Nous sommes en hiver,
Il fait nuit, il est 2h50 à ma montre,
Mr B vient de s’éteindre, sa fille vient de m’appeler.
Je me gare devant la maison, ma collègue me rejoint.
Nous entrons, ensemble, la famille nous attend.
Les deux filles sont présentes.
L’ainée, calme, d’apparence forte et sure d’elle, réconforte sa mère.
La plus jeune est assise et pleure dans le salon.
Le médecin arrive, nous le retrouvons avec ma collègue, dans la chambre du défunt.
Tous les trois, nous faisons la toilette, puis l’habillons avec les effets choisis par sa femme. Elle tient à le voir ainsi, elle a choisi avec soin cette dernière tenue
Nous quittons la chambre, le médecin dresse le certificat de décès.
L’ainée vient voir son père, lui parle, sa sérénité est évidente.
Des pleurs surgissent dans le salon, timides, contenus.
La plus jeune pleure.
Ma collègue s’approche d’elle, la prends doucement dans ses bras.
Elle fond en larmes, explique sa tristesse.
Elle n’arrive pas à se diriger vers la chambre, ne peut pas voir son père.
C’est au dessus de ses forces.
Elle voit sa sœur le faire, l’admire, voudrait rendre elle aussi cet hommage, embrasser son père, le voir, le toucher, mais ne peux pas.
Je suis en retrait, plus loin, j’écoute l’ainée, qui retrace le déroulement des derniers mois ;
Je devine les mots de ma collègue, je l’entends chuchoter.
Puis je vois cette jeune femme allumer une petite bougie, prendre un petit morceau de papier, écrire quelques mots pour son père, en regardant la lueur de la flamme.
Je la vois apaisée.
Elle a entendu qu’elle pouvait être présente à sa façon, rendre un hommage différent, avec son cœur, ce qu’elle est, sans exiger d’elle même ce qu’elle ne peut supporter.
Juste quelques mots…glissés en cet instant
Quelques mots, tous simples, glissés dans le creux de son oreille, et de son cœur, au bon moment.