Les années 80 témoignent aussi de l‘apparition du messianisme humanitaire qui se nourrit du spectacle. En 1981, par le biais d‘une résolution de l‘assemblée générale de l‘ONU, un nouvel ordre humanitaire international s‘installe. Le président Carter fait de l‘humanitaire une dimension importante de sa politique extérieure et Jacques Chirac, premier ministre en 1986, établit le poste de secrétaire d‘État aux droits de l‘Homme qui répond aussi à des considérations de politique intérieure. La Yougoslavie deviendra matière de politique intérieure pour les pays occidentaux, alors que l‘humanitaire devient un leurre d‘opinion. D‘autre part, les guerriers, humanitaires, et les fonctionnaires internationaux se voient imbriqués dans un système d‘interdépendance pervers qui semble durable et cohérent.
Le bombardement de la Serbie est l‘expression de cette complexité. Nouvelle résolution, mais prévisible car l‘inaction des Européens présentait de gros risques politiques, et la crédibilité de l‘OTAN était en jeu. Cependant, il était regrettable que des finalités humanitaires soient invoquées, alors que les buts politiques étaient clairs et honorables (protection des droits de l‘Homme, destruction d‘un régime de purification ethnique etc….). De plus, l‘impuissance d‘États qui refusaient tout risque de perte humaine de leur côté, a bien montré leur réelle incapacité à assumer leurs décisions politiques.
L‘État doit donc assumer un pouvoir de régulation. La société internationale a un niveau d‘institutionnalisation très faible. Cependant, l‘idée de communauté internationale, même illusoire, est toujours nécessaire pour motiver et mobiliser l‘opinion. Entre temps, les institutions ne peuvent affronter les défis car ils ne reçoivent pas de soutien politique étatique et donc les ressources financières pour assumer leur mandat. Enfin, l‘humanitaire ne pourra pas, seul, affronter les défis auxquels il fait face sans l‘appui politique des États.