Le fabricant d’EPERS est solidairement responsable, avec le locateur d’ouvrage qui a mis en oeuvre l’élément d’équipement dissociable, dès lors que ce dernier a subi un dommage (articles 1792-4 et 1792-3 du Code civil). L’article 1792-3 dispose que les éléments d’équipement dissociables « font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception ».
L’article L 241-1 du Code des assurances énonce que les personnes dont la responsabilité décennale peut être engagée en vertu des articles 1792 et suivants du Code civil sont soumises à une obligation d’assurance. Dès l’instant où mot « décennal » est cité, il est certain que l’obligation d’assurance vise uniquement les responsabilités des articles 1792 (principe de la présomption de responsabilité décennale), 1792-2(220) (extension de la présomption de responsabilité décennale pour les éléments d’équipement indivisibles) ainsi que la responsabilité décennale du fabricant d’EPERS. La responsabilité biennale de bon fonctionnement du fabricant d’EPERS n’est pas visée par l’obligation d’assurance.
Dès lors, les assureurs peuvent proposer une garantie complémentaire de bon fonctionnement aux fabricants d’EPERS. Nous nous intéresserons à son domaine (§1) ainsi qu’à son fonctionnement (§2).
§1) Le domaine de la garantie
L’Auxiliaire (conditions générales « Responsabilité professionnelle des négociants et fabricants en matériaux de construction ») et le groupe CAMACTE (conditions générales « Responsabilité professionnelle des fabricants et négociants de matériaux de construction ») ont prévu une garantie biennale de bon fonctionnement complémentaire à la garantie décennale du fabricant d’EPERS. L’Auxiliaire a adopté la rédaction suivante : « sont également garanties, les conséquences pécuniaires de la responsabilité solidaire pouvant incomber à l’assuré, en vertu de l’article 1792-4 du Code civil pour les dommages matériels de la nature de ceux dont est responsable le locateur d’ouvrage au titre de l’article 1792-3 du Code civil, pendant deux ans à compter de la réception des travaux ».
L’article 1792-3 du Code civil fait référence aux « autres éléments d’équipement de l’ouvrage » c’est-à-dire à ceux qui sont dissociables. Cette notion n’est pas définie dans la loi. Seuls les éléments d’équipement indissociables sont définis à l’article 1792-2 du Code civil : ils ne peuvent pas être déposés, démontés ou remplacés sans détériorer l’ouvrage ou lui enlever de la matière(221). La dissociabilité s’apprécie donc a contrario.
La notion d’élément d’équipement n’est pas plus définie par le législateur. Il ressort de la jurisprudence que constituent des éléments d’équipement un chauffe-eau mural, un faux plafond(222), un revêtement de sol ayant pour fonction l’isolation thermique ou encore des volets roulants. Selon Laurent Karila et Cyrille Charbonneau, cette qualification est bien souvent retenue à tort, de telle sorte que selon eux des carrelages, un parquet en bois, des fixations de panneaux d’isolation de toiture ne constituent pas des éléments d’équipement (à l’inverse de ce qu’a reconnu la jurisprudence)(223). Il convient de préciser qu’en principe les éléments d’équipement ménagers et domestiques et ceux « dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage » (article 1792-7 du Code civil) sont exclus du domaine de la garantie(224).
Afin qu’une telle couverture d’assurance soit fournie au fabricant d’EPERS il est nécessaire que l’élément d’équipement dissociable présente un défaut de fonctionnement dont le maître de l’ouvrage doit rapporter la preuve. Il doit prouver un réel dysfonctionnement et non un simple dommage(225). Selon le Professeur Liet-Veaux les éléments fixes et inertes ne pourraient pas être atteints d’un défaut de fonctionnement(226). Toutefois, la notion de bon fonctionnement a été interprétée largement par la jurisprudence comme l’aptitude à remplir une fonction(227) de telle sorte qu’une confusion entre les notions de fonction et de fonctionnement est opérée(228). Par exemple, le défaut de fonctionnement peut résulter de l’infiltration d’eau dans des coffres de volets roulants. Concernant des portes métalliques il peut s’agir de leur oxydation. A l’inverse, des ondulations minimes dans des revêtements de sol thermoplastiques ne constituent pas un dysfonctionnement.
Par ailleurs, dans un arrêt en date du 18 janvier 2006, la Cour de cassation a jugé que la garantie de bon fonctionnement n’est pas applicable « aux éléments d’équipement dissociables adjoints à un ouvrage existant(229) ». Il est nécessaire que l’élément d’équipement ait été mis en oeuvre lors de la construction de l’ouvrage et même avant sa réception selon un arrêt de la Haute juridiction en date du 26 novembre 2007(230). Dès lors, la garantie apportée par l’assureur ne pourrait concerner que les éléments d’équipement dissociables posés lors de la construction de l’ouvrage et avant sa réception(231).
Il convient à présent de mettre en lumière le fonctionnement de la garantie.
§2) Le fonctionnement de la garantie
La couverture d’assurance fournie par les assureurs au titre de la garantie de bon fonctionnement est de deux ans à compter de la réception de l’ouvrage. Rappelons que la réception est « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves » selon l’article 1792-6 du Code civil. Les conditions générales de l’Auxiliaire et du groupe CAMACTE précitées reprennent bien cette durée de telle sorte que la durée de la garantie est équivalente à celle de la responsabilité solidaire du fabricant d’EPERS.
Par ailleurs, cette garantie est soumise à la loi de sécurité financière du 1er août 2003 et donc à l’article L 124-5 du Code des assurances. Dans l’intercalaire « Durée des garanties responsabilité civile » venant modifier les conditions générales « Responsabilité professionnelle des négociants et fabricants en matériaux de construction », l’Auxiliaire prévoit que cette garantie est gérée en base fait dommageable. Le fait dommageable doit survenir entre la date de prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration, indépendamment de la date de la réclamation.
220 AJACCIO (F.-X.), CASTON (A.) et PORTE (R.), L’assurance construction, Ed Le Moniteur, 2012, p. 125
221 KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 168
222 Cass. 3è civ., 7 dèc. 1988, JCP éd. N 1988, prat., n° 204
223 KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 168
224 MALINVAUD (P.), Droit de la construction, Dalloz action, 2010, p. 1185
225 Cass. 3è civ., 14 févr. 1995, n° 92-20.588
226 LIET-VEAUX (G.), Eléments dissociables et responsabilité biennale, Gaz. Pal. 1979, p.301
227 MALINVAUD (P.), Droit de la construction, Dalloz action, 2010, p. 1185 ;
228 KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 170
229 Cass. 3è civ., 18 janv. 2006, n° 04-14.888, n° 88
230 Cass. 3è civ., 26 sept. 2007, n° 06-17.216
231 KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 172