La sécheresse reste aujourd’hui l’une des plus grandes préoccupations des climatologues et des assureurs, inquiets des conséquences que ce risque peut avoir sur les exploitations agricoles (Paragraphe 1). Face à ce risque et à son impact de plus en plus important sur les exploitations, les assureurs remettent de plus en plus l’aléa (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Risque sécheresse : les assureurs inquiets face aux prévisions
Le risque sécheresse qui est sorti en 2009 du fonds national d’indemnisation des risques agricoles est au coeur des préoccupations. L’année 2011 a été marquée par un épisode de sécheresse exceptionnelle durant lequel nombreuses cultures ont soufferts. 61 départements ont fait l’objet d’au moins un arrêté préfectoral sécheresse au 30 juin 2011(85). Heureusement, les dégâts ont été limités grâce aux pluies du mois de juin, ce qui a réconforté les assureurs qui avaient imaginé des scénarios bien pires comme l’atteste Stéphane Gin, Directeur du risque agricole chez Groupama en affirmant « les dégâts ont été moindres que prévu »(86).
Luc Pasquier, Directeur du marché de l’assurance agricole d’Aviva a cependant avoué que « cela a montré les limites des prévisions » car « trois semaines
après, le montant des sinistres auraient pu être catastrophique »(87). Cet épisode leur a permis de prendre conscience des conséquences que pouvaient engendrer un tel risque.
Selon les climatologues, ce risque va s’intensifier dans les années à venir.
Evolution de la sécheresse des années 1990 à 2080
Source Météo France (résultats projet Climsec)(88)
Le projet de recherche Climsec, cordonné par Météo France et soutenu par la Fondation Maif, a été lancé en 2008. Il avait pour objectif d’étudier l’impact du changement climatique en France sur la sécheresse et l’eau du sol. Cette étude a ainsi permis d’effectuer un diagnostic des projections de sécheresse dans le futur. Les résultats n’inaugurent pas de bons présages concernant l’avenir. En effet, comme l’atteste le schéma ci-dessus, les spécialistes prévoient des sécheresses qui seront plus fréquentes et nombreuses, ce qui aura des répercussions catastrophiques pour les agriculteurs et leurs récoltes.
Les assureurs réfléchissent alors à des solutions pour palier à ce problème. D’une part, les agriculteurs et les assureurs ont un rôle à jouer en matière de prévention. Les agriculteurs devront progressivement adapter leur culture au climat afin de les protéger pour subir le moins possible les contrecoups de tels épisodes de sécheresse. D’autre part, les agriculteurs doivent trouver des solutions pour être indemnisés en cas de survenance d’un tel phénomène.
En effet, les aléas climatiques sur grandes cultures ont été exclus en 2009 du FNGCA (devenu FNGRA en 2010), devenant alors des risques assurables.
L’assurance multirisque récolte proposée par les assureurs depuis 2005 répond à cette problématique. Malheureusement, le nombre d’assurés restent encore trop faibles pour qu’elle soit efficace. En effet, il s’agit d’une assurance facultative que les agriculteurs sont libres de souscrire. Dans tout les cas, les agriculteurs sont prévenus et c’est à eux qu’il appartient désormais de faire ce choix. De plus, la sécheresse se développant rapidement, les assureurs commencent à remettre en cause l’aléa, élément indispensable fondant le contrat d’assurance.
Paragraphe 2 : Conséquence de ce constat : l’aléa parfois remis en cause par les assureurs
Les climatologues l’ont annoncé : avec le temps, les épisodes de sécheresse deviendront de plus en plus fréquents et ces périodes seront de plus en plus longues. La question qui peut se poser un jour est de savoir s’il existerait encore un aléa dans l’hypothèse où ce risque deviendrait continu et que l’aléa ne concernerait plus que l’intensité de la sécheresse. En effet, aux vues des prévisions, le risque sécheresse tend à devenir de moins en moins aléatoire. Ainsi, le risque sécheresse pourrait-il ne plus être couvert ? Pour l’instant, les assureurs n’ont pas inscrit cette question à l’ordre du jour. Luc Pasquier, Directeur du marché de l’assurance agricole d’Aviva, l’a d’ailleurs confirmé en affirmant « Malgré une augmentation de la fréquence et de l’intensité des périodes de sécheresse, pour l’instant, l’aléa perdure »(89).
Cela pose aujourd’hui un autre problème car de plus en plus d’agriculteurs souscrivent des contrats d’assurances alors que leur récolte est déjà compromise par la sécheresse. En effet, la sécheresse n’est pas un risque qui touche les récoltes de manière instantanée. Elle cause des dommages progressivement, de manière continue. L’étendue définitive des dégâts s’observe en fin de saison lorsque la récolte n’a pas été aussi bonne que prévue. Mais, l’agriculteur a déjà pu constater que la récolte accusera une perte du fait de la sécheresse. Ainsi, s’il voit que la récolte sera compromise, il est tenté de souscrire l’assurance dans le but d’être indemnisé. Face à ce problème, la majorité des assureurs ont récemment pris la décision d’avancer la date de limite de souscription.
Le milieu agricole se dote donc progressivement d’outils assurantiels tels que récemment l’assurance récolte pour faire face aux risques climatiques. Toutefois, le bilan effectué aujourd’hui ne satisfait pas tout à fait les espérances que l’Etat et les assureurs pouvaient avoir lors de la mise en place de ces mécanismes.
85 A. NICOLAS, En route vers une sécheresse chronique, L’Argus de l’Assurance, 20 janvier 2012, p. 35
86 A. NICOLAS, En route vers une sécheresse chronique, L’Argus de l’Assurance, 20 janvier 2012, p. 35
87 A/ NICOLAS, En route vers une sécheresse chronique, L’Argus de l’Assurance, 20 janvier 2012, p. 36
88 Impact du changement climatique sur les sécheresses au XXIè siècle, résultat du projet Climsec sur http://www.cnrm-game.fr/IMG/pdf/20110630_climsec_p4_jmsoubeyroux.pdf
89 A. NICOLAS, L’assurance récolte, une réponse au risque sécheresse, L’Argus de l’Assurance, 20 janvier 2012, p. 39