Institut numerique

2) Le contexte

2.1- L’enseignement du FLE à Cuba

Le français est la deuxième langue étrangère enseignée à Cuba, après l’anglais. De fortes empreintes historiques(10) de la culture française sont présentes dans certaines régions de l’île comme à Cienfuegos et à Santiago de Cuba. Au début du XXe siècle, « l’immigration française a constitué le second composant ethnique européen qui a le plus immigré à Cuba, derrière les composants ethniques hispaniques » (Cobiella, Michael, 2011). « Les immigrants ont fondé des écoles avec les méthodes d’enseignement de grands Français […] » (Lauzan, J.R., cité par Amaro, Leonor). La culture française, à savoir le cinéma, les arts plastiques, l’histoire, la littérature et la chanson, a toujours attiré la population cubaine autant que la langue. Pour donner un exemple insolite, en 2011 Cuba a été après La France l’endroit au monde où un festival de cinéma français compte le plus de spectateurs (plus de 130 000)(11). D’ailleurs, à côté de cette sensibilité particulière pour la langue française, il y a aussi l’espoir d’accéder à de meilleurs emplois. Le français a été bercé par l’idéal d’émancipation humaine qu’a incarné la France dans les stéréotypes nationaux, ces idéaux ayant influencé la pensée politique cubaine et les divers processus de libération/ émancipation nationale. Cette langue a aussi constitué pour Cuba une porte d’ouverture économique et politique au monde, et une sorte d’échappatoire à la suprématie linguistique de l’anglais, et à l’hégémonie politique des États-Unis dans les Amériques.

L’Alliance française est actuellement l’acteur de diffusion de la langue française le plus important à Cuba, et sans doute le plus puissant, mais il n’est pas le seul(12).

2.1.2- Spécificités de l’Alliance française de La Havane

Les cours de français généraliste vont du niveau A1 au niveau C2 (13) du CECR et préparent aux diplômes DELF et DALF(14) du CIEP(15) ; les cours de FOS(16) visent également les diplômes de français professionnel juridique, médical, des affaires et du tourisme de la CCIP(17). Contrairement aux autres Alliances dans le monde, les cours sont donnés toute la journée (de 9 heures du matin à 9 heures du soir) et, jusqu’à 2011(18), ils s’étalaient sur une année scolaire (octobre-juin). Cela a créé chez l’apprenant, pendant des années, un sentiment « d’appartenance » vis-à-vis de son professeur, du groupe-classe et, à long terme, de l’institution.

Une session d’examens DELF-DALF est organisée chaque mois de juin, qui vient compléter l’évaluation continue réalisée par les professeurs tout le long de l’année. Des cours de niveau supérieur et de FOS sont également proposés qui passent les examens correspondants de la CCIP.

Depuis septembre 2006, la méthode utilisée pour les quatre niveaux généralistes a été Tout Va Bien ! (1 à 4, A1 à B2). À partir de l’année scolaire 2012-2013, TVB sera remplacée par Alter ego plus. L’AF est une véritable ruche, en mouvement permanent, qui totalise plus de 1.100.000 heures de cours par an. De plus, l’Alliance est aussi au coeur d’événements culturels cubains qui dépassent son cadre, et propose à ses étudiants des ateliers de théâtre, d’écriture et de cinéma. Le public attiré vers le français par l’Alliance française et ses atouts a toujours été très hétérogène (du point de vue de l’âge, de la formation académique-professionnelle, de l’origine socioéconomique, etc). Dotée d’une très forte attrayance, l’Alliance française se voit obligée de décliner chaque année, pour des raisons de capacité, plus de 30% des demandes d’inscription qu’elle reçoit.

En outre, l’Alliance française de Cuba constitue un référant théorique et méthodologique pour les enseignants du FLE du pays entier. Son investissent dans la formation continue de ses professeurs mais aussi des enseignants de FLE de toute l’île est remarquable. Chaque année, l’Alliance offre à ses professeurs et à des enseignants d’autres institutions et provinces, des stages animés par des spécialistes cubains et étrangers, et envoie des professeurs à suivre des stages en France.

2.1.3- Les étudiants : rapport au français et culture d’apprentissage

L’âge minimal requis pour étudier à l’Alliance est de 18 ans. Même si nombre de ces étudiants dépassent les 45 ans, il n’en est pas moins vrai que l’Alliance Française accueille un grand nombre de jeunes élèves qui font souvent leurs études dans des universités cubaines. Les tarifs extrêmement bas que propose l’Alliance à Cuba permettent à un public très hétérogène –du point de vue de sa formation académique et de son origine socioéconomique–d’accéder à ces cursus. D’ailleurs, l’intérêt du public de l’AF pour le français trouve bien plus souvent ses origines dans le désir d’épanouissement intellectuel et culturel que dans des besoins concrets, professionnels ou économiques par exemple(19). De plus, l’enseignement assuré par l’Alliance ayant une réputation d’excellence auprès des Cubains et l’offre étant malgré tout bien au-dessous de la demande, les étudiants inscrits éprouvent généralement un fort sentiment de fierté et d’appartenance vis-à-vis de l’Institution.

L’enseignement à Cuba, même au niveau supérieur, est parfois un peu scolaire et paternaliste. Aussi les étudiants cubains sont-ils par nature peu autonomes et considérablement attachés au professeur en tant que détenteur absolu du savoir (pas seulement académique). Une pédagogie frontale ne leur déplaît donc pas. En revanche, s’effacer pour favoriser leur autonomie peut s’avérer un défi pour l’enseignant qui essaie d’inscrire ses démarches dans une perspective actionnelle. Celui-ci est alors contraint de négocier un contrat didactique lui permettant d’habituer ses élèves à jouer un rôle actif dans leur apprentissage et dans celui de leurs camarades. Encore faut-il que l’enseignant lui-même veuille se rapprocher de la philosophie prônée par le CECR, ce qui n’est pas toujours le cas. Un effort est fait dans ce sens par la direction pédagogique de l’Alliance, notamment au niveau des formations continues mises en place chaque année.

2.2- Les TIC et la Formation à distance au service de l’enseignement à Cuba

Malgré les gros efforts politiques et budgétaires réalisés par l’État cubain dans tous les niveaux de l’éducation nationale, Cuba ne peut pas se permettre d’être au sommet dans le domaine des NTIC(20)pour l’enseignement. Si à cela on ajoute le fait que le pourcentage de foyers cubains possédant un ordinateur et une connexion Internet reste très faible, et que le pourcentage de professionnels devant partager un même ordinateur avec plusieurs collègues est très élevé, on comprend vite pourquoi il n’est pas rare de trouver des étudiants qui manquent d’aisance avec l’outil informatique. L’autonomie d’apprentissage que permettent les TICE et face à laquelle, l’étudiant cubain a des réserves, peut représenter pour lui un facteur anxiogène supplémentaire. Il ne faut pas oublier non plus l’appréhension que ressentent certains enseignants –de surcroît lorsqu’ils sont âgés- face à ce phénomène.

Une révision bibliographique sur Internet permet de constater que l’information portant sur la situation ou comportement des TICE à Cuba est très éparpillée, et peu nombreuse. Il existe des articles écrits par des spécialistes cubains faisant référence aux TICE, les NTIC et la FAD, mais ils sont très axés sur des questions théoriques et visent plutôt la formation continue d’autres professionnels. La plupart des documents trouvés sur la Toile (une vingtaine) n’illustrent guère la réalité cubaine au sujet des TICE, ni approfondissent pas beaucoup dans l’histoire/ évolution des TICE et de la FOAD dans le contexte national.

2.3- État de lieux des TICE et de la FOAD à l’AFH : du présentiel enrichi au quasi existant

L’Alliance consacre, depuis des années, des efforts budgétaires et logistiques non négligeables à l’introduction des TIC en classe et à la formation continue de son équipe dans ce domaine, ce qui commence à porter des fruits chez les jeunes professeurs récemment formés (et chez les apprenants !). Toutes les salles de l’AFH ont presque toujours été munies d’outils audiovisuels en vogue (qui ont été modernisés sans cesse). En 2001, la médiathèque de l’Alliance offrait aux inscrits un tout petit espace multimédia (deux ordinateurs), où il était possible d’accéder à des matériels multimédias, des ressources numérisés. En 2004, après les travaux de rénovation qu’ont permis à l’Alliance d’agrandir ses locaux, l’espace multimédia a ensuite été agrandit (9 ordinateurs) et il continue à fonctionner. Un laboratoire multimédia a été ouvert en 2006 et deux professeurs ont été formés en France pour la conception de fiches/ parcours pédagogiques. De la même manière, une matière TIC et FLE fait partie depuis 2009 du curriculum du cours de formation initiale de professeurs (4 éditions). Des thèmes tels que Les dispositifs de formation, Internet pour l’enseignement et l’apprentissage du FLE, Les TICE et la perspective actionnelle, La tâche dans le scénario pédagogique, Les logiciels pour la création de matériels pédagogiques et L’utilisation du multimédia dans un cours de FLE y sont abordés. Les ressources de ce cours, conçu par les professeurs-formateurs comme un dispositif présentiel allégé, sont hébergées sur une plateforme Moodle locale. Ainsi, plusieurs stages sur les NTIC ont été proposés aux professeurs de français, et quelques enseignants ont eu des bourses en France, pour être formés afin de pouvoir développer les projets de TICE menés par la Direction de l’Alliance. Un autre exemple récent témoigne de la volonté manifeste de l’institution d’insérer les TICE dans les pratiques d’enseignement-apprentissage de ses professeurs: la formation de professeurs pour une ultérieure habilitation comme tuteurs pour des formations continues à distance ProFLE. Ce projet a été mis en place en partenariat avec le CIEP et le CNED, une vingtaine de professeurs ont été habilités en octobre 2010 et ont assuré deux sessions de formation avec plus de 160 enseignants de toute l’île. Le dernier signe illustrant la volonté d’insertion des NTIC à l’AF est l’achat et installation (en 2011) d’un TBI, ainsi qu’une courte et très pratique préparation des professeurs(21) , qui a été assurée à l’Alliance de La Havane, par une enseignante colombienne de l’Alliance française de Bogota(22).

2.3.1- Volonté institutionnelle versus utilisation réelles

Comme nous l’avons vu, l’engouement de l’Alliance envers les TICE et son investissement pour être à la hauteur des tendances pédagogiques et méthodologiques les plus actuelles sont incontestables. Néanmoins, la mise à disposition des professeurs des ressources technologiques n’est pas directement proportionnelle à une utilisation réelle par les enseignants. De la même manière, les stages et formations n’éliminent pas toujours l’appréhension des enseignants envers la technologie, ni fournissent toujours les connaissances nécessaires pour une utilisation aisée.

Dans le tableau qui apparaît ci-dessous(23), nous avons essayé de synthétiser les dispositifs existant à l’Alliance, et la part de nos enseignants utilisant actuellement les TICE dans leur pratique quotidienne, selon différentes modalités.

Figure 2-1: Dispositifs de formation existant à l’Alliance : pourcentage d’intégration des TICE

2.3.2- Besoin de mettre à distance l’enseignement : implémentation de dispositifs hybrides

Comme on l’a déjà vu, il y a une demande croissante de personnes voulant apprendre le français à La Havane et dans le reste des provinces du pays. L’AF, au moyen de ses cours présentiels ne peut pas satisfaire complètement cette demande, n’oublions pas qu’elle n’a que le siège de La Havane et celui de Santiago. Mettre en oeuvre des pratiques d’enseignement apprenant aux étudiants à apprendre en autonomie, ainsi que mettre à distance la formation situe l’AF à un bon échelon au niveau international du développement des TICE et de la FOAD. Mais le développement des ces pratiques et l’implémentation de dispositifs d’enseignement incorporant la distance ne servent pas seulement à augmenter le prestige de cette institution et la fierté des directeurs et des professeurs, cela permettrait à l’Alliance de pallier son déficit d’espace d’accueil et de professeurs. Parmi ces différents dispositifs, regardons de plus près deux des plus importants en termes de budget, de durabilité, de nombre d’acteurs impliqués ainsi qu’en termes de renouvellement des pratiques pédagogiques et des conceptions théoriques sur l’enseignement-apprentissage.

– Le Laboratoire multimédia (24)
– Le cours de FLE à distance

Le cours est disponible en ligne sur une plateforme Moodle hébergée par le serveur du Ministère de l’éducation cubain. Il est constitué par un ensemble de ressources pédagogiques multimédia : matériels audio et audiovisuels, diaporamas et fichiers Flash explicatifs, exercices autocorrectifs Hot Potatoes. Il est aussi équipé d’outil pour les interactions : des forums et un système de messagerie. De plus, dans ce cours en ligne se voulant actionnel, chaque leçon est organisée de façon à aboutir à la réalisation de tâches écrites et orales.

Le dispositif FOAD dont ce cours est le noyau conçoit la progression de l’apprenant selon trois types d’interactions humaines : d’abord un professeur-tuteur qui assure un tutorat à distance sur le site (correction et évaluation des devoirs et des tâches, gestion des interactions en ligne entre les apprenants, orientation méthodologique et aide technique) ; ensuite, des séances de regroupement en présentiel pilotées par ce même enseignant-tuteur; enfin, une configuration de la participation qui prévoit la réalisation de certaines tâches du cours en binôme. À la fin du cours les étudiants qui réussissent ont le droit de passer l’examen DELF A1 du CECR et ils ont la possibilité de continuer leurs études à l’AF. Ce cours de FLE à distance permettrait de redonner une place importante au français dans le système éducatif cubain, tel que le désiraient les acteurs de diffusion du français à Cuba et le gouvernement cubain.

– Bref feedback des premières expériences

Lors des tests avec les 7 premiers groupes témoins, un taux élevé d’abandon a été constaté. Des apprenants questionnés à ce propos (1ère édition du cours)(25) disent trouver les causes à ce phénomène dans le manque de temps, l’accès limité à Internet et le débit de connexion très faible. Les tuteurs(26) se sont aperçus que le nombre d’exercices autocorrectifs(27) provoquait une surcharge de travail considérable chez les apprenants, surtout si l’on le compare avec des cours en présentiel. De plus, l’accès au cours nécessite un environnement technologique complexe : un ordinateur et une connexion Internet, bien sûr, mais aussi des écouteurs et un micro, puis des logiciels exigeant une installation personnalisée. Les apprenants, qu’on ne met pas suffisamment en garde à ce sujet pendant leur inscription, découvrent en avançant dans le cours qu’ils doivent prévoir et gérer ces aspects techniques. Cette difficulté supplémentaire s’ajoutant à l’apprentissage serait aussi à l’origine du découragement ressenti par les apprenants et les tuteurs.

Suite à des entretiens avec les tuteurs(28), on a remarqué d’autres facteurs qui occasionneraient également ces abandons. En effet, la culture d’apprentissage des apprenants cubains exige de la part du tuteur un effort redoublé de tutorat proactif afin de pallier leur sentiment d’isolement et leur manque d’autonomie. Or, ceci n’est pas toujours le cas, certainement à cause de problèmes de connexion des tuteurs, de la surcharge de travail des tuteurs par ailleurs, du manque de formation spécifique et d’une compensation économique insuffisante. Le calendrier du cours plutôt intensif et la progression pédagogique accéléré est aussi ce qui amène à une contradiction, car ce cours est offert à des gens qui n’ont pas le temps d’aller au cours de l’AF, et qui ont en réalité encore moins de temps pour travailler en ligne. On aboutit à un blocage du dispositif.

Ce cours vient de finir sa troisième édition à l’AFH, avec l’incorporation d’un troisième groupe et d’un troisième tuteur, et une première édition a été mise en oeuvre dans quelques provinces. Plusieurs changements ont été faits, les résultats continuent à être plus au moins les mêmes : démotivations des apprenants, des tuteurs et de l’administration de l’AFH, un rythme trop accéléré, un taux d’abandons élevé, peu de contributions sur la plateforme. Actuellement, l’Alliance a ouvert une quatrième édition au mois d’Octobre (2012), avec un seul groupe. Le fait d’étaler le cours sur une période plus longue le rendra plus réalisable pour les apprenants et moins stressant pour le (seul) tuteur à charge. Si la demande d’inscription n’a jamais constitué un problème, le recrutement de professeurs devient chaque fois plus difficile, ce qu’il serait judicieux d’analyser de plus près.

2.3.3-Le projet national de FOAD : brève description historique de l’expérience

Depuis 2007, l’AF en partenariat avec plusieurs ministères cubains(29) a commencé la création et puis la mise en place d’un projet national TICE et FOAD. Il s’agissait d’un dispositif d’enseignement hybride, à savoir, un réseau national de 12 centres de ressources multimédia pour l’apprentissage du français à distance, avec un accompagnement partiel d’un enseignant-tuteur. Ce projet d’enseignement-apprentissage du FLE en autonomie permettrait d’atteindre le niveau A1 du CECR à des étudiants des provinces cubaines où le FLE n’est pas enseigné. Le dispositif conjuguait d’importantes ressources humaines –des responsables cubains et français de projet, une équipe de concepteurs, des professeurs-tuteurs dans chaque centre de province, mais également des formateurs français– et des ressources matérielles et technologiques non négligeables – un cours en ligne conçu à L’AFH et mis en ligne sur place. Pour ce projet FOAD, c’est le Ministère de l’Éducation – sous les sigles de MINED – qui donne l’accès à Internet à l’AF et aux centres de ressources qui sont dans le projet(30).

Chaque centre de ressource serait équipé de trois ordinateurs reliés à un serveur local, connectés à Internet pour accéder au cours en ligne, une imprimante, de nombreux matériels multimédia, des CD et DVD. Le cours allait se dérouler sur une année scolaire et un nombre de séances en présentiel (26 heures sur les 80 définies par le CECR pour le A1) serait assuré par un tuteur local, le reste du temps devait être accordé au travail individuel, réalisé en autonomie par les étudiants inscrits. Mais l’étudiant ne travaillerait pas complètement isolé car sa progression serait appuyée par trois types d’interaction (pédagogique) humaine : avec le tuteur du centre à distance, sur la plateforme et pendant les séances présentielles, et les interactions avec les autres étudiants. Ce serait aussi à ce tuteur assurant le suivi en présentiel et en distanciel d’assurer également l’évaluation de l’étudiant à distance par le biais de la plateforme Moodle. La méthode papier qui compléterait le cours en ligne serait Tout Va Bien ! 1.

Alors, l’AF a organisé la formation des futurs concepteurs et ceux qui seraient les tuteurs du cours en ligne, ce cours étant le pilier central du dispositif. Mais la formation a été plus utile aux concepteurs car plus centrée sur la manipulation pratique de la plateforme et la conception de matériels pédagogiques insérables sur la plateforme que sur les pratiques tutorales/ les techniques d’encadrement et de suivi en distanciel-présentiel. Au niveau de la conception, chaque concepteur (3) s’est occupé de sa rubrique, et un concepteur-responsable a été chargé d’insérer le matériel pédagogique sur la plateforme, il n’y a pas eu de travail collaboratif. D’autre part, l’avis des futurs tuteurs n’a pas été tenu en compte dans le processus de conception du matériel pédagogique. Même celui du seul tuteur qui avait été envoyé en France par l’Alliance, pour suivre une formation dans le domaine de la FOAD et le suivi humain à distance. Les centres étaient supposés commencer à fonctionner à partir d’octobre 2010 à l’intérieur d’universités et d’universités de sciences pédagogiques de plusieurs provinces, donnant la possibilité aux intéressés d’entrer en contact avec la langue et la culture françaises.

Figure 2-2 : Localisation du projet FOAD sur le territoire nationale

Étant à la base un projet très ambitieux au niveau de sa taille physique, du budget qui y a été consacré et de la formation des ressources humaines, ce projet s’est heurté dès le début à des contraintes particulières du terrain : la lenteur des processus administratifs et légaux auprès des partenaires cubains, l’instabilité relative du capital humain associé au projet et de leurs motivations, ainsi que les conditions technologiques contraignantes, dont la vitesse de connexion et certains changement du serveur national où il a été hébergé. Malgré les efforts de l’AF, ce projet national n’a pas complètement abouti. Il n’a commencé à fonctionner aux centres des provinces qu’à partir de septembre 2011 et il n’a pas réussi à avoir l‘envergure, la visibilité et la stabilité qu’il était supposé avoir, car il a encore beaucoup de faiblesses : le nombre d’étudiants y accédant et le nombre de professeurs en mesure d’assurer le tutorat est inférieur à celui prévu, la quantité d’ordinateurs réellement à la disposition du projet dans les centres ne correspond pas aux chiffres planifiés, plusieurs tuteurs et techniciens qui avaient été formés sont partis à la retraite ou vivre ailleurs, il n’y a pas eu une bonne adaptation au contexte local de chaque centre de province, le monitorage depuis La Havane qui avait été préconisé n’a pas pu être complètement assuré faute de ressources humains et de budget. Donc nous estimons, que le grand projet continue à être en première phase d’implémentation, dans presque toutes ses dimensions.

2.3.3.1-Évolution et transformations du cours : des tâtonnements aux aboutissements

Le cours en ligne, la ressource la plus importante qu’allait avoir l’étudiant à sa disposition pour apprendre la langue et arriver au niveau DELF A1, était supposée donner tous les outils langagiers nécessaires (communicationnels, grammaticaux, lexicaux, civilisationnels et de prononciation). Dans la rubrique communication, quelques documents audio de la Méthode TVB ! 1 ont été installés sur la plateforme. Il proposait autant des documents explicatifs que des exercices autocorrectifs et des liens vers des sites Web. Le cours se voulant actionnel, l’étudiant serait enfin amené à réaliser des « tâches » –écrites et orales– qui le mettraient dans des situations « proches » de la réalité francophone.

Néanmoins, la première version du cours était plutôt un livre électronique. Il semblait être un complément numérisé de la méthode Tout Va Bien ! 1, les responsables du projet ayant décidé de présenter les contenus en suivants les grandes lignes des objectifs des unités 0, 1, 2 et 3 de la méthode Tout va bien! 1. Il était divisé par sections ou rubriques : grammaire, lexique, phonétique, communication, civilisation et « tâches », à l’intérieur desquelles se trouvait le contenu.(31)Chaque rubrique contenait des explications grammaticales et de nombreux exercices structuraux autocorrectifs, semblables à ceux du cahier d’exercices de TVB1, avec des liens sur des sites Web proposant soit encore d’autres explications, soit encore d’autres exercices. Des renvois à « Tout va bien en autonomie »(32)étaient censés apparaître, notamment pour la compréhension orale et la phonétique, ainsi que l’utilisation de la langue maternelle pour les consignes et les explications grammaticales. Une autre des orientations de la charte rédactionnelle était le fait de donner « des suggestions » aux « animateurs »(33). D’ailleurs, à l’exception du système de messagerie de Moodle, aucun outil d’échanges réels n’avait pas été prévu.

Une expertise de François Mangenot en 2009, a signalé « officiellement » l’absence de perspective actionnelle ou communicative dans la version initiale du cours, qui était à mon avis une espèce de livre numérisé. Les concepteurs se sont remis à réorganiser les contenus et les exercices déjà élaborés afin de produire une nouvelle et « meilleure » version du cours, plus communicative qui remplacerait l’ancienne structure, (à mon avis également) trop traditionnelle. Les futurs tuteurs (ni de La Havane ni de province) n’ont pas été invités au stage animé par Mangenot, ni aux ateliers d’évaluation du cours. Une deuxième version donc montre un changement dans l’approche de la structure. Les leçons (10) ont été proposées avec un abordage actionnel(34) ou communicatif ; la version finale du cours n’aura finalement que 9 leçons. Ainsi, l’ « Unité 1 » est devenue « Leçon 1 Bonjour ! Salut ! », l’ « Unité 2 » est devenue «Leçon 2 Présentations », l’ « Unité 3 » s’est transformée en «Leçon 3 Autour de moi », etc. À l’intérieur de chaque leçon les 7 rubriques continuaient à apparaître. L’ordre des rubriques a aussi été transformé : la section Communication est passée à la première position et les objectifs de la leçon ont été explicités aux apprenants dès le début(35).

Beaucoup de contenus de TVB! 1 ont été supprimés, notamment les documents audio, questions de copyright. Pour tenter de remplacer ces dialogues, des enregistrements de phrases isolées sans contexte ont été insérés. Malgré leur manque d’utilité, cela n’a pu être enlevé du dispositif afin de ne pas provoquer des conflits avec le concepteur initial de ce matériel (Cela a été amélioré plus tard). Les « tâches » finales et évaluatives qui étaient proposées dans des forums, n’étaient pas très actionnelles et parfois elles n’étaient même pas de tâches mais des activités à la limite communicatives.

Une autre transformation importante serait la création d’un forum pour les interactions tuteurs-apprenants. Malgré les modifications structurales, le cours gardait encore une approche communicative et continuait à être créé plutôt autour du sens que de la forme. C’est après cette expertise et après les changements réalisés que le cours a commencé pour la première fois à La Havane, en janvier 2010(36). De cette manière, pour la première fois à Cuba une langue étrangère était enseignée avec un dispositif hybride présentiel réduit, par le biais d’une plateforme. Deux groupes ont été ouverts et deux tuteurs (Leonardo Vinajeras Cobas ; Raquel Pollo Gonzalez) ont assuré, pour la première fois à Cuba l’encadrement de 65 étudiants (un tuteur pour chaque groupe) en présentiel et à distance (en ligne). Après l’expérience de manipulation de la plateforme Moodle en 2008 (la première et la seule pour Leonardo et la deuxième pour Raquel) aucune autre formation ne leur a été offerte ; des sessions avec un concepteur et l’informaticien en charge ont eu lieu de façon informelle.

Donc, les efforts de ces tuteurs, l’étude préalable pour se familiariser avec l’environnement numérique et ses fonctionnalités (côté apprenant et côté tuteur) ont été remarquables. Ils se sont aussi mis d’accord de façon informelle sur le style et le contenus des séances présentiels, aucune indication ne leur a été donnée à ce sujet. Le cours proposait 10 séances présentielles, une toute les deux semaines à peu près, et sur la plateforme 9 leçons(37). Une leçon-aide-accueil a été ajoutée et proposée aux apprenants : « Bienvenue ». Dans cette leçon apparaissaient les explications sur la modalité d’apprentissages, des guides pour l’étude en autonomie, des modes d’emploi pour l’utilisation de quelques logiciels et les logiciels même pour le téléchargement. À peine trois jours après l’envoi par courriel électronique du message annonçant l’ouverture de ce cours, les inscriptions ont dû fermer et, comme pour les cours complètement présentiels, plusieurs demandes ont été déclinées.

Une deuxième évaluation conjuguant un regard interne et externe a été faite. Tout d’abord, vue de la pratique des tuteurs. Ceux-ci ont constamment envoyé des feedback à l’informaticien responsable sur ce qui ne fonctionnait pas au niveau technique, et des feedbacks au concepteur responsable –le seul qui restait impliqué sur le projet- concernant les consignes ou les exercices qui ne semblaient pas pertinents. Ensuite, une stagiaire française est venue, dans le cadre de son mémoire de master 2, évaluer la première phase de mise en oeuvre du dispositif. Elle portait un intérêt spécial sur la révision des « tâches » qui avaient été proposées, suite à l’expertise de François Mangenot. Il s’agissait encore d’activités provisoires à améliorer, parfois très éloignées d’une approche actionnelle. Ces tâches s’articulaient toutes (et s’articulent toujours) autour de situations de communication basées sur la vie réelle -mais fabriquées –et sur des fonctions langagières qui reprennent les descripteurs des compétences langagières du CECR. Cette stagiaire a fait une analyse minutieuse du cours : des leçons, des rubriques, des exercices, des explications grammaticales, mais surtout des consignes et des tâches. La formation des tuteurs (Leonardo Vinajeras approche communicative et Raquel Pollo sur la perspective actionnelle) ainsi que le contact directe avec les apprenants ont beaucoup aidé à cibler les besoins des étudiants et à signaler au concepteur les disfonctionnements et les incohérences qu’un travail coopératif (et non collaboratif) de conception auraient pu causer. Les entretiens que la stagiaire a aussi eus avec les tuteurs leur ont donné la possibilité de faire connaître leurs opinions, leurs attentes, leurs frustrations, leurs besoins, leur visions du cours. Finalement, les questionnaires remplis par les apprenants ont permis de connaître l’avis des étudiants.

Cette étude a permis de faire différents constats et de proposer certaines améliorations dans les domaines suivants :

. Contraintes techniques à compenser :

-le renvoi constant à d’autres sites pour en faire encore d’autres exercices était un travail excessif qui empêchait les apprenants d’avancer d’une rubrique à l’autre ;
-la redirection vers d’autres sites soit pour faire des exercices soit pour lire des explications grammaticales imposait une contrainte technologique (pas de connexion suffisante) et décourageait les apprenants ;
-la rubrique « Communication » proposant aux apprenants de s’enregistrer est devenue problématique dû au disfonctionnement du logiciel Audiorecorder(38)

. Contenus à redistribuer, réélaborer :

-il a y avait très peu de matériels communicatifs, audiovisuels, authentiques ;
– les contenus du cours n’étaient pas adaptés à la préparation d’une tâche actionnelle ;
-il y avait trop d’exercices structuraux et autocorrectifs demandant à l’étudiant d’en faire plus (en termes de quantité) que dans un cours présentiel de l’AFH ;
-les exercices autocorrectifs des rubriques « Grammaire » et « Lexique » n’étaient pas reliés aux objectifs thématiques des leçons ;
-les contenus des leçons n’était pas trop équilibrés : certaines leçons étant surchargées (notamment la leçon 3) ;
-la leçon 9 devait être, sinon supprimée, proposée comme une leçon supplémentaire et facultative étant donné sa complexité et longueur, car elle était peu réalisable dans le calendrier du cours, et elle dépassait les objectifs du DELF A1 ;

. Contenus, ressources, matériels à ajouter/ enrichir :

-le cours ne contenaient pas de compréhension écrite, il n’y avait pratiquement pas de ressources écrites – textes authentiques – dans les leçons, mis à part quelques textes dans la rubrique Civilisation qui sont difficilement exploitables et dont beaucoup sont en espagnol ;
-il manquait des modèles, des situations de communication réelles ou semi-authentiques qui donneraient un ancrage à des tâches et des documents médiatisés à exploiter par des sous-tâches ;
– le manque de ressources dans la rubrique Communication ne permettait pas de travailler la compréhension orale sur la plateforme(39) ;
-il fallait créer d’autres documents d’aide pour les apprenants, ainsi que des documents d’aide pour les tuteurs ;

. Rythme, progression pédagogique à réévaluer:

– les 10 séances présentielles n’étaient pas suffisantes pour un cours de ce type dans une culture d’apprentissage de tradition si paternaliste ;
-le passage d’une leçon à l’autre tous les 15 jours à 2 leçons tous les 15 jours, sans que les séances en présentiel (qui vont donc porter sur deux leçons au lieu d’une) soient doublées n’était pas faisable pour un apprenant débutant ayant des difficultés de connexion ; ne donner que moins de six mois à ce cours lui conférait un caractère de cours intensif ou accéléré, ce qui n’était cohérent ni avec les intentions des créateurs, ni avec celles de la direction de l’AFH, ni avec le besoin des apprenants, ni avec les possibilités techniques réelles du contexte ;

. Réadaptations à faire aux séances présentielles :

-les séances de regroupement devaient faire (davantage) référence au contenu des leçons, mais principalement aux tâches pour encourager les apprenants à les accomplir ;
-les séances de regroupement devaient aider à organiser les binômes ;

. Démotivation chez les apprenants

-les apprenants produisaient/ contribuaient et interagissaient très peu sur la plateforme ;
-et finalement que le taux d’abandons était étonnant car très élevé ;

L’aide de Bérangère a été précieuse, surtout parce qu’elle a rouvert l’affaire cours-FLE-à-distance-Moodle et a montré aux concepteurs et à la direction de l’AF qu’elle n’était pas fermée, terminée en termes de conception pédagogique du cours, et de conception d’ingénierie de formation du dispositif. Cela à ajouté des nouvelles possibilités d’amélioration du cours (création de nouveaux matériels, corrections des matériels existants, réunions de coordination, etc.) et des nouvelles visions jusqu’à ce moment complètement négligées: celles des tuteurs et des apprenants. D’autre part, son analyse du cours (et des enquêtes) nous a permis également d’obtenir des chiffres décrivant plus objectivement la situation de ce dispositif. En fait, il n’y a presque plus de traces de cette première édition du cours que son mémoire. Voici les chiffres de la fréquentation du dispositif médiatisé pendant le test du cours en ligne :

Figure 2-3: Résultats en chiffres de la première édition du dispositif

Bérangère nous a munis d’idées et de matériels audiovisuels authentiques et semi-authentiques (quelques-uns conçus par elle-même) dont nous avons pu nous servir ultérieurement. Elle a fait « pour nous » les tâches finales (et sous-tâches) des leçons 6, 7, 8 et 9(40). Son défit a été comment insérer dans le cadre de ce cours, marqué par une pédagogie si traditionnelle, des tâches s’inspirant de la méthode actionnelle, utilisant Internet et les médias, pouvant être mises en ligne, faisant aboutir à une production en ligne, et qui restaient cohérentes avec les leçons dans lesquelles elles allaient s’inscrire. Malheureusement, les quatre tâches créées par Bérangère n’ont pas été complètement intégrées au cours à cause des contraintes cubaines de l’Internet à bas débit, du manque d’accès aux ordinateurs et du manque d’accès libre à n’importe quel site. Ces tâches seraient encore plus impossibles d’accomplir en province. Elles ont été insérées sur la plateforme, et proposées comme tâches supplémentaires et facultatives à réaliser par ceux qui pouvaient mais elles ne seront pas évaluatives ni exigées. Ces tâches ont été conçues depuis la France, sans que la stagiaire-conceptrice ait une connaissance réelle de notre contexte. L’expérience des tuteurs du laboratoire multimédia aurait peut-être aidé, ayant eux la pratique de transformer et d’adapter des matériels en ligne à une réalité sans internet. Cependant ils n’ont pas été mis en contact avec la stagiaire avant son arrivée à Cuba.

Suite à la visite de la stagiaire Bérangère Jourdain, son analyse du cours, ses idées, les résultats de ses enquêtes, les réunions avec la direction de l’AFH, celle-ci a demandé au concepteur responsable (Emilio Marill) et la tutrice (Raquel Pollo) de prendre en charge un autre petit processus de changement. Il s’agissait fondamentalement des rubriques « Communication » et « Tâches finales ».

. Incorporation/ enrichissement de matériels/ ressources :

-Dans ces deux rubriques, et même dans d’autres, de nouveaux matériels audiovisuels authentiques et à caractère authentique -reliés au thème abordé dans la leçon- ont été ajoutés: des images (photos, dessins, BD), des documents audio (enregistrements, chansons), des documents vidéo (court-métrages, extrait de films).
-De nouvelles activités de compréhension orale ont été conçues avec Hot Potatoes et des enregistrements sur mp3, associés à certains des documents audiovisuels incorporés et insérées sur la plateforme.
-Les nouvelles activités de compréhension orale, ayant maintenant des supports audiovisuels, servaient de modèle pour la réalisation des tâches finales et pour l’acquisition de compétences communicatives orales.
-D’autre part, les liens redirectionant vers d’autres sites Web ont été remplacés, autant que possible, vers des pop-up de Moodle, montrant les mêmes contenus et les références complètes des sites. Dans ce processus de révision, des liens vers des sites ne fonctionnant plus ou n’étant plus accessibles ont été supprimés.

. Réélaboration, balisage et révision des contenus :

-Il y a eu une révision et réélaboration des consignes des tâches (de la 1 à la 8) et des exercices et activités de production écrite et orale, visant une approche actionnelle ; un exemple pour la production des apprenants leur a été proposé à chaque fois.
-Un bon nombre d’exercices structuraux des rubriques « Grammaire » et « Lexique » ont été supprimés et renvoyés aux sections « Pour aller plus loin », d’autres exercices autocorrectifs ont été changés d’une leçon à l’autre afin de mieux équilibrer la charge de travail des apprenants.
-D’ailleurs, dans la révision et réélaboration de consignes et d’explications, ainsi que de transcriptions de nouveaux matériels audiovisuels insérés, une place plus discrète à été donnée à la langue maternelle, n’apparaissant maintenant que sur une bulle ou pop-up à sollicitude de l’apprenant.
-Les objectifs des leçons ont également été revus et les contenus/ objectifs des tâches finales ont été annoncés dès le début des leçons, comme partie des objectifs. Une liste de tâches et de devoirs (d’exercices qui n’étaient pas autocorrectifs) qui devaient être corrigés et commentés par les tuteurs a été faite, pour leur économiser le temps de connexion et de navigation(41).

La deuxième édition du cours s’est vue bénéficiée de ces changements. Le cours a commencé en décembre 2010, la souplesse d’un mois supplémentaire s’est fait sentir par les tuteurs et les nouveaux apprenants. D’abord, le processus d’inscriptions a été plus rigoureux (le contenu de l’annonce et puis avec le personnel du secrétariat) quant à la sélection des apprenants et l’information qui leur a été fournie : ils devaient absolument disposer d’un ordinateur à la maison ou au travail et avoir accès à Internet (au moins) plus de trois heures par semaine. Pendant la première séance présentielle les tuteurs ont insisté davantage sur la manipulation de la plateforme, l’envoi de messages, le publipostage de messages écrit ou audio sur les forums, la formation de binômes et les pratiques permettant d’économiser le temps de connexion. Tout au long du cours, les tuteurs ont mis en oeuvre des pratiques d’encadrement plus cohérentes, organisées et encore plus proactives. Il faudrait dire qu’ils ont été fortement influencés par une formation suivie avec le CNED, sur le tutorat à distance qui leur permettrait d’assurer le suivi de professeurs-stagiaires, pendant des formations continues ProFLE. Les séances en présentiel on fait plus de références aux tâches (aux consignes) pour encourager les apprenants et les guider davantage à leur réalisation. Le matériel audiovisuel de la plateforme ayant été enrichi/ augmenté, il y avait plus de temps pendant les séances de regroupement pour faire naître le groupe et aborder d’autres questions du cours : des problèmes techniques lors de la manipulation de la plateforme, des astuces pour économiser du temps, etc.

À cause de mauvaises manipulations techniques sur la plateforme du cours 2011, il n’est pas possible d’en tirer des statistiques et des résultats trop fiables.

2.3.3.2-Situation actuelle et perspectives pour une 4e édition du cours 2012-2013

Cette troisième édition du cours (2012) a été pleine de contraintes. Tout d’abord, un des deux tuteurs habituels a lâché prétextant trop de travail, peu de rémunération et de reconnaissance du labeur de tuteur et du temps qui doit être consacré au cours. Précisons que les heures de tutorat ne sont pas payées, seules les heures en présentiel sont rémunérées, comme un cours normal à l’Alliance. D’autres deux tuteurs(42) ont été recrutés (ce qui n’a pas été facile), étant également très occupés avec d’autres fonctions à l’Alliance, et devant assumer le rôle de tuteurs sans avoir eu de formation sur ce cours, son fonctionnement et les pratiques de tutorat adaptées à ce dispositif en concret. Une liste avec les contenus de chaque leçon (objectifs) et les contenus principaux de chaque rubrique a aussi été faite pour aider les tuteurs à mieux préparer leurs séances présentielless, pour évaluer les exercices de production des apprenants (et pour aider les apprenants à mieux contrôler leur apprentissage) en leur économisant le temps de connexion et de navigation. Un espace pour les professeurs a été incorporé (par la tutrice-éditrice du cours) dans la leçon de bienvenue, mais faute de temps et à cause des problèmes d’accessibilité au site, ils n’ont pas pu étudier les matériels qui leur auraient permis de s’acclimater plus vite à la plateforme et au cours. Ces informations et d’autres indications, suggestions leur ont été envoyées par le tuteur ayant une certaine expérience et connaissance de la plateforme. Faute de temps, de problèmes techniques, et de motivation, un des tuteurs n’a jamais trouvé le moment de les étudier. Pour donner un exemple illustrant la situation, un enseignant qui allait devenir tuteur pour la première fois, s’est vu avec le tuteur qui avait déjà travaillé avec ce cours (pour comprendre la manipulation de base de Moodle), deux jours avant la première séance présentielle où les tuteurs étaient censés manipuler Moodle devant les apprenants, ainsi que leur expliquer comment fonctionnait cette plateforme. Tour au long du cours aucune question sur le fonctionnement n’a été posée aux autres deux tuteurs. Malheureusement, la Direction de l’Alliance n’a pas fait de suivi du travail des tuteurs, ne leur a exigé aucune responsabilité et n’a pas indiqué officiellement de se subordonner à un responsable (ou super-tuteur), anarchie que n’est culturellement conseillable ni pour les enseignant ni pour les apprenants.

D’autre part, l’informaticien qui avait accompagné l’Alliance depuis la naissance du projet avait été remplacé au début de la rentrée. La nouvelle technicienne (Paula Ardanza) a dû, étudier notre version de Moodle, ses fonctionnalités, les objectifs du cours, les besoins des tuteurs et des apprenants, et les contraintes locales qui nous amènent à faire des changements et des adaptations constantes. Elle est entrée finalement en contact avec la seule personne à l’AF qui savait manipuler cette version de la plateforme et le cours (le concepteur étant parti vivre à l’étranger et l’ancien responsable ne s’occupant plus de ce projet) un peu tard, mais leurs horaires de travail ne coïncidaient pas, ce qui n’a pas beaucoup facilité le travail pour la remise en route du cours. De plus, les ordinateurs de l’AFH et le serveur ont été reformatés, alors il a fallu tout réinstaller, rétablir des liens, récupérer des fichiers, etc. Cela s’est traduit par des problèmes d’accès à la plateforme et des problèmes ponctuels de disfonctionnement tels que l’accès à des forums, la possibilité de faire des corrections par groupes, de permissions pour les tuteurs, etc. Pour donner une idée, une semaine avant le commencement du cours, les tuteurs ne pouvaient pas accéder à la plateforme. D’autre part, à cause peut-être d’autant de contraintes pour cette troisième édition du cours, l’Administration de l’AFH a montré une certaine réticence à la réouverture d’une nouvelle édition de la FOAD, qui a commencé (contre toutes les suggestions faites par les deux tuteurs et la stagiaire qui avait évalué le cours) au mois de février avec trois tuteurs et 77 apprenants, distribués dans trois groupes. Comme pour les éditions précédentes, 4 jours après le lancement de l’annonce la liste d’inscription était déjà pleine. Une enquête menée auprès des apprenants inscrits a révélé que les problèmes techniques et de connexion pourrait être la principale cause d’abandon du cours pour le 51% des apprenants.

Figure 2-4 : Graphique question 6, questionnaire 1-apprenants

Une fois commencé le cours, quelques apprenants étaient involontairement redirigés vers d’autres sites cubains et d’autres avaient des problèmes pour entrer à la plateforme, ce qui a été solutionné par l’équipe de techniciens du MINED. Pour combler le tout, le logiciel de support (PHP) des serveurs (du MINED) qui hébergent la plateforme du cours ont été actualisés (vers PHP 5.3.7). La version de la plateforme que nous utilisions (1.9.3) n’a plus été compatible, donc cela a obligé à l’informaticienne à migrer (d’abord localement) le cours vers d’autres versions plus récentes de Moodle (2.1). Cependant, durant le processus de migration vers la version 2.1 de Moodle, on a constaté qu’il n’était plus possible de récupérer les exercices faits avec HotPot (367). Quelques jours après on a constaté qu’ils pouvaient être récupérés mais que ce processus devait être fait manuellement à savoir un à un. Compte tenu des problèmes de connexion (lenteur, instabilité) il n’a pas été évident de faire des tests avec toutes les versions possibles de Moodle pour voir laquelle étant compatible avec le PHP5.3 chargeait automatiquement les exercices HotPot. Après des analyses rigoureuses et des aides précieuses avec le téléchargement de différentes versions de Moodle, nous avons trouvé une version intermédiaire (entre la version 1.9.3 et la 2.0) : la 1.9.7. Mais nous avons eu peur de commencer la migration au milieu d’un cours déjà commencé. Des recherches sur Internet nous ont révélé une solution technique qui nous permettait de garder la version de Moodle 1.9.3 en la rendant compatible avec le PHP 5.3. Malheureusement, cette solution temporaire, impliquant des transformations, a permis l’accès sur la plateforme mais a abimé certains composants/ fonctionnalités et rendait invisible d’autres, ce qui a impliqué de tas des messages des apprenants se plaignant de ne pouvoir faire, voir ou ouvrir des fichiers, des HotPot., des vidéos. Quelques vidéos ont dû être récupérées/réparées manuellement (transformées au format Flash), de même pour certains exercices Hot Potatoes. Finalement, il y eu une certaine stabilité (très relative) de l’accès à la plateforme et du fonctionnement de ses composants. Mais ce processus tortueux a eu comme conséquence le découragement de tuteurs et d’apprenants, et l’abandon du cours par une bonne quantité d’étudiants.

Le temps que tous ces événements ont consommé a empêché de travailler sur l’amélioration du cours, et la mise en pratique des quelques solutions proposées à l’occasion du mémoire de la stagiaire et à la suite de l’expérience vécue par les tuteurs. Par ailleurs, les problèmes techniques et le nouveaux calendrier a impliqué que (ce cours), les apprenants ont eu moins de temps que jamais pour :

-se familiariser avec l’environnement, -apprendre à manipuler la plateforme,
-aborder les contenus, -faire les exercices autocorrectifs,
-se mettre d’accord pour former les binômes,
-réaliser les activités de production et les tâches (et poster leurs productions sur la plateforme),
-passer d’une leçon à l’autre,
– interagir avec d’autres apprenants et avec les tuteurs.

Les tuteurs, de leurs côtés, ont eu très peu de temps pour :

– se familiariser avec l’environnement,
– apprendre à manipuler la plateforme,
-connaître les objectifs du cours et les particularités de la correction à distance,
-répondre à des messages, envoyer des messages personnalisés, d’autres messages collectifs sollicitant la participation, encourageant,
-avoir une présence active sur les forums et les animer, enfin pour mettre en oeuvre un tutorat proactif.

Il faut ajouter à cela, que pour des raisons techniques concernant le serveur national du MINED, et parfois des problèmes de configuration de la propre Alliance, finalement on n’arrive même pas à savoir, un composant de la plateforme a été excessivement instable tout au long du cours : WYSIWYG. Cela a rendu impossible l’édition et personnalisation des messages et des corrections, et a porté atteinte contre l’expression des émotions donc contre l’implication émotionnelle des apprenants.

Concernant les cours présentiels, rien de plus positif. Quelques séances ont dû être supprimées ou plutôt décalées à cause de problèmes d’organisation de l’Administration de l’Alliance de travaux d’aménagement à l’intérieur du laboratoire multimédia (où avaient toujours lieu les séances d’un des tuteurs et éventuellement celles d’un autre). Une salle ayant un écran, un ordinateur, des hautparleurs et un tableau et étant utilisée pour ce projet depuis l’année précédente, a tout a coup était nécessitée par le service d’action culturelle pour mettre en marche un atelier de théâtre. L’animateur de cet atelier a reconnu ne pas avoir eu besoin de toutes les ressources technologiques disponibles dans cette salle mais d’un espace pour répéter avec sa troupe. Un des tuteurs a supprimé des séances, et décalé quelques autres à sa guise. Malgré tout cela, grâce à des efforts du personnel du secrétariat et de la Directrice des cours de l’Alliance, grâce à la constance de quelques apprenants et des tuteurs, à la ténacité et la persévérance de deux tuteurs principalement et de l’informaticienne, le cours est arrivé à la fin.

Voici quelques chiffres permettant d’établir une comparaison.

Figure 2-5: Résultats en chiffres de la troisième édition du dispositif

10 Pour avoir un bref panorama historique de l’enseignement du FLE à Cuba lisez l’Annexe 22
11 Les films sont exhibés dans toutes les municipalités des 15 provinces du pays entier, une programmation spéciale pour les enfants est aussi prévue. En 2011, Cuba a gagné le 1er lieu à l’Australie www.ambafrance-cu.org/Isabelle-Huppert-invitada-de-honor
12 Pour connaitre la situation actuelle de l’enseignement-apprentissage du FLE à Cuba consultez l’Annexe 25
13 Pour connaître davantage sur la distribution des niveaux, les cours proposés à l’Alliance et leur correspondance avec les examens DELF DALF correspondants jusqu’au cours 2011-2012. Voir l’Annexe 23, tableau illustratifs 2
14 L’AF est le seul centre d’examens à Cuba pour les diplômes internationaux français.
15 Centre international d’études pédagogiques.
16 Français sur Objectifs Spécifiques.
17 Chambre de commerce et d’industrie de Paris.
18 Pour savoir plus sur la correspondance entre l’ancien niveau et le nouveau système, à savoir durée des cours, niveaux, examens DELF-DALF qui leurs correspondent, veuillez consulter l’Annexe 23, tableau illustratifs 3.
19 Cela constitue le résultat d’une politique éducative et culturelle menée par la Révolution.
20 Pour connaître davantage sur les antécédents historiques des NTIC au service de l’enseignement, sur le contexte actuel, ainsi que sur les NTIC appliquées à l’enseignement du FLE à Cuba, veillez consulter l’ANNEXE 24.
21 Pour en savoir davantage consultez le mémoire de Master1 de Marill, E (2012), référencié dans la bibliographie de ce travail
22 Adriana Borrero
23 Tableau créé par l’auteure de ce mémoire (pour le dossier évaluatif de la matière TIC et FLE). Au moment de la rédaction de ce mémoire, il n’a pas encore été soumis à la Direction de l’Alliance française pour une éventuelle validation ou l’approbation de sa diffusion.
24 Pour en savoir d’avantage, veuillez consulter l’Annexe 26
25 Pour en savoir davantage sur la première expérience, consultez le mémoire professionnel (Master 2) de Bérangère Jourdain (2011), référencié dans la bibliographie de ce travail.
26 L’auteur de ce mémoire a été une de tutrices des trois éditions de ce cours à distance, à La Havane.
27 Cela a été corrigé à partir de la 2e édition du cours, par deux professeurs-concepteurs (Emilio Marill et Raquel Pollo).
28 Lire note numéro 21, de bas de page
29 Le Ministère de l’éducation (MINED), le Ministère de l’éducation supérieure (MES) et le Ministère de l’investissement étranger et de la coopération (MINVEC).
30 Pour en savoir plus sur l’accès à Internet à Cuba, les caractéristiques de la connexion, et le service offert par le MINED au projet, consultez le mémoire de Bérangère Jourdain (2010), (pages 28-30) qui est référencié sur la Bibliographie.
31Voir Annexe 1 : Capture d’écran montrant la première structure du cours.
32 Un matériel audio qui renforce la compréhension orale et la phonétique, créé par le professeur de l’AFH Alfredo Montero (Grammairien, Phonéticien, Pédagogue très reconnu dans le contexte du FLE à Cuba).
33 Ce qui serait un signe du manque de la conception du tuteur et de la préconision de ses rôles, pratiques, etc.
34 Encore discrètement actionnelle d’après mon opinion.
35 Voir Annexe 2 et 3 : transformation de la structure et la disposition des contenus du cours
36 Le rapport de l’expertise de Mangenot (Marill, E., Octobre 2009) apparaît dans le mémoire de Jourdain, B (2010. Annexe n°2, p.12 à 18) référencié dans la Bibliographie.
37 Regardez sur l’Annexe 4 la progression pédagogique et la distribution temps-leçons-séances présentielles.
38 Un problème technique d’enregistrement s’est produit les élèves et les tuteurs n’ont plus pu enregistrer leurs phrases à la suite du dysfonctionnement d’un petit logiciel (Audiorecorder), incorporé dans Moodle. Ce logiciel n’a plus été disponible car il avait une date limite de fonctionnement.
39 Les dialogues « Tout va bien » qui ont été supprimés à cause d’un problème de droit d’auteur n’ont pas été remplacés, entrainant un manque qui doit être pallier pendant les séances présentielles.
40 Tous les détails de la conception et méthodologies de ces tâches ont été décrits dans son mémoire, Chapitre IV, pages 39-70.
41 Voir Annexe 5: Liste des activités à corriger/ évaluer par les tuteurs
42 Hector Garces et Yulian Reyes

Page suivante : 3) Le cadre méthodologique

Retour au menu : Gestion des interactions dans un dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel réduit de l’Alliance française de La Havane