables que sur trois jours ; au delà il s’agit de probabilités. Il est également impossible de déterminer avec précision leurs intensités et leurs lieux de survenance. De plus, avec le changement climatique de nouvelles régions qui n’étaient pas ou peu exposées à ce risque, vont le subir.

Enfin, il faut noter que le coût des assureurs face à ce risque climatique est du par l’accumulation des valeurs assurées sur les zones à risques. Au regard de tous ces éléments, les assureurs ne peuvent pas faire face à un coût indéterminable et qui devient de plus en plus important (A). Face à ce constat, les assureurs ont réagi en prenant différentes mesures mais qui se révèlent inadaptées (B).

A/ Un coût exorbitant

Le climat est un risque considérable pour les sociétés. Depuis quelques années, la réalisation de ce risque coûte de plus en plus cher. Ce montant peut s’expliquer par différents facteurs. Tout d’abord, les augmentations de la fréquence et de l’intensité peuvent être provoquées par le réchauffement climatique, ce qui entraine une augmentation des tempêtes et des inondations. De plus, il y a une concentration des valeurs assurées dans les régions les plus exposées. L’urbanisation en est un parfait exemple. Ainsi, ce phénomène croissant se développe dans les pays comme le Brésil ou la Chine, où le risque climatique est important. Par conséquent dès qu’un risque climatique se produit dans une grande ville, le coût du sinistre ne peut être qu’élevé.

Enfin, l’augmentation du niveau de vie, permet à une partie de la population d’acquérir de plus en plus de biens ou de construire des résidences secondaires dans des régions exposées au risque, comme sur la côte Atlantique. Par conséquent, la réalisation d’un risque climatique impacte les assureurs de manière importante. Ils doivent régler des indemnités dont la facture totale s’élève parfois à des milliards de dollars. Par exemple, l’ouragan Andrew qui a touché les Etats-Unis, en 1992, a coûté plus de 32 milliards dont près de 17 milliards de dollars a été supportés par les assureurs. En Europe, la tempête Emma, qui a balayé le Nord-est de l’Europe en 2008, a couté aux assureurs 1milliard euros. En tout depuis les années 1980, les aléas climatiques sévères ont couté environ, 1600 milliards de dollars de dégâts dans le monde, dont 22 milliards de dollars pour les assureurs(65).

Comme nous le montre ce graphique(66), le risque climatique est le premier risque naturel qui représente un coût non négligeable. Les cyclones, tempêtes tropicales avec les inondations et coulées de boue représentent à eux seuls plus de la moitié du coût des risques naturelles au monde.

graphique ASSURANCE DE L’ENTREPRISE ET RISQUE DE NATURE CLIMATIQUE  3

Les assureurs français ne sont pas épargnés. Ainsi, la France a connu sur les années 2009 et 2010 quatre sinistres climatiques majeurs :
– En Janvier 2009, Tempête Klaus causant la mort de 12 personnes, à coûté aux assureurs 1,6 milliard d’euros.
– En Février 2009 : tempête Quinten causant la mort de 1 personne, à coûté pour les assureurs 200 millions d’euros.
– En Février 2010 : tempête Xynthia causant la mort de 53 personnes et représente un coût de 1,5 milliard d’euros, pour les assureurs.
– En Juin 2010 : inondations dans le Var causant la mort de 25 personnes a coûté pour les assureurs 500 millions d’euros.

En tout, ces quatre sinistres ont couté sur les seuls biens assurés, près de 4 milliards d’euros.(67) Cette charge qui incombe aux assureurs Français ne risque pas de diminuer, car l’Etat n’a pas correctement appliqué les règles de prévention. En effet, la charge des sinistres liés au climat risque de doubler au regard des constations effectuées par le Commissariat général au développement durable. Il a constaté que plus de 100 000 logements ont été construit à Paris, entre 1999 et 2006, dans des zones où le risque d’inondation est majeur(68).

La Fédération Française des Société d’Assurance a établi un scénario sur les conséquences de l’évolution du risque climatique sur l’assurance. Ce scénario, jugé cohérent, estime la charge totale de ce risque pour les assureurs, avec la croissance de la valeur assurée, la migration sur des zones à risque et l’augmentation des événements extrêmes, à un total de 6O milliards d’euros d’ici les vingt prochaines années(69). Ce coût exorbitant n’est pas à prendre à la légère pour les assureurs car il a entrainé de nombreuses faillites. Ainsi, aux Etats-Unis, c’est environ 650 assureurs qui sont devenus insolvables entre 1969 et 1998.

En plus, les assureurs européens doivent faire face à la nouvelle réglementation, Solvabilité II, qui impose un niveau de capital conséquent. Ainsi selon Victor Peignet, directeur général de Scor Global P et C, « les sociétés doivent, en dépit des impacts de cette sinistralité exceptionnelle, continuer à manager leur capital et détenir une flexibilité financière suffisante en prévision d’exigences de capital accrues par les nouvelles règles de solvabilité »(70). Les assureurs ne peuvent pas compter sur la compréhension des réassureurs, puisqu’ils se « déclarent d’ores et déjà peu sensibles à d’éventuels atermoiements de cédantes »(71).

L’assurance ne peut être seule face à ce problème : l’Etat doit réagir. En effet, l’impact du risque climatique en France métropolitaine, va doubler à l’horizon de 2030, soit 60 milliards d’euros, si l’Etat n’intervient pas en matière d’aménagement du territoire. En attendant, les assureurs ont essayé de trouver des solutions, qui s’avèrent inadaptées.

B/ Des solutions inadaptées

Au regard du régime des catastrophes naturelles et de la garantie tempête, ouragan, cyclone, les assureurs français ne peuvent pas refuser la souscription de ces risques climatiques. Ils ont alors décidé d’augmenter le niveau des primes, avec la collaboration de l’Etat, pour la garantie catastrophes naturelles, et de diminuer la valeur assurée (1). Pour faire face à ce risque, ils ont aussi recouru à la réassurance, (2) permettant ainsi de transférer une partie du risque climatique et de ne pas supporter à eux seuls le coût des indemnisations.

1/ Augmentation des primes et limitation de la valeur assurée

Les assureurs ont voulu réagir rapidement et pour cela ils ont augmenté les primes d’assurances, tout en limitant la valeur des biens à assurer. Dans les années quatre-vingt, quatre-vingt dix, les assureurs ont évalué le risque climatique de manière trop optimiste, de sorte que les cotisations n’étaient pas adaptées et ne pouvaient couvrir des dommages importants qui sont survenus par la suite. Ils ont alors rencontré des difficultés de solvabilité après la survenance des sinistres comme Lothar et Andrew(72).

Il faut obligatoirement que les prix reflètent le risque tant au niveau de l’assurance que de la réassurance. Il est ainsi possible de constater qu’après un sinistre climatique important, il y a une augmentation des cotisations. Les assureurs Français ne se souciaient pas du prix et des provisions pour faire face aux risques climatiques. Ils l’ont vite regretté lors de la survenance de la tempête de 1999. D’où les augmentations pour pouvoir reconstituer les provisions. Cette augmentation des primes permet de répondre au problème de financement des indemnités pour les risques climatiques peu intenses. C’est cette solution que les assureurs Français ont choisi. Cela leur permet de faire face aux risques climatiques survenant fréquemment et de faibles importances, comme les faibles inondations qui touchent le sud de la France. L’Etat a également suivi le mouvement, pour le régime des catastrophes naturelles où le pourcentage de prélèvement a augmenté, passant ainsi de 9% avant 1er septembre1999 à 12% aujourd’hui.

Pour autant les augmentations des primes ne permettent pas aux assureurs français, de faire face aux risques climatiques extrêmes. De plus, face à cette augmentation, la concurrence a joué un mauvais rôle. En effet, le marché de l’assurance est très compétitif, surtout depuis l’ouverture du marché européen où les assureurs peuvent intervenir en libre prestation de service ou en liberté d’établissement. Ainsi, toute augmentation de tarif provoque l’arrivée de nouveaux assureurs attirés par l’augmentation de leur part de marché et offrant des couvertures moins efficaces mais à des prix attractifs. Du fait de cette concurrence, les assureurs ne peuvent sans cesse hausser le niveau des primes.

Le deuxième moyen est la limitation des valeurs assurées. Les assureurs, peuvent augmenter les franchises, mais le même constat pour la concurrence s’applique également ici. Pour autant, cette volonté de limiter le montant des biens assurés a influencé le législateur français. Ainsi, sur les dernières années, a été mise en place des plans de préventions des risques (PPR) (73).Ils permettent de limiter la valeur des biens à assurer en interdisant la construction dans les zones à risques. Pour pouvoir limiter l’impact d’un risque climatique, les assureurs peuvent transférer une partie de ce risque aux réassureurs.

2/ La réassurance et ses limites

La survenance d’un risque climatique représente un coût important que l’assureur ne peut supporter seul, il doit donc recourir au système de la réassurance. La réassurance permet à l’assureur, de transférer une partie de ses risques au réassureur, au même titre que l’assuré transfère son risque à l’assureur. Depuis 1946, la France s’est dotée d’une Caisse Centrale de Réassureur, permettant aux assureurs de se réassurer pour les risques soumis au régime légal des catastrophes naturelles. La Caisse Centrale de Réassurance propose une couverture avec le choix entre deux formules : en quote-part ou en excédent de plein, le « stop loss ».

En quote part, il y a un véritable partage du risque entre l’assureur et le réassureur. Ainsi, l’assureur cède au réassureur un certain pourcentage de son risque, c’est la cession. Il verse également dans la même proportion une partie de la prime. L’assureur garde ainsi une part du risque et de la prime, c’est la « rétention ». Ainsi le risque climatique est supporté par l’assureur et le réassureur. La deuxième formule, le « stop loss » permet à l’assureur de transférer le risque au réassureur, dès lors que le sinistre dépasse un certain seuil. Ainsi le réassureur intervient lorsque « la sinistralité totale annuelle dépasse une franchise fixée contractuellement et exprimée généralement en pourcentage des primes conservées »(74). Ce traité de stop loss est à garantie illimitée.

Cette formule permet au réassureur de se protéger contre les risques de fréquence, or en risque climatique, la sécheresse est un risque de fréquence, il se réalise chaque année. Il convient alors à l’assureur, selon le risque climatique, de faire le bon choix entre ces deux formules. Évidemment il est conseillé de choisir la première formule, en quote part, permettant ainsi un meilleur financement. Enfin il faut souligner que la garantie délivrée par la Caisse Centrale de Réassurance est limitée, sauf lorsque qu’il s’agit du domaine des catastrophes naturelles où la garantie est illimitée car l’Etat intervient.

Ce système, mis en place par le régime des catastrophes naturelles, permet ainsi à l’assureur de ne pas être confronté à un refus de transfert de ce risque, car c’est la caisse centrale de réassurance qui doit automatiquement réassurer. Pour autant, le système mis en place connaît des limites, notamment en matière de financement. Ce constat est inévitable du fait de l’augmentation des sinistres climatiques durant ces dernières années. Pour pouvoir faire face à ces problèmes, différentes mesures ont été prises en 1997. Ainsi, les cessions sont soumises à différentes conditions selon la nature du risque, (il faut faire la distinction entre le risque industriel et le risque simple) et les zones du risque. De plus, pour les traités en quote part, le taux de quote part à été modifiée afin que les réassureurs ne soient pas soumis à un transfert de risque trop important, tout en permettant un partage du risque et de la prime pour pouvoir financer le système. Enfin, les franchises ont été élevées en matière de stop loss.

Ces trois mesures sont revues pratiquement tous les ans, pour pouvoir tenir compte de la situation. Mais ceci est insuffisant du fait du coût des sinistres qui ne font qu’augmenter. Par conséquent, le système mis en place n’est plus adapté. Il convient alors à l’Etat de réagir, en matière de prévention et en réformant le système. Les assureurs peuvent également recourir à la réassurance privée. C’est notamment le cas pour le risque de tempête. L’assureur peut alors conclure d’autres formes de traités de réassurance que ceux qui sont proposés par la Caisse Centrale de Réassurance. Il existe deux traités qui sont couramment utilisés pour transférer le risque climatique au réassureur.

Le traité en excédent de sinistre par événement est l’instrument de réassurance le plus couramment utilisé pour les risques catastrophiques. Ce traité permet de mettre en place différentes tranches de couverture. Ces tranches ne sont pas nécessairement placées chez un seul réassureur. Par exemple, le premier traité peut être mis en place pour une tranche comprise entre 100 et 300 millions auprès d’un réassureur X et un deuxième traité peut être placé, auprès du réassureur Y, pour les dommages compris entre 300 et 500 millions d’euros. Ainsi c’est près des trois quart des risques catastrophiques dont le risque climatique qui sont couverts par des traités en excédent de sinistre par événement. Le deuxième traité le plus utilisé, environ 25% des risques catastrophiques au niveau mondial, est le traité proportionnel(75). C’est d’ailleurs l’un des traités qui est proposé par la Caisse Centrale de Réassurance. Pour autant les réassureurs privés rencontrent le même problème que la Caisse Centrale de Réassurance en matière de financement. Les primes qu’ils reçoivent pour ce risque sont insuffisantes face au montant des sinistres.

Les réassureurs comme les assureurs peuvent alors recourir aux provisions d’égalisations qui s’ajoutent aux provisions techniques. Ainsi, « les sociétés d’assurance et de réassurance ont la faculté de placer jusqu’à 75% des bénéfices de chaque exercice dans cette provision qui ne doit toutefois pas être supérieure à 300% de leur encaissement annuel. »(76). La constitution de ces provisions est limitée à un montant correspondant à trois ans de primes et la dotation n’est libérée qu’au bout de dix ans. Ces provisions ne sont permises que pour le régime des catastrophes naturelles.

Ce système permet ainsi de trouver un financement plus conséquent, cependant il devient lui aussi inadapté au regard du coût des risques climatiques. Il est possible d’envisager que le gouvernement donne son accord pour pouvoir augmenter la durée du montant de cotisation, afin d’avoir des provisions plus conséquentes. Or, au regard de la crise actuelle, l’Etat Français doit trouver des revenus et il ne peut donc pas se permettre d’accorder cette augmentation car cela diminuerait le montant des impôts sur les bénéfices. En plus du coût conséquent des risques climatiques, les réassureurs ont du faire face à la catastrophe naturelle et nucléaire qu’a subi le Japon cette année. L’impact de cet événement est important sur les ressources financières des réassureurs, de sorte que la « saison cyclonique ou toute autre catastrophe supplémentaire sont considérées comme éléments déclencheurs susceptibles de provoquer un retournement du marché. » ce qui va aboutir à « la hausse des tarifs. »(77).

Suite à ce risque, les réassureurs ont augmenté leurs tarifs pour le Japon de près de 60%. Mais cette hausse tarifaire n’est pas limitée au Japon. Ainsi, en Europe les réassureurs ont prévu une hausse concernant l’inondation. Cette augmentation « mondiale » des tarifs pour les risques naturels et climatiques va leur permettre d’étaler l’impact du coût du sinistre du Japon. Ils adoptent cette solution à chaque fois qu’un risque naturel majeur se produit.

Comme nous le montre ce graphique(78), à chaque passage d’un ouragan ou d’une tempête, les tarifs ont augmenté.

graphique ASSURANCE DE L’ENTREPRISE ET RISQUE DE NATURE CLIMATIQUE  1

La réassurance connaît donc des difficultés et voit leur rentabilité décroitre. En plus de ce risque climatique, les réassureurs, comme les assureurs, ont connu la crise économique et financière et en 2010, ils ont réussi à retrouver leur situation financière. Cette situation n’a pas duré car « au premier trimestre de cette année, tous les grands réassureurs, à l’exception d’Hannover Re qui a annoncé un bénéfice de 52 M€, ont subi des pertes : 948 M€ pour Munich Re, 461 M€ pour Swiss Re et 80 M€ pour Scor. »(79).

Par conséquent, les réassureurs sont dans une situation fragile qui ne risque pas de s’améliorer étant donné que la saison des cyclones et des ouragans vient tout juste de commencé aux Etats-Unis. Cette saison s’annonce déjà importante avec l’ouragan Irène où il est annoncé qu’elle va coûter des milliards de dollars. Enfin, dans le monde de l’assurance, le marché financier joue un rôle important. En effet, cela permet aux assureurs et réassureur de pouvoir trouver des sources de financement en achetant des obligations et des actions. Si le marché financier continue à diminuer, les assureurs vont perdre de l’argent. Or, actuellement, le marché financier n’est pas stable. Il est inévitable que les réassureurs augmentent leurs tarifs lors des renouvellements, au regard de la sinistralité, de la nouvelle version du modèle de modélisation et des mauvais résultats du marché financier. Une des solutions pour les assureurs et les réassureurs est le recours à la titrisation(80), leur permettant de trouver de nouvelles ressources.

L’assurance est un partenaire de l’entreprise, il doit l’accompagner pour que celle-ci puisse se développer et pour qu’elle puisse prendre des initiatives en matière d’innovation et ceux malgré le risque climatique. Les assureurs, comme les réassureurs, disposent d’un savoir faire unique quant à l’appréhension d’un risque et sa mutualisation. Pour autant, au regard de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité, les assureurs et réassureurs ne peuvent plus couvrir ce risque, non pas à cause d’une absence d’aléa, mais à cause de la capacité. Les sinistres sont de plus en plus couteux, une augmentation des primes n’est pas une solution. L’Etat doit alors intervenir en réformant les régimes et en mettant à jour les plans de prévention des risques.

Le risque climatique est un risque important tant pour les assureurs que pour les entreprises. Il peut être la source de deux problèmes sur la vie d’une entreprise : soit il est à la source de dommages mobiliers, immobiliers et perte d’exploitation d’une entreprise, soit il est la source de la dépendance de son chiffre d’affaires. De plus, le changement climatique ne fait qu’aggraver les conséquences de ce risque et les entreprises sont jugées les principales responsables. Les grandes entreprises ont un rôle important en matière de risque climatique. En mettant en place systématiquement une politique de gestion de ce risque, pour diminuer l’impact de l’influence du climat sur leurs résultats, elles permettront de rendre plus accessibles la mise en place des dérivés climatiques. Les assureurs subissent également ce risque. Sa réalisation entraine un montant d’indemnités de plus en plus important. Les solutions consistant à augmenter le niveau de primes n’est pas une solution concevable à long terme. De même, la réassurance ne permet pas de résoudre totalement le problème car elle aussi est exposée au problème de capacité. Les assureurs et réassureurs doivent alors trouver de nouvelles solutions.
Tous les acteurs doivent réagir, de l’Etat aux entreprises passant par le « monde de l’assurance » et les particuliers.

En effet, en l’absence de réaction, les coûts des dommages causés par ces phénomène extrêmes (tempêtes, ouragans, cyclones, inondations, canicules, sécheresses) pourraient atteindre près de 1% du produit intérieur brut du monde et par an.(81) L’ampleur des dégâts matériels et économiques ne va cesser d’augmenter si la Terre continue à se réchauffer. Les pays industrialisés, dont la France, vont courir des risques plus élevés qu’aujourd’hui. Les mesures prises pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre sont couteuses, les entreprises doivent trouver des solutions pour continuer à exercer leurs activités tout en diminuant leurs émissions. En l’absence de mesures concrètes, le coût pour atténuer l’impact du dérèglement climatique sera encore plus élevé. Il faut alors respecter les mesures et en prendre de nouvelles tout en trouvant des solutions de financement.

52 Caisse Centrale de Réassurance, les catastrophes naturelles en France, édition de septembre 2005, p 5.
53 La loi n° 90-509 du 25 juin 1990, applicable depuis le 1er août 1990.
54 Ordonnance du Gouvernement du 19 avril 2000, applicable depuis le 1er juillet 2000.
55Article 13 de la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, parue au Journal Officiel du 14
décembre.
56 La loi n° 90-509 du 25 juin 1990, applicable depuis le 1er août 1990.
57, ROTHMANN. J-M, L’assurance des tempêtes et catastrophes naturelles, INC hebdo, 2010, p 2.
58 Voir Titre II, Chapitre 1 page 65.
59 L. no 64-706, 10 juill. 1964, art. 2, JO 12 juill.
60 D. no 79-823, 21 Septembre 1979, JO 25 sept.
61 CF note 57.
62 Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Al%C3%A9a
63 France : le mois de juillet 2011 a été l’un des plus frais de ces 30 dernières années, http://catnat.net
64 BLONDEAU.J et PATRAT.C, La réassurance approche technique, Economica, 2003, p 424.
65 FLEURY.S, Les catastrophes climatiques sont de plus en plus couteuses, http://www.aulnaylibre.com/articleles-
catastrophes-climatiques-sont-de-plus-en-plus-couteuses-42210804.html
66 http://catnat.net
67 FFSA, Prévention et assurance contre les catastrophes naturelles, Février 2011,p 3.
68 DUFRENE .C, Changement climatique : les assureurs se mobilisent, l’argus de l’assurance, 2009, p 10.
69 FFSA, Prévention et assurance contre les catastrophes naturelles, Février 2011, p 4.
70 LUGINSLAND.M, Les raisons qui font craindre la hausse des tarifs, 2011, Argus de l’assurance, http://www.argusdelassurance.com/acteurs/reassureurs/les-raisons-qui-font-craindre-la-hausse-des-tarifs.50752
71 Voir supra.
72 BRESCH ET.D et DURBIN.D, Risques climatiques : le point de vue réassurantiel, risques n°47, 2001, http://www.ffsa.fr/webffsa/risques.nsf/html/listeetsommairesdetails?opendocument&arg=47
73 Voir infra Titre II, Chapitre 1, page 62
74Caisse Centrale de Réassurance, Les catastrophes naturelles en France, 2005, p 16
75 LUGINSLAND.M, Les raisons qui font craindre la hausse des tarifs, 2011, Argus de l’assurance, http://www.argusdelassurance.com/acteurs/reassureurs/les-raisons-qui-font-craindre-la-hausse-des-tarifs.50752
76 Caisse Centrale de Réassurance, Les catastrophes naturelles en France, 2005, 17
77 LUGINSLAND.M, Les raisons qui font craindre la hausse des tarifs, 2011, Argus de l’assurance, http://www.argusdelassurance.com/acteurs/reassureurs/les-raisons-qui-font-craindre-la-hausse-des-tarifs.50752
78 Cf note 76
79Cf note 76
80 Voir infra titre II Chapitre 2 page 84.
81 : http://www.notre-.planete.info/actualites/actu_1045_changement_climatique_Stern_5500_milliards_dollars_rece
ssion_economique.php

Retour au menu : ASSURANCE DE L’ENTREPRISE ET RISQUE DE NATURE CLIMATIQUE : PRÉJUDICE ÉCONOMIQUE DE L’ENTREPRISE ET DE L’ASSURANCE