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Section 3 : Inefficacité des assureurs dans la réparation des dommages dus aux inondations

ADIAL

Les polices d’assurance habitation américaines (« homeowner insurance ») couvrent les sinistres causés par le vent ainsi que les effets de la pluie, mais contiennent toutes une clause qui exclue les dommages causés par les inondations. Quelques propriétaires situés dans le Golfe du Mexique ont fait le choix de souscrire une assurance inondation séparée, mais cela ne représente, à titre d’exemple, que 15% des assurés dans le Mississippi et 40% des assurés de la Nouvelle Orléans.

Il est également important de noter que dans la grande majorité des polices d’assurance habitation, on trouve une clause appelée « Anti concurrent causation clause » (ACCC)(90), qui stipule clairement que le sinistre causé par la combinaison d’un risque couvert et d’un risque exclu ne sera pas couvert par le contrat d’assurance. Ces clauses sont généralement stipulées de la manière suivante : « We do not insure for loss caused directly or indirectly by any of the following excluded events. Such loss is excluded regardless of any other cause or event contribution concurrently or in any sequence to the loss. These exclusions apply whether or not the loss event results in widespread damage of affects a substantial area. Water damage means: flood, surface water, waves, tidal water, tsunami, overflow of a body of water, or spray from any of these, all whether driven by wind or not”(91).

Très peu de temps après le passage de l’ouragan Katrina, l’industrie de l’assurance s’est empressée de refuser de réparer un grand nombre de sinistres, en considérant que la plupart des dommages étaient relatifs à des inondations. Certains refus de réparations de la part des compagnies d’assurance ont d’ailleurs été fondés de manière assez invraisemblable. Dans le Mississippi, on a ainsi pu voir de nombreux cas pour lesquels l’assureur opérait une mauvaise interprétation des clauses d’exclusion « inondation », et acceptait de réparer uniquement les dommages se situant au dessus de la ligne d’eau. Pour tous les dommages situés en dessous de la ligne de montée de l’eau dans les habitations, l’assureur décidait de faire appliquer l’exclusion. Cette interprétation plus qu’audacieuse des contrats d’assurance habitation a ainsi donné lieu à de nombreux procès, et l’avocat général du Mississippi a d’ailleurs intenté une action contre cinq grands assureurs de l’état(92).

En effet, après l’ouragan de 2005, de nombreuses victimes américaines ont saisi la Justice afin de mettre en cause la responsabilité de leurs compagnies d’assurance. Les procès constituant cette vague jurisprudentielle, ont été baptisés « Flood versus Wind » (Inondation contre vent), et ont parfois fait l’objet d’actions de groupes (class actions). Ces procédures, qui n’existent pas en droit français, permettent à un grand nombre de personnes (souvent des consommateurs), de former un recours collectif contre une seule entité. C’est ainsi que sous l’impulsion de nombreuses plaintes formées par les résidents de l’état du Mississippi, l’avocat général de cet état décida de former un recours contre de grandes compagnies d’assurance américaines afin de demander la nullité des exclusions relatives aux inondations, parfois même pour des raisons d’ordre public.

Il est important de noter que les procès intentés dans la jurisprudence « Flood vs Wind » ont pour but de mettre en cause deux problèmes principaux. Ils visent, en effet, soit à contester la légalité des clauses « ACC », soit à contester les refus d’indemnités suite aux rapports d’expertise réalisés après la catastrophe.

Après le passage de Katrina, beaucoup d’habitations furent complètement détruites par la combinaison du vent, de la pluie et des inondations liées aux ouragans. Quant aux habitations qui ne furent pas complètement détruites, elles furent gravement endommagées soit par les effets du vent, soit par les inondations. Dans beaucoup de cas d’ailleurs, ce sont les vents qui ont d’abord eu pour conséquence d’affaiblir l’habitation, avant que les inondations finissent par les détruire complètement.

Les compagnies d’assurance considèrent à ce propos que, puisque les polices d’assurance habitation contiennent une clause d’exclusion pour les dommages dus aux inondations, cette exclusion aurait comme conséquence d’exclure absolument tous les dommages liés à l’eau, même si le vent était aussi une cause déterminante du sinistre. Selon toute vraisemblance il s’agit d’une mauvaise interprétation de la loi. En effet, les divers tribunaux américains ont déjà eu l’occasion d’affirmer que dans le cas des clauses ACC, lorsqu’un sinistre est à la fois causé par un péril couvert (vent) et un péril exclu (inondation), il sera en réalité question de déterminer quel a été le péril « dominant » ou « efficient » dans la survenance du dommage(93). Cette théorie porte un nom : il s’agit de la théorie de la « efficient proximate cause », ou théorie de la causalité efficiente.

Dans de nombreux procès « Flood vs Wind », les assureurs ont cependant pu démontrer, grâce aux expertises, quels étaient les dommages indubitablement causés par l’eau et quels autres avaient été causés par les effets du vent. Ce fut notamment le cas du fameux procès « Nationwide vs Leonard », dans lequel le Juge SENTER du district sud du Mississippi donna raison à la compagnie d’assurance Nationwide afin qu’elle puisse exclure la réparation des dommages incontestablement causés par l’eau(94).

Toutefois, il existe certains cas dans lesquels l’expertise est rendue beaucoup plus compliquée. Contrairement au cas « Nationawide vs Leonard », dans lequel l’habitation de la famille Leonard n’avait été que partiellement détruite, le procès « State Farm vs Broussard » fut bien plus complexe. Ce procès, dont la décision fut rendue en 2007, a eu le mérite de faire trembler les compagnies d’assurance américaines pendant de nombreux mois.

En effet, la maison de Geneviève et Norman Broussard fut entièrement rasée par le passage de Katrina, ne laissant malheureusement visibles que les fondations. Immédiatement après la catastrophe, les époux Broussard formèrent une réclamation auprès de leur assureur, la compagnie State Farm. Celle-ci refusa d’indemniser leur sinistre en leur opposant le fait que la destruction complète de leur maison était due uniquement à l’inondation ayant suivi l’ouragan, et que ce risque était expressément exclu de leur police d’assurance. Les époux Broussard décidèrent donc d’agir en Justice, afin de dénoncer une faute contractuelle lourde de la part de leur compagnie d’assurance et de demander ainsi la réparation de leur sinistre, évalué à 224 000 dollars, ainsi que le versement 5 millions de dollars au titre des dommages punitifs.

Un expert missionné par la Cour du Mississippi estima, grâce à un déplacement sur place, des témoignages ainsi que grâce à l’étude de données météorologiques, que les vents causés par le passage de l’ouragan dans la zone d’habitation des Broussards avaient durés suffisamment longtemps et avait été suffisamment puissants pour pouvoir détruire leur immeuble avant que l’eau ne vienne tout recouvrir. Le juge SENTER, qui était là encore saisi de cette affaire, accorda au couple Broussard la somme de 223 292 dollars pour le préjudice lié à la destruction de leur habitation, et le jury leur accorda la somme de 2,5 millions de dollars au titre des dommages punitifs(95).

Ce genre de procès, particulièrement spectaculaires compte tenu de leurs enjeux financiers, sont toutefois restés assez rares durant la période post-Katrina. En effet, il est important de se rappeler que la très grande majorité des décisions de justice intervenues dans les litiges opposant les assureurs à leurs clients ont donnés raison aux assureurs lorsque les expertises permettaient de démontrer incontestablement quelle était la proportion de dommages causés par le vent, et quelle autre était causée par les inondations.

90 SKINNER R. Department of Homeland Security, Office of Inspector General: “Hurricane Katrina, wind versus flood issues”, 26 septembre 2008 p 11.
91 « Nous n’assurons pas les dommages causés directement ou indirectement par les évènements exclus ci après. Ces dommages sont exclus quelque soit les autres causes ou évènements auxquels ils sont associés. Ces exclusions s’appliquent même si le sinistre résulte d’un dommage étalé dans le temps. Les dommages causés par l’eau concernent : les inondations, les eaux de surface, les vagues, la marrée, les tsunamis […] qu’ils soient associés à du vent ou non ».
92 BUSHOUSE K : « Mississipi landmark suit to decide insurance liability of Katrina storm surge », Knight Rider/Tribune Business News, Septembre 2005.
93 Grace v. Littitz Muttual Ins. Co (Supreme Court of Mississippi, 1972)
94 Nationwide vs. Leonard (United States district court, southern district of Mississippi southern division, 15 Aout 2006)
95 Broussard vs. State Farm Fire and casualty Co (States district court, southern district of Mississippi southern division, 11 Janvier 2007).

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