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Section 2. L’indépendance du harcèlement moral et sexuel

ADIAL

Le harcèlement relève de l’existence de deux pratiques jugées légalement comme
illicite. La spécificité de ces deux formes a nécessité la définition autonome de chacune
d’elles. C’est le harcèlement sexuel qui a été le premier défini par loi (§1) avant que ne soit
reconnue l’existence du harcèlement moral (§2).

§ 1. L’origine du harcèlement sexuel et l’impact de la loi du 6 août 2012

La prohibition du harcèlement sexuel a été introduite dans le Code du travail par la loi
n°92-1179 du 2 novembre 1992. Initialement, le texte(76) considérait le harcèlement sexuel
comme un simple abus d’autorité qui interdisait de prendre en compte l’existence de
harcèlements sexuels entre collègues situés à un même niveau hiérarchique. Le législateur est
intervenu en 2002(77), afin de supprimer cette exigence du lien hiérarchique pour qualifier le
harcèlement sexuel. Il a été redéfini par cette dernière loi comme « les agissements de
harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit
ou au profit d’un tiers sont interdits »(78).

Cependant, la répression du harcèlement sexuel par le droit pénal lui a conférée une définition
trop faible, laissant ainsi un champ d’application trop vague. En effet, l’ancienne rédaction de
l’article 222-33 du Code pénal donnait une définition très lacunaire de l’infraction(79).

Devant un tel manque de précision de la part de la loi pénale, le Conseil constitutionnel a été
saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité qui l’a amené à déclarer la dite
disposition comme inconstitutionnelle(80). En effet, l’absence de définition de l’expression
« faveurs de nature sexuelle » a laissé transparaitre une violation au principe de légalité des
délits et des peines. Ce dernier principe impose notamment au législateur de définir
clairement l’infraction qu’il entend réprimer.

Cette disposition étant déclarée inconstitutionnelle, le législateur a dû intervenir de toute
urgence afin de redéfinir l’infraction pour qu’elle puisse être à nouveau sanctionnée. Cette
redéfinition a été opérée par la loi du 6 août 2012 qui est plus précise dans son contenu(81). Par
son article 1er, la loi qualifie de harcèlement sexuel « le fait d’imposer à une personne, de
façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à
sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une
situation intimidante, hostile ou offensante ». De même, la loi assimile désormais au
harcèlement sexuel « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le
but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit
de l’auteur ou au profit d’un tiers ».

Cette nouvelle définition pénale du harcèlement sexuel a nécessité également la modification
des dispositions du Code du travail. Cette modification a été constituée par la reprise à
l’identique de la nouvelle définition pénale qui remplace désormais l’ancien article L. 1153-1
du Code du travail.

Ainsi, le harcèlement sexuel venant de bénéficier d’une redéfinition plus précise (§1) laisse la
définition du harcèlement moral à l’épreuve de l’étude (§2).

§ 2. La définition tardive du harcèlement moral

Ce n’est que dix ans après la définition légale du harcèlement sexuel que le
harcèlement moral a été défini. Cette situation peut laisser perplexe lorsqu’il ressort de
l’analyse de la notion qu’un certain nombre d’auteurs avaient déjà défini les limites de celle-ci
quelques années auparavant. Dès 1998, Marie-France Hirigoyen livrait déjà une définition
très précise du harcèlement moral dans l’univers de l’emploi. Pour elle, cette pratique
recouvre « toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des
paroles, des actes, des gestes, des écrits pouvant porter atteinte à la personnalité à la dignité
ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne, afin de mettre en péril l’emploi de celleci
ou dégrader le climat de travail »(82).

Cependant, la loi ne réprime le harcèlement moral que depuis la loi de modernisation sociale
du 17 janvier 2002. L’article L. 1152-1 du Code du travail consacre la définition du
harcèlement moral selon le fait qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de
harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de
travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Cette définition peut sembler
incomplète par l’absence de la définition des « agissements ». La jurisprudence a comblé cette
lacune en donnant à plusieurs reprises l’exemple des comportements pouvant être
caractéristiques de harcèlement moral. Pour autant, il est impossible de donner une liste
complète de ces comportements tant la variété des situations est grande. Il est cependant
possible d’affirmer l’existence de certains comportements types caractérisant une pratique de
harcèlement moral. Ainsi, l’employeur a pu être sanctionné pour harcèlement moral lors
d’isolement d’un salarié(83), d’une déqualification du travail de celui-ci(84) ou encore en cas de
privation de moyens d’actions(85), de violences(86), d’humiliations(87), de brimades(88) et d’abus de
pouvoir disciplinaire(89).

Il est également important de préciser que la dégradation des conditions de travail ne se
traduit pas nécessairement par un arrêt de travail du salarié, même si elle ne prend souvent la
forme. De même, la dégradation de l’état de santé du salarié peut être constatée par des
« certificats et attestations décrivant une souffrance secondaire à une maltraitance sur le lieu
de travail »(90). Ainsi, l’effet du harcèlement moral sur le salarié s’apprécie « in abstracto »
comparativement à la situation de traitement admissible par un salarié ordinaire.

Le harcèlement moral constituant avec le harcèlement sexuel les deux formes d’une pratique
illicite, le salarié victime dispose d’un droit de poursuivre l’employeur fautif de tels
comportements (Chapitre 2).

76 Ancien art. L. 122-46 du C. trav.
77 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002.
78 Ancien art. L. 1153-1 du C. trav.
79 « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ».
80 Décision n°2012-240 QPC du 4 mai 2012.
81 Loi n° 2012-954 du 6 août 2012.
82 Marie-France Hirigoyen, « Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien », Editions Syros, 1998.
83 Voir notamment Cass. soc., 17 juin 2009, n°07-43.947 ; Cass. soc. 10 novembre 2009, Dr. soc. 2010, p. 111.
84 Cass. soc., 27 octobre 2004, Dr. soc., 2005, p. 100, obs. C. Roy Loustaunau ; Cass. soc. 19 mai 2009, n°07-
41.084.
85 Cass. soc., 23 mars 2011, n°09-68.147.
86 Cass. soc. 22 mars 2007, n° 04-48.308 ; Cass. soc., 6 avril 2011, n° 09-71.170.
87 Cass. soc., 8 juillet 2009, n°08-41.638 ; Cass. soc. 18 janvier 2011, n°09-42.481.
88 Cass. soc., 19 janvier 2011, n°09-67.463.
89 Cass. soc., 22 mars 2007, précité ; Cass. soc., 19 mai 2009, n°07-41.084.
90 Cass. soc., 3 novembre 2010, n°09-42.360.

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