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Section I : L’ATTRACTIVITE TERRITORIALE : FONDEMENTS THEORIQUES ET INDICATEURS DE MESURE

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L’attractivité d’un territoire peut se définir comme sa capacité, sur une période donnée à attirer et retenir diverses activités économiques et facteurs de production mobiles (entreprises, événements professionnels, entrepreneurs, capitaux, etc.). Dans ce sens, c’est le reflet de la performance d’un territoire au cours d’une période donnée. La notion d’attractivité territoriale apparaît de plus en plus souvent dans les prises de positions des élus locaux et de leurs services de développement pour expliciter et justifier des choix d’investissements et d’accueil d’activités nouvelles qui visent à accentuer le développement d’une ville ou d’une agglomération. De ce fait, toute politique d’attractivité consiste à attirer les investissements à la fois exogènes et endogènes sur un territoire donné, dans l’objectif d’accroître le niveau de l’activité économique. Le but de cette première section est de présenter les fondements théoriques de l’attractivité territoriale, ensuite d’illustrer ses principaux indicateurs.

I.1- Les fondements théoriques de l’attractivité territoriale

Afin de mieux appréhender les fondements théoriques du concept d’attractivité territoriale, il convient de passer d’abord en revue la notion de territoire, puis présenter les deux cadres d’analyse théorique de l’attractivité territoriale, en l’occurrence la nouvelle économie géographique et l’économie industrielle et enfin illustrer ses différentes approches théoriques.

I.1.1- Le territoire : un concept polysémique

Il y a plus de vingt ans, le concept de territoire est apparu dans la production scientifique des économistes (Becattini, Bagnasco, Brusco, etc.), des géographes (Raffestin, Roncayolo, Brunet, Frémont, etc.), des sociologues (Barel, Ganne, etc.), et d’autres auteurs en sciences sociales (Allies, Lepetit, etc.). Cette multidisciplinarité de ce concept le rend polysémique et ses définitions sont multiples.

Partant de la définition donnée par le dictionnaire de géographie(7), il en ressort trois interprétations du mot territoire qui ne s’excluent pas mutuellement. Ainsi :

– Le territoire peut désigner un espace administratif ;
– Le territoire peut être limité par des frontières et habité par une population particulière ;
– Le territoire peut désigner tout espace socialisé, approprié par ses habitants, qu’elle que soit sa taille.

Cette définition met essentiellement le point sur le territoire en tant qu’espace limité par des frontières (administratives, géographique…) et dans lequel un groupe d’individus cohabite.

Or dans les définitions portées par la notion de développement local, le territoire ne s’entend pas comme un simple échelon spatial. Il ne peut être postulé comme un bout de terre soumis à une administration et ayant des frontières internes et externes.

Bien au contraire, le territoire s’impose aujourd’hui comme un espace vécu, « un espace complexe et actif ». Mais aussi comme un construit social permanent en constante appropriation.

Dans ce sens, il peut être apparenté à un système dynamique complexe (Leloup et Moyart, 2003). Il se construit ainsi grâce aux relations durables de proximité géographique développée entre une pluralité d’acteurs ; ces relations de « voisinage » peuvent mener à des actions concrètes voire à l’élaboration commune de normes, de projet : on rejoint alors la notion de proximité institutionnelle. Par ailleurs, le territoire est nourri par les échanges et les relations, emboîté dans un ensemble d’autres espaces qu’il influence et qui l’influencent réciproquement. Dans ce contexte, les limites du territoire ne sont plus définies en référence à un périmètre politico administratif (aspect politique) ou comme un fragment d’un système productif national (aspect économique). Elles définissent d’une part le lieu d’intersection de réseaux et d’interdépendances entre acteurs et d’autre part, le lieu de production, de négociation et de partage d’un devenir commun. En définitive, Les territoires sont des constructions sociales et leurs performances dépendent largement de la créativité et de l’innovation dans la mise en valeur des ressources territoriales par la société locale. Ce qui très souvent relève d’une combinaison pertinente de décisions et des actions d’acteurs publics et privés dans le cadre de la gouvernance locale.

I.1.2- Cadres d’analyse théorique de l’attractivité territoriale

Le phénomène d’attractivité territoriale fait l’objet d’une abondante littérature théorique et empirique. Toutefois, dans le cadre de ce mémoire nous proposons de présenter les deux principaux cadres d’analyse théorique de l’attractivité que sont : la nouvelle économie géographique (NEG) et l’économie industrielle.

I.1.2.1- La nouvelle économie géographique (NEG)

La nouvelle économie géographique a pour objectif l’explication des choix de localisation des activités sur un espace. Ce courant utilise notamment l’approche par les économies externes développée par Marshall (1919) pour expliquer les mécanismes d’agglomérations des activités économiques. Pour les tenants de la NEG, comme Krugman(1991), la localisation des activités économiques dans un espace est étroitement liée et conditionnée par la présence des économies d’agglomération.

En effet, la NEG cherche à rendre compte des phénomènes de concentration des activités économiques. Elle met en avant le rôle des externalités dans la détermination des forces d’agglomération et de dispersion à l’origine de l’équilibre spatial. Elle se fonde sur l’idée que les choix d’implantation des entreprises résultent de deux catégories de forces antagonistes :

. Les forces d’agglomération, qui encouragent les entreprises à se concentrer géographiquement pour bénéficier des économies d’échelle et des externalités. Parmi celles-ci, la littérature met en avant : les rendements croissants au niveau de l’entreprise, la concurrence pour les parts de marché qui pousse les entreprises à se regrouper, et la présence d’externalités de type pécuniaire ou technologique.

. Les forces de dispersion, qui favorisent la dissémination des activités compte tenu des contraintes de disponibilité des ressources naturelles et de fixité de certains facteurs de production.

A titre d’exemple : l’existence des coûts de transport, le prix de la terre qui croît avec l’augmentation de la densité des agents économiques, l’effet de la concurrence locale entre les firmes conduisant à une hausse du prix des intrants et une baisse de celui du produit, et la présence d’externalités négatives de type pollution ou congestion.

En somme, les travaux de l’école de la nouvelle économie géographique permettent de mieux comprendre le rôle de facteurs hors prix dans l’attractivité et la compétitivité d’une nation.

Toutefois, ils se limitent à la prise en compte de facteurs essentiellement économiques. D’autres approches ont été développées à partir de l’étude des spécificités territoriales et des facteurs d’ordres institutionnels pour expliquer le phénomène d’agglomération des entreprises et d’attractivité des territoires.

I.1.2.2- l’économie industrielle

L’économie industrielle regroupe plusieurs approches théoriques(8) qui expliquent les modes d’organisation et de développement des entreprises sur un territoire. Elle apporte un éclairage complémentaire pour comprendre les choix de localisation, dans la mesure où les ressorts de la compétitivité d’une entreprise ne sont pas liés uniquement aux caractéristiques naturelles de son territoire d’implantation mais dépendent également de certaines ressources dites spécifiques (matériels ou immatériels) du territoire.

Ce courant lie analyse industrielle et analyse spatiale pour comprendre les bouleversements et les dynamiques spatiales. Il étudie par ailleurs les relations entre les entreprises et leur environnement et les modes d’organisation qui caractérisent ces relations (Ratti, 1992). Les analyses se centrent par conséquent sur les relations interentreprises et l’encastrement socioéconomique territorial. De ce fait, cette approche permet d’éviter un écueil possible de la nouvelle économie géographique, qui serait une absence de l’analyse du territoire dans l’étude du processus d’agglomération des activités économiques.

L’analyse des liaisons interindustrielles et l’étude des systèmes territoriaux de production (clusters, technopôles, district industriel et pôle de compétitivité…) constituent les apports majeurs de l’économie industrielle à l’étude de l’attractivité territoriale.

La nouvelle économie géographique et l’économie industrielle constituent ainsi les deux cadres d’analyse théorique de l’attractivité territoriale. Toutefois, l’attractivité territoriale peut être appréhendée selon différentes approches, c’est ce que tente d’expliquer le paragraphe suivant.

I.1.2.3- les différentes approches théoriques de l’attractivité territoriale

A travers son travail de recensement des travaux théoriques liés à l’attractivité, Hatem (2004) identifie cinq grandes catégories d’approches pour appréhender le concept d’attractivité : l’approche par l’image du territoire, l’approche par les processus de décision, l’approche « macro » par les indicateurs globaux, l’approche « méso » par l’offre territoriale différenciée et l’approche « micro ».

Nous proposons de détailler les apports théoriques de ces différentes conceptualisations de l’attractivité territoriale pour nous focaliser plus particulièrement sur l’approche « méso » qui constitue notre cadre théorique de référence.

Premièrement, l’approche en termes d’image et l’approche par les processus de décision renvoient à une vision managériale de l’attractivité. En ce sens, l’approche en termes d’image suppose une démarche marketing fondée sur un processus stratégique dont résulte la valorisation du territoire dans une perspective de différenciation afin d’accroître sa capacité à attirer des activités ciblées (Van den Berg et Braun, 1999). Tandis que L’approche par les processus de décision se focalise sur l’analyse des différentes étapes menant un investisseur à formuler un choix de localisation.

L’approche « macro » vise à identifier les déterminants globaux expliquant le degré d’attractivité du territoire pour les investissements internationaux. Sur le plan théorique, cette approche peut être considérée comme une descendante de la théorie du commerce international, dans une vision où l’hypothèse de fixité du capital productif est levée.

L’approche « méso » tente de « comprendre pourquoi une catégorie spécifique d’activités (secteur, fonction) sera davantage attirée par un territoire particulier. Le fondement théorique de cette approche remonte jusqu’aux travaux d’Alfred Marshall (1820) sur la notion d’atmosphère industrielle. Contrairement à l’approche « macro », ce courant ne se focalise pas sur les investissements directs étrangers, mais plutôt sur l’analyse des dynamiques locales permettant l’émergence endogène d’un pôle de production et de compétitivité.

Pour l’approche « micro », il s’agit de déterminer le meilleur site de localisation possible pour un projet particulier. En effet, ni l’approche par les indicateurs globaux ni celle par l’offre territoriale différenciée ne permettent en effet de porter un jugement définitif sur la rentabilité escomptée d’un projet d’investissement sur un site donné. Pour parvenir à évaluer cette rentabilité, il convient de reconstituer de la manière la plus fine les conditions concrètes de fonctionnement du projet. Ainsi, aux approches issues de la théorie économique (économie spatiale ou économie internationale) se substituent alors des techniques inspirées de l’analyse financière, avec par exemple l’utilisation des business-plans. Le schémas qui suit résume et montre la complémentarité entre les trois dernières approches de l’attractivité territoriale.

Schémas 1 : Complémentarité entre trois approches de l’attractivité territoriale

Complémentarité entre trois approches de l’attractivité territoriale

Source : Fabrice Hatem, 2004

Notons que parmi les approches ci-dessus développées, c’est l’approche « méso» qui nous intéresse dans notre travail. Dans la mesure où notre objectif est également de montrer comment les interactions entre acteurs s’articulent autour d’un système de gouvernance locale pour construire l’attractivité territoriale. Néanmoins, une question surgit : comment et avec quels indicateurs mesurer l’attractivité d’un territoire (ville, région…) ? La réponse à cette question est l’objet du paragraphe suivant.

I.2- Les indicateurs de mesure de l’attractivité territoriale

Nous avons défini l’attractivité d’un territoire comme étant sa capacité à attirer des investissements et à retenir ceux déjà existant. Cette définition fait apparaitre un problème concret, c’est celui de la mesure de l’attractivité. Sur quelle base peut-on dire qu’un territoire est attractif ou qu’il est plus attractif qu’un autre ? Quels sont les indicateurs qui permettent de classer les territoires selon leur degré d’attractivité des entreprises ?

L’analyse de l’attractivité territoriale suppose de rechercher les indicateurs adéquats permettant d’analyser le dynamisme du territoire concerné. Toutefois, il existe diverses approches pour classer les territoires selon le degré d’attractivité.

I.2.1- Les approches économétriques

Ces approches permettent d’établir une relation entre le principal indicateur de l’attractivité qu’est l’évolution du taux de création d’entreprises (on peut aussi utiliser les créations d’emplois dans les nouvelles entreprises) et les variables explicatives constituant les différents facteurs ou critères de localisation. Les variables explicatives sont en général des indicateurs socioéconomiques, démographiques et même institutionnels ; ou des indicateurs agrégés utilisés comme proxy des variables explicatives issues des modèles théoriques. (Nous allons développer ces différentes approches économétriques dans la 2ème partie de notre mémoire). Notons que l’intérêt de ces approches économétriques est qu’elles permettent de dégager les variables jugées significatives de l’attraction des investissements, ce qui permet d’expliquer l’attractivité comparée des différents territoires.

I.2.2- Les enquêtes d’opinions

Ces enquêtes d’opinion se font auprès des investisseurs, on leur demande de classer les critères de localisation et de donner un classement relatif des différents territoires d’accueil potentiel par rapport à ces critères. C’est le cas notamment du baromètre d’attractivité de « Ernst Young(9) ». Ce dernier est publié annuellement. Il porte sur une enquête auprès des dirigeants d’entreprises multinationales. En 2007 par exemple, l’enquête d’Ernst and Young(10) a interrogé 809 décideurs de firmes multinationales, elle recense les annonces d’implantation internationales et d’extensions d’activités. Elle exclut les investissements de portefeuille, les fusions et acquisitions et rend compte de la réalité des investissements engagés par les sociétés étrangères dans les fonctions industrielles et tertiaires. L’enquête recense le nombre d’emplois créés, le taux de croissance des investissements direct étrangers (IDE) reçus, la part de chaque secteur (service, industrie,…) des IDE entrants, l’origine des IDE reçus, les secteurs attirants les IDE.

I.2.3- Les indicateurs élaborés par des institutions internationales

Il s’agit de l’indice « Doing Business » de la Banque Mondiale et les baromètres d’attractivité

I.2.3.1- L’indice « Doing Business » de la Banque Mondiale

Le classement de la Banque Mondiale repose sur 10 critères visant à déterminer la facilité qu‘ont les investisseurs pour faire des affaires(11) de façon générale. L’indice « Doing Business » de la Banque Mondiale est publié annuellement, et classe les pays en fonction de la qualité du climat des affaires qui y règne. Ce classement concerne 185 pays dont le Cameroun fait partie. Le tableau suivant détaille les 10 critères retenus par la banque mondiale et le rang obtenu par le Cameroun durant les deux dernières années.

Tableau 1: Les 10 critères d’attractivité de la Banque Mondiale

Les 10 critères d’attractivité de la Banque Mondiale

Source : www.doingbusiness.org

I.2.3.2- Les baromètres d’attractivité

D’autres institutions réalisent des baromètres d’attractivité en se basant sur la collecte d’un très grand nombre d’indicateurs qui permettent de réaliser un étalonnage concurrentiel (benchmarking) entre les différents territoires. Le tableau qui suit donne les baromètres les plus connus.

Tableau 2: Quelques baromètres de l’attractivité territoriale

Quelques baromètres de l’attractivité territoriale

Source : élaborer à partir de Hatem, 2004

Les indicateurs suscités permettent de classer et d’appréhender le degré d’attractivité des territoires. A présent il ya lieu d’analyser la structuration des territoires en matière d’offre de facteurs de localisation des entreprises. Ceci constitue l’objectif de la section suivante.

7 P. Baud, S. Bourgeat, et C. Bras, 2003, Dictionnaire de géographie, Hatier, Collection initial, 544p, pp. 137-138.
8 Il s’agit des approches en terme : de milieux innovateurs, de réseaux, d’économie des proximités et d’économie territoriale.
9 Ernst and Young, European attractiveness: the opportunity of diversity, La Baule, mai 2004.
10 Ernst and Young, Baromètre de l’attractivité Européenne, 2007.
11 Le climat des affaires est apprécié et évalué sur la base d’une série d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs, mesurables pour faciliter la comparabilité. Le but recherché par cette évaluation est de donner des informations sur l’état général et sur des aspects spécifiques d’un environnement donné : un pays, une région, un marché… Ces informations portent aussi bien sur des aspects politiques qu’économiques, sociaux et réglementaires.

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