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Section 2 : Le Plan d’Epargne Retraite d’Entreprise (Pere) : un nouveau régime de retraite supplémentaire

A travers le Perco, le législateur de 2003 a cherché à encourager l’épargne retraite en mettant à disposition des entreprises et de leurs salariés un nouveau dispositif d’épargne salariale. La question qui se pose naturellement est la suivante : pourquoi le législateur a-t-il utilisé l’épargne salariale pour promouvoir la constitution d’une épargne retraite par capitalisation, alors qu’il existait déjà des régimes collectifs dédiés à cet objectif ? La réponse à cette question est double. D’une part, les régimes de retraites supplémentaires de par leur possibilité d’introduire des catégories de bénéficiaires, ne permettent pas à tous les salariés de bénéficier de l’avantage, et d’autre part, ces régimes n’offrent pas la possibilité aux salariés d’effectuer des versements volontaires.

En quelque sorte, les régimes de retraite à cotisations définies permettaient aux salariés jusqu’en 2003, de constituer une épargne retraite « subie », qu’il n’était pas possible de compléter par des versements volontaires. C’est pourquoi, le législateur de 2003 a créé un nouveau mécanisme de retraite supplémentaire : le Pere, qui comme le Perco, est un système contractuel mixte (§1) mais qui n’a pas complètement séduit du fait de ses nombreuses contraintes (§2).

§ 1) Le Pere : Un système contractuel mixte

Le Pere emprunte ces caractéristiques à la fois aux régimes à cotisations définies, dont il constitue une variante (A) mais également à un nouvel outil d’épargne retraite individuelle créé en 2003 : le Plan d’Epargne Retraite Populaire (Perp) (B).

A/ Le Pere : un dispositif qui reprend les principales caractéristiques des régimes à cotisations définies

La mise en place d’un Pere répond aux mêmes exigences que celles d’un régime à cotisations définies (1). L’accès au dispositif et son financement possèdent également des traits communs avec ce qui est pratiqué dans les contrats « article 83 » (2).

1. Des modalités de mise en place similaires à celles d’un régime à cotisations définies

L’article 111.1 de la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a créé une nouvelle forme de contrat retraite collectif, que la pratique a rapidement appelé Plan d’Epargne Retraite d’Entreprise (Pere). Ce plan n’est pas à proprement un nouveau dispositif, mais plutôt un sous-ensemble des contrats à cotisations définies, auquel a été ajouté un cadre de déductibilité fiscale calqué sur le modèle du Perp. Ce nouveau régime reprend en partie les mêmes modalités de mise en place que les contrats de retraite supplémentaire à cotisations définies.

En effet, la mise en place du Pere, comme celle d’un contrat à cotisations définies, est facultative et relève de l’initiative de l’employeur. Elle doit aussi impérativement s’effectuer selon l’une des modalités prévues à l’article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale.
Le Pere, comme un régime de retraite supplémentaire classique, peut être mis en place soit par convention ou accord collectif négocié avec les représentants du personnel, soit par référendum ratifié à la majorité des salariés concernés et qui fait suite à un projet proposé par le chef d’entreprise, ou encore par décision unilatérale de l’employeur, à condition que celle-ci soit constatée par un écrit remis à chaque intéressé.
Par ailleurs, dans le même esprit que les régimes de retraite supplémentaire « classiques », le Pere peut être créé soit à l’échelle de l’entreprise, si celle-ci a les moyens de créer son propre Pere, soit au niveau de plusieurs employeurs ou groupements d’employeurs, on parlera alors de Plan d’Epargne Retraite Interentreprises (Peri).

Nous venons de le constater, la création d’un Pere peut relever de l’une des modalités de l’article L.911-1 du Code de la Sécurité sociale et dans ce cas, il s’agira d’un nouveau dispositif dit « intégré », mais l’entreprise peut aussi opter pour l’adjonction d’un « volet » Pere à un contrat « classique » de retraite supplémentaire à cotisations définies. Dans ce dernier cas, il s’agira non pas de créer un nouveau contrat, mais d’ajouter une possibilité supplémentaire à un dispositif antérieur, lequel demeurera inchangé. La contractualisation avec l’organisme assureur prend la forme d’un avenant au contrat « article 83 » en cours.

Le Pere et les contrats à cotisations définies partagent un autre point commun, découlant directement de leur mise en place : le caractère obligatoire de l’adhésion. En effet, à la différence du Plan d’Epargne Retraite Populaire que nous allons évoquer un peu plus loin dans nos développements, le Pere est un dispositif dont l’adhésion est obligatoire pour les bénéficiaires concernés, à savoir l’ensemble du personnel si son champ d’application est général, ou bien à une catégorie particulière de salariés si l’accord mettant en place le Pere en restreint son accès.
Quelle que soit la modalité de mise en place choisie par l’employeur, le Pere présente des caractéristiques très similaires à celles d’un contrat à cotisations définies classique.

2. Le Pere : un dispositif ayant le même objet et le même financement qu’un contrat à cotisations définies

Le Pere poursuit le même objectif que les contrats de retraite supplémentaire à cotisations définies. En effet, il a pour objet « l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels payables à l’adhérent à compter de la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse ». Ainsi, comme les contrats à cotisations définies, et à la différence du Perco, le Pere n’autorise qu’une sortie en rente des sommes épargnées. Les droits constitués sont inscrits sur un compte individuel, et seront convertis en rente au moment de la liquidation des droits, c’est-à-dire au moment de la retraite. En conséquence, les contrats Pere ne peuvent faire l’objet de rachats, même partiels, sauf dans les cas exceptionnels prévus par l’article L. 132-23 du Code des assurances et qui sont identiques à ceux prévus pour les contrats « article 83 ».

Au niveau du financement du Pere, là encore nous retrouvons le principe d’un financement partagé entre l’employeur et le salarié. L’avantage retraite constitué au profit des salariés bénéficiaires est financé par des cotisations patronales et par des cotisations salariales le cas échéant, calculées en règle générale en pourcentage de la rémunération annuelle. La fixation du taux de contribution au financement du régime est à la discrétion de l’employeur, qui peut éventuellement choisir de le moduler en fonction des tranches de rémunération (tranches A, B et C).
A première vue, le Pere ne présente aucune nouveauté dans la mesure où il reprend les grandes lignes des contrats à cotisations définies. Cependant, ce régime s’inscrit bel et bien dans la démarche du législateur de 2003 et constitue une avancée significative dans la promotion de l’épargne retraite. La spécificité de ce régime est à rechercher dans les caractéristiques qu’il partage avec le Plan d’Epargne Retraite Populaire, nouveau dispositif d’épargne retraite également introduit en 2003.

B/ Le Pere : un dispositif d’épargne retraite inspiré des dispositions du Perp

Le Pere partage avec le Perp la possibilité d’effectuer des versements individuels et facultatifs (1) et un cadre fiscal identique (2).

1. La possibilité pour le salarié d’effectuer des versements individuels facultatifs en sus des cotisations salariales obligatoires

En parallèle à la création du Pere et du Perco, deux dispositifs collectifs d’épargne en vue de la retraite, la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a créé un nouvel outil individuel d’épargne retraite : le Perp. Ce dernier est un contrat d’assurance qui a pour objet l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels payables à l’adhérent à compter de la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse. Le Perp se distingue du Perco et du Pere par son caractère individuel. En effet, même s’il s’agit d’un contrat d’assurance de groupe, souscrit par une association (Groupement d’Epargne Retraite Populaire : GERP), n’importe quelle personne majeure peut adhérer et bénéficier d’un Perp. Ce produit d’épargne retraite individuel est donc potentiellement ouvert à tout le monde et non pas exclusivement aux salariés. Le Perp permet à son titulaire d’alimenter son épargne par des versements occasionnels ou réguliers, qui sont purement facultatifs.

Le législateur a repris certaines caractéristiques du Perp, afin de donner une nouvelle dimension aux contrats à cotisations définies, ce qui a conduit à l’avènement du Pere. En effet, ce dispositif s’apparente à une formule mixte qui emprunte à la fois au régime des contrats « article 83 » et au régime fiscal du Perp. Il s’appuie techniquement sur un contrat d’assurance « article 83 », mais autorise en sus des cotisations obligatoires (patronales et salariales), des versements facultatifs et volontaires du salarié.

A travers cette nouvelle possibilité, le législateur a cherché à encourager les salariés à épargner pour leur retraite, en leur permettant de compléter par des versements volontaires, une épargne qui jusqu’alors était figée. En effet, la fixation des taux de cotisations à un régime « classique » à cotisations définies, était laissée à la discrétion de l’employeur. Les droits ainsi constitués « gonflaient » à mesure du versement des cotisations obligatoires, mais le système tel qu’il était conçu, ne permettait pas aux salariés qui l’auraient souhaité, d’épargner plus.
Si le législateur a utilisé la faculté de versements volontaires et facultatifs, présente dans le Perp pour l’appliquer au Pere, il s’est également inspiré du régime fiscal de ce dispositif pour le dupliquer à celui du Pere.

2. La fiscalité des versements volontaires du Pere soumise au même régime que celui du Perp

Sur ce point, nous pouvons d’ores et déjà faire un parallèle avec le Perco étudié précédemment. Dans ce nouveau dispositif d’épargne salariale, le législateur a prévu la possibilité pour le salarié d’effectuer des versements individuels qui pourront sous certaines conditions, donnés lieu à un abondement de l’employeur. Le législateur, s’il a créé la possibilité d’approvisionner de manière individuelle et facultative un Pere, n’a pas été jusqu’à mettre en place un système d’abondement. Cela parait tout à fait justifier dans la mesure où ce mécanisme dispose déjà, comme tous les régimes de retraite supplémentaire, d’un « étage » de cotisation obligatoire à la charge de l’employeur.

Cependant, d’une certaine manière, la loi de 2003 va plus loin qu’avec le Perco, en associant aux versements volontaires du Pere un régime fiscal de faveur, calqué sur celui du Perp. En effet, les sommes personnelles versées par un salarié sur le Perco et qui ne sont pas issues de l’intéressement ou de la participation, ne bénéficient quant à elles d’aucun traitement fiscal de faveur.

Afin de favoriser la contribution d’une épargne retraite individuelle complémentaire, l’article 163 quatervicies du CGI autorise les contribuables à déduire de leur revenu global, dans certaines limites, l’épargne qu’ils affectent volontairement à la souscription de garanties supplémentaires de retraite. Les versements facultatifs et individuels, qu’ils soient effectués sur un Perp ou sur un Pere (puisque leur régime fiscal est identique) sont étrangers à l’activité éventuellement salariée du contribuable et ne rendent exigible aucune cotisation de sécurité sociale sur salaires.

Nous étudierons dans ce paragraphe uniquement la fiscalité des versements volontaires, les cotisations obligatoires du Pere (part patronale voir salariale) étant soumises au même régime que celles d’un contrat à cotisations définies « classique ».

Sont donc déductibles du revenu net global, les cotisations versées par chaque membre du foyer fiscal au Plan d’Epargne Retraite Entreprise auquel les salariés sont affiliés à titre obligatoire, pour la partie des cotisations versées à titre individuel et facultatif.
Ces déductions fiscales sont limitées par un plafond global. Ainsi, les sommes versées chaque année sur un Pere sont déductibles dans la limite d’un plafond individuel égal au plus élevé des deux montants suivants :
– 10 % des revenus professionnels de l’année précédente, retenus dans la limite de 8 fois le PASS, soit une déduction maximale de 27.696 € pour les versements effectués en 2011.
– 10 % du PASS de l’année précédente, soit 3.462 € pour les versements effectués en 2011. Ce plafond concerne en pratique les personnes n’ayant pas de revenus professionnels personnels, celles qui perçoivent des revenus professionnels inférieurs au PASS et celles qui déclarent pour la première fois leur revenus.
Pour déterminer le montant de l’épargne retraite individuelle et facultative effectivement imputable sur le revenu global, le plafond de déduction que nous venons de mentionner, doit être diminué de certaines cotisations déduites l’année précédente des revenus professionnels du souscripteur. En conséquence, le salarié bénéficiaire d’un Pere, verra les cotisations (patronales et éventuellement salariales) versées à un régime obligatoire de retraite supplémentaire (le Pere en question et tout autre régime supplémentaire obligatoire : contrat à prestations définies…) « amputer » son plafond de déduction. En outre, les sommes versées par l’entreprise (abondement) l’année précédente sur un Perco viennent également en déduction de la limite globale. En quelque sorte, le législateur limite l’avantage fiscal procuré aux versements volontaires du Pere, en ne leur octroyant pas, une enveloppe fiscale qui s’ajouterait à celle déjà présente dans les autres dispositifs d’épargne retraite.
Le Pere reste néanmoins un produit fiscalement attractif car, outre le plafond de déduction fiscal plutôt élevé, si celui-ci n’est pas utilisé en intégralité au cours d’une année, le solde inemployé peut être reporté et utilisé au cours des trois années suivantes.
De plus, la fiscalité à la sortie du Pere, c’est-à-dire celle associée au versement de la rente viagère, n’est pas plus défavorable que celle d’un régime à cotisations définies « classique ». En effet, la rente viagère issue d’un Pere est imposable dans la catégorie des pensions, après abattement spécifique de 10 %.
Le Pere présente l’avantage de reprendre les principales caractéristiques des régimes à cotisations définies tout en y incluant la possibilité d’y affecter des versements volontaires, le tout dans un contexte fiscal très avantageux. Cependant, quand nous observons de plus près le dispositif, nous constatons que celui-ci n’a suscité que peu d’engouement auprès des entreprises. Dès lors, on peut légitimement se demander pourquoi ce régime n’a pas rencontré le succès attendu.

§2) Le Pere : un nouveau régime d’épargne retraite pas complètement séduisant

Le Pere introduit en 2003, n’a jamais rencontré le succès attendu par le législateur. En 2010, le nombre de contractants s’élevait à 250.000 pour un encours de 2,5 milliards d’euros, alors que dans le même temps, 2 millions de personnes bénéficiaient d’un contrat « article 83 » avec un encours de 37 milliards d’euros. Certes, les contrats à cotisations définies classiques existent depuis plus longtemps que les Pere, mais ceci ne suffit pas à justifier un tel écart. Ce faible succès s’explique d’une part, par la complexité du dispositif (A) et d’autre part, par les avantages qu’ils procurent, essentiellement à destination des plus hauts revenus (B).

A/ Un dispositif trop contraignant pour les entreprises et pour les assureurs

Si le Pere partage avec le Perp un régime fiscal attrayant, il lui emprunte également ses contraintes, notamment l’obligation de mettre en place un comité de surveillance (1) et celle de respecter des règles de gestion très stricte (2).

1. La présence obligatoire d’un comité de surveillance

La loi du 21 août 2003, comme pour le Perp, a consacré l’intervention des assurés (qui sont ici les salariés) dans la gestion de leur contrat, à travers la création d’un comité de surveillance, en essayant d’établir un équilibre délicat entre le rôle de l’assureur, des assurés et des employeurs. Pour chaque Pere, il est donc institué obligatoirement un comité de surveillance, chargé de veiller à la bonne exécution du contrat par l’organisme d’assurance et à la représentation des intérêts des adhérents du plan. Ce comité de surveillance doit être composé de membres n’ayant pas, pour au moins la moitié d’entre eux, d’intérêts dans l’organisme assureur. Sans trop rentrer dans les détails de son fonctionnement, notons simplement que ce comité doit être formé dans les six mois de la signature du Pere, qu’il doit se réunir au moins une fois par semestre et qu’il est chargé entre autre d’établir un rapport annuel sur la gestion et la surveillance du plan.
Ce comité de surveillance est très contraignant à mettre en place pour une entreprise. D’une part, sa mise en place à un coût, qu’il est certes possible de mutualiser si un Peri est mis en oeuvre, mais qui représente tout de même une dépense supplémentaire pour l’entreprise. Et, d’autre part, elle nécessite des moyens humains et une organisation technique, auxquels une entreprise, notamment une petite ou moyenne structure, ne peut pas toujours faire face. Ainsi, nous comprenons mieux pourquoi peu d’employeurs on entreprit de proposer un Pere à leurs salariés.

Hormis, la présence d’un comité de surveillance qui rend complexe la mise en place du Pere, les modalités de gestion propres au mécanisme ne contribuent pas non plus à en faire un dispositif attractif.

2. Des règles spécifiques de gestion

En vue de protéger l’épargne des salariés et d’assurer une transparence de la gestion de l’organisme d’assurance, le Pere fait l’objet de règles spécifiques de gestion. Ces règles ont trait tout à la fois à la gestion administrative, financière et technique du système. Les organismes assureurs font l’objet d’une surveillance accrue dans la manière de gérer le plan. Cette défiance à l’égard de leur activité explique également la frilosité dont les assureurs ont fait preuve à l’égard de ce nouveau dispositif. A titres d’exemples, les règles de gestion financière d’un Pere limitent la possibilité pour les assureurs de recourir aux instruments financiers à terme. De même, est interdite toute rétrocession de commissions perçues au titre de la gestion financière. Enfin, la délégation financière est aussi encadrée, de même que la réassurance du plan.

S’agissant des actifs du plan, ceux-ci sont conservés par un dépositaire unique, distinct de l’organisme d’assurance gestionnaire du plan, qui s’assure de la régularité des décisions de gestion financière des actifs dont il a la garde. Le dépositaire assure ainsi la conservation des actifs qui font l’objet d’un enregistrement comptable distinct. Ce principe de cantonnement des actifs offre plus de sécurité aux crédirentiers et permet de maximiser la « duration » du passif. En effet, les perspectives de gains sont plus importantes car le cantonnement permet aux actifs du Pere d’être investis plus longtemps en actions que s’ils étaient confondus avec l’actif général de l’assureur. Cependant, l’inconvénient est que ce principe légal de cantonnement entraine un mode de gestion plus rigoureux.

Nous retrouvons également pour chaque Pere, un ou plusieurs commissaires aux comptes qui vont être missionnés pour certifier que les comptes annuels du plan sont réguliers et sincères. A ce titre, ils sont débiteurs d’une obligation d’information envers le comité de surveillance, qui peut leur demander à tout moment des renseignements sur la situation financière et l’équilibre actuariel du plan. La comptabilisation des actifs du plan est ainsi sévèrement encadrée.
En créant le Pere, le législateur n’a pas réussi à susciter d’intérêt ni auprès des entreprises, qui jugeaient le procédé trop contraignant, ni auprès des assureurs qui ont vu l’encadrement strict de leur activité comme un frein au développement de ce nouveau marché potentiel. En plus de la défiance vis-à-vis de leur activité de gestionnaire du plan, les assureurs se sont également heurtés à une rentabilité trop faible des Pere, notamment de par l’impossibilité d’investir les actifs sur certains produits financiers..
Plus grave, il semblerait que le Pere n’ait pas non plus rencontré l’adhésion des salariés.

B/ Le manque d’attrait du Pere auprès des salariés

Le Pere, tout comme le Perp dont il reprend le régime fiscal, n’a pas complètement séduit les salariés. En proposant une sortie du plan uniquement sous forme de rente viagère, le Pere ne remporte pas les suffrages (1). Par ailleurs, le dispositif ne remplit pas l’objectif d’améliorer l’accès à l’épargne retraite, son régime fiscal étant davantage attrayant pour les hauts revenus (2).

1. Un « énième » produit de retraite supplémentaire offrant comme seule possibilité une sortie en rente viagère

En autorisant les versements volontaires sur un contrat de retraite supplémentaire à cotisations définies, le législateur a donné naissance au Pere. Si cette démarche consistant à laisser la possibilité aux bénéficiaires d’épargner au-delà des seules cotisations obligatoires est plutôt louable, force est de constater que le dispositif, en sus des difficultés inhérentes à sa mise en place, n’a pas su séduire les salariés.
L’une des raisons expliquant ce manque d’intérêt est à rechercher dans la modalité prévue pour la sortie des sommes épargnées. En effet, là où le législateur a eu l’intelligence de laisser la possibilité à l’entreprise mettant en place un Perco, de prévoir dans son accord une sortie en rente ou en capital (voir même un panachage des deux), il cantonne toujours la sortie des régimes à cotisations définies, qu’ils soient de forme « classique » ou de type « Pere», au versement d’une rente viagère.

La durée parfois très longue des placements effectués sur ces plans représentent déjà un frein majeur pour beaucoup de salariés et notamment ceux qui ne possèdent pas la capacité de diversifier leur épargne. En outre, la seule possibilité d’une sortie en rente viagère renforce encore un peu plus la frilosité des épargnants pour ces régimes collectifs, qui leur préfèreront bien souvent l’assurance-vie pour la possibilité qu’elle offre de racheter la provision mathématique et obtenir ainsi un déblocage de l’épargne sous forme de capital.
Certes, certains observateurs défendent ardemment le principe d’une libération de l’épargne sous forme de rente pour la sécurité financière qu’elle procure jusqu’à la fin de la vie, mais en pratique, les épargnants préfèrent généralement disposer d’un capital qui leur laissera de plus amples possibilités d’investissement. De plus, s’il est vrai que le capital peut ne pas suffire pour assurer au retraité un niveau de vie suffisant jusqu’à la fin de ses jours, il possède l’énorme avantage d’être transmissible aux héritiers. La rente quant à elle n’est réversible que sous certaines conditions et, en tout état de cause, sera amputée d’une partie de sa valeur si un bénéficiaire de second rang est désigné.
Enfin, dernier inconvénient majeur pour le bénéficiaire, le Pere ne prévoit pas de contre-assurance décès. Cela signifie que si le souscripteur vient à décéder avant l’âge de la retraite, date à laquelle il peut liquider son épargne, toutes les sommes personnellement investies ainsi que les versements de l’entreprise, seront définitivement perdus.

La fiscalité de la rente issue d’un Pere ne représente pas non plus un atout, en comparaison par exemple, au traitement fiscal réservé au capital issu d’un Perco et, plus généralement, la fiscalité du dispositif dans son ensemble n’est véritablement avantageuse que pour les plus hauts revenus.

2. Un régime fiscal davantage favorable aux salariés fortement imposés

Le Pere, comme son « cousin » individuel le Perp, va rencontrer plus de succès chez les salariés disposant de hauts revenus et qui, par conséquent, sont soumis à une imposition plus forte.
Le dispositif fiscal procure ainsi un effet d’aubaine, dans la mesure où il permet à ces salariés de l’utiliser autant comme un instrument de défiscalisation que comme un mécanisme en vue de préparer leur retraite. Nous l’avons vu, le Pere propose aux cotisants de déduire de leur imposition des versements volontaires jusqu’à 10 % de leur rémunération de l’année précédente (dans la limite de 8 PASS). Au final, pour un salarié percevant une rémunération proche des 8 PASS, ce n’est pas moins de 28.281 € (en 2011) qu’il pourrait déduire de son revenu imposable. Cet avantage fiscal est dès lors, beaucoup plus intéressant pour les foyers imposés sur les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu, que pour ceux imposés sur les tranches marginales.
De plus, le Pere étant un contrat collectif d’assurance sur la vie non rachetable, il bénéficie à ce titre de l’exonération prévue par l’article 885 F du CGI. Les primes individuelles versées(64) sur le Pere en sus des cotisations obligatoires, n’entreront pas non plus dans le calcul de l’impôt sur la fortune.
Au niveau de la fiscalité des prestations issues d’un Pere, nous retrouvons les contraintes classiques de la rente viagère qui, hormis l’abattement spécifique de 10 %, est imposable comme les pensions issues des régimes obligatoires. Cependant, si la fiscalité n’est pas favorable, elle n’est pas plus forte pour les salariés à hauts revenus que pour ceux disposant de ressources plus modestes.

Enfin, dernier attrait du Pere pour les foyers les plus riches, lors de la phase de dénouement, la loi exonère d’ISF la valeur de capitalisation des rentes viagères constituées, moyennant le versement de primes régulières pendant une durée d’au moins 15 ans et si l’entrée en jouissance de la rente intervient après la liquidation de la pension des régimes d’assurance vieillesse de base.

En conclusion de cette section, nous ne pouvons que constater le peu de succès pour ne pas dire l’échec, rencontré par ce nouveau dispositif. Loin d’atteindre son ambition de voir grimper en flèche les encours au sein des contrats à cotisations définies, le législateur s’est contenté de proposer un régime dont on ne saisit pas très bien l’intérêt tant il est difficile à mettre en oeuvre et compliqué à alimenter pour le salarié lambda, supportant déjà dans bien des cas une cotisation salariale obligatoire.

Nous avons pu le constater à travers l’étude du Pere et du Perco, les nouveaux mécanismes d’épargne retraite de 2003 démontrent la volonté législative de « booster » l’épargne retraite. Cependant, s’ils représentent déjà une avancée significative, ces nouveaux dispositifs méritaient d’être améliorés.

64 Excepté celles versées après 70 ans.

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