Il convient de rappeler avant toute chose que lorsqu’un contrat d’assurance vie est
souscrit sans tiers bénéficiaire, c’est notamment le cas des contrats d’assurance vie souscrits
en cas de vie, le capital ou la rente stipulés payables au souscripteur (car il n’y a pas de tiers
bénéficiaire de cette hypothèse) au moment du dénouement du contrat feront partie de la
succession du souscripteur/contractant. Le contrat d’assurance vie et plus précisément sa
valeur fait partie de la succession du souscripteur/assuré et sera taxé selon le droit commun
des droits de succession.
De même, si le contrat d’assurance vie ne prévoit pas la désignation d’un tiers bénéficiaire ou si
cette désignation est implicite ou insuffisamment précise, la valeur de l’attribution bénéficiaire devra
être réintégrée dans la masse composant la succession du défunt qui était assuré. En revanche, si le bénéfice
du contrat d’assurance vie à savoir le capital ou la rente est stipulé payable à un tiers bénéficiaire,
ces sommes ne seronttransmises au bénéficiaire sans faire partie de la succession du souscripteur/assuré.
C’est l’hypothèse des contrats d’assurance vie avec dénouement en cas de décès, souscrits à titre
gratuit et dans lesquels le souscripteur a désigné préalablement à son décès le bénéficiaire(78).
Ce sont ces contrats qui intéressent tout particulièrement notre étude. En effet, dans cette
hypothèse, seul le bénéficiaire déterminé est réputé avoir droit au capital ou aux rentes
stipulés payable en vertu de ces contrats d’assurance vie.
Le fait pour ces contrats d’assurance vie avec dénouement en cas décès que leur
capital décès ou leurs rentes stipulées payables en cas de décès de l’assuré ne fassent pas
partie de la succession de l’assuré constitue l’avantage civil indéniable de ces opérations.
L’essentiel avantage civil de cette opération est donc d’être une opération hors succession.
Cette spécificité des contrats d’assurance vie est prévu à l’article L132-12 du Code des
assurances qui dispose que « Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré
à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré.
Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu
seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de
l’assuré ». La désignation de cette opération comme étant hors succession signifie que le
contrat d’assurance vie souscrit par le souscripteur/assuré et plus précisément la valeur de ce
contrat, au moment de son décès, ne fera pas partie de sa succession à la différence des autres
éléments composant son patrimoine qui, eux, feront parties de sa succession. La différence
fondamentale pour un bien mobilier, tel qu’un contrat d’assurance vie, entre faire partie ou
non de la succession du défunt qui l’avait souscrit est relative à la fiscalité qui sera applicable
au contrat.
En effet, en prévoyant que les contrats d’assurance vie, en principe, ne font pas
partie de la succession du défunt qui avait souscrit le contrat en question a pour conséquence
d’exclure ces contrats du champ d’application des droits de succession(79). Le capital décès qui
est stipulé payable au tiers bénéficiaire désigné ne fait pas partie des sommes qui sont
comprises pour le calcul de la masse des biens qui appartenaient au défunt et qui constituent
la valeur de la succession du défunt.
Par ailleurs, l’article L132-13 du Code des assurances précise cette caractéristique des
contrats d’assurance vie en prévoyant que les règles spécifiques du droit des successions
s’appliquant aux donations à savoir les règles du rapport à succession et les règles de
réduction pour atteinte à la réserve héréditaire ne s’appliquent pas dans le cadre des contrats
d’assurance vie, sauf exception, en cas de versement de primes manifestement exagérées.
En effet, cet article L132-13 du Code des assurances dispose expressément que « Le capital ou la
rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux
règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des
héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le
contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu
égard à ses facultés ». Les contrats d’assurance vie se dénouant au moment du décès du
souscripteur/assuré, ne se voient donc pas appliquer les règles du rapport et de la réduction
dont la vocation première est de protéger la réserve héréditaire des héritiers légaux et
réservataires.
L’objectif de ces règles est de faire en sorte que le défunt ne vide pas, de son
vivant, sa succession de sa substance en souscrivant des libéralités, des donations au profit de
tiers et ainsi de « déshériter » en quelques sortes, leurs héritiers légaux de tout ou partie des
droits dont ils peuvent disposer dans la succession du défunt. Les contrats d’assurance vie
souscrits en cas de décès n’étant pas soumis à ces règles de protection des héritiers peuvent
permettre de transmettre des sommes d’argent sans risque de se voir opposer ces règles au
nom de la protection des héritiers. Mais, c’est sans tenir compte de la possibilité de requalifier
un tel contrat d’assurance vie de libéralité et plus précisément de donation indirecte.
Lorsqu’une telle requalification est effective, les sommes composant la valeur du contrat
d’assurance vie réintègre la masse successorale.
Il convient de faire une distinction entre les sommes versées par le souscripteur/assuré
à l’assureur en vertu de l’exécution d’un contrat d’assurance vie se dénouant en cas de décès
des sommes reçues par le tiers bénéficiaire désigné et versées par l’assureur également en
exécution du contrat d’assurance vie. En effet, les sommes reçues par le bénéficiaire en vertu
de l’attribution bénéficiaire du contrat d’assurance vie ne sont jamais ni rapportables ni
réductibles(80). Cette règle applicable à ces contrats d’assurance vie est, entre autre, une
conséquence de la stipulation pour autrui dont le contrat d’assurance vie est le contrat de base.
En effet, les règles du rapport et de la réduction ne peuvent pas porter sur le capital ou les
rentes versés par l’assureur en exécution du contrat d’assurance vie souscrit car ce capital ou
ces rentes n’ont jamais réellement fait parties expressément du patrimoine du souscripteur.
Cette particularité consistant dans le « transit » des sommes par le patrimoine de la compagnie
d’assurance n’empêche pas cette opération de pouvoir, dans certains cas, réaliser une
libéralité et de devoir être requalifiée en donation indirecte. Mais, le fait que les sommes
devant être versées, à terme, au bénéficiaire transitent dans le patrimoine de l’assureur,
empêche l’application des règles du rapport et de la réduction.
Les primes versées par le souscripteur/assuré à l’assureur échappent, quant à elles, à
l’application des règles du rapport et de la réduction, sauf si elles sont manifestement
exagérées en application de l’article L132-13 du Code des assurances. En effet, cet article du
Code des assurances envisage une exception au principe selon lequel le contrat d’assurance
est une opération hors succession. En application de cette exception, les règles du rapport et
de la réduction doivent s’appliquer à cette opération lorsque les primes versées par le
souscripteur sont « manifestement exagérées eu égard à facultés » c’est-à-dire eu égard à son
patrimoine. Lorsque les primes versées sont manifestement exagérées, l’opération ne
constitue plus une opération hors succession et est alors soumise aux règles du rapport et de la
réduction. C’est également le cas lorsque l’opération est requalifiée en donation indirecte.
En effet, lorsque tel est le cas et qu’un contrat d’assurance vie est requalifié en donation indirecte,
l’opération se voit appliquer les règles du rapport et de la réduction.
78 L’article L132-8 du Code des assurances règle un certain nombre de difficultés qui peuvent naitre de la notion
de savoir s’il existe dans une situation d’espèce un tiers bénéficiaire désigné. En effet, l’article L132-8 du Code
des assurances dispose notamment que « Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la
stipulation par laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être
nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au
moment de l’exigibilité du capital ou de la rente garantis ».
79 A l’origine, l’exclusion pure et simple de toute fiscalité pour les contrats d’assurance était prévue. Désormais,
ces contrats sont fiscalisés mais la fiscalité qui leur est applicable reste avantageuse.
80 Article L132-13 du Code des assurances, op. cit.