Dans la pensée trotskiste, le syndicat joue, en effet, un rôle important. Il s’agit de « l’outil » principal des travailleurs, usité par ces derniers pour mener à bien leurs actions revendicatives, c’est-à-dire leur lutte : « Nous considérons qu’il est temps de réagir : les syndicats sont l’instrument dont disposent les travailleurs »174. Ici, nous nous autorisons une digression pour stipuler que le rôle du syndicat est polyvalent, selon la période (comprendre « période » comme « phase de lutte ») durant laquelle il est utilisé. En période révolutionnaire, en effet, le rôle du syndicat est d’abord éducatif : « Les syndicats doivent entreprendre, sur la plus vaste échelle, une action d’éducation scientifique et technique, afin que chaque ouvrier soit poussé par son propre travail à l’œuvre théorique de la pensée. Cette dernière, en se reportant sur le travail, le perfectionne et le rend plus productif »175. Parallèlement, il a aussi, curieusement, un rôle de répression à jouer. Pour Trotski, c’est le syndicat qui a charge d’assurer la discipline au sein du mouvement ouvrier : « Les syndicats se chargent d’exercer la répression révolutionnaire à l’égard des indisciplinés, des éléments turbulents et parasites de la classe ouvrière »176. Cette digression étant faite, comparons ce que nous venons de dire avec le syndicat des années 1960, en France. On ne trouve plus de tâche de répression ainsi que le préconise Trotski, mais bien la mission d’organiser et de conduire les luttes ouvrières : « Le rôle du syndicat est d’organiser nos luttes »177. Et, puisque les syndicats ont pour tâche d’organiser les luttes, c’est avec eux que débute la lutte des classes du côté du prolétariat, étant entendu que « Se syndiquer, c’est d’abord conquérir le droit de « l’ouvrir » 178. Cette organisation des luttes dont les syndicats ont la mission, passe par la convocation de réunions des militants, la décision des tâches et méthodes à appliquer à court terme, tout cela dans un strict respect de la démocratie, seule garante de l’efficacité des luttes : « Leur rôle serait aussi de convoquer des réunions, d’organiser des référendums, enquêtes et d’employer tous les moyens démocratiques 72
pour que la volonté de tous les travailleurs de l’usine soit respectée dans l’action »179. Enfin, pour qu’un syndicat soit accepté comme le digne représentant de la classe ouvrière, il faut que chaque victoire arrachée au patronat le soit par une lutte, autrement elle ne constitue que forfanterie : « Une « reconnaissance » qui n’est pas le fruit d’une lutte ne peut l’être que sur des bases inacceptables pour des syndicats ouvriers dignes de ce nom »180. Et bien sûr, la substantifique moëlle de ces luttes est, conformément à la théorie marxiste, la volonté d’abolir salariat et patronat, c’est-à-dire les classes sociales. La lutte des classes, c’est le début de la fin des classes : « En ce sens nous ne faisons que maintenir ce que le syndicat doit être et doit rester : complètement indépendant de la bourgeoisie et de son État (et de ses organismes), rejetant la collaboration des classes ; par conséquent l’instrument défensif et offensif sur le lieu de travail de la lutte de classes, un des leviers puissants par le seul but qui soit : le renversement violent du capital, l’abolition du salariat »181. Enfin, tout syndicat bien organisé se doit de pouvoir informer, en temps et heure, ses militants, et c’est à cela que servent les tracts et journaux syndicaux. En fait, ils ne servent pas uniquement à informer, mais aussi à organiser des évènements, tels que des grèves ou autres manifestations : « Les tracts et journaux de toute tendance syndicaliste sont nos moyens d’expression et d’information »182.
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