Aux Etats-Unis, le titulaire d’un brevet victime de contrefaçon peut naturellement tenter de
prouver quel a été son gain manqué. Cependant, s’il échoue dans cette tâche, ou s’il prouve
peu de pertes, la section 284 du Titre 35 du USC(129) lui octroie au minimum la redevance qu’il
aurait pu espérer si elle avait été normalement négociée avec un licencié (reasonable
royalty)(130). Son montant pourra être établi à l’aide d’experts. Les Etats-Unis connaissent aussi
les dommages et intérêts forfaitaires (statutory damages), non basés sur le prix d’une
redevance, dans leur législation sur le droit d’auteur et sur le droit des marques.
En effet, la loi sur le copyright de 1976 dispose que pour chaque oeuvre contrefaite, le titulaire
du droit recevra, indépendamment de la quantité, une indemnisation allant de 500 à 20 000
dollars. Ce plafond peut s’élever à 100 000 dollars si le demandeur démontre une contrefaçon
délibérée (willfull violation) et le montant plancher peut descendre à 200 dollars si le
contrefacteur prouve au contraire sa bonne foi (fair use)(131). De plus, le demandeur peut, à tout
moment132, avant que le jugement ne soit prononcé, choisir entre les dommages et intérêts
calculés sur une base réelle ou les dommages et intérêts forfaitaires. En droit des marques, il
en va de même pour cette option depuis 1996 et le Lanham Act, la loi sur les marques, énonce
un barème prévoyant une somme minimum de 500 dollars pour chaque marque contrefaite et
un plafond de 100 000 dollars. La bonne foi avérée du contrefacteur pourra ici aussi réduire le
montant plancher à 200 dollars.
L’Allemagne est aussi familiarisée depuis longtemps avec la pratique des dommages et
intérêts forfaitaires basés sur le prix d’une licence, notamment pour la sanction de
contrefaçons de brevets. L’évaluation du profit manqué par le titulaire du fait des actes de
contrefaçon étant particulièrement complexe, le droit allemand offre plusieurs alternatives,
notamment la possibilité pour le breveté de demander une redevance adéquate plutôt que la
détermination de son profit manqué. Cette possibilité a été imposée par la jurisprudence :
reconnue dès le début du XXe siècle par le Reichsgericht, la Cour suprême impériale
allemande et reprise par les décisions du Bundesgerichtshof(133).
Ce procédé demeurait donc inconnu du droit français alors qu’il était pratiqué depuis
longtemps dans d’autres systèmes, ainsi un auteur écrivait dans un article paru en janvier 2004
« un tel minimum légal n’existe pas en droit français qui prévoit que tout le dommage mais
rien que le dommage doive être réparé »(134).
129 Les initiales « USC » signifient « United States Code » : code regroupant toutes les lois fédérales en vigueur
aux Etats-Unis. Les droits de propriété intellectuelle et donc les dispositions concernant la contrefaçon sont
réglementés par des lois fédérales et figurent ainsi dans ce code.
130 S. Roux-Vaillard, « Réparation et punition sanction de la contrefaçon de brevet aux Etats-Unis et en France »,
Propriété Industrielle janvier 2004, p. 9
131 A-J. Kevrokian, « Réparation monétaire des contrefaçons », USA, RIPIA 2000, p. 83.
132 Selon J.M Baudel, La législation des Etats-Unis en matière sur le droit d’auteur, Frison-Roche, 1990, la loi
de 1909 prévoyait que le juge choisissait lui-même d’accorder au demandeur des dommages et intérêts calculés
soit en fonction du préjudice réel ou bien forfaitairement. Ce système a été critiqué, la loi de 1976 réserve
désormais ce choix au demandeur.
133 P. Meier-Beck, « Les dommages-intérêts pour contrefaçon de brevet en droit allemand. Principes
fondamentaux, évaluation et mise en oeuvre », Propriété Industrielle, novembre 2004, p. 11.
134 S. Roux-Vaillard, préc.
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