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2- les effets de la délégation

Il est incontestable que la délégation est faite pour garantir la continuité de l’État en général et l’institution qui représente le pouvoir exécutif qui se soit la présidence de la république ou la royauté. La continuité est « de l’essence du service public »(108).

La délégation comme prévue par l’article 87 représente seulement un moyen d’allègement des charges de président de la république et non pas une solution pour pallier l’absence du chef de l’Etat lors de l’existence d’un empêchement qu’il soit provisoire ou total.

Dans le même sens, en cas d’empêchement provisoire du chef de l’Etat certaines constitutions arabes interdisent la délégation de certains pouvoirs au premier ministre : il s’agit des attributions qui restent exclusifs au chef d’Etat .

Dans le monde arabe il y’a des constitutions qui ont choisi la délégation comme technique de remplacement du chef de l’Etat(109). Parmi ses Etats on cite l’exemple égyptien.

L’article 82 de la constitution dispose que « Au Cas où le président de la république serait empêché provisoirement d’exercer ses pouvoirs au vice président de la république ».

Cet article qui règle la question de la délégation soulève (comme dans les Etats du Maghreb) des remarques : La première remarque : est qu’il ne donne pas des limites dans le temps comme c’est le cas pour l’article 56 de la constitution tunisienne.

La deuxième remarque : Consiste a ce que la constitution égyptienne – comme celle de la constitution d’Algérie et de la Tunisie – n’oblige pas le président à déléguer le premier ministre même en cas d’existence d’un empêchement provisoire ce qui parait étrange.

La troisième remarque est que le président égyptien comme le président tunisien sont libres de déléguer toutes les attributions en absence de restrictions.
De ce point de vue, l’article 56 de la constitution ainsi que l’article 87 de la Constitution égyptienne semblent flous et manquent des précisions pour prévoir les incidents qui affectent le chef d’Etat même et qui posent dans tout son ampleur le problème de la continuité exécutive

Ainsi si un événement exceptionnel affecte le président il n’ya personne qui est habilité à réagir. La lacune de l’article 56 de la constitution tunisienne ainsi que la constitution algérienne est que la décision de la délégation en cas d’empêchement provisoire peut être parfois impossible à réaliser : l’empêchement peut se produire de façon brusque de telle sorte que le président de la république ne trouve pas assez de temps pour décider la délégation conformément à la constitution. Certains auteurs voient que « l’article 56 de la constitution règlemente le problème en prévoyant la mise en place de la délégation et non pas de l’intérim ».(110) On constate que la délégation a un point faible : celui de l’automaticité du remplacement en cas d’empêchement. Le chef de l’Etat peut être empêché et certains des ces empêchements ne peuvent pas être connus à l’avance. Le chef de l’Etat peut être malade sans qu’il puisse signer le décret de délégation. C’est un inconvénient qui attire l’attention.

Les constitutions des pays de Maghreb doivent être claires concernant cette matière .on peut dans ce sens remplacé la technique de la délégation par une autre qui semble plus efficace c’est la « suppléance ».

On peut considérer qu’il faut mieux recourir à la suppléance puisque « dans la suppléance, une règle prévoit qu’en cas d’empêchement ou vacance d’une autorité, la compétence ou une partie de la compétence de cette autorité sera exercée par un suppléant désigné par sa qualité par la même règle ».(111)

Plusieurs auteurs tunisiens et français sont pour la suppléance dont M. Yadh ben Achour qui est pour la suppléance qu’il juge plus efficace que la délégation. Certains auteurs considère qu’elle est « meilleure pour assurer la continuité de la marche de services publics »(112).

Pour ce qui est de l’exemple français, on considère que « plusieurs auteurs français, soulignent que le procédé de remplacement est l’intérim en se basant sur la terminologie employée par la constitution, par contre, la suppléance doit être réservée selon eux, à l’hypothèse de l’absence momentanée du président de la république ».(113)

La suppléance figure dans les constitutions arabes d’une manière explicite telle que dans l’article 60 de la constitution tunisienne qui dispose que « le premier ministre dirige et coordonne l’action du gouvernement. Il supplée, le cas échéant, le président de la République dans la présidence du conseil des ministres ou de toute autre conseil ».

On parle de suppléance si un empêchement quelconque arrive au détenu de pouvoir original, un autre lui substitue de plein droit.
Ainsi « l’article 83 de la constitution (égyptienne) constitue une suppléance et non pas une délégation).

La suppléance en outre, se fait en cas d’absence dans des situations imprévisibles à l’encontre de la délégation qui se fait seulement par l’approbation de délégant »(114).

La constitution du Maroc ne reconnait pas la question de l’empêchement du chef de l’Etat, il en résulte qu’elle ne règle pas la délégation .il parait nécessaire qu’elle adhère à une des deux méthodes (délégation ou suppléance) pour que le royaume ne tombe pas dans une situation de vide qui peut provoquer une guerre de succession. La suppléance parait la solution la plus avantageuse à la quelle le Maroc doit adhérer.

La suppléance joue de plein droit et couvre tous les attributions à l’encontre de la délégation qui doit être mentionné par la constitution et faite par un décret et ne couvre en principe qu’une partie seulement des pouvoirs.

Le point commun entre les deux réside dans le fait qu’elles sont des procédures de remplacement.

En tous cas, la délégation permet à une autorité de transférer ses attributions à une autre pour que le service continue à fonctionner et éviter la rupture.
Ce transfère répond à une nécessité politique et une utilité certaine « car si toute délégation de compétence était interdite ; les accidents qui peuvent atteindre le fonctionnaire, les absences qu’il peut être autorisé à faire …risqueraient de paralyser la fonction elle-même et la marche du service public »115

La délégation touche des institutions constitutionnelles donc l’habilitation doit être mentionné et bien encadré par les constitutions. On peut tirer une conclusion que toute délégation faite sans base constitutionnelle est illégale dont l’exemple tunisien.

Il est à noter que la constitution tunisienne n’a pas prévu dès le début la technique de délégation. On rappelle la délégation de signature faite au profit de M. BOURGUIBA le 29/07/1957 par l’ANC. La délégation été encadrée par la suite après la proclamation de la république.

la délégation a été connue après la république en 17/11/1969 par décret. En fait ce décret a confié au premier ministre « la direction des affaires en cas d’absence de président de la république ».

Ce décret est irrégulier puisque la constitution tunisienne n’habilite pas le président de la république à déléguer ses attributions quel que soit les circonstances. En faite « il est certain, que les circonstances étaient bien particulières et le pays était menacé de se trouver sans chef d’Etat. Pour assurer la continuité, le chef d’Etat a commis une irrégularité et après tout et quoi qu’on fasse, mieux voudra une inconstitutionnalité qu’un blocage des pouvoirs publics »(116).

Le problème d’irrégularité est réglé par la suite par la révision constitutionnelle du 08/04/1976(117) qui a permis finalement au chef de l’Etat de déléguer ses attributions en cas d’empêchement provisoire.

La constitution algérienne est la seule parmi les constitutions des pays de Maghreb qui désigne les matières qui peuvent être délégués par le président de la république à son premier ministre.

La constitution tunisienne a vraiment besoin d’éliminer toutes les lacunes qui touchent la matière et désigner clairement les matières qui peuvent être délégués ainsi que celle qui restent des matières exclusives au président de la république.

La délégation se termine par deux manières : d’abord si le chef de l’Etat reprend son poste ou par l’empêchement définitif du chef de l’Etat.
La constitution tunisienne ne donne pas de solution quand à l’hypothèse de l’empêchement du premier ministre qui peut coïncider avec l’empêchement de président de la république.

De ce fait l’empêchement du premier ministre devient plus grave que l’empêchement du chef de l’Etat lui-même puisque aucune autorité n’est habilitée par la constitution à le suppléer. Cette hypothèse qui parait théorique peut être réalisé surtout quand on rappelle que la Tunisie l’a vécu entre le 30 septembre et le 15 octobre 1980 ou’ le chef de l’Etat ainsi que son premier ministre sont partis à l’étranger pour se soigner ce qui a menacé la sécurité et la stabilité de pays(118).

En fait, déléguer au premier ministre ou’ a n’importe quelle autre autorité toutes les prérogatives confiés au chef de l’Etat original soulève des nombreux inconvénients :

D’abord il y’a des prérogatives qui ne peuvent être exercées que par le chef d’Etat tel que les propositions de référendum, la dissolution du parlement. Ainsi le fait de laisser le premier ministre jouir des ces prérogatives cela risque de se transformer en une arme entre ses mains pour « violer » le pouvoir.

Ensuite, il y’a presque une unanimité entre les auteurs a considéré que la délégation ne peut être que partielle.

Par contre, le fait de ne pas bénéficier le premier ministre de toutes les prérogatives confiées normalement au chef d’Etat risque de le rendre incapable de résoudre les problèmes qui peuvent naitre dont les catastrophes naturelles, les menaces de guerre ainsi que les attaques terroristes ou même des perturbations sociales.

Cette dernière idée parait la plus utile et aussi convaincante, mais, la délégation doit être une mesure exceptionnelle et temporaire. Ainsi, la constitution tunisienne a vraiment besoin de faire une réforme qui met clairement des limites dans le temps à la délégation et qui trace de nouveau les matières qui peuvent être délégués dans des circonstances exceptionnelles comme c’est le cas de l’empêchement provisoire et quelques soit la cause de cet empêchement.

A coté de la délégation qui est une technique de remplacement du chef de l’Etat en cas d’empêchement provisoire, on passe à l’examen d’une autre technique qui permet le remplacement du chef de l’Etat au cas où’ il est empêché définitivement de poursuivre ses missions, il s’agit de l’intérim.

108-La ferrière « traité de la juridiction administrative » T II p 500.
109- dont l’exemple de la Tunisie, Algérie et Egypte.
110- BEN ACHOUR (Yadh) : « les fonctions de délégation en droit public tunisien » R.T.D.1976, p 99.
111- BEN ACHOUR (Yadh) :op.cité p 86
112- Midoun (Mohamed) op.cit. p 86.
113- voir ROSETTO (Jean) : les institutions politiques de la France, ARMOND COLIN 1994, p 61-63.
114- بسيوني(عبد الغني) أصول علم الإدارة العامة. دراسة لأصول و مبادئ علم الإدارة العامة في الإسلام والولايات المتحدة الامركية و فرنسا ص 292
115–MIDOUN (Mohamed) op. Cit . p 30.
116- MIDOUN (Mohamed) op.cit. p55.
117- Durant la période évaluant entre 1969 et 1976 date de réforme constitutionnelle toutes les délégations sont considérés comme illégales. BOURGUIBA à décider enfin le 8 avril 1976 à faire une réforme qui va corriger le problème même avec un peu de retard.
118- le président BOURGUIBA été obligé de partir se soigner en Allemagne et aussi le premier ministre .le vide est installer et la situation de crise été sur le point de se créer surtout au début de mois d’octobre 1980.

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