§1 : L’intervention de l’Etat en cas de crise sanitaire majeure
Venue d’Amérique du Nord, la chrysomèle du maïs ou « Diabrotica » envahit depuis 2002 les cultures françaises. Pour éradiquer les foyers, les agriculteurs doivent utiliser des traitements insecticides et pratiquer une rotation des cultures consistant à cultiver les parcelles infestées avec une autre culture pour casser le cycle de l’insecte. Les agriculteurs appliquant ces mesures de lutte obligatoire sont indemnisés via un mécanisme de solidarité géré par le Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants (GNIS). Ce dispositif est alimenté par une cotisation des producteurs de maïs et une participation de l’Etat. Les montants d’indemnité varient selon les méthodes de lutte, la situation de l’exploitation par rapport au foyer de chrysomèle, des rendements et des prix de vente des récoltes(36).
Concernant les élevages, l’ordonnance du 22 juillet 2005 a créé l’article L201-5 du Code Rural qui prévoit la mise en place d’un plan national d’intervention sanitaire d’urgence pour certains dangers de première catégorie. Un décret fixe les dangers sanitaires donnant lieu à un plan d’intervention sanitaire d’urgence, et définit les mesures à prendre en cas de suspicion ou de confirmation de maladie à caractère épizootique telle que la fièvre aphteuse, la grippe aviaire ou la fièvre catarrhale ovine. Ce plan national est appliqué par les préfets au niveau départemental jusqu’à la maîtrise ou l’extinction du risque.
Il peut « procéder à la réquisition des moyens d’intervention nécessaires », « restreindre la circulation et délimiter des périmètres accessibles sous condition de respect de mesures sanitaires pour éviter la contagion ». En cas de suspicion, le préfet peut prendre un arrêté de mise sous surveillance de l’exploitation imposant par exemple l’isolement des animaux, la désinfection des bâtiments, l’interdiction de circulation des animaux ou l’obligation de détruire les cadavres. Si la maladie se confirme, l’abattage ou la vaccination du troupeau peut être ordonné par l’administration.
La Loi de Modernisation de l’Agriculture n° 2010-874 du 27 juillet 2010 a instauré des Fonds de mutualisation des risques sanitaires en agriculture. Le décret n°2011-2089 du 30 décembre 2011 définit les modalités de fonctionnement de ces Fonds. Selon l’article R361-50 du Code Rural, ils ont pour but « de contribuer à l’indemnisation des pertes économiques subies par les agriculteurs en raison d’une maladie animale ». Les ressources des Fonds sont constituées des cotisations des agriculteurs adhérents, des contributions des organismes à vocation sanitaire comme les GDS et d’autres opérateurs de la filière agricole.
Sont éligibles à l’indemnisation « les coûts et pertes liés à la perte d’animaux, à une perte d’activité sur l’exploitation », ainsi que « les coûts ou pertes d’ordre économique et commercial, notamment ceux issus d’une restriction ou d’une interdiction de circulation ou d’échange, d’une limitation des zones de pâturage, d’un changement de destination de la production, de la restriction d’utilisation ou de la destruction de produits de l’exploitation, de traitements sanitaires, de la restriction de l’usage des sols ou d’un déclassement commercial de la production ». De plus, l’indemnisation est subordonnée à la justification de pertes économiques, à l’adhésion au Fonds de mutualisation et au respect des règles de prévention des risques sanitaires. Le décret prévoit que toutes les entreprises agricoles devront adhérer et cotiser à un Fonds de mutualisation au 1er janvier 2013. Avant leur création en 2010, l’Etat indemnisait les pertes d’animaux suite à l’abattage total ordonné par l’administration dans le cas de maladies réputées contagieuses.
§2 : L’assurance « mortalité du bétail »
Le risque épidémique est pris en charge par l’Etat. La gravité d’une épizootie du point de vue de la santé publique doit être supportée par les pouvoirs publics compte tenu des graves conséquences sur les exploitations agricoles. Les assureurs n’interviennent pas à ce titre mais leur part est limitée à la couverture du risque de fréquence.
Les grands traits de la garantie « mortalité du bétail » ayant été vus en première partie de ce mémoire, la garantie « mortalité générale coup dur des troupeaux » bovins proposée par Groupama sera étudiée dans ce paragraphe. Cette garantie couvre tout événement entraînant la mort de plus de 5% ou 10% du cheptel. L’événement est « tout accident, toute maladie, tout abattage autorisé ou ordonné ou d’urgence ayant une même origine et entraînant sur une période de 360 jours la réalisation de la garantie ».
Cette période débute à partir de la première mortalité durant laquelle les animaux morts sont comptés par la justification des bons d’équarrissage. A la souscription du contrat, l’exploitation doit déclarer les maladies auxquelles sont exposés les troupeaux, l’usage du troupeau et la valeur moyenne par tranche d’âges des animaux. L’assureur demande de respecter des mesures de prévention sous peine de paiement de dommages et intérêts s’il prouve qu’il a subi un préjudice.
Par conséquent, l’agriculteur doit faire examiner son bovin malade par un vétérinaire le plus rapidement possible, l’informer du contrat d’assurance, suivre ses prescriptions. De plus, il doit se conformer à la législation sanitaire, déclarer le sinistre dans les vingt quatre heures et transmettre le rapport du vétérinaire à l’assureur dans les quarante huit heures. L’indemnisation est égale à la valeur réelle des bovins au jour du sinistre fixée par l’expert dans la limite de leur valeur assurée. Le paiement est subordonné à la remise des bons d’enlèvement établis par l’équarrisseur et des rapports du vétérinaire.
Cette assurance prend en charge les pertes directes, c’est-à-dire la mort du bétail, et permet à l’éleveur de reprendre son activité avec ses « outils de travail » reconstitués. L’activité d’élevage se traduit par la commercialisation des produits issus du bétail, pouvant engendrer un risque de responsabilité civile si un danger sanitaire est établi pour les consommateurs.
§3 : La garantie responsabilité civile contamination
La crise de la vache folle a fait prendre conscience aux pouvoirs publics la mise en place de règles de traçabilité(37) des produits alimentaires. Les agriculteurs, en début de chaîne, ne sont pas concernés directement par le risque de contamination mais les récentes crises sanitaires (fièvre aphteuse ou grippe aviaire) les exposent tout de même à un risque de responsabilité dans la livraison de viande contaminée par la maladie. Cependant, aucun exploitant agricole n’a été mis en cause dans les dernières crises sanitaires. Le développement de la distribution directe du producteur au consommateur rend nécessaire une garantie de responsabilité civile contamination. Elle rentre dans la cadre de la garantie « responsabilité civile du fait des produits livrés », du fait de la vente de marchandise défectueuse qui n’offre pas la sécurité alimentaire à laquelle tout consommateur doit légitimement s’attendre.
Par des actions de prévention, l’Etat et les professionnels de l’assurance incitent les agriculteurs à tenir compte du danger sanitaire de plus en plus menaçant. Les pouvoirs publics se retirent lentement de la prise en charge du risque et laissent la place aux organisations professionnelles agricoles pour la couverture du risque sanitaire. Les assureurs sont pour l’instant cantonnés à la couverture de la mortalité du bétail pour des maladies non épizootiques.
L’extension de la garantie aux maladies épidémiques n’est pas d’actualité. Cela supposerait d’étudier la capacité du marché à supporter de tels risques qui impliquerait des cotisations très élevées pour les agriculteurs.
Les risques précédemment étudiés occasionnent pour les exploitants des aléas d’ordre financier au vu de l’environnement économique de l’agriculture et de l’impact des éventuelles pertes matérielles sur le revenu.
36 En 2011, 5,8 millions d’euros d’indemnités ont été versés à 2000 agriculteurs des régions Alsace, Bourgogne et Rhône-Alpes.
37 Norme ISO 8402 : c’est l’aptitude à retrouver l’historique, l’utilisation ou la localisation d’un article ou d’une activité, ou d’articles ou d’activités semblables, au moyen d’une identification enregistrée ».