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Section 2 – L’assureur débiteur d’une dette de valeur, ou la nature des unités de compte

Axel DEPONDT, notaire, affirme que l’assureur est “seul propriétaire des fonds qui lui sont
confiés”, savoir les primes qu’il aura perçues des souscripteurs. “L’unité de compte est un
moyen de mesurer l’engagement pris par la compagnie d’assurance vis-à-vis de ses assurés
lorsqu’elle a investi leur épargne en instruments financiers […]”

§ 1 – Nature des unités de compte, expression de la dette de l’assureur

Il convient dès lors de distinguer les supports financiers des unités de compte inscrites au
contrat d’assurance vie. Comme par l’effet d’un jeu de miroirs, les unités de compte sont le
reflet, appréhensible par le souscripteur, des actifs qui le constituent et que détient l’assureur.
Au dénouement du contrat, la dette de la compagnie à l’égard de l’assuré (le souscripteur en
cas de vie, un bénéficiaire en cas de décès) ne consistera pas dans la restitution des unités de
compte, mais dans la contre-valeur des actifs sous-jacents au dénouement (établie selon les
termes contractuels, à une date proche du dénouement).
L’engagement de l’assureur consiste à garantir au souscripteur l’existence, au dénouement,
des unités de compte définies contractuellement, pour déterminer la valeur de la prestation
due au bénéficiaire selon les modalités conventionnelles et par référence aux actifs sousjacents.
Certains auteurs distinguent, grâce à ces analyses, la nature des arbitrages entre des produits
bancaires et l’assurance vie multisupport. Au-delà de la “similitude relative au risque
financier assumé par le souscripteur et l’investisseur”, là réside la différence essentielle entre
l’arbitrage d’un portefeuille et l’arbitrage d’unités de compte dans les contrats d’assurance vie
multisupports.

Le Professeur Pierre-Grégoire MARLY indique ainsi “[qu’] à la différence des actifs sous
gestion, les supports en unités de compte ne forment pas l’objet de la prestation de l’assureur,
mais un paramètre de son évaluation.”(33) Ils ne sont pas un panier d’actifs mais un outil
d’évaluation de la prestation par référence aux actifs désignés.
En bref, les unités de compte servent à exprimer la valeur de la dette à terme de l’assureur, par
référence à la valeur des actifs sous-jacents, qu’il doit posséder – sauf au bénéficiaire à opter,
dans certains cas, pour la remise desdits actifs.

§ 2 – Nature de la prestation de l’assureur : une dette de valeur

En principe, le Code des assurances prévoit une prestation en valeur, correspondant à celle
“exprimé[e]”(34) en unités de comptes. Cette valeur n’est évaluée qu’à la date de dénouement du
contrat, l’enjeu final du contrat d’assurance étant la délivrance d’une prestation, soit à son
terme, soit par l’exercice par le souscripteur de sa faculté de rachat.

A/ Les unités de compte, moyen de détermination de la dette de l’assureur

C’est significativement dans une Section I : “Valeur de référence du contrat”, que l’article
A 131-1 du Code des assurances stipule : “Lorsque le contractant ou le bénéficiaire choisit le
règlement en espèces, la somme versée selon les dispositions contractuelles est égale à la
contrevaleur en devises des unités de compte, sur la base de la valeur de rachat ou de
réalisation de ces titres à la date prévue à cet effet par le contrat. Cette date ne peut être
postérieure de plus de trente jours à la date de présentation à l’assureur de la demande de
prestation.”
Pour analyser une telle prestation, la doctrine a utilisé le concept de droit allemand de
Wertschuld (par opposition à la dette de monnaie, Geldschuld). C’est ainsi que, – hors du
contexte assuranciel – le résume le doyen Jean CARBONNIER35:”On entend par dette de
valeur une obligation portant, non pas sur une quantité fixe d’unités monétaires mais sur une
valeur, qui pourra se traduire, selon le moment, par une quantité variable de ces unités (c’est
un peu dans ce sens que l’économie politique oppose la valeur au prix).

B/ Objet de la délivrance : la contre-valeur monétaire ou en nature des unités de compte

La prestation de l’assureur s’analyse ainsi comme une obligation de faire – ce dont il
conviendra de tirer les conséquences en cas de litige. “Dans le cas de la dette de monnaie, le
débiteur est tenu d’une obligation de donner : il doit donner un certain nombre d’unités
monétaires, qu’il appartiendra ensuite au créancier d’utiliser. Ici, le débiteur est tenu d’une
obligation de faire : il doit procurer au créancier un certain résultat, quel qu’en soit le prix.”
C’est là l’objet principal de l’opération d’assurance vie multisupport.

Autrement exprimé, il s’agit d’une obligation “qui lors de son exécution, se traduit par le
versement d’une somme d’argent”, qui “au lieu d’être fixé[e] d’avance à un certain chiffre,
l’est d’après une “valeur” réelle, elle-même appréciée au jour de l’échéance”36.
Par ailleurs, l’exécution de la prestation peut revêtir, sur option du bénéficiaire, la forme d’une
remise des actifs sous-jacents des unités de compte inscrites au contrat. Il peut “opter pour la
remise de titres ou de parts lorsque ceux-ci sont négociables et ne confèrent pas directement le
droit de vote à l’assemblée générale des actionnaires d’une société inscrite à la cote officielle
d’une bourse de valeurs.”(37)A la sortie du contrat, l’assureur doit ainsi délivrer -et non restituer- le nombre d’unités de
compte détenues, mais – et c’est là l’enjeu économique des opérations d’arbitrage – sans
s’engager sur leur valeur -. Cette solution peut être intéressante en cas de baisse de la
valorisation des supports, par exemple dans l’espoir de la voir remonter ultérieurement, car
cela évite de réaliser la perte immédiatement. Celle-ci reste fictive jusqu’à la cession de l’actif
concerné.

§ 3 – La redéfinition des unités de compte, objet de l’arbitrage

En outre, l’article A132-5 fait figurer au titre des informations obligatoires au contrat la
mention que “l’entreprise d’assurance ne s’engage que sur le nombre d’unités de compte, mais
pas sur leur valeur ; il est également précisé que la valeur de ces unités de compte, qui reflète
la valeur d’actifs sous-jacents, n’est pas garantie mais est sujette à des fluctuations à la hausse
ou à la baisse dépendant en particulier de l’évolution des marchés financiers.”
L’enjeu de l’arbitrage entre unités de comptes apparaît là clairement : il s’agit d’orienter
l’allocation des actifs de l’assureur, destinés à déterminer la valorisation de sa prestation,
allocation qu’il peut être opportun de faire évoluer en cours de contrat puisqu’assujettie à
l’évolution des marchés.

31 N. DUCROS, “Assurance vie/Gestion sous mandat – une pratique non exempte de risques pour les assureurs”,
L’Agefi Actifs N° 423, 04/12/2009
32 L 531-2
33 Assurance-vie en unités de compte et gestion sous mandat, l’Argus de l’assurance, 7 mai 2010
34 L 131-1 du Code des assurances
35 Droit civil, Les biens Les obligations, PUF, octobre 2004, n°927
36 FLOUR, AUBERT et SAVAUX, Les Obligations, vol.1 – L’acte juridique, Sirey 2008, n°48
37 L131-1 du Code des assurances

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