La cohabitation de plusieurs exclusions peut parfois poser quelques difficultés d’application. Ce fut le cas dans l’arrêt du 22 novembre 2012(43) où plusieurs magasins d’une ville avaient été détruits par des mineurs à l’occasion d’un mouvement de violences urbaines qualifié d’émeute. Le tribunal pour enfants avait condamné solidairement entre eux les enfants mineurs et in solidum avec leur civilement responsables à payer une indemnité aux commerçants lésés. L’un d’eux, exerçant alors son action directe, assigne les assureurs des civilement responsables en paiement de cette indemnité. La cour d’appel condamne in solidum les assureurs en paiement d’une certaine somme au demandeur. Elle fonde sa décision sur le fait que l’article L121-8 du Code des assurances excluait la garantie de l’assureur pour les pertes et dommages occasionnés par des émeutes ou par des mouvements populaires et qu’aucune clause contraire n’avait été prévue dans le contrat (à l’exception d’un des cinq assureurs). Elle combine cette exclusion légale avec l’article L121-2 du Code des assurances, selon lequel, l’assureur est tenu de garantir les pertes et dommages causés par les personnes dont l’assuré est civilement responsable en vertu de l’article 1384 du Code civil, quelles que soient la nature ou la gravité des fautes de ces personnes.
Ainsi, en faisant primer l’article L121-2 sur l’article L121-8, elle arrive a en conclure que les assureurs étaient tenus de garantir, s’agissant d’un dommage causé par une personne dont l’assuré est civilement responsable et peu importe la nature ou la gravité de la faute qui avait été commise. Cette décision est cassée par la Cour de cassation qui retient que l’article L121-8 du Code des assurances est applicable quel que soit l’auteur du sinistre et que les parties n’ayant pas prévues dans leur contrat (à l’exception d’une) une clause conventionnelle prévoyant la garantie des dommages résultant d’une émeute, les assureurs n’étaient pas tenus à garantie. La deuxième chambre civile a retenu la même motivation pour des espèces identiques en décembre 2012(44).
Pour une meilleure compréhension de cette décision, reprenons l’explication donnée par Luc MAYAUX pour la première espèce, qui considère que l’article L121-8 détermine ce qui est assurable ou non et l’article L121-2 précise ce qui est garanti (les dommages causés par des personnes dont l’assuré est civilement responsable). Ainsi, si le contrat reprend l’exclusion légale de l’article L121-8 édictant une interdiction d’ordre public de garantir les pertes et dommages occasionnés par des émeutes ou par des mouvements populaires, alors l’article L121-2 n’était pas amené à jouer, l’assureur n’était donc pas tenu de garantir. En revanche, si le contrat stipulait une clause contraire et prévoyait la possibilité de garantir les dommages résultant des émeutes (prévue dans le contrat de l’un des assureurs en l’espèce), on faisait ensuite application de l’article L121-2, l’assureur devant ainsi garantir les dommages causés par le civilement responsable quelle que soit la nature ou la gravité de sa faute(45).
Après avoir compris les conditions de validité d’une clause d’exclusion et avoir vu que son application peut parfois donner lieu à des difficultés, nous verrons maintenant que la loi exclue systématiquement la faute volontaire de l’assuré car contraire au but même de l’assurance.
43 Cass. Civ. 2e, 22 novembre 2012, n°11-19523, n°11-19806, non publié au bulletin.
44 Cass. Civ. 2e, 13 décembre 2012, n°11-19619, n°11-19808, n°11-20329, non publié au bulletin.
45 L.MAYAUX, RGDA n°2013-02, p.418, note pour l’arrêt du 22 novembre 2012, voir supra (43).