Le transport de marchandises fait partie intégrante du processus de la mondialisation de la production et du commerce qui a influencée l’échelle de l’activité économique et a contribué à la création d’une richesse très importante, il est donc un facteur de croissance économique.
Le transport d’une façon générale fournit la distribution vitale de la production ainsi que la mobilité essentielle des individus, en créant un lien direct entre les entreprises et les marchés mondiaux. Le transport est un élément clé de la croissance économique et de la compétitivité. Le transport est en fait l’un des aspects où le progrès technique s’est fait le plus ressentir. D’un autre côté le transport peut aussi être un frein à la croissance si l’on considère son impact sur l’environnement.
Les transports jouent un rôle de plus en plus important dans le développement des pays et sont un facteur déterminant des structures du commerce et de production et de l’intégration économique. Pour certains pays, ils constituent une source de revenue grâce à la fourniture de services de transport tel que le canal de Suez en Egypte. La participation au commerce mondial est de plus en plus déterminée par le type, la qualité et le coût des services de transport.
La mondialisation de l’économie a entrainé la mondialisation des processus de fabrication. Alors que les coûts de transport continuent à baisser, que les délais de livraison se réduisent et que leur fiabilité augmente, la production est de plus en plus éclatée. Si les produits continuent d’être conçus aux sièges des multinationales, leur assemblage et généralement réalisé dans plusieurs pays, avec des matériaux et des équipements importés de là où ils sont le moins cher et ont une meilleure qualité. Ce type de spécialisation surtout industrielle, est étroitement lié à l’évolution des transports et de la logistique. Il ouvre des perspectives aux pays en développement, mais fait aussi courir un risque d’exclusion pour les pays les moins avancés qui ne disposent pas de services de transport répondant aux exigences actuelles en matière de transport multimodal et de logistique.
Il faut tout de même signaler, que si la fourniture de services de transport influence le commerce et par conséquent la croissance économique, la réciproque est vraie : les échanges, en fonction de leur nature et leur volume, encouragent différents types de services de transport. Les transports sont donc devenus un élément à part entière du système mondial de production et de distribution.
En effet, il existe une forte corrélation négative observée entre le commerce et les coûts de transport qui illustre non seulement l’élasticité du commerce par rapport aux coûts de transport, mais aussi le rôle positif des économies d’échelle qui découlent de volumes d’échanges élevés et qui ont une forte influence positive sur les coûts de transport. Cette interaction s’explique par le fait qu’une bonne politique encouragera des services de transport appropriés, qui favorisent le commerce, lequel contribuera à son tour à l’amélioration des transports.
Diverses analyses ont constaté que l’accroissement de la qualité et la baisse des coûts des transports ont autant d’effet sur le commerce qu’une diminution des droits de douane et par conséquent ont engendré une accentuation de la mondialisation des achats de marchandises et de composants. Ces analyses ont aussi constaté que les accords de libre-échange, notamment celui de l’Union Européenne, créent davantage de nouveaux courants d’échanges ce qui fait de ces accords et de l’amélioration des services de transport et l’abaissement de leur coût à la fois une conséquence et un élément de la mondialisation.
La plupart des transports internationaux comprennent un parcours maritime, et la mondialisation a fait des transports maritimes une industrie extrêmement concurrentielle. Aujourd’hui, un navire peut être immatriculé dans un pays, avoir un propriétaire originaire d’un autre pays et un exploitant d’une origine encore différente. Il est tout aussi fréquent que les éléments du service de transport (assurances, matériel, équipages, réparations et certificats délivrées par les sociétés de classification) soient achetés dans un certain nombre de pays.
Selon une étude de la CNUCED, le secteur des transports a considérablement changé durant ces dernières décennies. Le transport international de marchandises s’effectue en faisant intervenir plusieurs modes de transport. Il existe peu d’information à propos de la proportion de marchandises concernées par le transport multimodal, néanmoins, les données relatives à l’évolution du trafic des conteneurs sont révélatrice dans la mesure où les conteneurs sont par définition acheminés selon plusieurs modes de transport.
Depuis l’apparition des conteneurs au milieu des années 60, le transport par conteneurs a enregistré une croissance exceptionnelle qui devrait se poursuivre pendant de très nombreuses années encore. Le transport multimodal apparaît de plus en plus comme un élément à part entière de services logistiques regroupant le transport, l’entreposage et la distribution ainsi que la gestion de l’information qui s’y rapporte.
Selon une étude de la CNUCED publiée en 2011(25) portant sur les transports maritimes, la capacité des ports à conteneurs en 2010 à l’échelle mondiale a augmenté de 13,3% selon les estimations pour atteindre 531,4 millions d’équivalents 20 pieds (EVP). L’indice de connectivité maritime réguliers de la CNUCED (Line Shipping Connectivity Index LSCI) montre que la Chine reste en tête des pays les mieux connectée ; elle est suivie par Hong Kong (Chine), Singapour et l’Allemagne. En 2010, le secteur du fret ferroviaire a progressé de 7,2% pour atteindre 9843 milliards de tonnes-kilomètres fret. Le secteur du fret routier a progressé de 7,8% en 2010 par rapport à l’année précédente avec des quantités atteignant 9721 milliards de tonnes-kilomètres.
Après le marasme de 2009 (-13,6%) et parallèlement à la reprise de l’économie mondiale, le volume du commerce des marchandises mesuré par les échanges en termes réels, a rebondi et a progressé pour un taux de 16,2% en 2010 selon les estimations de la CNUCED(26).
La circulation mondiale des marchandises est un élément clé d’un système mondial de transport de marchandises composé de liaisons transocéaniques et côtières, de voies navigables intérieures, de lignes de chemin de fer, de routes et de lignes aériennes. Le réseau de transport de marchandises relie des lieux entre eux par des voies empruntées par divers modes de transport substituables les uns aux autres. Le transport maritime international est plus communément complémentaire d’autres modes de transport et cette complémentarité est particulièrement évidente dans le cas de marchandises conteneurisées intercontinentales et des vracs secs et liquides tels que les céréales et le pétrole. Le transport maritime international établit dans ce cas une liaison transocéanique ou côtière entre des routes, des lignes de chemin de fer et des voies navigables.
Le système de transport maritime, qui fait partie intégrante de l’économie mondiale, est un réseau de navires spécialisés, de ports et d’infrastructures assurant la liaison entre les usines, les terminaux, les centres de distribution et les marchés. Le transport maritime est un complément nécessaire, et un substitut occasionnel des autres modes de transport de marchandises.
Il faut signaler qu’une large littérature scientifique a traité de l’interrelation entre le transport de marchandises et la croissance économique et cette littérature a suivi deux directions. Une première direction consiste à estimer la relation entre le transport de marchandises et la croissance économique au moyen d’élasticité suivant les modèles de prévisions de trafics tel que le modèle de Meersman et Van der Voorde en 1997(27) qui ont estimé un modèle à correction d’erreurs entre le transport de marchandises et la production industrielle en Belgique.
Une deuxième direction consiste à utiliser des indicateurs agrégés pour mesurer le couplage entre le transport de marchandises et la croissance économique et l’indicateur le plus couramment utilisé est l’intensité de transport qui est égal au ratio entre le nombre d’unités de transport observés dans un pays (tonnes-kilomètres pour le transport de marchandises) et la valeur du PIB de ce pays(28). Cette approche agrégée permet en effet d’estimer la relation entre le transport de marchandises et la croissance économique mais ne permet pas toutefois d’expliquer le phénomène de couplage qui consiste à rendre ces deux entités dépendantes l’une de l’autre ou à les combiner de façon que l’évolution de l’une des entités influence l’évolution de l’autre entité.
Ce phénomène de couplage a été étudié à travers la décomposition d’un indicateur agrégé de demande de transport en différents niveaux de couplage ou de découplage. Cette idée qui provient de l’économie de l’énergie, a été développée surtout par Ang et Zhang en 2000(29) suivis par les études de Kwon en 2005(30). Cet indicateur qu’est l’intensité de transport de marchandises et qui a été développé par, entre autres, les études de Baum en 2002(31) est par définition égal au ratio entre le nombre de tonnes-kilomètres réalisés dans un pays et le produit intérieur brut (PIB) de ce dernier et est représenté par la formule suivante :
ITi = TKi / PIBi
où ITi représente l’intensité de transport du pays i, TKi le nombre de tonnes-kilomètres réalisés dans le pays i et PIBi le produit intérieur brut du pays i (en dollars ou euros). D’après ce ratio, si l’intensité de transport augmente ou elle est constante, il s’agit bien d’un cas de couplage. En revanche, une situation de découplage correspond à une baisse de l’intensité de transport.
D’autres études, dont celle de Stead en 2001(32), ont montré que d’autres indicateurs peuvent mesurer le couplage et ce par l’utilisation du facteur d’émissions du CO2 de transports puisque le transport routier étant le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’intensité de transport routier de marchandises est dans ce cas mesurée par le ratio ITRi suivant :
ITRi = TKi_Routei / PIBi
où TKi_Routei représente le nombre de tonnes-kilomètres de transport routier de marchandises réalisé pour le pays i.
D’autres études, dont celle de Heston, Summers & Aten en 2002(33), ont montré que l’intensité de transport routier de marchandises puisse être décomposée en quatre facteurs. L’indicateur est représenté donc par la formule suivante :
ITRi = (TK_Routei/TKi) x (TKi/Ti) x (Ti/INDi) x (INDi/PIBi)
avec Ti le volume de biens transportés en tonnes, INDi la valeur ajoutée du secteur industriel en dollars ou en euros. Cette équation montre que l’intensité de transport routier de marchandises peut être décomposée en quatre facteurs, come suit :
Le premier facteur correspond à la part modale du transport routier et est égal au ratio entre le nombre de tonnes-kilomètres du transport routier de marchandises et le nombre de tonnes-kilomètres de l’ensemble de modes de transport.
Le deuxième facteur correspond à la distance moyenne de transport d’une tonne de marchandises et est égal au ratio entre le nombre de tonnes-kilomètres de l’ensemble des modes de transport et le volume de bien transportés en tonnes.
Le troisième facteur correspond au poids moyen d’un dollar de production industrielle et est égal au ratio entre le volume de marchandises transportées et la valeur de la production industrielle.
Enfin, le quatrième facteur correspond à la part de l’industrie dans le PIB et est égal au ratio entre la valeur de la production industrielle et la valeur du PIB.
L’équation peut donc être interprétée comme suit :
[Intensité de transport routier] = [part modale de la route] x [distance moyenne du transport] x [poids moyen d’un dollar de production industrielle] x [part de l’industrie dans le PIB]
L’estimation économétrique de ces quatre facteurs issus de la décomposition de l’indicateur de l’intensité de transport routier de marchandises montre que les résultats sont statistiquement significatifs et que le coefficient de corrélation présente également une valeur satisfaite. Ce qui montre que la relation entre ces trois facteurs de couplage et le PIB par habitant est significative. Ces conclusions sont cohérentes avec la plupart des résultats observées dans d’autres études(34).
25 « Etudes sur les transports maritimes 2011 », rapport du Secrétariat de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement CNUCED, Nations Unies, New York et Genève, 2012, pp. 40-48, www.unctad.org/rmt2011
26 « Etudes sur les transports maritimes 2011 », rapport du Secrétariat de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement CNUCED, Nations Unies, New York et Genève, 2012, pp. 9-28, www.unctad.org/rmt2011
27 Meersman H., Van De Voorde E., 1997, « la croissance des transport de marchandises est-elle évitable ? » in ECMT, Which changes for the transport in the next century. 14th international symposium of the theory and practice, OECD, pp. 23-51
28 Julien BRUNEL, 2005, « Le transport de marchandises et la croissance économique : retour sur le couplage » ASRDLF. Villes et territoires face aux défis de la mondialisation – XIIè colloque de la l’ASRDLF, 5-7 septembre 2005, Dijon, France.
29 ANG B. W., ZHANG F. Q., 2000, « A survey of index decomposition analysis and environmental studies », Energy, n° 25, pp. 1149 – 1176
30 KWON T. H., 2005, « Decomposition of factors determining the trend of CO emissions from car travel in Great Britain », Ecological Economics, n°53, pp. 261-275
31 BAUM H., KURTE J., 2002, « Transport and economic development » in ECMT, Transport and Economic development, OECD, pp. 5-49
32 STEAD D., 2001, « Transport intensity in Europe – indicators and trends », Transport Policy, n°8, pp. 29-46
33 HESTON A., SUMMERS R., ATEN B., 2002, Penn World Table Version 6.1, Center for International Comparisons at te University of Pennsylvania.
34 Julien BRUNEL, 2005, « Le transport de marchandises et la croissance économique : retour sur le couplage » ASRDLF. Villes et territoires face aux défis de la mondialisation – XIIè colloque de la l’ASRDLF, 5-7 septembre 2005, Dijon, France.