Effectivement, si les femmes ne constituent pas une classe sociale, leur genre en font, elles aussi, des victimes de l’exploitation, de l’oppression : « La femme sert toujours de double exploitée, et, seule, une société ne recherchant pas le profit mais l’épanouissement des individus pourra supprimer cette injustice »21. Le qualificatif de « double exploitée » est ici intéressant car il induit le fait que les femmes ne sont pas uniquement victimes de l’exploitation capitaliste, telle que nous la définirons dans le chapitre consacré aux exploiteurs. Non, il y a là l’existence d’une autre exploitation, expliquée comme suit par Voie Ouvrière : « La femme a conquis sa liberté à partir du jour où elle a commencé à travailler et non plus à dépendre de l’homme, à attendre le mari pour se libérer de ses parents »22. De la même manière elle deviendra l’égale de l’homme le jour où sera détruite la société capitaliste et où une société nouvelle, qui, l’aidant à élever ses enfants, lui permettant sans discrimination de faire les mêmes choses que l’homme, sera construite. Mais, pour cela, pour que cela change, il faut qu’elle veuille voir cesser sa double exploitation de femme et de salariée, en s’organisant et en participant à la lutte pour l’émancipation de tous les travailleurs »23. La femme subit donc non seulement la même exploitation que les prolétaires, ainsi que nous venons de le voir, mais également une exploitation par l’homme, une exploitation de genre, qui peut se décliner, selon les époques, par une pléthore de possibilités : exploitation par le père, exploitation par le mari, exploitation par le frère, etc… Il y a là quelque chose d’intéressant, car ce thème de la « double exploitation » nous enseigne que l’exploitation ne dépend pas uniquement de la condition sociale de l’exploité(e), mais peut aussi reposer sur un autre facteur, celui 19
du genre. Ainsi, en plus de subir l’exploitation des prolétaires, l’ouvrière est également condamnée, parce qu’elle est une femme, à dépendre de l’homme qui lui est le plus proche dans sa famille, et à lui obéir. Ce n’est pas pour rien si la lutte des classes « commence dans la famille24 », ainsi que l’ont déclaré Marx et Engels. Ces derniers sous-entendent, et notre démonstration appuie leur propos, que l’exploitation des oppresseurs n’est pas uniquement économique, mais culturelle.
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