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SECTION I : MODALITES DE REGLEMENT DE L’INDEMNITE D’ASSURANCES

A première vue, le droit cambodgien est plus favorable à la victime en termes de délai
de règlement (§I). Mais, il accorde une indemnisation incomplète à la victime par rapport au
droit français (§II).

§I : Règlement rapide en droit cambodgien

Le délai de règlement plus bref(A) mais sans sanction en cas de retard(B) nous permet
de dire que la protection de la victime prévue par le droit cambodgien est illusoire.

A. Délai de règlement plus bref

En droit cambodgien, en théorie, la victime est plus protégée que celui en France en
termes de délai de paiement des indemnités d’assurance. L’article 7 de l’arrêté interministériel
sur l’assurance de responsabilité du fait de véhicule dispose que la compagnie d’assurance est
obligée de régler les réclamations et indemniser les victimes au nom de propriétaire du
véhicule assuré dans les 10 jours au plus tard à partir de la réception de tous les documents
nécessaires sauf si la compagnie d’assurance estime que l’accident n’entre pas dans les
garanties ou si l’indemnité est excessive. Mais, cette disposition n’est pas respectée par les
assureurs en pratique car, d’une part, le délai de 10 jours est très court pour déterminer les
indemnités dues et d’autre part, l’assureur peut soulever le fait qu’il manque des documents
nécessaires ou que l’indemnité d’assurance est excessive pour contourner cet article.
En droit français, à propos de l’assurance automobile, les procédures d’indemnisation
sont encore plus délicates, et particulièrement en matière de dommages corporels.

En fait, l’article L.211-9 du code des assurances pose les principes de base concernant
les procédures d’indemnisation que l’assureur est tenu de respecter. Selon cet article, en tout
état de cause, l’assureur est tenu de formuler une offre d’indemnité à la victime dans le délai
de huit mois à compter de l’accident, d’une part. Et d’autre part, quelle que soit la nature de
dommage, l’assureur est obligé de répondre à la demande d’indemnisation qui lui est
présentée dans un délai de trois mois dans le cas où la responsabilité de l’auteur de dommage
ne serait pas contestée et ou le dommage a été entièrement quantifié. Mais cela ne marche
que pour les dommages matériels car la détermination du préjudice matériel est plus simple.
Cela nous conduit à penser que le dommage matériel est mieux traité que le dommage
corporel, ce qui semble contraire au but de l’assurance automobile français.

B. Absence de sanction en cas de retard

En droit cambodgien, comme déjà évoqué, le délai plus bref en termes de versement
des indemnités d’assurance est illusoire car la loi elle-même ne prévoit aucune sanction en cas
de non respect de cette disposition, ce qui laisse une marge de manoeuvre pour les assureurs
car ils ne sont pas exposés à des sanctions. Ils ne sont pas alors pressés de payer la victime.
En droit français, le non respect de délai de règlement entraîne une sanction plus lourde
pour les assureurs. L’article L.211-13 du code des assurances prévoit que « lorsque l’offre n’a
pas été faite dans les délais impartis à l’article L.211-9, le montant de l’indemnité offerte par
l’assureur ou alloué par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de
l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement
devenu définitif . Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non
imputables à l’assureur ».

Est-ce que cette sanction est contraire à l’article 8 de la déclaration des droits de
l’homme et du citoyen ? Selon James Landel dans son commentaire d’un arrêt(51) , cette sanction
n’est pas contraire à cette déclaration car elle rend effective l’obligation pour l’assureur de faire
une offre d’indemnisation spontanée aux victimes d’accidents de la circulation dans les délais
impartis par l’article L.211-13 du code des assurances. Si elle n’existe pas l’assureur n’est pas
tenu de l’appliquer et l’objectif d’accélération de l’indemnisation des victimes par le recours à la
voie transactionnelle prévue par la loi du 5 juillet 1985 ne serait pas atteint. Le refus de
l’appliquer se résoudrait sans doute par des dommages et intérêts, ce qui rendrait la sanction
aléatoire et imprécise. Mais cette sanction n’est pas automatique, c’est-à-dire que la victime ne
peut pas recevoir l’indemnité si elle ne la réclame pas sauf le cas de l’offre manifestement
insuffisante où le juge peut condamner d’office l’assureur à verser 15% maximum de
l’indemnité au fonds de garantie. Nous constatons que cet office du juge peut se faire mais pas
dans l’intérêt de la victime.

Le droit français constitue un bon exemple pour le droit cambodgien en termes de
sanction. Il serait alors indispensable pour le législateur cambodgien de prévoir des sanctions
qui pourront être imposées à l’assureur en cas de non respect du délai imparti par la loi.

§II : Règlement imparfait en droit cambodgien par rapport au droit français

Avant d’envisager l’absence de distinction de postes de préjudice en droit
cambodgien(B), nous allons aborder en premier temps les modalités de règlement de
l’indemnité d’assurance(A).

A. Modalité de règlement

L’article 8 de l’arrêté interministériel sur l’assurance de responsabilité du fait de
véhicule du 16 octobre 2002 a fixé certaines modalités à suivre en cas de l’accident de la
circulation. Tout d’abord, les parties impliquées dans l’accident doivent se mettre d’accord en
faisant un rapport écrit à l’assureur indiquant la cause de l’accident. Au cas où un accord ne
pourrait être conclu, les parties au litige doivent demander l’intervention de la police de la
circulation afin qu’ils puissent enquêter sur les causes de l’accident, et dans ce cas là, l’agent de
la police doit établir un rapport de son enquête sur l’accident et bien établir un croquis de la
scène de l’accident, et ensuite doit le présenter à la compagnie d’assurance dans les 48 heures
suivant la date de l’accident afin que la compagnie d’assurance puisse avoir une base pour fixer
l’indemnisation dans la limite de la garantie. D’ailleurs, si l’accident a eu lieu dans un endroit
éloigné sans la présence de l’agent de la police, le propriétaire du véhicule ou le conducteur
doit contacter la police territoriale compétente et leur demander de certifier le rapport
d’accident.

En bref, en cas d’accident de la circulation, deux hypothèses peuvent être envisagées,
soit les parties se mettent d’accord sur la cause de l’accident en établissant un rapport écrit,
soit au cas où elles n’arrivent pas à se mettre d’accord, c’est donc l’agent de la police qui sera
compétent pour la fixer. Ces rapports vont être ensuite envoyés à la compagnie d’assurance en
cause afin qu’elle puisse fixer le montant d’indemnisation à la victime.
A propos de la modalité de forme, en assurance automobile français, l’offre
d’indemnisation peut prendre n’importe quelle forme écrite. Mais ce qui est important, c’est le
contenu de l’offre.

L’offre doit comporter tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les
éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement
préalable.

Elle doit comporter en plus l’évaluation de chaque préjudice, les créances de chaque
tiers payeur, et les sommes qui reviennent aux bénéficiaires.

De plus, pour renforcer le droit de la victime et éviter le prétexte de l’assureur, le droit
français refuse la validité de l’offre nulle, c’est-à-dire la possibilité pour l’assureur de ne pas
indemniser la victime au cas où il estime que le dommage n’entre pas dans la garantie ou est
sans relation avec l’accident. L’assureur doit donc faire une offre pour le compte de qui il
appartiendra. Selon James Landel(52), cela constitue un excès de pouvoir car l’assureur peut avoir
de bonnes raisons de ne pas indemniser une victime s’il indique à cette dernière les raisons pour
les quelles il ne peut pas l’indemniser. L’office du juge consiste alors à vérifier que sa position est
suffisamment motivée et qu’elle est conforme aux règles de droit et aux circonstances de fait.
Cette position semble admise en France mais elle ne pourrait pas appliquer au Cambodge car le
système judiciaire cambodgien n’est pas satisfaisant. Il serait alors nécessaire que le législateur
cambodgien rejette la possibilité pour l’assureur de faire une offre nulle.

B. Absence de distinction de postes de préjudice en droit cambodgien

Le règlement plus vite de l’indemnité d’assurance par l’assureur à la victime n’est
toujours pas heureux pour la victime. Surtout, pour le dommage corporel, les préjudices sont
difficiles à déterminer. Il faut tenir compte de préjudice immédiat et futur, ce qui nécessite
beaucoup de temps pour les évaluer. Le droit français fait recours à la notion de la
consolidation, c’est-à-dire à partir de cette période, la maladie devient stable et nous pouvons
fixer toutes les facettes des dommages subis par la victime.

En France, en théorie, le principe de la réparation intégrale de préjudice s’applique pour
l’indemnisation de la victime. Mais, il est difficile d’appréhender toutes les facettes de
préjudice subies par la victime s’il n’existe pas d’une nomenclature en ce sens. Pour cette
raison, la nomenclature Dintilhac est mise en place en pratique pour pallier ce problème. Cette
nomenclature a acquis un statut quasi officiel(53). La proposition de la loi visant à améliorer
l’indemnisation des victimes des dommages corporels prévoit de lui conférer une valeur
obligatoire par voie règlementaire. Cette nomenclature distingue beaucoup de postes de
préjudice qui doivent être réparés par le responsable et éventuellement par son assureur. Elle
permet également à la victime par ricochet de réclamer la réparation de son préjudice
personnel.

Mais, le recours à cette nomenclature est critiqué par certains auteurs car il est
contraire au principe d’évaluation in concreto de préjudice. De plus, il existe le recoupement de
postes de préjudices prévus dans cette nomenclature. Ce recoupement est une faveur pour la
victime mais il constitue une injustice pour le responsable et surtout son assureur car la victime
va se trouver dans une situation d’enrichissement sans cause selon cette nomenclature.
L’idée est que nous devrons créer une nomenclature de postes de préjudice pour
pouvoir indemniser intégralement la victime mais il faut également tenir compte de la
personnalité de la victime. Par ailleurs, le recoupement ou l’augmentation excessive de postes
de préjudice serait une lourde charge pour les assureurs. Finalement, ils peuvent se retirer de
marché et ne voudront plus prendre en charge ce risque.

En droit cambodgien, il n’existe pas de distinction de postes de préjudice, ni de ce genre
de nomenclature. L’assureur n’est à prendre en charge que le dommage dans la limite de son
contrat d’assurance.

En pratique, seul le dommage actuel est pris en charge. Le préjudice futur est toujours
oublié. Autrement dit, une somme forfaitaire est accordée à la victime en cas de dommage. Et,
elle ne peut pas répondre à ce que la victime a subi. Alors, ce principe de réparation intégrale
de préjudice posé par le droit positif n’est pas respecté.

En conclusion, il serait nécessaire pour le Cambodge de réfléchir sur la réparation
intégrale du préjudice subi par la victime en mettant en place, par exemple, une nomenclature
qui permet d’appréhender tous les postes de préjudices afin de ne pas mettre la victime dans la
situation très misérable après l’accident.

51 Cass., Civ 2ème , 3 fevr 2011, n° 10-17148, RGDA 2011, comm. Jame Landel, p.499.
52 Comm d’arrêt du 3 févr 2011, n° 10-17148 précité.
53 V. ROBINEAU, Le statut normatif de la nomenclature Dintihac, JCP G 2010, p. 612.

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