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Section 2–Le cas particulier du Texas

ADIAL

Le Texas fera encore une fois parler de lui par sa marginalité qui le démarque bien souvent du reste des Etats américains.

Le débat récurrent relatif à la peine de mort en est sûrement l’exemple le plus flagrant : on en revient toujours, dans le cadre d’un tel sujet de discussion, à citer le cas du Texas, qui s’entête à maintenir une telle peine et n’hésite pas à l’appliquer.

Il se démarque ici par sa législation relative à l’assurance WC. Alors que tous ses « compatriotes » fédérés imposent la souscription par chaque employeur d’une WC ou d’un équivalent, lui, n’impose rien (I). La situation des non-souscripteurs est telle qu’il incite cependant à souscrire une telle assurance (II).

I. L’option laissée aux employeurs

Les employeurs texans n’ont donc aucune réelle obligation : souscrire ou ne pas souscrire, ils peuvent choisir. Cette option est laissée à la discrétion de chacun.

On distingue les employeurs dits « souscripteurs » des « non-souscripteurs » : chaque catégorie se trouve dans une situation de légalité mais les conséquences légales ne seront pas les mêmes à leur égard en cas de sinistre.

Chaque salarié doit se renseigner sur la situation de la personne qui le recrute. Ceci sera essentiel en cas de dommage. Il saura ce à quoi il peut prétendre, et contre qui il pourra agir. Une liste des « souscripteurs » est disponible auprès du Département Texan d’Assurance(50)(« Texas Department of Insurance » dit TDI).

Pour répondre à la qualification de « souscripteur », l’employeur a le choix entre trois solutions :

– Acheter une police d’assurance WC auprès d’une compagnie d’assurance autorisée par le TDI(51).
– S’auto-assurer, après certification du TDI.
– Se joindre à un groupe d’auto-assurance, après approbation du TDI.

Les employeurs « souscripteurs » bénéficient ainsi d’avantages non négligeables, les protégeant en quelque sorte contre les recours complémentaires susceptibles d’être intentés par les salariés. Les « non-souscripteurs » perdent quant à eux ces avantages légaux.

L’employeur doit alors peser le pour et le contre avant de choisir son camp. Les enjeux sont tels que beaucoup d’employeurs ne joueront pas avec le feu et sa cantonneront aux précautions usuelles.

II. La situation des non-souscripteurs

Les avantages légaux en jeu sont divers : c’est essentiellement la perte de l’immunité contre la plupart des recours en justice des salariés victimes.

Ils perdent également certaines défenses de droit commun « common law defenses » : ils ne peuvent par exemple plus invoquer une quelconque négligence du salarié à l’origine du dommage, ou ne peut pas avancer que le salarié avait conscience du danger et qu’il en avait accepté les risques.

Tant les frais relatifs au procès (honoraires d’avocat, frais d’instance) ainsi que la réparation intégrale du préjudice du salarié peuvent être mis à la charge de l’employeur non-souscripteur.

Si le salarié parvient à prouver une quelconque négligence de sa part ayant contribué au dommage, l’employeur peut de plus être forcé à payer des dommages-intérêts très importants.

Les juridictions texanes ont d’ailleurs reconnu la légalité des « punitive damages(52) » que l’employeur peut être condamné à verser s’il perd le procès dirigé contre lui.

Là encore pour se démarquer (ou pour choquer), la Cour du Texas a, dans un de ses arrêts(53), autorisé l’employeur à se couvrir contre ces « punitive damages » en cas de négligence qui serait retenue à son encontre.

On peut se demander si cela ne mènerait pas à terme à déresponsabiliser l’employeur pour qui il « suffit » de souscrire une assurance qui paiera à sa place les éventuels « dommages punitifs » mis à sa charge. C’est un peu comme si en France, nous admettions l’assurance des amendes ou autre peines pénales ; mais ceci est un autre débat.

Même si la souscription n’est pas rendue obligatoire, elle est fortement encouragée implicitement du fait des conséquences que cela implique à l’égard de l’employeur, dont l’équilibre financier pourrait être gravement compromis.

Mais alors pourquoi certains employeurs préfèrent-ils supporter un tel risque financier et judiciaire plutôt que de payer une assurance WC ? La réponse apparait logique.

En réalité, les « non-souscripteurs » optent généralement pour des couvertures alternatives beaucoup moins onéreuses (polices « accident et santé », polices « incapacité ») garantissant des hypothèses plus ou moins limitées.

Elles ne sont pas reconnues en tant que telles comme de réelles « alternatives à la WC ». Elles ne protègent donc logiquement pas contre les recours du salarié et ne couvrent en général pas tous les frais annexes (frais de procédure, honoraires) : elles ne concernent que le préjudice subi. Le surplus restera quoi qu’il advienne à la charge de l’employeur.

Même si chaque Etat met en place son propre système suivant ses propres principes, il n’en reste pas moins une sorte de « tronc commun ». Le fonctionnement de base reste sensiblement le même, malgré quelques disparités.

Une partie subséquente permettra de préciser ce point.

Sous-Conclusion

Que ce soit en France, ou aux Etats-Unis, on constate l’existence de systèmes « de base », nés d’une prise de conscience de l’absolue nécessité de prendre en charge les préjudices subis par les salariés lors de leur exercice professionnel.

De chaque côté de l’Atlantique, le fonctionnement suivra néanmoins un mécanisme légèrement différent.

En France, service public unique au financement assuré par le biais de cotisations à la charge de l’employeur.

Aux USA, assurance rendue obligatoire (à l’exception du Texas) octroyée selon différentes modalités (exclusivement publique, exclusivement privée, le plus souvent mixte permettant une ouverture de marché mettant en concurrence fonds d’indemnisation et compagnies privées agréées).

Malgré ces différences, on conviendra que la logique reste la même : une sorte de « deal » est instauré entre employeur et employé.

Une indemnisation limitée forfaitairement est versée de manière automatique au salarié.

En échange de cette « sécurité », aucune action à l’encontre de l’employeur visant une indemnisation complémentaire, voire entière, n’est permise.

Evidemment, on pourrait toujours relever un certain nombre de disparités, mais dont l’importance est modérée.

C’est notamment l’existence de régimes particuliers institués à l’égard de certaines catégories de salariés aux Etats-Unis (matelots, cheminots), initiative que l’on ne retrouve pas à l’heure actuelle sur le territoire français.

Dans l’ensemble, nous sommes donc objectivement face à des mécanismes présentant tout de même un certain nombre de similitudes.

Ce grand compromis connait des limites.

Effectivement, une faute commise par l’employeur peut être de nature à ré-ouvrir des possibilités de recours à son encontre.

Parallèlement, des solutions visant à se prémunir contre de telles actions se sont logiquement développées, prenant la forme de garanties assurantielles.

Alors qu’elles voient progressivement le jour en France, la souscription de telles garanties est déjà une pratique acquise aux Etats-Unis.

Néanmoins, les évolutions actuelles laissent à penser que la France ne tarderait pas à se rapprocher du système américain à la couverture (quasi)automatique.

50 tdi.texas.gov/wc/
51 Note : l’employeur doit être vigilant quant à la compagnie auprès de laquelle il souscrit. Si elle n’a pas obtenu une licence de la part de l’Etat, la police ne sera pas reconnue en tant que telle et l’employeur sera classé au rang de « non-souscripteur ». Il devra en supporter toutes les conséquences en cas de sinistre.
52 Le concept de « punitive damages » est propre à la législation américaine. Ils font référence à la somme accordée par une juridiction qui est considérablement supérieure à la « valeur » du préjudice subi par la partie lésée. Le but de ce montant, contrairement aux « dommages-intérêts » qui visent uniquement la compensation du préjudice à sa juste valeur, ces « Punitive damages » ont un rôle punitif. L’objectif est de sanctionner la partie fautive pour son manque de précaution ou sa conduite inconsciente. Leur second objectif affiché est de « donner l’exemple », en découragent les employeurs de commettre de telles erreurs.
53 Texas Supreme Court, 15 février 2008, FAIRFIELD INSURANCE Co v/ STEPHENS MARTIN PAVING, LP, n°04-0728, 2008 WL 400397.

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