Le régime d’indemnisation des CatNat serait plus efficace si une objectivisation de la procédure d’indemnisation était mise en place (A), et suivie de mesures complémentaire rationalisant le dispositif (B).
A- L’objectivisation de la procédure
Au lendemain de la tempête Xynthia(136), le Président de la République, Nicolas Sarkozy a souligné la nécessité de mettre en place une meilleure « culture du risque ». Si le régime d’indemnisation des CatNat repose sur de « robustes fondamentaux »(137), force est constater que la tempête Xynthia et la sécheresse de 2003 ont engendré un retour d’expérience de nature à engendrer une réflexion globale sur le régime et son fonctionnement.
Les principales difficultés du régime sont un manque de transparence manifeste encadrant sa mise en oeuvre. L’origine est duale : l’Etat fixe la liste des événements entrant dans le champ d’application de la loi du 13 juillet 1982 au cas par cas, selon un cadre juridique peu précis et le principe de solidarité nationale tend à occulter les efforts à entreprendre quant à la prévention des risques.
D’une part, le régime est à péril non-dénommés, il n’existe pas de définition ou de liste des périls étant considérés de facto comme catastrophe naturelle, ouvrant droit à indemnisation. Il n’existe aucun critère scientifique permettant l’octroi automatique du statut de catastrophe naturelle à un événement naturel survenu. L’étude d’impact du projet de loi portant réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles de mars 2012, prévoit notamment deux pistes de réflexion en vue d’objectiviser la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Par voie réglementaire, serait fixée une liste limitative des périls et calamités naturelles, entrant dans le champ d’application du régime. La liste serait fixée par un décret du Conseil d’Etat et intégrerait les évènements suivants :
– Avalanches
– Inondations par débordement de cours d’eau,
– Inondations par ruissellement,
– Coulées de boues et laves torrentielles,
– Inondations consécutives aux remontées de nappes phréatiques,
– Inondations et chocs mécaniques liés à l’action des vagues,
– Inondations dues aux submersions marines,
– mouvements de terrain différentiels, consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols,
– vents cycloniques dans les départements et collectivité d’outre-mer,
– éruptions volcaniques,
– raz de marées,
– séismes.
La liste précitée aurait pour avantage principal de déterminer les événements « agents naturels » ouvrant a priori droit à indemnisation sous réserve que leur intensité soit considérée comme anormale(138). Le critère de l’intensité n’est qu’une donnée indicative pour le moment. Aussi, il est proposé dans le projet de réforme d’analyser chaque événement dénommé selon des paramètres et des seuils pré-évalués par type d’évènements. Ces données scientifiques seraient fixées par décret en Conseil d’Etat, et les seuils constitueraient des bornes au-delà desquels, l’évènement naturel se verra attribuer la qualité de catastrophe naturelle. Ces limites seraient de véritables outils d’analyse permettant de rationnaliser la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Le principe directeur de l’objectivisation de la reconnaissance de catastrophe naturelle est d’éviter les différences de traitement entre les communes ayant pourtant subi un même évènement climatique. En 2003, à la suite des épisodes de sécheresses intenses, environ 7 500 communes avaient effectué la demande de reconnaissance de catastrophe naturelle et seules 4000 l’ont obtenue. Cette procédure pourra améliorer les délais, et elle devrait être accompagnée de mesures complémentaires qui vont justement être détaillées dans la sous-partie suivante.
B- Les axes d’amélioration complémentaires
D’autre part, il est mis en exergue que des mesures complémentaires doivent être mise en oeuvre aux fins d’améliorer le régime. La FFSA, dans sa synthèse(139), préconise notamment le renforcement des politiques publiques de prévention, les assureurs l’estiment clairement insuffisante et occultée par la prépondérance conférée au volet indemnitaire.
Les pistes évoquées sont de quatre ordres :
– Les études de sol préalables seraient systématisées en cas de construction dans les zones exposées aux mouvements de terrain différentiels, liés à un phénomène préalable de sécheresse. Ceci aura pour effet d’améliorer l’adaptation des constructions aux terrains.
– Les biens situés en zone reconnue inconstructible ou en violation des règles administratives ad hoc et ad rem, seraient, de fait, exclus du champ d’application du régime des catastrophes naturelles. L’objectif de cette mesure est d’éviter au maximum le droit à indemnisation systématique en raison de la géographie et de l’exposition systématique d’un lieu à la survenance d’agents naturels d’intensité anormale.
– La création d’un observatoire national des risques naturels, visant à améliorer la connaissance et les études scientifiques relatives aux événements climatiques. Cet observatoire a effectivement été créé le 19 Janvier 2012 et contribue au pilotage et à la gouvernance de la prévention des risques, à l’échelon national.
– Le délai de déclaration de sinistre serait allongé jusqu’à 10 jours ouvrés, au lieu de 5 aujourd’hui. Cette mesure permet d’entériner des diligences moratoires déjà acceptées, par les assureurs en l’occurrence.
Ces propositions constituent les prémices d’une remise en question de l’application automatique de la solidarité nationale, il s’agit ici de la renforcer en responsabilisant les acteurs assurés et également de la pérenniser en améliorant la connaissance des phénomènes ouvrant droit à indemnisation.
Parallèlement, le rapport de la mission demandée par le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable à l’Inspection générale du développement et des Ponts et Chaussées recommandait fortement en 2005 que le littoral ouest voit ses digues renforcées. Le retour d’expérience de la tempête Xynthia, a permis de mettre en lumière l’urgence en la matière et le 16 mars 2010, le Président de la République Nicolas Sarkozy annonçait la création d’un Plan Digues. « Xynthia a mis en lumière l’état déplorable de l’ensemble du réseau national des digues, des 1 000 kilomètres de digues littorales et des 7 000 kilomètres de digues fluviales que compte notre pays (…) Et la réalité, c’est qu’au moins la moitié de ces ouvrages aurait aujourd’hui besoin d’être consolidée. Sur la base d’un coût moyen d’un million d’euro par kilomètre, notre retard d’investissement est entre 3 et 4 milliards d’euros. » Jean-Louis Borloo alors ministre du Développement Durable, a soutenu la création de ce plan de prévention des submersions marines et des crues rapides, dit « plan digues »dont le financement est assuré à hauteur de 40% par le fonds Barnier.
Cependant, il est utile de souligner que les axes d’amélioration de ce dispositif se focalisent sur la protection des biens – nommément assurés au titre du contrat d’assurance, et aucunement des personnes. Le dommage corporel quel qu’il soit, demeure exclu du régime. La solidarité nationale ne prend pas en considération les inégalités de garanties assurantielles entre les personnes. Cela est d’autant plus délicat à concevoir pour l’opinion publique dès lors que les derniers événements climatiques en France ont été meurtriers : Klaus a coûté la vie à 12 personnes en janvier 2009, en Février 2010 ; la tempête Xynthia a ôté la vie à 53 personnes, et 25 personnes ont disparues en raison des inondations dans le Var de 2010 ; tout cela sans compter les nombreux blessés qui n’ont pas été indemnisés de leurs préjudices corporels par un régime uniforme.
A défaut d’application du régime, la réparation des préjudices corporels est prise en charge par l’assurance maladie dans les conditions normales de remboursement des soins de santé, et les assurances de santé complémentaires ou individuelles accidents peuvent intervenir en complément si elles existent. Pourtant, il n’est pas prévu de réviser le régime afin qu’il tienne compte des préjudices de dommages corporels. Force est de constater que le Législateur n’estime pas ce risque comme prépondérant et de nature à impliquer la solidarité nationale.
Devant l’arlésienne de la réforme en France, il ne faut pas oublier le manque de convergence des régimes ou leur absence, dans les différents Etats. Les acteurs du secteur de l’assureur demeurent globalement très exposés aux risques catastrophiques, et l’existence de dispositifs similaires au dispositif français, qui montre ses limites, il ne palie pas l’exposition aux risques des assureurs. Les capacités disponibles ne sont pas forcément suffisantes afin de couvrir ces risques, ce qui a incité les assureurs à mettre en place depuis plus d’une décennie, un moyen de transfert des risques catastrophiques d’origine naturelle vers les marchés financiers (Chapitre 2)
136 Tempête survenue le 28 Février 2010
137 Etude d’impact du projet de loi portant réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, Mars 2012.
138 L.125-1 du code des assurances.
139 Synthèse de l’étude relative à l’impact du changement climatique et de l’aménagement du territoire sur la survenance d’événements naturels en France – Avril 2009.