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Section 2 : Un dispositif novateur renfermant quelques zones d’ombre

Le dispositif du fonds de garantie est novateur dans la mesure où il répond aux prétentions des professionnels de santé (§1) mais comportent quelques zones d’ombre du fait de son absence de maturité (§2).

§1 : Des mesures salvatrices

Le fonds prévoit un rehaussement des plafonds de garantie, voeu formulé par le Rapport Johanet (A) et intervient en cas d’expiration ou d’épuisement de garantie, solution permettant d’éliminer les « trous de garantie » (B).

A) Le relèvement des plafonds de garantie

Le décret du 29 décembre 2011 précité prévoit dans son article 1 que les plafonds de garantie mentionnés à l’article R.1142-4 du Code de la santé publique ne peuvent être inférieurs à 8 millions d’euros par sinistre et à 15 millions d’euros par année d’assurance. Auparavant, ils étaient fixés à 3 millions d’euros par sinistre et 10 millions d’euros par année d’assurance. Le désaccord des assureurs, qui est légitime dans une certaine mesure, a été expliqué précédemment.

Cependant, il s’agit certainement d’une avancée pour les professionnels de santé qui font face à des sinistres toujours plus importants et, a fortiori, à des indemnisations plus élevées.

Le caractère bénéfique du relèvement des plafonds de garantie se ressent à travers les deux cas d’intervention du fonds.

B) L’intervention du fonds en cas d’épuisement et d’expiration de la garantie, une avancée significative

L’alinéa 1er de l’article L426-1 du code des assurances prévoit que le fonds est chargé de régler, sans possibilité d’action récursoire contre les professionnels de santé concernés, pour la part de leur montant excédant le montant minimal du plafond fixé ou, s’il est supérieur, du plafond de garantie prévu par le contrat d’assurance, les indemnisations fixées au titre de la réparation des préjudices subis par les victimes et, en cas de décès, par leurs ayants droit. C’est le cas de l’épuisement de la garantie du fait du dépassement des plafonds de garantie au regard du coût du sinistre.

Le fonds de garantie prend également en charge l’intégralité de ces indemnisations en cas d’expiration du délai de validité de la couverture d’assurance mentionné à l’article L. 251-2 du code des assurances. Dans ce dernier cas, le professionnel de santé doit alors remboursement au fonds d’une somme égale au montant de la franchise qui était éventuellement prévue par ledit contrat d’assurance. Il s’agit du cas d’expiration de la garantie c’est-à-dire après la durée de la garantie subséquente de cinq ou dix ans. Le dispositif est donc basé une mutualisation combinée à un écrêtement c’est-à-dire l’intervention du fonds à partir d’un certain seuil.

Le fonds résout donc deux situations problématiques auparavant du fait de l’existence de « trous de garantie ». Sans l’intervention du fonds, le professionnel de santé libéral se trouvait seul à supporter la charge du sinistre si celle-ci dépassait les plafonds minimum ou ceux supérieurs fixés par l’assureur ou si sa couverture d’assurance avait expirée. C’est cet aspect qu’on le peut qualifier de novateur puisque solutionnant un problème majeur des professionnels de santé libéraux.

Ce système paraît d’autant plus sécurisant qu’aucun recours ne pourra être fait par le fonds contre les professionnels et, heureuse est cette précision puisque le fonds est tout de même financé par leur contribution. Seule atténuation : le professionnel devra s’acquitter de la franchise en cas d’expiration de la garantie. Les franchises semblent donc faire partie des ressources du fonds au titre des ressources éventuelles.

Un autre avantage n’est pas négligeable : comme il a été remarqué(154), l’intervention du fonds va permettre la réduction des primes des professionnels de santé exerçant des spécialités à risque puisque la contribution, qui peut être considérée comme une surcotisation, est d’une somme raisonnable au regard de l’augmentation des plafonds de garantie prévue.

Cependant, on peut quand même craindre une remontée des primes de la part des assureurs. Le dispositif étant applicable à tout accident médical consécutif à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins dès le 1er janvier 2012, les différents contrats nouvellement conclus, renouvelés ou modifiés devront s’adapter à ses nouvelles dispositions. Cependant, rien n’est dit sur le sort des contentieux en cours. Un autre texte d’application serait souhaitable afin de ne pas créer de situations d’enchevêtrement dues au changement des plafonds de garantie. Il s’agit d’une zone d’ombre parmi tant d’autres.

§2 : L’existence de zones d’ombre

Des interrogations peuvent être exprimées concernant d’une part le fonctionnement du fonds et d’autre part, le positionnement de celui-ci par rapport à d’autres organismes chargés de l’indemnisation des victimes.

Récemment, une remarque a été faite concernant l’absence d’assurance pour le cas d’un médecin retraité qui continuerait à soigner ses patients à titre gratuit(155). Ce cas ne peut concerner les spécialités à risque auxquelles on s’intéresse puisque nécessitant un environnement médical spécifique. De plus, les professionnels de santé libéraux exerçant ce type de spécialités ne s’aventureraient pas à pratiquer de tels actes compte tenu des retombées catastrophiques potentielles.

Par ailleurs, une autre question est plus susceptible d’intéresser les professions médicales en général et également celles à risque. Tout d’abord, rien n’est mentionné concernant les rapports entre le fonds de garantie et les tiers-payeurs. On peut s’interroger sur le recours éventuellement exercé par ces derniers contre le professionnel responsable bien que l’esprit de la loi semble évincer cette possibilité(156).

De plus, on ignore le positionnement de l’ONIAM vis-à-vis du fonds de garantie(157). Les textes sont timides sur cette situation mais le projet de loi de finances 2012 offre une piste en considérant que le fonds se substitue à l’ONIAM en cas de dépassement des plafonds de garantie et d’expiration de la garantie(158). Cependant, il évoque la possibilité pour l’ONIAM de se retourner contre le fonds. En effet, l’article L.1142-15 du code de la santé publique, modifié par la loi du 28 décembre 2011, précise qu’en cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré ou la couverture d’assurance prévue à l’article L. 1142-2 du même code est épuisée ou expirée, l’ONIAM est substitué à l’assureur.

Dans ce cas, il est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l’article L. 426-1 du même code.

On ignore cependant à qui l’ONIAM doit s’adresser en priorité. Il est possible qu’il procède par « élimination », le fonds étant, d’après l’article, le dernier recours. Les rapports entre tous ces acteurs mériteraient d’être clarifiés afin d’éviter une perte de temps quant aux recours à effectuer, ce qui ralentirait l’indemnisation et augmenterait les coûts de gestion.

Peu à peu des solutions viennent résoudre la crise de la responsabilité civile médicale, ce dont on peut se féliciter. Il est également intéressant de comparer cette récente évolution avec d’autres mécanismes d’assurance internes et étrangers.

154 La création d’un fonds pose la question de sa gestion et de sa garantie, La Tribune de l’assurance, Jean-Marc Boyer, Directeur Général du Groupe Pasteur Mutualité, juil.-août 2011, n°160, p.57.
155 Un fonds pour la médecine libérale, La Tribune de l’assurance, Nicolas Gombault et Stéphane Choisez, mars 2012, n°167, p. 40 et s.
156 Idem.
157 Idem.
158 Mission Santé et Article 60 rattaché, Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial, site du Sénat.

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