Il existe des tiers, non parties au contrat de vente initial, mais qui sont parties à un contrat de vente lié à ce dernier. La jurisprudence leur a reconnu la possibilité de mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle du vendeur initial. Il s’agit du sous-acquéreur (§1) et du maître de l’ouvrage (§2).
§1) La responsabilité à l’égard du sous-acquéreur
La question du fondement de l’action en responsabilité contre les fabricants/négociants s’est posée dans le cadre des contrats de vente successifs. Il est indéniable que le sous-acquéreur (en matière de construction il pourra s’agir d’un entrepreneur qui a acheté des matériaux à un négociant qui s’est fourni auprès d’un fabricant) peut agir contre son cocontractant. Mais qu’en est-il à l’égard du fabricant vendeur initial ?
Initialement, le sous-acquéreur pouvait choisir entre exercer une action de nature délictuelle ou de nature contractuelle. Ce choix n’est désormais plus possible. Dans l’arrêt dit « Lamborghini » en date du 9 octobre 1979(100), la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « l’action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication, est nécessairement de nature contractuelle(101) ». Désormais l’action du sous-acquéreur ne peut se fonder sur l’article 1382 du Code civil.
Toutefois, cette solution n’est admise que dans le cadre des chaînes homogènes de contrats : il s’agit de la succession de contrats de vente par lesquels la chose vendue est transmise aux différents acquéreurs.
Les sous-acquéreurs peuvent invoquer la garantie des vices cachés, mais aussi le manquement à l’obligation de délivrance conforme ou au devoir de conseil et de mise en garde(102) si toutes les conditions sont réunies. Par exemple, si le sous-acquéreur souhaite invoquer la garantie des vices cachés, il devra prouver que les quatre conditions du vice caché sont présentes et agir dans les deux ans suite à la connaissance du vice.
Plusieurs fondements ont été évoqués afin d’expliquer cette action de nature contractuelle mais le plus probant est celui de la théorie de l’accessoire dégagée par Aubry et Rau. L’action en responsabilité serait l’accessoire de la chose vendue.
Outre le sous-acquéreur, le maître de l’ouvrage bénéficie lui aussi d’une action de nature contractuelle contre le fabricant vendeur initial.
§2) La responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage
Il sera fait référence, dans le développement suivant, au cas du maître de l’ouvrage ayant contracté avec un entrepreneur qui aura lui-même acheté des matériaux de construction (non EPERS) à un fabricant non sous-traitant.
S’est alors posée la question de savoir de quelle nature était l’action en responsabilité que le maître de l’ouvrage pouvait exercer contre le fabricant. Avant 1986, la troisième chambre civile de la Cour de cassation se positionnait en faveur d’une action de nature délictuelle alors que la première chambre civile avait admis en 1984 que le maître de l’ouvrage disposait d’une action en garantie des vices cachés contre le fabricant. La solution a été posée de manière définitive le 7 février 1986, puisque la Haute juridiction a assimilé le maître de l’ouvrage au sous-acquéreur et a estimé qu’il bénéficiait « d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée(103) ». Les juges admettent donc qu’il puisse exister une action contractuelle directe dans des chaînes de contrats hétérogènes dans lesquelles un contrat d’entreprise fait suite à un contrat de vente(104). Si l’arrêt de 1986 évoque seulement la transmission de l’action fondée sur le non-respect de l’obligation de délivrance conforme, il en est de même pour l’action en garantie des vices cachés.
Le déploiement de la responsabilité contractuelle dans les chaînes de contrats connaît des limites(105). En effet, la responsabilité du sous-traitant à l’égard du maître de l’ouvrage est délictuelle(106) (ce sera le cas si le fabricant est considéré comme sous-traitant car il effectue un travail spécifique et répond à une commande précise(107)) et il en est de même concernant la responsabilité du fournisseur (ou du négociant) du sous-traitant à l’égard du maître de l’ouvrage(108).
Nous avons mis en évidence les différents fondements issus du droit commun permettant d’engager la responsabilité des fabricants/négociants de matériaux de construction. Des régimes spéciaux de responsabilité leur sont également applicables.
100 Cass. 1è civ., 9 oct. 1979, n°78-12502, Bull. civ. 1979, I, n°241
101 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2232; KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 273
102 JOURDAIN (P.), La nature de la responsabilité civile dans les chaînes de contrat après l’arrêt de l’Assemblée plénière du 12 juillet 1991, Recueil Dalloz 1992, p. 149
103 Cass. ass. plén., 7 févr. 1986, n°84-15.189, JCP G 1986, II, n°20616, D. 1986, jur., p.293, Gaz. Pal. 1986, 2, jur., p. 543, RTD civ. 1986, p. 364
104 JOURDAIN (P.), La nature de la responsabilité civile dans les chaînes de contrat après l’arrêt de l’Assemblée plénière du 12 juillet 1991, Recueil Dalloz 1992, p. 149
105 MALINVAUD (P.), Droit de la construction, Dalloz action, 2010, p. 1277
106 Cass. ass. plén., 12 juill. 1991, n°90-13.602, JCP G. 1991, II, n°21743. D. 1991, jur. p. 549, RDT civ. 1991, p. 750, RTD civ. 1992, p. 90 ; LARROUMET (C.), L’effet relatif des contrats et la négation de l’existence d’une action en responsabilité nécessairement contractuelle dans les ensembles contractuels, JCP G. 1991, I, n°3531
107 ; LEFEBVRE (F.), Urbanisme Construction, ed Francis Lefebvre, 2012-2013, p. 1262
108 Cass. 3è civ., 28 nov. 2001, n° 00-13.559 et 00-14.450, D. 2002, jur. 1442 ; JOURDAIN (P.), Groupes et chaînes de contrats : le fournisseur du sous-traitant est délictuellement responsable envers un maître de l’ouvrage d’un défaut de conseil du sous-traitant, RTD civ. 2002, p 104