La stipulation pour autrui peut être appliquée à un contrat d’assurance vie. Plus
précisément, une stipulation pour autrui peut avoir comme contrat de base un contrat
d’assurance vie. Le stipulant est alors le souscripteur qui obtient du promettant/assureur,
moyennant le versement de primes, qu’il exécute une prestation au profit d’une autre
personne, le tiers bénéficiaire. La prestation que l’assureur exécute en vertu de cette
stipulation pour autrui est le versement d’un capital ou d’une rente(25).
Dans le cadre d’un contrat d’assurance vie, l’assureur/promettant va prendre l’engagement envers le
stipulant/souscripteur, de verser le bénéfice du contrat d’assurance vie au profit d’un tiers
bénéficiaire que le stipulant aura préalablement désigné lorsque le risque se réalisera(26). En
vertu de cette stipulation pour autrui, seul l’assureur est redevable du capital ou de la rente
envers le tiers bénéficiaire au moment de la réalisation du risque couvert.
Le bénéficiaire doit être déterminé au moment de la réalisation du risque pour que
l’assureur puisse savoir à qui verser le capital ou la rente dus. En matière d’assurance vie, la
désignation du bénéficiaire est règlementée par l’article L132-8 alinéa 2 du Code des
assurances(27) qui prévoit que le bénéficiaire doit être déterminé ou à défaut déterminable. Le
défaut de désignation d’un bénéficiaire a pour conséquence que le capital ou la rente stipulés
payables au bénéficiaire demeurent dans la succession du souscripteur.
Dans le cadre d’un contrat d’assurance vie, le mécanisme de la stipulation pour autrui
a dû être « adapté » afin de pouvoir considérer que dès la conclusion du contrat de base à
savoir, dès la souscription du contrat d’assurance vie, le bénéficiaire est titulaire d’un droit
propre, direct et rétroactif sur le capital assuré(28). Le bénéficiaire est donc titulaire d’un droit
de créance sur le capital assuré dès la souscription du contrat d’assurance vie en vertu de la
stipulation pour autrui. La jurisprudence a en effet considéré que le contrat d’assurance vie
remplissait ces conditions alors même que cette opération ne répond pas à l’exigence posée
par l’article 1121 du Code civil selon laquelle une stipulation pour autrui doit être la condition
d’une stipulation que l’on fait pour soi-même. En effet, bien qu’un contrat d’assurance vie
couvre le décès du souscripteur lorsqu’il est l’assuré, le souscripteur d’un contrat d’assurance
vie n’agit pas en premier pour lui-même en souscrivant un tel contrat mais bien pour le
bénéficiaire qu’il désigne. C’est le bénéficiaire qui jouira de l’attribution du capital du contrat
d’assurance vie car lors de la réalisation du risque, l’assureur versera le capital du contrat au
bénéficiaire.
Cependant, la jurisprudence a retenu l’existence d’une stipulation pour autrui
dans le cadre des contrats d’assurance vie car le stipulant/souscripteur, par le paiement des
primes au promettant/assureur, est engagé par le contrat d’assurance vie servant de base à la
stipulation pour autrui. Par ailleurs, il se peut que le bénéficiaire refuse le bénéfice du contrat
d’assurance vie, c’est alors le stipulant qui reçoit le bénéfice du contrat et cela revient à
considérer qu’il l’a stipulé pour lui-même.
Le contrat dans l’assurance vie est donc bien un contrat de base à la stipulation pour
autrui(29). Une stipulation pour autrui vient s’accoler au contrat d’assurance vie et elle a pour
objet de permettre le versement du bénéfice du contrat d’assurance vie au tiers bénéficiaire.
18 Lexique des termes juridiques, Raymond Guillien et Jean Vincent, Dalloz, 15ème édition, 2005
19 Cf Schéma Le fonctionnement de la stipulation pour autrui – Annexe 4
20 Un contrat d’assurance vie souscrit à titre gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire avec dénouement en cas de
décès du souscripteur.
21 L’article 1122 du Code civil dispose « On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause,
à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ».
22 Cass Civ 1ère, 8 décembre 1987 : cependant, aujourd’hui, la Cour de cassation admet que la « stipulation pour
autrui n’exclut pas, dans le cas d’acceptation par le bénéficiaire, qu’il soit tenu de certaines obligations ».
23 Cass Req 6 juin 1888 « le stipulant oblige le promettant envers le bénéficiaire sans s’obliger personnellement
envers celui-ci, à moins d’une clause spéciale inscrite en l’acte et dérogeant à cette règle générale ».
24 Cass com, 25 mars 1969
25 Cf Schéma L’application de la stipulation pour autrui au contrat d’assurance vie – Annexe 5
26 La réalisation de ce risque, pour les contrats d’assurance vie avec dénouement en cas de décès, est le décès
de l’assuré
27 L’article L132-8 alinéa 2 du Code des assurances dispose « Est considérée comme faite au profit de
bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à une ou plusieurs
personnes qui sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir
être identifiées au moment de l’exigibilité du capital ou de la rente garantis ».
28 Messieurs Belmont et Lascombes, Stipuler n’est pas donner, Droit et Patrimoine, Avril 2006, p 24
29 Dans le même sens, Olivier Roumélian, Assurance vie : de la prévoyance à la gestion de patrimoine, édition
EFE 2007, n°31