Cette étude est consacrée à l’analyse des effets de la masse salariale sur les investissements au Bénin (1980-2010). A l’issue de l’étude, nous pouvons vérifier les hypothèses et faire des suggestions.
– Synthèse des résultats
Cette étude a fait l’objet de l’analyse des effets de la masse salariale sur les investissements au Bénin. Nous avons analysé, à cet effet dans un premier temps le comportement de la masse salariale, de l’investissement privé et de l’investissement public. Dans un second temps les modèles d’investissement privé et d’investissement public ont été élaborés et estimés.
Le niveau de la masse salariale, en pourcentage des recettes fiscales, a varié en dents de scie entre 31% et 107,2% tandis que le niveau de l’investissement privé a varié entre 8,56% et 13,14% ; et de l’investissement public, entre 1,8% et 3,1% du PIB de 1980 à 2010. Mais à partir de 1989 où elle avait atteint son niveau le plus élevé (107,2%), la masse salariale, en pourcentage des recettes fiscales, diminue et suit ce rythme jusqu’en 2007 où elle s’établie 32% respectant ainsi les normes des critères de convergence de l’UEMOA (taux de masse salariale < 35%). Cette performance n’a pas perduré car en 2010, elle monte pour atteindre 45,3% dû aux effets du second tour de la crise économique et financière.
La période de 1980 à 1990 a été marquée par une constance de l’investissement privé qui tourne en moyenne autour de 9,5% du PIB. Mais à partir de 1991, on assiste à une croissance de ce type d’investissement qui passe de 9,3% à 12,7% du PIB en 1999. Par contre, de 2000 à 2009, le taux d’investissement privé a connu une évolution erratique.
Quant à l’investissement public, la période a été marquée par une certaine instabilité. En effet, même si certaines années correspondent à des taux d’investissement public élevés comme en 1989 avec près de 4% du PIB, d’autres par contre sont allés de pair avec des taux de croissance de l’investissement public très bas comme en 1998 avec 1,8% du PIB. Les réformes entreprises (initiative PPTE, DSRP, SCRP) à partir de 2000 ont permis d’obtenir des taux d’investissement public élevés.
Les résultats issus de l’estimation des modèles économétriques élaborés montrent d’abord, que la masse salariale exerce un effet négatif et significatif au seuil de 5% à long terme sur l’investissement privé au Bénin. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait qu’au Bénin, les entreprises privées cherchent à minimiser leurs charges salariales pour mieux faire face aux charges fiscales et de manière à maximiser leurs profits. A court terme, elle a un effet négatif sur l’investissement privé mais n’est pas significatif. Ceci s’explique par le fait que les politiques budgétaires en matière de rémunération du travail au Bénin doivent bénéficier d’une période assez longue pour avoir les effets escomptés.
Quant à l’investissement public, la masse salariale l’influence positivement et significativement au seuil de 5% à long terme. Un tel résultat s’explique par le fait qu’une augmentation des salaires, à long terme, conduira les investisseurs exerçant dans le secteur formel à choisir d’autres destinations. Une telle situation montre que l’impact de ces flux nécessite un certain nombre de condition au sein des pays d’accueil. De ce fait on assistera à une baisse de la masse salariale qui constitue la principale composante des dépenses d’investissement public. Mais cette influence s’avère positive et non significative à court terme. Ceci s’explique par le fait que peut être la masse salariale ne constitue pas la véritable composante des investissements publics au Bénin.
– Validation des hypothèses
Les conclusions de l’analyse des résultats issus des estimations des modèles nous permettent de vérifier les hypothèses :
H1 : La masse salariale en pourcentage des recettes fiscales, au Bénin, est moyenne par rapport à celle des pays membres de l’UEMOA. Cette hypothèse est vérifiée car à travers les différentes analyses du graphique 3 et de la comparaison faite avec les pays de l’UEMOA, les performances en matière de masse salariale sont moyennes.
H2 : La masse salariale a une incidence négative sur l’investissement privé au Bénin. Cette hypothèse est vérifiée, car la masse salariale exerce un effet négatif sur l’investissement privé et significatif au seuil de 5% à long terme et n’est pas significatif à court terme.
H3 : La masse salariale a une incidence négative sur l’investissement public au Bénin. Cette hypothèse n’est pas vérifiée car, à court terme, elle exerce un effet positif sur l’investissement public, et n’est pas significative. Ce n’est qu’à long terme qu’elle influence positivement et significativement au seuil de 5% l’investissement public.
– SUGGESTIONS
La masse salariale, aujourd’hui, est l’un des premiers postes de charges dans les entreprises, indique Etienne Audouin. Il peut varier de 25 à 80% du budget en fonction du secteur d’activité. A ce titre, il s’agit vraiment d’un levier et d’une variable financière et économique clé pour l’entreprise et pour l’économie nationale. Le pilotage devient alors essentiel pour créer un environnement favorable aux investissements, d’une part, et pour attirer des capitaux étrangers, d’autre part ; de manière à augmenter la performance, la rentabilité de l’entreprise et la relance de l’économie nationale.
De ce fait, il est nécessaire de savoir comment adapter la masse salariale béninoise aux exigences du développement de l’économie. Dans la théorie économique, il est reconnu que l’investissement est le moteur de la croissance économique et il est important que des mesures soient prises afin d’encourager la promotion de ce dernier.
Ainsi au terme de cette étude, il ressort que la masse salariale a un effet positif sur l’investissement public et négatif sur l’investissement privé. Ces conclusions nous autorisent alors à faire des suggestions qui loin de se borner au cadre de la présente étude, vont bien au-delà, dans le simple but de faire développer le pays et d’améliorer considérablement la croissance économique.
Les politiques visant à encourager les investisseurs privés doivent être mises en place afin de favoriser le bien-être de la population béninoise.
De façon générale, il s’agira de proposer des mesures pouvant faire baisser la masse salariale en pourcentage des recettes fiscales en dessous de la norme communautaire pour les pays de l’UEMOA (masse salariale < 35% des recettes fiscales), d’une part, et des mesures incitatives des investissements au Bénin :
– Mesures visant à ramener la masse salariale en dessous du taux de convergence pour les huit (08) pays de l’UEMOA.
En se référant à la théorie néoclassique des salaires : « C’est la flexibilité des salaires qui permet d’atteindre le plein emploi, un plein emploi d’équilibre. Tout chômeur est alors volontaire, c’est quelqu’un qui n’accepte pas de baisser son salaire ». Réduire le ratio masse salariale/recettes fiscale revient donc, soit à diminuer la masse salariale, soit à augmenter les recettes fiscales, « toutes choses étant égales par ailleurs ».
Dans un premier temps, il faudra agir sur la masse salariale :
– Programmer et contrôler de façon efficiente les effectifs des fonctionnaires et agents de l’Etat, constituer un fichier unique des effectifs et y extirper les agents fictifs ;
– procéder de façon périodique (chaque 3 mois par exemple) pendant une année, aux paiements des fonctionnaires par bon de caisse en exigeant des documents administratifs qui attestent de la présence effective de l’agent à son lieu de travail (par exemple le certificat de prise de service, l’attestation de présence au poste signé du supérieur hiérarchique, l’acte d’engagement à la Fonction Publique, etc.) ;
– renforcer les contrôles inopinés sectoriels pour vérifier les présences des fonctionnaires et agents de l’Etat, afin de détecter les agents fictifs ;
– mettre en place une base de données unique pour la gestion des fonctionnaires et agents de l’Etat. Cette base de données prendra en compte tout le système de pilotage de la masse salariale qui part de la programmation et du contrôle des effectifs des fonctionnaires et agents de l’Etat jusqu’à la paie des salaires et pensions;
– renforcer les capacités des structures en charge de la Gestion des Ressources Humaines dans tous les ministères, afin qu’ils soient capables de mieux définir des tâches, de mener une bonne programmation de recrutement, d’utiliser des ressources humaines de façon optimale et de bien gérer le plan de carrière des fonctionnaires et agents de l’Etat. Cette gestion devra permettre d’éviter le surnombre des effectifs dans certains services et d’accroître l’efficacité de l’administration publique ;
– recenser en année n-1 toutes les modifications susceptibles d’affecter la masse salariale de l’année n et ne prendre en compte sur le budget de l’année n que les mesures à incidence financière arrêtées et budgétisées en année n-1 ;
– le plafonnement de la masse salariale peut contribuer à freiner les dépenses salariales lorsqu’elles menacent la stabilité macroéconomique et évincent d’autres dépenses prioritaires (telles que les dépenses consacrées à l’achat de médicaments et d’ouvrages scolaires) ; Si elle se poursuit au rythme actuel, la croissance de la masse salariale entraînera une nette dégradation de la viabilité budgétaire à moyen terme ;
– éviter des recrutements abusifs et en inadéquation avec les besoins réels des services;
– réduire sensiblement les dépenses de prestige ;
– réduire le nombre de ministères et harmoniser le nombre d’agents dans les cabinets ministériels ;
– Selon les néoclassiques, la sortie de crise passe par une baisse des salaires ; mais il faudra plutôt maîtriser, encadrer et contrôler les accessoires de salaire.
Keynes a montré que « les salaires sont rigides ». Améliorer les recettes fiscales afin de donner une marge de manoeuvre à l’Etat dans l’optimisation de ses dépenses de personnel s’avère donc nécessaire.
Les mesures qu’il faudra adopter, pour y parvenir, consisteront entre autres à :
– Améliorer l’organisation de la lutte contre la fraude à travers un renforcement de la coordination entre les différentes régies financières (DGID, DGDDI et DGTCP) ;
– Sensibiliser les opérateurs économiques sur le civisme fiscal ;
– Mettre en place des régies dans les différents ministères techniques pour budgétiser et reverser au Trésor Public les recettes générées dans ces ministères ;
– Informatiser tous les services en charge de la collecte des recettes fiscales afin d’éviter l’évasion fiscale ;
– Redynamiser les services de recouvrement;
– vulgariser dans les langues nationales, en anglais et en français le Code Général des Impôts en général, et en particulier des modifications introduites chaque année à l’occasion du vote de la loi de finances ;
– renforcer et accélérer le processus de fiscalisation de l’informel.
Par ailleurs, la baisse du SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance Garanti) pourra inciter les entreprises à investir d’avantage, augmenter la production et baisser les prix à la consommation de manière à permettre aux travailleurs de maintenir le même niveau de satisfaction (maintenir au même niveau leur pouvoir d’achat) malgré la baisse de leurs revenus.
– Enfin, les mesures incitatives des investissements consisteront entre autres à :
– modifier le code des investissements afin d’élargir le champ des activités éligibles au tourisme et à l’hôtellerie, la transformation industrielle, la maintenance industrielle, les montages électronique et mécanique, et la production artistique et culturelle ;
– améliorer le climat des investissements qui, selon la Banque mondiale, est «l’ensemble des facteurs propres à la localisation de l’entreprise, qui influent sur les opportunités de marché ou le désir des entreprises d’investir à des fins productives, de créer des emplois et de développer leurs activités » (Banque mondiale, 2004) ;
– améliorer l’effet d’entraînement de l’investissement des administrations publiques sur l’investissement global. Pour ce faire, il est opportun de cibler l’investissement public en fonction de ses retombées sur l’économie et le social ;
– relancer les investissements par la baisse des taux d’imposition ; car selon Arthur Laffer, « trop d’impôts tue l’impôt ». En effet, il a montré qu’il existe un niveau optimal de taxation, et s’il est dépassé, les recettes fiscales diminuent (Muzelle, 2000).
Globalement, il faudrait donc mettre en oeuvre des politiques économiques plus dynamiques en harmonie avec les politiques macroéconomiques. Compte tenu des résultats relatifs aux effets de la masse salariale sur les investissements, tels qu’ils apparaissent dans la présente étude, la mise en oeuvre de politiques dynamiques dans les domaines des finances, s’impose plus que jamais.
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