La lutte contre les changements climatiques passe par la protection de l’environnement, ce qui se traduit en termes de gestion d’actifs, activité corollaire de l’assurance-vie principalement à intégrer une dimension sociale et environnementale à la stratégie d’investissement (A) qui en fait un système pérenne et viable (B)
A- Nouvelle donne dans la gestion d’actifs
Les assureurs doivent répondre par de nouveaux produits et positionnement markéting aux enjeux du réchauffement climatique. Le monde de l’assurance concerne les activités non-vie, touchées de plein fouet par les manifestations catastrophiques du réchauffement climatique, mais une grande part de l’assurance concerne les activités vie. La concrétisation de ces activités vie passe par des contrats de long-terme dont l’objet est le placement par capitalisation de sommes sur des fonds en unités de compte, en monnaie ou en multi-supports.
A ce titre, les assureurs occupent une place centrale dans le monde de la finance internationale avec des encours estimés à plus de 25 000 milliards d’actifs(267). Afin d’avoir un poids sur le réchauffement climatique, des produits financiers « verts » ont été développé, il s’agit des Investissements Socialement Responsables ou ISR, ils sont une transposition au monde de la finance des enjeux du Développement Durable. Ces investissements sont élaborés dans le souci premier de respecter des valeurs extra-financières d’éthique, sociales et avant tout environnementales.
Leur origine est surprenante et très éloignées des préoccupations environnementales. Leur essence est religieuse, aux XVII° et XVIII° siècles, les congrégations religieuses puritaines refusaient de placer leurs deniers et économies dans des secteurs définis comme amoraux comme ceux du tabac, de l’alcool et de l’armement. Elles avaient défini des critères de placements strictement moraux et vertueux, au sens biblique du terme. Le coté éthique de ces placement a été conservé mais transposé au respect de l’environnement et de valeurs socio-économiques. Et les dérives mises en lumière par la crise boursière de 2008 et la crise de la dette en Europe en raison d’actifs toxiques dès 2010 n’ont fait que confirmer l’appétence des acteurs de la finance pour les ISR. Un label ISR(268) a même été développé afin d’assurer la qualité des engagements extra-financiers des fonds concernés.
En effet, ces fonds s’engagement à respecter les valeurs du développement durable, et sont labellisés selon plusieurs critères exhaustifs :
– enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance,
– transparence et accessibilité du processus de gestion ISR,
– reporting extra-financier du fonds,
– publication de la composition intégrale du portefeuille.
Si 240 fonds se prétendaient ISR en 2009, seuls 92 SICAV avaient effectivement reçu un label ISR dont 60 fonds en actions pour un encours total de 11 milliards d’actifs.
La sélection des fonds s’effectue en fonction de critères extra-financiers dits ESG qui reposent sur les pratiques des entreprises porteuse des investissements en matière de responsabilité environnementale (empreinte carbone, réduction de la consommation d’eau, d’énergie) mais également en matière de responsabilité sociale (formation, lutte contre l’exclusion, …) et en terme de gouvernance (droit de vote des actionnaires, rémunération variable des dirigeants,…).
L’autre critère prépondérant est celui de la performance du fonds. Il s’agit du critère essentiel dans le domaine de la gestion d’actifs où la recherche de rentabilité est l’essence même qui anime le placement. La performance fut longtemps considérée comme un frein à la souscription d’ISR. Toutefois, les assureurs, tout comme les gestionnaires actifs confirment que ces fonds ne sont pas sous-performants. Leur performance est identique à celle d’autres fonds et en raison de leurs engagements de long-terme, ils semblent plus armés pour résister à la crise. Le développement Durable, colonne vertébrale des ISR, s’inscrit justement dans la durée.
Un dernier critère permet aux acteurs de sélectionner les actifs ISR avec efficacité. Ces actifs sont notés par le biais de critères extra-financiers et la méthode utilisée pour leur sélection finale est le « best in class ». Cette méthode permet de mettre en avant les fonds qui ont fait leur preuve quant à leurs engagements ESG. Dès lors, les assureurs, en tant que gestionnaires d’actifs intégrent ces fonds à leur gamme de fonds traditionnels proposés à leurs assurés ou investisseurs plus institutionnels. Une fois les actifs ISR sélectionnés, un suivi est effectué dans la durée quant aux critères ESG des fonds. Les gestionnaires d’actifs et assureurs procèdent à ce suivi rigoureux en participant, par exemple, aux Assemblées Générales. Ce suivi leur permet de vérifier que les engagements en matière socio-environnemental soient toujours une réalité et constitue la pérennité du système.
B- La pérennité du système financier « responsable »
Le développement de ces fonds suit une démarche plus globale de « responsabilisation »du secteur de l’assurance dont la première pierre à l’édifice fut la mise en place dès juillet 2009 de la charte des principes de l’investissement responsable. Les signataires en sont l’AFG, l’AF2I, la FBF et la FFSA. Les acteurs cibles de ce type de produits évoluent et sont aujourd’hui des investisseurs institutionnels, des caisses de retraite, des mutuelles. L’Assurance n’est pas le seul type d’investisseur à s’engager, l’ERAFP, établissement public en charge de la gestion de la retraite additionnelle de fonctionnaires publics est passé depuis 2009 à une gestion de ses actifs à 100% ISR, ce qui représente 75% sur les marchés obligataires et 25 % en actions.
Selon le Président de Swiss Life Asset Management, Jean-Pierre Grimaud, « la profession est en train de bouger et de mettre une réalité sur la notion d’ISR ». Un code de transparence a été développé dans le but de préciser et clarifier les engagements des fonds ISR auprès des épargnants et des intermédiaires liés par une obligation d’information et de conseil.(269) Grâce à une communication plus ciblée, l’existence de ces fonds est mise en valeur, ce qui favorise les placements financiers en ISR. Leur progression au sein de la collecte d’actifs en témoigne, ils sont en nette croissance avec un total de 24 millions d’encours en 2009. L’autorité des marchés financiers a évalué la part des ISR à 2,39% des encours totaux recensés au 31décembre 2009, ils ne représentaient que 1,43% au 31 décembre 2008 et 1,02% au 31décembre 2007.(270 )Les ISR restent une niche toutefois leur croissance est de 68% sur deux ans. L’assurance ne constitue qu’une part minoritaire dans cette tranche, les ISR ne sont que depuis peu accessibles pour les épargnants détenteurs d’un contrat d’assurance-vie. Le secteur s’organise depuis le milieu de la décennie dernière. La Banque Portale Asset Management a proposé dès 1997 les premiers placements en ISR et a exclu progressivement les investissements portant dans les secteurs de l’armement.
Allianz Global Investors France à 5 fonds labellisés sur les 6 gérés, ce qui représente environ 5 milliards d’euros d’encours propres aux ISR. La démarche est décrite comme une extension de la logique de gestion de long-terme pour « peser sur la gouvernance des marchés et améliorer l’environnement des Affaires »(271) AXA IM n’en comptait qu’un seul sur les 7 gérés, Groupama Asset Management n’en n’avait qu’un seul d’accessible sur les 3 fonds gérés. La Macif se démarque car elle fut l’un des pionniers sur le marché en proposant une gamme complète d’ISR couvrant ses activités, soit des actifs à destination des investisseurs institutionnels ou en sélection de fonds pour les contrats d’assurance vie.
Son fonds « Macif Croissance durable en Europe a obtenu une mention spéciale « indicateur ECG » qui récompensait l’informations effectuée sur les caractères ISR de ce fonds. Le Crédit Coopératif a développé sa stratégie ISR par le truchement de sa filiale Ecofi Investissements, société dont l’objet social est la gestion d’actifs. Ses choix en matière de fonds ISR se fonde sur les recommandations et notations d’agences spécialistes du sujet, comme Vigéo et Ethifinance. BNP Paribas Assurance a développé une stratégie innovante pour transposer ses encours sur des actifs de types ISR. L’assureur a procédé à l’analyse des actifs de son fonds afin d’établir son degré de compliance aux critères des ISR. Elle a, par la suite, mené une enquête auprès d’un panel de clients assurés afin d’évaluer leur degré d’appétence pour les ISR. En réponse aux encouragements de ses assurés interrogés, l’entreprise d’assurance a mis en place une démarche globale d’ISR sur l’ensemble des actifs composant le fonds en euros accessibles à ses assurés. Ce changement concerne plus 1 600 000 clients. BNP Paribas Assurance décrit les ISR comme un « facteur d’opportunités à long terme en voie d’avenir ».
La pérennité semble être en bonne voie et les fonds d’épargne salariale, autre facette des activités réalisées par les assureurs, tente de s’ouvrir à la labellisation. Les assureurs sont plus actifs sur le sujet que les acteurs du monde bancaire traditionnel. Là encore, l’assurance se démarque par son offre de produits, au sens large. L’assurance est un secteur économique en avance, et par son innovation, elle propose depuis peu, des offres et services d’un genre nouveau destinés à limiter les empreintes carbone de ses assurés et à favoriser les comportements responsables (Titre 2)
267 Mills, E. 2012. “The Greening of Insurance,” Science 338, 1424, December 14
268 Label de la société Novethic
269 Obligation légale mise en place par la LOI n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance
270 Tribune de l’assurance N° 146 Avril 2010.
271 Tribune de l’assurance N° 146 Avril 2010.