L’assurance de responsabilité civile décennale est particulière au regard de la garantie dans le temps et notamment de la prise d’effet de la garantie (§1) ainsi que de sa durée (§2).
§1) La prise d’effet de la garantie subordonnée à deux critères
L’article L 241-1 du Code des assurances dispose que la personne assujettie à une obligation d’assurance de responsabilité civile décennale, en l’espèce le fabricant d’EPERS, doit pouvoir justifier qu’il a bien satisfait à cette obligation à l’ouverture du chantier. La garantie prend donc effet à l’ouverture du chantier. Mais quel élément permet de dater cette ouverture du chantier ? Cette question a été controversée : s’agit-il de la date de la déclaration réglementaire d’ouverture de chantier (DROC) adressée au maire de la commune de la construction, de l’ordre de service de démarrage des travaux, du début réel des travaux?
Dans un premier temps, la Cour de cassation retenait la date de la déclaration réglementaire d’ouverture de chantier(194) et précisait que la date de prise d’effet du contrat devait être antérieure à cette dernière. Dans un second temps, la Haute juridiction s’est positionnée en faveur de la date d’intervention de l’assuré, sauf stipulation contractuelle retenant la DROC(195).
Les doutes ont été levés grâce à la rédaction de l’article A 243-1 annexe 1 du Code des assurances telle qu’issue de l’arrêté du 19 novembre 2009. Selon cet article, le contrat couvre « les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières » (les conditions générales du groupe CAMACTE, de la SMABTP et de l’Auxiliaire rappellent toutes ceci). L’ouverture de chantier, dont la date est unique, est à présent définie comme la DROC lorsque la délivrance d’un permis de construire est nécessaire pour débuter les travaux, ou comme la date du premier ordre de service (s’il n’en existe pas la date retenue sera celle du commencement effectif des travaux) dans le cas contraire(196). Il est toutefois possible et même courant que l’assuré commence son activité après la date unique, dans ce cas la garantie prendra effet au commencement effectif des travaux.
§2) La durée de la garantie
Il convient de préciser que la loi de sécurité financière du 1er août 2003 est inapplicable en la matière(197). Il faut donc se référer à l’article L 241-1 alinéa 3 du Code des assurances lequel prévoit que le contrat d’assurance de responsabilité civile décennale obligatoire doit comporter une clause certifiant le maintien de la garantie pendant la durée de la responsabilité décennale. D’ailleurs, la clause type précitée reprend ceci et dispose que la garantie délivrée par l’assureur de responsabilité civile décennale couvre la responsabilité décennale de l’assuré et est maintenue pendant dix ans. Il est toutefois essentiel que l’origine des dommages se situe avant la résiliation du contrat. Aucun évènement ne saurait mettre un terme à la garantie, qu’il s’agisse de la résiliation ou de l’expiration du contrat d’assurance, même si elle intervient avant la réception de l’ouvrage(198). Le paiement d’une prime subséquente n’est donc pas nécessaire au maintien de la garantie(199). Le contenu de la clause type est repris par les conditions générales de l’Auxiliaire, de la SMABTP et du groupe CAMACTE mentionnées au présent chapitre.
Ainsi, il existe deux assurances de base que le fabricant/négociant de matériaux de construction pourra souscrire afin que les conséquences de sa responsabilité civile liées à la fourniture d’une chose soient couvertes : l’assurance responsabilité civile produits livrés et l’assurance de responsabilité civile décennale (pour le fabricant d’EPERS). S’il souhaite obtenir une couverture la plus complète possible, il aura la faculté de souscrire d’autres garanties destinées à compléter ces garanties principales.
194 Cass. 1è civ., 7 mai 2002, n° 97-18.313, Bull. civ. 2002, I, n° 119, RDI 2002, p. 303, note G. Leguay; KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 586 ; KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°3568
195 Cass. 1è civ., 29 avr. 2003, n° 00-12.631, RDI 2003. p. 441, note Leguay G, RGDA 2003, p. 512, note d’Hauteville A. ; Cass. 3è civ., 13 nov. 2003, n° 01-02.428, Bull. Civ. III, n° 193, D. 2003, p. 3005, RGDA 2004, p. 132, note d’Hauteville A.
196 PERIER (M.), Risques et assurances construction, L’Argus de l’assurance, 2012, p. 332 et 333
197 KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 589; PERIER (M.), Risques et assurances construction, L’Argus de l’assurance, 2012, p. 334
198 Cass. 1è civ., 14 janv. 1992, n° 90-10.137, RGAT 1992, p. 325, note H. Périnet-Marquet ; CASTON (A.), La responsabilité des constructeurs, 6è ed. Moniteur, 2006, p. 501
199 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°3566