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Section 2 – Outils de gestion automatisée développés par les assureurs pour répondre à cette obligation – l’arbitrage automatique

Est-ce l’aggravation régulière des devoirs d’information, de conseil et de mise en garde des
assureurs qui les ont incités à mettre en place des outils de gestion automatisée des
arbitrages ? Il semble plutôt qu’ils aient souhaité mettre en avant des arguments commerciaux
pour favoriser la souscription de nouveaux contrats, afin d’apporter un contrepoids à la
grande incertitude engendrée par les unités de compte en termes de rentabilité des contrats
multisupports.

§ 1 – Les outils proposés

Le marché offre une diversité d’options attachées aux contrats d’assurance tendant à sécuriser
l’investissement. Il s’agit d’une véritable automatisation des solutions de gestion en “bon père
de famille”, qui fait écho aux besoins identifiés du marché. Ces formules permettent à
l’assureur de communiquer sur les enjeux et d’offrir à la souscription des solutions adaptées
aux moins avertis et disponibles des clients. Le souscripteur paramètre lui-même la gestion de
son épargne tout en garantissant la réactivité des opérations souhaitées.

A/ Les options contractuelles simples

Les options contractuelles suivantes tirent avantage des caractéristiques de l’assurance vie
multisupport en ce qu’elles optimisent les avantages des caractéristiques des unités de compte.
– options d’entrée progressive sur les marchés : l’ « investissement progressif » ou
« transferts programmés » permet d’entrer progressivement sur les marchés actions,
profiter du potentiel de performance des marchés financiers, tout en lissant le risque de
marché : pour éviter de tout investir au pire moment, ce que l’on ne sait que
rétrospectivement. L’important est donc d’investir régulièrement. La prime sera tout
d’abord affectée à une unité de compte sécuritaire de court terme, donc peu exposée.
Ensuite, et progressivement (par exemple trimestriellement), elle sera arbitrée vers une
unité ou plusieurs unités de compte plus dynamique(s), des supports de long terme
exposés aux marchés. Cet étalement dans le temps des acquisitions de parts permet
d’accompagner l’évolution des marchés, à la hausse comme à la baisse, et d’obtenir un
“prix d’achat” moyen sur la durée de l’option (d’une année ou deux).

Pour un exemple de communication à propos de cette option :
Un schéma explicite publié182 sous le titre « Quels arbitrages pour votre contrat-vie »
suffit à illustrer l’avantage d’une telle option, dont il est permis d’estimer que c’est « la
seule option qui fonctionne, quelle que soit la configuration de marché : en
investissant en bas de cycle, vous achetez plus d’unités de compte. Quand la Bourse
remonte, vous bénéficiez d’un effet de levier : le nombre d’unités de compte augmente
la rentabilité finale.» :
– la « dynamisation des intérêts »: il s’agit de cantonner les seules plus-values déjà
acquises aux unités de compte risquées : les intérêts crédités sur le support libellé en
euros sont réalloués, en totalité ou en partie, sur d’autres unités de compte choisies.
Cette opération est généralement réalisée, au début de chaque année, après
l’affectation au contrat de l’éventuelle participation aux bénéfices. Le nombre de parts
des unités de compte augmente ainsi régulièrement, ce qui permet d’accroître la
performance du contrat pendant les périodes de hausse de celles-ci, tout en protégeant
la valeur de la prime versée sur le la poche euro. La répartition initiale entre le support
libellé en euros et les unités de compte d’un contrat évolue dans le temps en fonction
des performances de chacun des supports.

Cette option permet de rétablir automatiquement et périodiquement (chaque trimestre,
semestre ou année) la répartition prévue, au risque toutefois que l’arbitrage sur la
bourse n’intervienne pas nécessairement au meilleur moment. (Pour compenser ce
dernier inconvénient, cette option pourrait être utilement couplée avec un
investissement progressif.)
– « rééquilibrage de l’épargne » : cette option permet au fil du temps de maintenir
constamment la même proportion d’unités de compte sur tels types d’actifs que ceux
choisis lors de l’allocation initiale de la prime, afin de « conserver la répartition
d’origine en procédant à des rééquilibrages réguliers ». L’article183 précise que « c’est
une option qui ne peut s’apprécier qu’à long terme. Surtout, elle est plus favorable à
l’épargnant dans une optique de marché haussier, puisque les plus-values dégagées
par les supports actions seront réinvesties en faveur du fonds en euros du contrat.
Cette option est généralement moins appréciée dans un contexte de marché baissier,
alors que les intérêts du fonds en euros servent à alimenter les supports en actions. »
– « sécurisation des plus-values » ou « écrêtage », option de nature défensive : dès lors
que la plus-value des unités de compte concernées par cette option atteint un certain
seuil (de l’ordre d’un dixième), il est procédé automatiquement à la cession du nombre
de parts correspondant à ce gain puis à l’acquisition, pour le même montant, de parts
du support libellé en euros.
in lerevenu.com par Arnaud LELONG sous le titre « Quels arbitrages pour
votre contrat-vie » précité
– Le « stop loss » : l’option « limitation des moins-values » permet au souscripteur de
définir un seuil de moins-value en deçà duquel les capitaux restants sont
automatiquement transférés vers un support sécurisé afin de limiter les pertes. Il
conviendra que l’intermédiaire (ou l’assureur) attire l’attention du souscripteur sur la
conséquence d’un tel retrait, qui concrétise les pertes qui n’étaient que fictives.
– la gestion à horizon : la répartition entre les classes d’actifs se fait selon un schéma
dépendant de l’âge du souscripteur, très risquée au début puis de plus en plus
sécuritaire lorsque le contrat arrive à son terme.
183 (Arnaud LELONG, Le revenu.com, précité)

Plus l’issue se rapproche, plus le capital est réinvesti dans des supports sûrs comme le
fonds en euros. Le schéma semble intéressant, notamment pour un souscripteur
n’ayant pas l’intention d’exercer son droit de rachat. Toutefois, « il est tout à fait
possible que l’option joue à contretemps : avoir beaucoup investi en actions alors que
leur valeur chute, puis dans des placements plus sûrs alors que la valeur des actions
remonte. »

B/ Les options assises sur l’actif de la compagnie

– options en cas de décès du souscripteur : les contrats proposent presque
systématiquement une garantie plancher permettant au bénéficiaire du contrat en cas
de décès de recevoir un capital au moins égal au cumul des primes versées, quel qu’ait
été le sort du contrat suite aux allocations qui auront pu être choisies. Il s’agit d’une
forme de garantie contre le risque de perte lié aux marchés financiers, dont les frais se
cumulent souvent avec les frais de gestion du contrat. Plusieurs formules coexistent :
le plancher équivaut aux primes versées diminuées du montant des éventuels rachats,
avances et intérêts, ou peut être indexée pour une réévaluation annuelle, elle peut
encore égaler la plus haute valeur atteinte au cours du contrat (on l’appelle cliquet)
Certains contrats offrent parfois au client d’en déterminer librement le montant à la
souscription de la garantie moyennant la facturation de frais couvrant la provision
mathématique dans les comptes de l’assureur.
– “variable annuities” : citons enfin l’exemple de ces produits en plein développement
qui, bien que grevés de lourds frais, sont parfois proposés au souscripteur en
alternative aux fonds en euros, notamment dans une perspective de retraite : ils
permettent, outre l’arbitrage des unités de compte, des garanties de gain sans regard de
l’évolution des marchés. Cette option permet un complément de revenus, versé sous
forme de rachats partiels puis de rente viagère une fois consommé le capital du contrat
d’assurance vie, ou encore la mise en place d’un effet cliquet. Elle mobilise les fonds
propres de l’entreprise d’assurance puisqu’elle est assise sur l’actif général de la
compagnie.

§ 2 – Limites de la formule

A/ Des produits commerciaux répondant à l’obligation de conseil

La possibilité offerte au client de souscrire ces garanties permet d’alléger la charge de conseil
de l’assureur dans la mesure où elles correspondent à la fois à la désignation par le
souscripteur de certains de ses besoins (plus ou moins de sécurité, une vision à plus ou moins
long terme, la nécessité de se faire seconder pour les options d’arbitrage, etc.) et leur offrent
une première réponse.

B/ Des solutions qui ne libèrent pas l’assureur de son obligation de conseil dans le temps

Ceci ne dédouane cependant pas la compagnie de son obligation d’établir le diagnostic avec
son client et d’apporter les informations formelles exigées par la loi (notamment la
valorisation périodique des unités de compte en cours de contrat).
Par ailleurs, cela reporte la responsabilité de l’assureur sur ces “produits”, ces garanties devant
faire l’objet à la fois d’une information claire quant à leur teneur et à leurs limites, et d’une
parfaite exécution. Quant à l’opportunité de faire souscrire de telles options, la question
demeure sur l’existence d’une obligation de dissuasion contractuelle.
Surtout, cela répond-il à l’obligation de conseil que découvre la jurisprudence ? Outre ces
options offertes à la souscription, les assureurs (ou leurs délégués dans la gestion) ont déjà
pris les devants en offrant des options de conseils automatisés adressés par email ou SMS aux
souscripteurs, dès lors que la situation du contrat évolue au-delà de certains seuils –
essentiellement quant à la valorisation des unités de compte -. Cet outil permet au souscripteur
de mettre en oeuvre des conseils d’arbitrage. Cela ne le dispense pas, pour autant, d’avoir à se
tenir informé de l’évolution de la situation de son client et d’avoir à évaluer si ces options sont
en adéquation avec les informations qu’il aura reçues de lui.
En définitive, si l’assureur porte la responsabilité de délivrer une information précontractuelle
formalisée au prospect, puis une information contractuelle régulière, il doit également
s’assurer d’avoir été compris de son client et d’adapter à la fois son langage et ses offres à la
situation concrète du souscripteur : on ne saurait que lui conseiller d’être attentif à recueillir et
analyser les besoins de celui-ci pour lui offrir des outils d’arbitrage et des options susceptibles
de soulager chacun dans son rôle (l’assureur dans son rôle de conseiller et le souscripteur
d’arbitre) et de régulièrement vérifier l’adaptation de ses engagements à l’évolution de la
situation du client.
Mais quelle gageure ! Les outils informatiques tels les logiciels de CRM (gestion de la
relation client) viendront utilement à l’aide de l’assureur afin de déterminer les situations où le
conseil – devrait-on dire la compétence technique en dialogue avec le client – devra reprendre
le relais… Ce dont les assureurs ne manqueront pas de saisir l’occasion pour offrir à la
souscription de nouvelles formules d’assurance.
Après avoir envisagé la responsabilité portée par les professionnels quant à l’information et au
conseil qu’ils doivent délivrer pour assurer le consentement éclairé du souscripteur à
l’arbitrage, il convient d’envisager celle induite par la mise en oeuvre de cette faculté.

(182 Arnaud LELONG, lerevenu.com)

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