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2-1) Une opinion publique anxieuse modelée par les médias :

ADIAL

« Les énoncés racistes ou xénophobe du type ” Il y a trop d’immigrés “, ” L’islam est vecteur de violence”, ” Les Maghrébins sont plus difficiles à intégrer ” ou ” Les Français doivent être embauchés prioritairement “, recueillent des taux d’approbation de 20, 30, 40% et parfois d’avantage. » (Extrait de La République du mépris de Pierre Tevanian)

Voici qui donne un aperçu de l’opinion publique des Français vis-à-vis des « musulmans » (NDA : au sens médiatique « restreint » du terme).
D’ailleurs, d’après certaines études, les actes de violence envers des musulmans seraient en hausse, ce qui pourrait être le signe de tensions. Comme l’explique la journaliste Nadia Ben Othman dans son article Antisémitisme, islamophobie : l’inégal traitement médiatique
(SaphirNews.com, 7 avril 2004), « la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), fait état de la multiplication des actes de racisme à l’égard de la communauté musulmane. »

En outre, la CNCDH préfèrerait parler simplement d’ « intolérance à l’égard de l’islam » et pour Nadia Ben Othman cela « participe d’un mouvement de négation, sinon de minimisation du racisme anti-musulman qui se développe avec force depuis les attentats du 11 septembre. »

De manière générale, il semblerait donc que l’ « islam » ait une moins bonne image dans l’opinion publique que les autres religions.

A ce propos, un sondage réalisé par le site Internet ExpressionPublique.com (NDA : site créé par Jérôme Jaffré, directeur du Centre d’études et de connaissance sur l’opinion publique et Philippe Chriqui ancien directeur des études d’opinion publique de l’IFOP) est édifiant. Réalisé en 2005, ce dernier révèle en effet que la « communauté musulmane » est celle qui dispose en France du « capital sympathie » le plus bas (cf. tableau récapitulatif ci-dessous).

Figure 25 Les médias, vecteurs d’une image négative et stéréotypée des musulmans mythe ou réalité

Ce sondage révèle également que la majorité des Français perçoivent les musulmans comme « plutôt responsables de violences » que « victimes » :

Figure 26 Les médias, vecteurs d’une image négative et stéréotypée des musulmans mythe ou réalité

Enfin, une dernière question nous apprend que les Français voient plutôt les musulmans comme un groupe « fermé » :

Figure 27 Les médias, vecteurs d’une image négative et stéréotypée des musulmans mythe ou réalité

Ainsi, il est clair que les musulmans, s’ils bénéficient globalement d’une meilleure image que les gitans, font tout de même partie des « communautés » les moins appréciées en France.

D’ailleurs, un sondage commandé par Le Parisien en décembre 2009 révélait également que seuls 54 % des Français jugent « compatible » la pratique de la religion musulmane avec « la vie en société en France ».

Avec toute la retenue avec laquelle il convient d’appréhender les résultats issus de sondages, on ne peut nier qu’une tendance plutôt négative se dessine. D’ailleurs, que les Français se rassurent, ce phénomène n’est pas propre à leur pays et, plus largement, c’est toute l’Europe qui semble souffrir d’un « grave déficit de confiance entre les communautés musulmanes et occidentales » (conclusion du site MonSondage.com à propos du sondage 60 % des Européens se sentent menacés par l’immigration musulmane).

Dans La Nouvelle islamophobie, Geisser avance que ce malaise n’est pas exempt de conséquences puisqu’il semblerait qu’il pousse les musulmans eux-mêmes à adopter de nouveaux comportements sociaux. En effet, alors que l’on reproche souvent aux musulmans de ne pas assez « s’intégrer » à la société, Geisser pense au contraire que nombre d’entre eux font tout pour atteindre ce but. En l’occurrence, beaucoup adhéreraient aujourd’hui à une certaine vision de l’islam afin ne pas s’auto-exclure ou de prendre le risque d’avoir des idées trop à contre-courant de la vision dominante.

En résumé certains musulmans auraient tendance actuellement à rentrer volontairement dans un moule stéréotypé du « bon musulman » (c’est-à-dire « modéré », sans barbe ni voile, etc.) afin de se conformer à ce que l’on attend d’eux, et ainsi mieux « s’intégrer » dans notre société empreinte des clichés véhiculés dans les médias.

Sans arrêt pris entre deux feux, avec d’un côté une volonté d’intégration naturelle (présente en chaque être humain), et de l’autre une volonté de ne pas étouffer une partie de leur identité au seul prétexte qu’elle ne « convient » pas, les musulmans français sont perpétuellement sommés d’avoir un avis sur la « question ». Par conséquent, certains vont jusqu’à adopter eux-mêmes une vision manichéenne de l’islam, qui ne correspond pas forcément à l’expression de leur pensée profonde, mais qui offre les avantages du conformisme.

Selon Geisser, la vision dominante de l’islam véhiculée actuellement dans les médias est « parfois encouragé[e] par les acteurs musulmans eux-mêmes, qui tirent d’une vision dualiste de l’islam une ressource de légitimation et un brevet de ” laïcité républicaine “. »

Notre société serait donc divisée au point de contraindre une partie de ses membres à renier une part importante de leur culture sous peine de perdre toute chance d’ « intégration » ? Et cette opinion publique anxieuse vis-à-vis d’un islam qu’elle ne connaît finalement souvent qu’au travers des reportages, n’est-elle pas influencée par les stéréotypes que véhiculent les médias ? Cette vision manichéenne de l’islam que les musulmans se trouvent également obligés d’adopter n’est-elle pas finalement la résultante de plusieurs décennies d’admonestation médiatique de l’islam ?

S’il est difficile d’apporter la preuve matérielle de cet impact, cette réaction d’« adoption » de la vision dominante de l’islam par de nombreux musulmans aura peut-être le mérite d’ébranler le cliché assez répandu selon lequel les musulmans sont tous potentiellement des « extrémistes religieux en puissance ».
En effet, on le constate encore une fois, les musulmans ont tendance à être réduits à leur appartenance religieuse. Or, comme vu précédemment, les pratiques des musulmans de France « s’émiettent de plus en plus » (seuls 30 % de croyants) et les musulmans français s’expriment en permanence, non pas comme des « musulmans », mais comme des citoyens qui veulent être estimés pour eux-mêmes.

Aussi pour Marc Cheb Sun, journaliste et fondateur du magazine Respect Mag, il devient urgent de « changer notre regard sur les musulmans » car une lourde chape de plomb, faite de stéréotypes et de non-dits, repose sur « l’image musulmane » en France.

Ce journaliste, qui « crie au rapt d’une identité musulmane », explique dans un article du 23 janvier 2011 publié sur MyEurop.info que, « dans un monde où les identités politiques et religieuses fusionnent en partie, il faut étudier les faits de manière dépassionnée, sans partir du principe que deux blocs sont d’ores et déjà en guerre [et que] pour cela, il faut changer notre regard sur les musulmans. ». Pour lui, « il est temps de comprendre [qu’] il n’est ni bon de dénier à quelqu’un une part de son identité, ni bon de l’y enfermer. »

Marc Cheb Sun touche là un point important puisque le « communautarisme musulman » semble être devenu une grande « préoccupation médiatique » ces dernières années. Ainsi, qu’en est-il vraiment ?

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