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Section 2 : L’étendue de la garantie

ADIAL

Au titre de l’entendue de la garantie il est possible de relever la diversité des faits générateurs garantis (§1) ainsi que le fait que la garantie prend en compte tous types de dommages (§2). Nous nous intéresserons également aux responsabilités garanties (§3) et aux exclusions de garantie (§4).

§1) La diversité des faits générateurs garantis

On entend par fait générateur le fait à l’origine du dommage susceptible d’engager la responsabilité de l’assuré. Si le sinistre se manifeste postérieurement à la livraison des produits, le fait générateur est antérieur à cette dernière(157).

De nombreux faits générateurs sont de nature à engager la responsabilité de l’assuré : il s’agit notamment du vice propre du produit tel que défini à l’article 1641 du Code civil concernant la garantie des vices cachés. Le défaut doit alors être inhérent au produit, caché, préexistant et rendre le produit impropre à l’usage auquel on le destine. Le vice propre du produit recouvre plusieurs situations : l’erreur de conception, la malfaçon dans la fabrication, l’erreur dans la fabrication, le vice de matière (selon Jean Bigot il peut s’agir de la présence d’un corps étranger dans le produit livré), la malfaçon dans l’assemblage(158). D’autres faits générateurs sont assurables. Ainsi en est-il de la conservation défectueuse du produit, des malfaçons dans l’emballage et le conditionnement, de l’erreur d’étiquetage.

L’assurance responsabilité civile produits livrés étant facultative, l’assureur peut tout à fait exclure certains faits générateurs et n’intervenir que lorsque les faits générateurs déterminés à l’avance seront survenus(159). Dans ses conditions générales « ALPHA-BAT Fabricants/Négociants », la SMABTP évoque le vice caché ainsi que le défaut du produit au sens de l’article 1386-4 du Code civil. L’Auxiliaire, quant à elle, fait référence au vice caché et à la malfaçon des produits (dans les conditions générales « Responsabilité professionnelle des négociants et fabricants en matériaux de construction »). Le groupe CAMACTE étend la garantie à d’autres faits générateurs tels que l’erreur dans la conception, la préparation, la fabrication, la transformation, la réparation, le stockage, la livraison, les instructions d’emploi (dans les conditions générales « Responsabilité civile des entreprises industrielles et/ou commerciales » qui sont également applicables aux fabricants/négociants de matériaux de construction).

Les faits générateurs susceptibles d’être garantis sont diversifiés. Il en est de même concernant les dommages.

§2) Une garantie prenant en compte tous types de dommages

L’assurance responsabilité civile produits livrés prend en compte tous types de dommages subis par les tiers, qu’ils soient corporels, matériels ou immatériels(160). Le dommage corporel est défini comme « le préjudice pécuniaire résultant de toute atteinte à l’intégrité physique de la personne (161)». Il s’agit des conséquences du décès, de lésions corporelles, de frais médicaux…Quant au dommage matériel il consiste en « tout préjudice pécuniaire résultant de toute détérioration ou destruction d’une chose ou substance, toute atteinte physique à des animaux(162)». Les dommages immatériels résultent, quant à eux, de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service rendu par une personne ou par un bien meuble ou immeuble, ou de la perte d’un bénéfice (définition de l’Auxiliaire). Ces derniers peuvent être consécutifs à un dommage corporel ou matériel garanti ou au contraire consister en un dommage non consécutif. Par exemple, l’Auxiliaire ne garantit que les dommages immatériels consécutifs. A noter que dans sa définition du dommage corporel la Fédération Française des Sociétés d’Assurances inclut les dommages matériels consécutifs à un dommage corporel.

Les conditions générales de l’Auxiliaire précitées visent bien ces trois types de dommages. Les contrats, mentionnés auparavant, du groupe CAMACTE et de la SMABTP présentent une particularité. En effet, dans les conditions générales du groupe CAMACTE, il est fait référence aux dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers, mais d’autres conditions générales plus spécifiques aux fabricants et négociants de matériaux de construction garantissent les dommages matériels à la construction (il ne s’agit pas des dommages causés par les EPERS) provenant d’un vice caché ou d’une défectuosité des produits (dans ce dernier cas la garantie est appelée « responsabilité professionnelle » mais en réalité il s’agit bien d’une garantie responsabilité après livraison). La SMABTP met également à part les dommages matériels à la construction (toujours hors EPERS), certainement du fait qu’il ne s’agit pas de l’essence même de l’assurance responsabilité civile produits livrés puisqu’en principe seuls les dommages subis par les tiers sont couverts.
Après s’être intéressé aux dommages garantis, les responsabilités garanties retiennent notre attention.

§3) Les responsabilités garanties

En principe et dans l’idéal, un contrat responsabilité civile produits livrés devrait couvrir toutes les responsabilités qu’elles soient d’essence délictuelle ou contractuelle(163): celles fondées sur les articles 1382, 1383, 1384, 1386-2, 1641 (attention, le vice caché relève de la garantie et non de la responsabilité, il n’est possible de parler de responsabilité que si le vice caché engendre un dommage c’est-à-dire dans l’hypothèse de l’article 1145 du Code civil) et celles découlant de l’article 1147 du Code civil.

Or, les contrats d’assurance ne prennent pas forcément en compte l’étendue des responsabilités encourues(164). A titre d’exemple, les conditions générales de l’Auxiliaire précitées garantissent exclusivement les responsabilités engagées en vertu des articles 1382, 1383, 1384 alinéa 1 et 1641 du Code civil. Dans un intercalaire relatif aux produits défectueux ayant vocation à compléter ces conditions générales, il est précisé que la responsabilité du producteur recherchée sur le fondement des articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil est également garantie. Ce contrat étant en péril dénommé, tout ce qui n’est pas mentionné au titre de la garantie n’est pas couvert. Il est alors possible de constater que la responsabilité contractuelle du fabricant/négociant issue de l’article 1147 du Code civil n’est pas couverte. Ainsi, en cas de simple manquement à ses obligations de sécurité, d’information, de conseil, de délivrance, le contrat d’assurance de l’Auxiliaire n’a pas vocation à jouer. Il sera susceptible d’intervenir que si les manquements précités génèrent un défaut du produit au sens de l’article 1641 du Code civil.

Afin de permettre que la responsabilité contractuelle soit garantie, il est nécessaire de délivrer le contrat négociants et fabricants de l’Auxiliaire assorti d’une clause spécifique. Dans une affaire impliquant une entreprise de peintures et d’enduits, une telle clause a été prévue par voie d’avenant et ce, ponctuellement pour certaines des enseignes de l’entreprise. Cette entreprise procédait à des démonstrations et avait un rôle d’accompagnateur ; elle analysait le support pour préconiser un produit compatible. Afin de lui procurer une garantie en cas de préconisation d’un enduit de façade incompatible avec le support, la rédaction d’une clause rédigée comme suit a été nécessaire : « d’un commun accord entre les parties (…) les garanties du présent contrat sont étendues à la responsabilité contractuelle des entreprises en cas de condamnation judiciaire selon le fondement de l’article 1147 du Code civil ». En effet, l’absence de vice n’absout pas le professionnel de son devoir de conseil (il peut notamment lui être reproché une absence de diagnostic technique sérieux avant mise en oeuvre du produit entraînant par la suite un dommage qui ne trouvera pas son origine dans la fabrication mais dans la préconisation).

A l’inverse, le contrat de la SMABTP est rédigé en « tout sauf » et fait référence à la responsabilité de l’assuré engagée sur quelque fondement que ce soit. La responsabilité contractuelle est donc couverte.

§4) Les exclusions de garantie

Les exclusions de garantie permettent de délimiter le contenu du contrat. Par définition, ce qui est exclu n’est pas garanti. L’article L 113-1 du Code des assurances précise que, pour être valables, les exclusions doivent être formelles et limitées, c’est-à-dire écrites, claires, non équivoques, précises et permettre à l’assuré de connaître clairement les risques pour lesquels il est garanti.

En ce qui concerne l’assurance responsabilité civile produits livrés, il existe des exclusions classiques (A) et des exclusions spécifiques (B).

A) Les exclusions classiques

Parmi les exclusions de garantie classiques, la plus connue est légale et porte sur la faute intentionnelle de l’assuré (article L 113-1 du Code des assurances)(165). Il s’agit de la volonté de commettre l’acte tout en ayant conscience du dommage. Une telle exclusion se justifie par l’absence d’aléa. $

Ensuite, la cause étrangère et le dol sont toujours exclus des contrats d’assurance responsabilité civile produits livrés. Dans le contrat de l’Auxiliaire, la cause étrangère recouvre notamment les faits de guerre étrangère, les émeutes et mouvements populaires, les phénomènes naturels à caractères catastrophiques, les effets directs ou indirects d’explosion, de dégagement de chaleur, d’irradiations provenant de la transmutation de noyaux d’atomes ou de radioactivité, ainsi que des effets de radiations provoquées par l’accélération artificielle de particules.

Par ailleurs, il est également classique que les contrats excluent les dommages résultant d’un fait connu de l’assuré lors de la souscription du contrat. L’Auxiliaire exclu donc les dommages qui sont la conséquence d’un vice caché connu de l’assuré lors de cette souscription.

Il paraît plus intéressant de focaliser notre attention sur les principales exclusions spécifiques à la garantie étudiée.

B) Les principales exclusions spécifiques à l’assurance responsabilité produits livrés

Sont en principe exclus de la garantie les frais de retrait des produits. Il s’agit des frais nécessaires au retrait des produits du marché, du circuit de distribution, notamment lorsque ces derniers sont susceptibles de causer des dommages corporels graves166. Par exemple, dans le contrat « ALPHA-BAT Fabricants/Négociants » de la SMABTP, il est bien prévu que ces frais sont exclus de la garantie de base (ils pourront être couverts par une garantie complémentaire). De même, les frais de dépose et repose des produits sont en règle générale exclus. Il en est ainsi dans les conditions générales de la SMABTP et du groupe CAMACTE. Toutefois, l’Auxiliaire couvre de tels frais lorsqu’ils sont dus en application de la garantie des vices cachés.

Par ailleurs, les responsabilités spéciales relevant de la construction ne sont pas couvertes et il s’agira en l’espèce de la responsabilité solidaire du fabricant d’EPERS(167). Ensuite, la garantie n’est en principe pas acquise lorsque le produit livré n’est pas conforme aux spécifications des documents contractuels. Cette exclusion est prévue dans les conditions générales de l’Auxiliaire, du groupe CAMACTE et de la SMABTP.

Le risque de développement est également bien souvent exclu du périmètre de la garantie(168). Il s’agit d’un défaut qui ne pouvait pas être décelé en l’état des connaissances techniques et scientifiques à l’époque de la mise en circulation du produit. Il est donc courant de retrouver dans les contrats d’assurance responsabilité produits livrés la formulation suivante : « la société ne garantit pas les dommages dont l’éventualité ne pouvait être décelée en l’état des connaissances scientifiques et techniques en vigueur au moment de l’activité à l’origine de ces dommages(169)».

Enfin, il n’est pas de l’essence de l’assurance en question de garantir les dommages causés au produit livré lui-même car nous sommes en présence d’une assurance de responsabilité. Or, la garantie du produit lui-même relève d’une assurance de choses(170). Les auteurs s’accordent à dire que l’exclusion des frais de remboursement et de remplacement du produit se justifie par le fait que l’assuré doit assumer ses engagements contractuels concernant le produit et que l’assureur n’a pas à se substituer à l’entreprise. Il s’agit alors du « risque d’entreprise(171)». D’ailleurs, en matière de produits défectueux, les dommages subis par le produit sont exclus. Dans les conditions générales « Responsabilité civile des entreprises industrielles et/ou commerciales », le groupe CAMACTE prévoit une telle exclusion lorsque le produit livré a causé un dommage corporel, matériel ou immatériel à un tiers. Il existe cependant une particularité en matière d’assurance construction, dont font état les conditions générales « ALPHA-BAT Fabricants/Négociants » de la SMABTP et « Responsabilité professionnelle des fabricants et négociants de matériaux de construction » du groupe CAMACTE. En effet, ces assureurs garantissent les dommages matériels à la construction (en dehors des EPERS), « y compris les produits eux-mêmes » donc la valeur de remplacement des produits livrés endommagés. Quant au contrat de l’Auxiliaire, il est précisé qu’il couvre la valeur de remplacement des produits faisant l’objet du sinistre.

157 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p. 289
158 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p.290 ; BIGOT (J.), L’assurance de la responsabilité civile des fabricants, La responsabilité des fabricants et fournisseurs, Economica, 1975, p. 170 ; MONTANIER (J-C.), Les produits défectueux, Litec, 2000, page 164
159 Dictionnaire permanent, Editions Législatives 14 janvier 2011, p. 3392
160 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2326, CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p.292 ; BIGOT (J.), L’assurance de la responsabilité civile des fabricants, La responsabilité des fabricants et fournisseurs, Economica, 1975, p. 174 et 175 ; LAMBERT-FAIVRE (Y.), Risques et assurances des entreprises, 3è ed. Précis Dalloz, 1991, p. 666 et 667
161 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2328
162 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2330
163 Dictionnaire permanent, Editions Législatives 14 janvier 2011, p. 3390 ; LAMBERT-FAIVRE (Y.), Risques et assurances des entreprises, 3è ed. Précis Dalloz, 1991, p. 663
164 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2283
165 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p.269
166 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2514 et 2532
167 ELIASHBERG (C.), Risques et assurances de responsabilité civile, 5è ed, L’Argus de l’assurance, 2006, p. 262
168 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2362 ; CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p.311
169 Conditions générales « Responsabilité civile des entreprises industrielles et/ou commerciales », GROUPE CAMACTE
170 MONTANIER (J-C.), Les produits défectueux, Litec, 2000, p. 175 et 176
171 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2283

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