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Section 2 – prise d’une mesure de précaution par le législateur

ADIAL

Le législateur se positionne en amont du suicide avec la volonté de refuser la garantie
du contrat d’assurance en cas de suicide et en aval quand il applique la sanction que
constitue l’absence de garantie du suicide. Car si le législateur a su évoluer et opté pour
un compromis en 2001 avec la garantie du suicide passé le délai d’un an, il n’en reste
pas moins conditionné par la mentalité de 1930. Le suicide avait alors fait l’objet de
moins d’études qu’aujourd’hui. Les préjugés étaient plus marqués et la suicidologie non
développée. Tout au plus disposait-on de l’oeuvre de Durkheim, « le suicide » publié
en 1897. Cette oeuvre aura contribué à faire connaître le suicide et à s’interroger sur
ses causes, mais l’auteur étant sociologue ne se penche pas sur les causes médicales,
son but étant d’exposer les causes sociales du suicide. Durkheim est interrogé sur ce
phénomène social et dégage quatre types de suicides : le suicide fataliste réalisé par
les individus dont l’avenir semble sans issue, victimes de l’excès de réglementation, le
suicide altruiste au moyen duquel l’individu trop intégré à au groupe se sacrifie à des fins
sociales. Le suicide égoïste est vécu par des individus qui n’ont pas su s’intégrer dans les
groupes sociaux. Le suicide anomique concerne les sujets dont les désirs ne rencontrent
plus de limites, l’anomie étant « le mal de l’infini ». Durkheim distingue deux anomies.

La première, aiguë, qui se rencontre dans certaines circonstances, ce peut être une crise
économique avec un déséquilibre entre les besoins des individus et leur nouveau niveau
économique ou une grande prospérité avec une brusque soif de besoins qui ne peuvent
être finalement satisfaits. La seconde, chronique, qui se rencontre dans le cas d’absence
de réglementation.

La suicidologie est une discipline qui relève de la médecine, de la psychopathologie
et de la sociologie. Son but est d’étudier les comportements suicidaires et leurs causes
en vue d’une meilleure prévention du suicide. Née aux États-Unis et importée en France
dans les années 1970, elle étudie l’épidémiologie du suicide, la sémiologie des comportements
suicidaires et en recherche les critères biologiques, cliniques, psychologiques et
sociaux. Il en résulte une « échelle d’intention suicidaire » de Beck en 1974. (99) Cette
volonté de comprendre le geste suicidaire pour mieux le prévenir va croissante mais
les juristes sont toujours septiques vis-à-vis des médecins qui considèrent le suicide
comme une maladie. Car le suicide est toujours perçu comme un acte de volonté. La
politique affichée de la prévention du geste suicidaire n’a guère qu’une dizaine d’années
en France. Le plus dur étant peut être de combattre les idées reçues, qui sont légion. (100)

Trois retiennent notre attention : « le geste suicidaire résulte bien d’un choix. Pour se
suicider il faut être courageux. Les personnes qui menacent de se suicider ne le font que
pour attirer l’attention ». Trois affirmations dont les auteurs expliquent l’inexactitude,
relevant que l’individu se suicide moins par choix que par souci d’en finir avec une
souffrance insupportable et que le suicide ne s’explique pas en termes de courage et de
lâcheté.

Au mieux pouvons-nous faire remonter la prévention du suicide durant la seconde
moitié du XXe siècle, la morale chrétienne stigmatisant le suicide comme un meurtre,
celui de sa personne. À noter une première avancée avec la dépénalisation de l’acte
suicidaire en 1810. Le suicide reste cependant un acte désapprouvé par la société et il
faut attendre le XXe siècle pour qu’il fasse l’objet d’études cherchant sa cause et ne se
bornant pas à un simple constat. Il est paradoxal d’ailleurs que l’opinion publique se soit
inquiétée de sujets moins mortifères, comme les accidents de la route, qui ne causent
trois fois moins de victimes que le suicide. Et encore ne prend on pas en compte le
nombre de tentatives de suicides ni d’hospitalisations liées qui s’élève pour ces dernières
à 90 000 par an. Car si le suicide intéresse les pouvoirs publics, ce n’est pas tant pour
comprendre les causes que d’éviter les coûts à la collectivité. Les docteurs D. Weber et
J. Védrinne font eux le parallèle avec la toxicomanie et relèvent que « le phénomène
suicide préoccupe peu les pouvoirs publics par rapport à d’autres manifestations apparemment
plus actuelles, mais infiniment moins mortifères, comme la toxicomanie ». (101)

Tout ceci illustre la méfiance du législateur. Méfiance qui l’avait conduit à rejeter une
proposition présentée en 1991 qui rendait obligatoire la couverture des décès par suicide,
tendant à supprimer l’article L132-7 du code des assurances concernant les risques
garantis par l’assurance vie en cas de décès par suicide (102). Celui-ci va bien au gré des
réformes successives illustrer sa capacité à prendre en compte les données nouvellement
intégrées, mais la démarche est lente et reste clairement insuffisante. La garantie du
suicide dans le cadre des assurances de groupe à l’occasion de l’acquisition du logement
de la famille souligne bien le souci de protéger le conjoint dans cette circonstance, mais
le législateur reste méfiant. Ce qui nous amène à souhaiter la rédaction d’un nouvel
article L132-7 du code des assurances.

99. J. POSTEL, Dictionnaire de la Psychiatrie, 2011
100. Voir annexe 3, Dossier La prévention du suicide, coordonné par le professeur Jean-Louis Terra, adsp
n° 45, numéro de décembre 2003
101. Voir annexe 3
102. Proposition de loi AN n° 2267, 9 oct. 1991

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