Le législateur introduit une dérogation à l’absence de garantie du suicide avec les
alinéas 3 et 4 de l’article L132-7 du code des assurances. Ce qui va à l’encontre du
respect des aléas technique et moral étudiés précédemment. La motivation du législateur
est sociale, c’est à dire que le législateur entend protéger le logement où réside principalement
l’assuré. Ce qui compte est l’affectation du logement en vue duquel le prêt
finançant l’acquisition a été souscrit. (51) Cette résidence peut comme le soulève l’auteur
être destinée à servir de résidence principale au moment de la souscription et ne plus
l’être par la suite et à l’inverse ne peut concerner une résidence acquise à titre locatif et
devenant par la suite résidence principale. L’auteur estime en outre qu’« il en va ainsi
que l’assuré soit celui qui est resté dans le logement ou même quitté ». Ce qui semble
indiquer une prise en charge de l’assurance par tête. Nous retrouvons la dimension
sociale du texte. Celui-ci n’est pas sans rappeler l’article 215 du code civil qui dans
troisième alinéa dispose : « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits
par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est
garni ». Car ainsi qu’il ressort d’une décision rendue par la première chambre civile de la
Cour de cassation le 19 octobre 1999 (52) un immeuble servant de résidence secondaire ne
constitue pas le logement de la famille, qui reste la résidence principale. L’article L132-
7 du code des assurances confirme la volonté du législateur de protéger le logement où
l’assuré est amené à vivre, celui en dehors duquel il se retrouve sans logis. Ce qui ne
serait pas souhaitable socialement. Le législateur donne donc priorité au logement de
l’assuré sur la protection de l’aléa. C’est cependant oublier que l’assuré peut souscrire
en vue de l’acquisition d’un logement destiné à être la résidence principale de la famille
et ainsi mettre sa famille hors du danger de l’absence de logement.
Nous devons souligner cependant que si l’alinéa 3 de l’article semble protecteur,
l’alinéa 4 vient cependant recadrer les contrats de prêts souscrits pour financer l’acquisition
du logement principal, puisque la garantie est limitée au plafond de 150 000
euros. C’est donc bien une somme destinée à mettre la famille de l’assuré, du moins
les bénéficiaires à l’abri financièrement et leur garantir un toit, mais pour un montant
raisonnable. Il faut rappeler que ces dispositions ont été insérées dans le code des assurances
à l’occasion de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits
du conjoint survivant. C’est en voulant favoriser les droits du conjoint survivant qu’ont
été prises diverses dispositions. Étudier une loi nécessite de se pencher sur les travaux
préparatoires afférant à l’adoption de celle-ci. Et il ressort des travaux préparatoires de la
loi précitée que « l’objectif poursuivi par l’auteur de l’amendement doit être approuvé.
Le suicide d’un époux peut en effet placer le conjoint survivant dans une situation très
difficile, principalement dans le cas des assurances-décès liées à la souscription d’un
emprunt pour l’acquisition d’un bien immobilier. Si l’assurance argue d’un suicide pour
ne pas rembourser la banque, le conjoint survivant peut se trouver dans l’impossibilité de
régler les mensualités afférentes au prêt et être privé du domicile conjugal. » (53) Il ressort
donc clairement de ces justifications une finalité sociale, visant à protéger l’habitat de
l’assuré, sujet sensible politiquement car relatif susceptible de déstabiliser le foyer de
l’assuré.
Notons que la loi du 3 décembre 2001 est relative aux droits du conjoint survivant et
des enfants adultérins. C’est à l’occasion de cette loi que la dérogation a été insérée. Ce
qui est attendu relativement à l’esprit de cette loi. Non prévue dans la proposition de loi,
c’est en première lecture, à l’Assemblée nationale que cette protection a été envisagée
par les députés. (54) L’auteur précise d’ailleurs que la limite de la garantie réside dans son
objet. En effet ne sont pas garantis dès la souscription du contrat les contrats emprunteurs
souscrits de manière individuelle. C’est comme le résume le professeur Beigner une
manière de « gérer avec humanisme les conséquences du suicide. » (55) C’est d’ailleurs en
tant qu’« amendement des veufs » que la disposition a été retenue par les juristes.
Il convient maintenant d’étudier les remèdes aux lacunes relatives au suicide en droit
des assurances.
51. J. BIGOT (dir.), op. cit.
52. Cass. civ. 1ère, 19 oct. 1999, n° 97-21466, Bull. civ. I, n° 284
53. Rapport n° 378 (2000-2001), de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des lois, déposé le
13 juin 2001
54. Professeur Hubert Groutel, RCA 2002 Repère 1
55. B. BEIGNIER, op. cit., n° 218