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Section 2 : Lorsque les capitaux décès sont soumis à 757B du CGI

L’article 757 B du CGI, issu de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1999, soumet aux droits de succession, selon le lien de parenté entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré mais après un abattement de 30 500 € pour l’ensemble des bénéficiaires, les capitaux décès excédant cette somme.

Les dispositions prévues par cet article 757 B du CGI s’appliquent aux contrats d’assurance-vie souscrits après le 20 novembre 1991, elles ne concernent que les bénéficiaires à titre gratuit, et s’appliquent indifféremment aux contrats rachetables comme aux contrats non rachetables.

L’assiette de la taxation est constituée du montant brut des primes versées après le 70ème anniversaire de l’assuré.

S’agissant du montant brut des primes, il faut y entendre déduction faite des frais « d’entrée » ou « de chargement ».(20)

Pour les clauses bénéficiaires démembrées, l’assiette de la taxation est déterminée selon le barème prévu à l’article 669 du CGI.

Les modalités d’application de l’article 757 B du CGI sont énoncées par l’article lui-même :

« Les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 euros.

Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d’un même assuré, il est tenu compte de l’ensemble des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré pour l’appréciation de la limite de 30 500 euros. »

§ 1 – La fiscalité de 757 B du CGI avant le 9 juillet 2013

I ) La fiscalité du 757 B pour les clauses bénéficiaires démembrées

L’article 757 B du CGI met en place une fiscalité des clauses bénéficiaires démembrées applicable à partir de 30 500 € (A) ; mais cet abattement est réparti non pas par couple « usufruitier-nu-propriétaire » mais par quote-part (B).

A) Les modalités d’application de l’abattement de 30 500 € (depuis TEPA)

L’abattement mis en place par l’article 757 B du CGI est un abattement fixe qui n’est pas revalorisé chaque année.

Il s’impute sur la base taxable, à savoir le montant des primes versées après le 70ème anniversaire de l’assuré.

Il s’agit d’un abattement global, c’est-à-dire pour l’ensemble des contrats et des bénéficiaires de ces contrats. En d’autres termes, le nombre de bénéficiaires et de contrats est sans importance.

B) Prorata par quote-part

Lorsque plusieurs bénéficiaires sont désignés, l’abattement est « réparti entre tous les bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les primes taxables »(21). Toutefois, il n’est pas tenu compte de la part revenant aux personnes exonérées de droits de mutation par décès.

Exemple(22) : « Liquidation des droits de succession en présence d’un contrat d’assurance-vie.

M. X, âgé de plus de soixante-dix ans, a souscrit en 2004 plusieurs contrats :

– le 20 janvier, un contrat à prime unique de 60 000 € au profit de son fils Paul ;
– le 15 juin, un contrat à prime unique de 40 000 € au profit de sa femme Caroline ;
– le 10 septembre, un contrat à prime unique de 70 000 € au profit de sa fille Marie.

Il décède le 1er novembre 2008.

Les capitaux dus par les assureurs s’élèvent à :

66 000 € au profit de Paul ;
42 000 € au profit de sa femme Caroline ;
72 000 € au profit de Marie.

Pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, il convient de retenir toutes les primes versées par M. X dès lors que les contrats ont été souscrits après le 20 novembre 1991 et que l’intéressé avait plus de soixante-dix ans lors de leur versement. Toutefois, comme l’un des bénéficiaires est le conjoint survivant, il convient de retirer les primes versées par M. X pour son conjoint. Celui-ci est en effet exonéré de mutation par décès depuis le 22 août 2007.

Primes imposables : 60 000 € + 70 000 € = 130 000 €

L’abattement de 30 500 € doit être réparti entre les différents bénéficiaires, en fonction de leur part dans les primes imposables.

Lorsque la clause bénéficiaire est démembrée, que l’usufruitier désigné est le conjoint survivant et les enfants nus-propriétaires dans ce cas seuls les enfants, non exonérés de droits de succession, bénéficieront de l’abattement et se le partageront en application de la réponse ministérielle Le Nay de 2008 qui énonce qu’ : « en cas de pluralité de bénéficiaires, il n’est pas tenu compte de la part revenant aux personnes exonérées de droits de mutation par décès, pour répartir l’abattement visé à l’article 757 B du CGI entre les différents bénéficiaires ».

II) Abattement applicable en matière de droits de succession et représentation du bénéficiaire désigné

L’abattement mis en place par l’article 757 B du CGI au bénéfice des clauses bénéficiaires démembrées vient s’ajouter aux abattements déjà applicables en matière de droits de succession (A) ; toutefois, contrairement au droit des successions, la représentation ne se présume pas. Le bénéficiaire est taxé selon son degré de parenté avec l’assuré (B).

A) Abattements applicables en matière de droits de succession

Les abattements prévus pour les transmissions en ligne directe, entre frères et soeurs, entre neveux et nièce et en faveur des handicapés s’appliquent.

Dès lors, les abattements prévus aux articles 779, 790 B et 790 D s’appliquent avant toute application de l’abattement de 30 500 €.

Ainsi aucune fiscalité n’est due par le bénéficiaire du contrat lorsqu’il est :

– le conjoint survivant de l’assuré décédé,
– le partenaire de PACS de l’assuré décédé,
– le frère ou la soeur de l’assuré décédé lorsque deux conditions sont remplies :

– âgé de plus de 50 ans ou atteint d’une infirmité le mettant dans l’incapacité de subvenir par son travail aux nécessités de l’existence,
– a été domicilié chez l’assuré constamment pendant les 5 années précédent le décès de l’assuré.

B) La représentation ou l’absence du bénéficiaire

Pour l’application des abattements la représentation ne se présume pas en matière de droit des assurances contrairement au droit des successions.
De même sur le plan fiscal la représentation ne se présume pas.

En conséquence, le bénéficiaire d’une assurance-vie soumis aux dispositions de l’article 757 B du CGI, est taxé selon son degré de parenté avec l’assuré sans considération du fait qu’il soit en représentation de son ascendant ou non.(23)

La représentation en matière d’assurance-vie est déterminée par la clause bénéficiaire.

Deux cas de figure sont possibles : soit la clause bénéficiaire détermine un bénéficiaire dans ce cas pas de représentation possible, soit la clause bénéficiaire prévoit qu’en cas de décès du bénéficiaire se sont ses héritiers qui en bénéficieront. Dans ce second cas, les capitaux décès ne sont pas réintégrés dans l’actif successoral du défunt.

Dans son rescrit du 28 septembre 2010 n° 2010/58(24) l’administration fiscale énonce que lorsqu’ « un petit-fils vient à la succession de son grand-père décédé par représentation de son père prédécédé et qu’il est par ailleurs également bénéficiaire, à titre personnel, d’un contrat d’assurance-vie souscrit par son grand-père, il y a lieu de procéder à une « double liquidation » :

– application de l’abattement prévu pour les enfants […] sur la part attribuée par succession en représentation du fils prédécédé,
– application de l’abattement prévu […] à défaut d’un autre abattement applicable sur les sommes versées à raison d’un contrat d’assurance-vie et imposées en vertu des dispositions de l’article 757B du CGI.

En revanche, lorsqu’un petit fils vient à la succession de son grand-père par représentation de son père prédécédé, lequel était également unique bénéficiaire désigné d’un contrat d’assurance-vie souscrit par le grand-père, il n’y a pas lieu de procéder à une « double liquidation ».

En effet, dans ce cas de figure, dès lors que le contrat d’assurance-vie ne prévoit pas de bénéficiaire déterminé autre que le père prédécédé, « les sommes viennent de fait s’ajouter à l’actif successoral […] et sont imposées selon les règles de droit commun applicables aux successions ».

En conséquence, pour éviter que les capitaux décès ne viennent s’ajouter à l’actif successoral du défunt et qu’ils soient transmis aux héritiers du prédécédé. La majorité des clauses bénéficiaires prévoient cette éventualité en précisant « … à défaut mes héritiers » ainsi ces « héritiers » sont considérés comme des bénéficiaires déterminés du contrat.

§ 2–La fiscalité de 757 B après le 9 juillet 2013

Le 9 juillet 2013 la base de données du BOFIP a été mise à jour concernant les modalités d’impositions des contrats d’assurance-vie soumis au régime de l’article 757 B du CGI en présence d’une clause bénéficiaire démembrée : s’agit-il d’une nouvelle fiscalité ? (I) ; quelles sont les conséquences de ce changement ? (II)

I) Une nouvelle fiscalité de l’article 757 B ?

Faut-il voir dans la mise à jour de la base de données une nouvelle définition du redevable telle que retenue pour l’article 990 I du CGI ? (A) ; toutefois, la mise à jour confirme officiellement la proratisation de l’abattement (B).

A) Le redevable : le couple « usufruitier/nu-propriétaire » ?

En présence d’une clause bénéficiaire démembrée l’usufruitier comme le nu-propriétaire sont considérés comme bénéficiaires au prorata de la part revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées, déterminées selon le barème prévu à l’article 669 du CGI. Toutefois, l’article 757 B met en place un abattement par assuré et non par bénéficiaire. Dès lors, l’idée de voir dans l’usufruitier et le nu-propriétaire un « couple usufruitier / nu-propriétaire » n’est pas envisageable compte tenu des modalités d’application de l’abattement.

Par son écrit du 9 juillet 2013 l’administration fiscale rappel sa position sur le calcul de l’abattement en présence d’une clause bénéficiaire démembrée. Il s’agit de proratiser l’abattement non en fonction de la quote part détenue par les bénéficiaires mais en fonction de l’article 669 du CGI.

Ce rappel opéré par l’administration fiscale ne fait que confirmer le traitement fiscal dérogatoire du droit commun de la clause bénéficiaire démembrée.

B) Un prorata de l’abattement par application de l’article 669 du CGI

Cette proratisation de l’abattement en présence d’une clause bénéficiaire démembrée confirme la volonté du législateur de ne plus faire de la clause bénéficiaire démembrée cet outil de gestion de patrimoine si performant et attractif qu’il était à ses débuts. Le législateur tente de circonscrire les avantages de la clause bénéficiaire démembrée pour ses bénéficiaires.

Toutefois, le conjoint survivant en application de la loi TEPA du 21 août 2007 l’exonère de droits de mutation à titre gratuit. En conséquence, malgré cette proratisation de l’abattement rappelée un peu plus officiellement le 9 juillet 2013, mais il n’y a aucune incidence à l’égard du conjoint survivant qui reste exonéré du paiement de droits de mutation à titre gratuit.

II) Les conséquences de cette prise de position

La mise à jour du 9 juillet 2013 laisse-t-elle penser que le législateur souhaite aligner l’article 757 B du CGI sur l’article 990 I du CGI ? (A) ; malgré une absence de conséquences cette prise de position peut laisser présager des évolutions (B).

A) Une volonté d’alignement avec 990I du CGI ?

La réponse Tardy du 29 juin 2010(25), répond à la question de savoir s’il ne serait pas judicieux d’aligner le régime de 757 B sur celui de 990 I quant au fait de fiscaliser les usufruitiers ?

A cette question la ministre de l’économie répond que ces deux régimes celui du 757 B et du 990 I ne peuvent être comparés.

Tout d’abord 990 I instaure un prélèvement sui generis après un abattement de 152 500 € qui s’applique sans tenir compte de la qualité du bénéficiaire, des sommes et donc du lien de parenté existant entre le bénéficiaire et l’assuré. De plus, la finalité de l’article 990 I du CGI vise à favoriser la transmission de l’épargne. Tandis que les dispositions de l’article 757 B du CGI soumettent aux droits de mutation à titre gratuit les sommes, rentes ou valeurs supérieures à 30 500 €. Par ailleurs, 757 B du CGI s’applique en tenant compte de la qualité du bénéficiaire c’est-à-dire en tenant compte du lien de parenté unissant l’assuré et le bénéficiaire et ainsi y appliquer les abattements afférents ( exemple : abattement de 100 000 € entre parents et enfants).

Enfin un alignement des deux articles n’est pas envisageable compte tenu du fait que 757 B du CGI vise principalement à dissuader les assurés de faire à un âge avancé des versements importants dans le seul but d’éviter l’impôt.

Pour conclure, bien que cette proratisation de l’abattement puisse être interprétée comme un signe en faveur d’un rapprochement des deux articles il n’en demeure pas moins que ce rapprochement voir cet alignement de l’un sur l’autre est inenvisageable car fondamentalement différents.

B) Une absence de conséquence pratique mais des évolutions envisageables

L’article 757 B du CGI ne met en place aucune procédure quant au report ou non d’abattement à la différence de l’article 990 I du CGI qui refuse tout report d’abattement non consommé. En conséquence, pour légaliser une pratique courante des entreprises d’assurance, la réponse ministérielle Le Nay du 8 juillet 2008 est venue préciser que l’abattement non consommé par une personne exonérée de droits de mutation pourra bénéficier d’un report au profit des autres bénéficiaires à savoir les nus-propriétaires.

La proratisation de l’abattement selon le barème de l’article 669 du CGI ne change pas cette possibilité de report. Dès lors, lorsque l’usufruitier est le conjoint survivant ou le partenaire de PACS et les enfants nus-propriétaires, ils payeront une fiscalité équivalente à celle qu’ils auraient payée avant le 9 juillet 2013. Toutefois, c’est uniquement lorsque l’usufruitier n’est pas une personne exonérée de droits de mutation que cette proratisation de l’abattement va jouer un rôle défavorable à l’égard des nus-propriétaires.

Il est peut être envisageable qu’à l’avenir le législateur décide de faire tomber cet avantage fiscal accordé par l’article 757 B du CGI qui offre la possibilité de report d’abattement non consommé à l’instar de l’article 990 I du CGI. Ceci n’est qu’une hypothèse mais qu’il faut néanmoins garder à l’esprit.

III) Aperçu du traitement fiscal de la clause bénéficiaire démembrée en Belgique

En Belgique lors de l’attribution du bénéfice en usufruit à une personne et la nue-propriété à une autre, chacune d’elles sera redevable des droits de succession afférents à ce qu’elle reçoit sur la fondement d’un pourcentage basé sur l’âge de l’usufruitier.

A l’instar du démembrement français, c’est au décès de l’usufruitier que la pleine propriété sera reconstituée sur la tête du nu-propriétaire sans droits de succession.

En application de l’article 21 du Code des successions belge l’assiette taxable sera déterminée :

« Par dérogation à l’article 19, la valeur imposable des biens dépendant de la succession est déterminée ainsi qu’il suit :
(…) V. Pour les rentes et autres prestations viagères constituées sur la tête d’un tiers, par la multiplication du montant annuel de la prestation par le nombre :
– 18, si celui sur la tête de qui la rente est créée a 20 ans ou moins ;
– 17, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 20 ans sans dépasser 30 ans ;
– 16, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 30 ans sans dépasser 40 ans ;
– 14, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 40 ans sans dépasser 50 ans ;
– 13, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 50 ans sans dépasser 55 ans ;
– 11, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 55 ans sans dépasser 60 ans ;
– 9,5, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 60 ans sans dépasser 65 ans ;
– 8, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 65 ans sans dépasser 70 ans ;
– 6, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 70 ans sans dépasser 75 ans ;
– 4, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 75 ans sans dépasser 80 ans ;
– 2, si celui sur la tête de qui la rente est créée a plus de 80 ans.
VI. Pour l’usufruit constitué sur la tête d’un tiers, par le revenu annuel des biens calculé au taux de 4 % de la valeur de la pleine propriété multiplié par le nombre indiqué sous le numéro V. ».

Dans leurs rapports civils, rien n’empêche usufruitiers et nus-propriétaires d’évaluer économiquement leurs droits, par exemple, sur la base du barème Ledoux, et ainsi de pouvoir s’extraire du barème légal applicable pour déterminer une assiette taxable.

Exemple du barème Ledoux :

Une fois l’assiette des droits de chacun déterminée fiscalement sur base de ce barème, il est fait application du barème des droits de succession pour chacun d’eux, en fonction de son lien de parenté avec l’assuré.

Le démembrement de la clause bénéficiaire offre donc un avantage fiscal en interrompant la progressivité des droits de succession et en les portants sur plusieurs têtes.

En conclusion, la clause bénéficiaire démembrée belge offre une autre façon d’évaluer le démembrement. Toutefois, elle ne présente pas d’intérêt fiscal puisque usufruitier et nu-propriétaire sont soumis aux droits de succession.

IV) Conclusion générale sur la fiscalité des capitaux décès

Tableau récapitulatif de la fiscalité due sur les capitaux par le(s) bénéficiaire(s) en cas de décès du souscripteur assuré (hors conjoint qui est exonéré).

20 Rép.min. Didier JOAN 20octobre 2009.
21 Rép.min. Le Nay JO AN 8 Juillet 2008.
22 Annexe 2 exemple 2 BOI 7 G-7-07.
23 BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20, p7 § 240.
24 BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20, p7 § 270.
25 Rép.Tardy : AN 29 juin 2010 p.7290 n° 68794.

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